[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.] °203 M. Hébrard, secrétaire , donne lecture d’une lettre du ministre de la marine , ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Quoique le décret du 10 mars, qui prescrit aux régi-sours des vivres de la marine de rendre leurs comptas, ne soit pas encore sanctionné, je ne mets nas moins d’empressement à vous donner les détails gé éraux des recettes et dépenses qu’ils ont faites depuis 1776 jusques et y compris 1789. « J’avais fort à cœur que l’exercice de 1790 y fût é-alement compris; mais les régisseurs n’ayant pu recevoir encore toutes les pièces que les ports ont à fournir, ils ont préféré redoubler de zft'e, a f 1 * de présenter tout le travail qu’il leur a été i oss>b!e de faire, sauf à envoyer partiellement le compte de 1790, aussitôt qu’ils en auront la facilité. « Il y a, Monsieur le Président, à la suite de ces états, 1079 pièces et 360 comptes de caisse; comme cela formerait une masse trop considérable pour être présentée à l’Assembêe nationale, j’ai pensé qu’elle en approuverait la remise à s m comité de marine, qui doit être chargé d’en faire l’examen, à moins qu’il ne leur paraisse préférable de les faire examiner sans les déplacer. « Je suis, Monsieur le Président, etc. « Signé : DE Fleurieu. » (L’Assemb’ée ordonne le renvoi de cette lettre à son comité de marine.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MONTESQÜIOU. Séance du samedi 19 mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes: La société des amis de la Constitution, séant à Chezy-l’ Abbaye, prie l’Assembêe nationale de s’occuper, sans retard, de l’organisation et armement des parties nationales. Les administrateurs composant le directoire du département des Bouches-du-Rhône annoncent que tous les fonctionnaires publics, à l’exception d'un S‘Ui, ont prêté le serment civique. L' assemblée électorale du département du Rhône demande (et dit que tel est le vœu de tout-s celles du royaume) que les électeurs soient justement indemnisés de leur voyage et séjour dans le lieu de I.» séance électorale. La Société des amis de la Constitution , séant à Guerrande , dénonce une feuille incendiaire, ayant pour litre: Correspondance générale des départements de France. La commune de Clermont-Ferrand fait part à l’Assemblée des fêles qui ont eu lieu en cette ville, sur l’iuvna ion des officiers municipaux, à l’occasion et en réjouis-ance de la convalescence du roi ; elle ajoute que les corps administratifs et judiciaires ÿ ont assisté, ainsi que le bataillon des chasseurs d’Auvergne, les gardes et gendarmerie nationales. Les volontaires de Saint-Marc annoncent à l’Assemblée que le calme est parfaitement rétabli dans cette partie des colonies. Les gardes nationales de la ville de Dôle se justifient du fait qui leur avait été imputé, d’avoir forcé les ecclésiastiques à monter la garde; ils font hommage à l’Assemblée de leur respect et de leur soumission à la loi. M. Bailleul. Messieurs, je suis chargé de vous annoncer, de la part du directoire de district de Belesme, département de l’Orne; 1° Que 61 fonctionnaires publics ont prêté le serment pur et simple; 2° Que les quatre premières adjudications de biens nationaux évaluées à 131,304 livres se sont élevées à 277,070 livres; 3° Que M. Porier, curé de Saint-Germain de la Gondre, président du district, a présidé à la première séance d’adjudication définitive: 4° Que quantité de curés ont fait leurs soumissions pour l’acquisition des biens composant anciennement le domaine de leurs cures, et que plusieurs s’en sont déjà rendus adjudicataires; 5° Que 1rs fonds pour l’acquit des salaires dus aux ecclésiastiques fonctionnaires publics, ayant subitement manqué à la caisse du district, M. Du-frénay, chevalier de Saint-Louis, ci-devantseigneur de Bella-Yüliers, et commandant en chef de la garde nationale de Belesme, a sur-le-champ déposé ès mains du receveur, sans en vouloir de récépissé, la somme de 10,000 livres, à condition qu’elle ne sera employée qu’au payement des fonctionnaires publics qui auront prêté leur serment suivant les formes; ce qui a été ponctuellement observé. Il est difficile de compter les actes de patriotisme de M. Dufré tay, qui, quoique n’ayant qu’une fortune médiocre, a contribué de 5,400 livres au rôle de la contribution patrio-t:que, et s’est libéré en un seul payement. {Applaudissements répétés.) (L'Assemblée décrète qu’il sera fait mention honorable au procès-verbal de l’acte de patriotisme de M. Dufrénay.) M. Palasnc de Champeaux. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée nationale que, sur le refus de l’évêque de prêter serment, les électeurs du département des Côtes-du-Nord viennent de lui donner pour successeur M. Jacob, recteur de Lannebert. L’élection de ce digne ecclésiastique, recommandable par ses mœurs, ses talents, son patriotisme et son attachement inviolable à la religion et à la Constitu’.ion, a excité les plus grands transports ; et mardi, jour de son installation, il a emprunté sur ses propres biens une somme assez forte qu’il a versée dans la caisse des pauvres ; car, quoiqu’il jouisse d’un patrimoine assez eonsidérableet d’une très bonne cure, sa charité le met souvent dans le cas de manquer du simple nécessaire. Je prie Monsieur le Président de vouloir bien demander à l’Assemblée qu’elle fasse meutionau procès-verbal de cette nomination. (dette motion est décrétée.) Une députation des maîtres et maîtresses de pension et des petites écoles de Paris est introduite à la barre. (1) Celle séance est incomplète au Moniteur. 204 119 mars 1791. | |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L'orateur de la députation dit : « Messieurs, déjà presque tous les corps de la capitale sont venus successivement offrir leur hommage aux représentants de la nation. La crainte d’interrompre des travaux précieux à tout l’Empire français a retenu, jusqu’à présent, dans un silence respectueux, plus de 500 familles dévouées depuis longtemps à l’institution de la jeunesse. Aujourd’hui que le bonheur général va couronner la glorieuse et pénible carrière de l’auguste Assemblée, ces mêmes familles demandent à élever la voix au pied de l’autel de la patrie, pour y payer le juste tribut de l’admiration et de la reconnaissance. « Après avoir aplani les inégalités monstrueuses de l’ancien gouvernement, vous allez, Messieurs, vous occuper de nous donner un plan d’éducation vraiment nationale, fondé sur ces principes qui sont la base et la sagesse de vos décrets. Quenoussentonsbientoutleprixdece travail, toute l’importance de nos fonctions et de nos devoirs! Autrefois nous étions obligés de ne former que des sujets ; et dans cet âge où l’esprit, comme la cire, prend toutes les impressions, nous ne leur aurions dit qu’en tremblant : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Maintenant, Messieurs, notre sphère s’estagrandie: d’après vos lois, nous élèverons donc des hommes, nous ferons donc des citoyens, des heureux! Nous leur donnerons donc enfin l'attitude imposante de l’homme qui sent sa dignité ; de l’homme quine trouve autour de lui ni maîtres, ni esclaves. Nous leur inspirerons une religion sans fanatisme et sans superstition; une morale douce, humaine et bienfaisante; un amour invincible de la patrie ; une soumission parfaite pour Jes lois émanées de l’Assemblée nationale; et enfin, un attachement inviolable pour un roi restaurateur de la liberté française. Nous ne puiserons plus dans l’antiquité, pour y trouver des exemples de dévouement, de vertu et d’héroïsme. C’est au milieu de ce Sénat auguste, c’est là que nous montrerons à nos élèves les Lycurgue et les Solon ; et nous leur dirons que ce n’est que par les vertus civiques qu’ils conserveront à leur postérité le bienfait d’une Constitution libre, établie par la vertu, et dont la vertu seule peut maintenir la force et assurer la durée. « Nous avons déjà mis, Messieurs, entre les mains de nos élèves, le catéchisme de la Constitution française, avec un parallèle de leurs droits et de leurs devoirs. Oui, Messieurs, nous formerons une génération digne de vous, de la liberté et de la Constitution. Que nos serments en soient les lidèles garants. Nous jurons (et nous demandons à le jurer officiel ement et comme fonctionnaires publics), nous jurons d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi, et d’élever dans ces principes la jeunesse qui nous sera confiée. ( Applaudissements .) « Signé : Les maîtres et maîtresses des petites écoles qui ont nommé pour porter la présente adresse: MM. Le Chevalier, président; Rouiileau, secrétaire; Patris, Goussu,Che-melat, Gharvet, Vappereau, Varangue, Le Bœuf, Lesbos, Gourdault, Duverger, De-vergie, Plongenet, Lambert, Morisot-Barbe, Coudroy, Lepitre, bourgeois. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale a rendu à l’homme sa dignité première, en lui faisant connaître ses droits. Elle en applaudit d’autant plus au travail qui a pour but de faire connaître aux hommes leurs devoirs, de les leur faire aimer, et de rendre faciles tous les sacrifices que la patrie commande. Le grand art de former des citoyens, e< t art qui ne pouvait recevoir son développement et sa perfection que chez un peuple libre, sera bientôt l’objet des travaux de l’Assemblée nationale. Votre zèle lui promet des coopérateurs fidèles et vous assure des droits à sa bienveillance. L'Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » (. Applaudissements .) Plusieurs membres demandent l’impression du discours de la députation et de la réponse de M. le Président. (Cette motion est décrétée.’) L’ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur le classement qui doit déterminer V évaluation rectifiée des procureurs dans les divers tribunaux du royaume. M. Tellier, au nom du comité de judicalure. Messieurs, avant de présanter à l’Assem lée nationale le classement destiné à recitfier l’évaluation des procureurs, et assurer le remboursement du titre de leurs offices sur le pied de cette rectification, le comité de judicature croit devoir rappeler les décrets qui ont ordonné cette mesure préliminaire, et justifier par quelques réflexions la forme dans laquelle il a procédé à ce travail. Il n’est plus nécessaire d’établir aujourd’hui que le remboursement des offices ministériels, sur le pied de la finance effectivement versée dans le Trésor public, n’eût offert, à la plupart d’entre eux, qu’un remboursement tout à lait illusoire. Toutes les fois que l’Assemblée a pu reconnaître des bases moins ruineuses pour tous les officiers de justice, elle n’a pas balancé un moment à renoncer à celle-là. On sait encore que le remboursement, d’après l’évaluation sèche, faite en exécution de l’élit de 1771, aurait été presque aussi préjudiciable à un grand nombre de procureurs, si 1 Assamblée ne s’était pas occupée des moyens de rendre cette loi moins frustratoire pour eux. M. d’André. Monsieur le Président, il est impossible de délibérer, quand il y a cinq cents étrangers dans la salle. M. Tellier, rapporteur , continuant la lecture de son rapport : Cependant, à moins de n’avoir aucun mode certain de liquidation, à moins d’errer sans guide dans une opération dont la direction ne don pas être arbitraire, il était indispensai le de ne pas abandonner entièrement les dispositions de cet édit, qui a déjà servi de règle pour la liquidation de tous les antres offices du royaume, soumis à l’évaluaiion. Il est, comme on a eu lieu de le dire dans h s précédents rapports, un véritable cou-irat enire l’Etat et les titulaires; contrat qui, au moment des suppressions prononcées par l’Assemblée nationale, avait près de vingt ans d'exécution. C’est pour cela que l'Assemblée nationale a cru devoir l’adopter pour déterminer le remboursement des offices dont le prix a été fixé d’après cette loi. Mais, sur les représentations du comité de judicature, elle a remarqué qu’une ILule de procureurs avait eu la faculté d'acheter et de vendre le titre de ses offices beaucoup au delà