348 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.; Au même, comman-Art. 3. Les traitements ci-dessus fixés, tant pour les officiers généraux et particuliers commandant les bâtiments de guerre que pour la nourriture des personnes qu’ils sont obligés d’admettre à leur table, ne seront susceptibles d’aucun supplément, et seront réduits d’un quart pendant le séjour des vaisseaux et autres bâtiments de guerre dans les rades de France, après l’armement seulement, ladite réduction ne pouvant avoir lieu pour le désarmement dont la durée ne pourra excéder le nombre de jours fixé par l’ordonnance. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. M. Gaultier de Biauzat. Nous ne connaissons point encore assez cette matière pour pouvoir prendre un parti. Il y a actuellement sous presse un ouvrage dans lequel on se propose de prouver que les dépenses de la marine sont beaucoup trop considérables. Sans connaître cette partie, je trouve très surprenant de voir le traitement des officiers des différents grades se répéter à chaque article. J’avais cru d’abord qu’on ne donnait, par exemple, au vice-amiral commandant en chef, que 120 livres de traitement, que parce qu’il était chargé de nourrir les autres officiers ; mais je vois ensuite le lieutenant-général commandant en chef avoir 90 livres, et j’avoue que cette somme me paraît exorbitante ; peut-être ne ferais-je pas ces réflexions, si je connaissais mieux cette partie, et c’est encore un des motifs qui prouvent que l’ajournement est nécessaire. Je suis d’autant plus fondé à demander qu’on mette de l’évidence dans ces détails, que, de tous les fonctionnaires publics, il n’en est point qui s’enrichissent plus vite que ceux employés dans la marine. J’en connais qui ont fait acquisition de maisons de campagne superbes, et particulièrement aux environs de Toulon. Je persiste donc à demander l’ajournement et l’impression du projet de décret. M. Malonet. Le préopinant n’avait pas besoin de nous dire qu’il De connaissait rien au service de la marine. Il a fait plusieurs questions auxquelles je me crois dispensé de répondre. Je ne conteste pas qu’il soit possible de faire des réductions dans cette partie. Quant à la surprise du préopinant sur ce qu’il voit tous les officiers, dans le même état, pour des sommes qu’il appelle considérables, j’observe ce que tout le monde sait bien, que ce ne sont pas les officiers du même bord. M. Martineau. Puisque le projet de décret ne renferme que des réductions, je crois qu’il faut s’empresser de l’adopter. M. d’Estourmel. H est d’autant plus important de statuer sur le décret proposé par le comité de la marine, notamment sur la partie qui concerne la réduction provisoire des tables des officiers employés, que ces officiers sont au moment de s’embarquer, et qu’il est de toute justice qu’ils connaissent le montant de leurs traitements avant de partir. M. Regnaud ( député de Saint-Jean-d'Angêly). D’après les observations d’un des préopinants, on pourrait croire qu’on donne un traitement à un lieutenant-général et ensuite à un capitaine; c’est qu’il y a un vaisseau commandé par un lieutenant-général, et l’autre par un capitaine, l’un a plus et l’autre moins, suivant son grade. M. le Président met aux voix les trois articles du projet de décret. Ils sont successivement adoptés sans changement. M. le Président. L’Assemblée devait s’occuper vendredi dernier d’un rapport des trois comités réunis, de la marine , des pensions et militaire, sur le mode de rétablissement des pensions supprimées; des circonstances particulières n’ont pas permis que ce rapport vînt en discussion; peut-être l’Assemblée sera-t-elle déterminée, par l’intérêt qu’il présente, à l’entendre aujourd’hui. (L’Assemblée décide que M. Camus, rapporteur, aura la parole.) M. Camus , rapporteur. Vos trois comités delà guerre, de la marine et des pensions réunis, ont eu la satisfaction d’être unanimes sur les principes qui ont déterminé le projet de décret dont je vais vous faire lecture. Pensions de rigueur, pensions d’équité et secours de pure grâce, telles sont les bases sur lesquelles il repose. Voici les articles que nous vous proposons de décréter : Art. 1er. Les personnes qui, ayant servi l’Etat, se trouveront dans les cas déjà déterminés par les décrets de l’Assemblée, des 10 et 16 du présent mois, ou dans les cas qui restent à déterminer d'après les rapports particuliers relatifs à chaque nature de service, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets ; s’ils avaient déjà une pension, mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, la pension dont ils jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par la pension plus considérable qu’ils obtiendront. Art. 2. Les officiers généraux qui, par la nouvelle organisation de l’armée, ne seront pas conservés en activité, seront regardés comme retirés; et il sera établi une pension en faveur de ceux de ces officiers qui, ayant fait deux campagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avaient précédemment obtenu une pension. La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait. Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres pour l’officier général qui aura fait deux campagnes de guerre; elle croîtra de 500 livres, à raison de chaque campagne de guerre, au delà des deux premières ; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres qui est le maximum fixé pour les pensions mentionnées au présent article. Art. 3. Les officiers des troupes de ligne et des troupes de mer qui avaient servi pendant vingt [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.] 349 années dans les troupes de ligne ou dans les troupes de mer, qui avaient fait deux campagnes de guerre ou deux expéditions de mer, dans quelque grade que ce soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec une pension, soit ar suite des réformes faites dans la guerre ou ans la marine, soit à une époque antérieure aux règlements qui seront mentionnés en l’article suivant, jouiront d’une nouvelle pension créée en leur faveur, laquelle ne pourra excéder celles dont ils jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qu’il sera dit en l’article 7. Art. 4. Les personnes qui, n’étant ni dans l’un, ni dans l’autre des cas prévus parles deux articles précédents, auront obtenu, avant le 1er janvier 1790, une pension pour services rendus à l’Etat, dans quelque département que soit, en conformité des ordonnances et réglements faits pour lesdils départements, jouiront d’une nouvelle pension rétablie en leur faveur, laquelle ne sera jamais au-dessus de celles dont elles jouissaient précédemment, mais pourra être au-dessous dans les cas prévus par l’article 7. Art. 5. Les veuves qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements dans lesquels leurs maris étaient attachés à un service public, jouiront de nouvelles pensions rétablies en leur faveur et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que lesdites pensions n’excéderont pas la somme de 3,000 livres, qui sera le maximum des pensions rétablies en faveur des veuves. Les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d’une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur faveur. Art. 6. Les anciens règlements portés sur les pensions ayant, à différentes époques, soumis des pensions à des réductions, converti en rentes viagères des arrérages échus et non payés, suspendu jusqu’à la mort des pensionnaires d’autres arrérages échus et non payés, il est déclaré : 1° Que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n’excéderont pas le montant des pensions anciennes supprimées, s’entend du montant desdites pensions, déduction faite de toutes les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l’année 1789; toute exception aux règlements qui établissent lesdites réductions étant anéantie ; 2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus et non payés continueront à être servies aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement; et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie ; 3° Que les arrérages échus, non payés et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l’Etat et payés comme telles, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu’à ceux qui obtiendront une nouvelle pension. Art. 7. Les pensions rétablies en vertu des articles précédents et dont le maximum n’a pas été fixé ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans ; la somme de 15,000 livres, s’il est âgé de 70 à 80 ans; et la somme de 20,000 livres s’il est âgé de plus de 80 ans. Tout ce qui excéderait lesdites sommes demeurera retranché. Ceux qui ayant servi dans la marine et les colonies auront atteint leur 70e année, jouiront de la même faveur que les octogénaires. Les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l’âge de 70 ans ou de 80 ans, jouiront de la faveur accordée à cet âge. Art. 8. Il ne sera jamais rétabli qu’une seule pension en faveur d’une seule personne, quand même elle aurait servi dans plusieurs départements, et quand même ce dont elle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles. Art. 9. Ceux qui, ayant fait quelque action d’éclat, ou ayant rendu des services distingués di-nes d’une gratification d’après les dispositions es articles 4 et 6 des décrets du 10 de ce mois, n’en auraient pas été récompensés ou ne l’auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée sans espérance de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications. Art. 10. Les personnes qui, ayant droit à une pension ou à une gratification, préféreront aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans l’article 5 du décret du 10 de ce mois, en feront la déclaration, et l’adresseront au comité des pensions, qui en rendra compte au Corps législatif. Art. 11. L’Assemblée nationale se réserve de prendre en considération ce qui regarde les secours accordés aux patriotes hollandais (1) et jusqu’à ce qu’elle ait prononcé sur ce sujet, les secours continueront d’être distribués comme par le passé. Art. 12. Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui se trouvent privées des pensions qu’elles avaient précédemment obtenues, n’auraient pas de titre suffisant pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d’être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de leurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités dont elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de 2 millions réparti et distribué d’après les règles suivantes: 500 portions de 1, 000 liv.; 1,000 portions d e 500 li v. ; 4,001 portions de 200 liv.; 1,332 portions de 150 liv. Les secours de la première classe ne seront donnés qu’à des personnes mariées ou ayant des enfants ; ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées ou ayant des enfants ou sexagénaires. Les secours de la troisième classe seront distribués à toutes personnes qui y auront droit. Art. 13. Les mémoires présentés dans les différents départements par les personnes qui ont obtenus des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l’Etat, ensemble les mémoires que toutes personnes qui prétendent avoir droit aux récompenses pécuniaires jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions, qui les examinera et les vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont été déjà remis. Il sera adjoint au comité six membres pris dans l’Assemblée et choisis au scrutin dans la forme ordinaire, de manière que le comité sera à l’avenir composé de dix-huit membres. Art. 14. Après l’examen et la vérification des états et pièces énoncés en l’article précédent, le comité dressera quatre listes. La première comprendra les pensions à payer sur le fonds de 10 millions ordonné par l’article 14 du décret du (1) Voyez, aux annexes de la séance, le Mémoire des patriotes hollandais. 350 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1790.] 16 du présent mois; la seconde comprendra les pensions rétablies par les articles 2, 3,4 et 5 du présent décret ; la troisième liste comprendra les secours établis par l’article 9; la quatrième liste comprendront les personnes dignes de récompenses établies par l’article 5 du décret du 10 de ce mois, et qui les auront préférées aux récompenses pécuniaires. Ces listes serontprésentées à l’Assemblée à l’effet d’être approuvées ou réformées, et le décret qui interviendra sera présenté à la sanction du roi. Art. 15. Lorsque le décret porté par l’Assemblée aura été sanctionné par le roi, lespensions compri-sesdansla première liste serontpayées sur le fonds qui y est destiné par l’article 14 du décret du 16 de ce mois. A l’égard des pensions et secours compris dans les seconde et troisième listes, il sera fait fonds par addition, entre les mains des personnes chargées du payement des pensions, du montant desdites listes. Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédées dans le cours de l’année précédente ; de manière que lesdits fonds diminuent chaque année graduellement, sans que, sous aucun prétexte, il y ail lieu au remplacement d’aucune des personnes qui auront été employées dans les seconde et troisième listes. Art. 16. Les quatre listes seront rendues publiques par la voie de l’impression, avec l’exposé sommaire des motifs pour lesquels chacun de ceux qui s’y trouveront dénommés y aura été compris. Art. 17. Lespensions accordées commenceront à courir du 1er janvier 1790; mais sur les arrérages qui reviendront à chacun pour l’année 1790, il sera fait imputation de ce qu’on aurait reçu pour ladite année, en exécution du décretdulôde ce mois. M. Martineau. Avant d’adopter aucun décret, je demande que M. le rapporteur veuille bien nous indiquer quel sera le montant total de toutes les pensions. M. Camus. Nous ne connaissons point encore tous les détails pour donner une réponse exacte, mais je crois que la somme nécessaire pour toutes les pensions, y compris les articles d’exception à décréter, ne montera pas à plus de 18 millions. M-de Foucault. Pour gagner du temps on nous en fera perdre beaucoup ; on commence par nous avertir dans le premier article qu’il reste plusieurs cas à déterminer ; ce sont ces cas qu’il est indispensable de nous présenter avant de rétablir les pensionssurdes bases solides ; ce serait mettre la charrue devant les bœufs. M. Camus. Nous avons annoncé des modifications suivant les diverses occupations des personnes. Ces détails ne sont pas encore absolument déterminés ; ils résultent, par exemple, de la manière de compter les années de services, soit en paix, soit en guerre. M. de Foucault. Je persiste dans ma première proposition; je fais mon devoir, j’en suis fâché ; mais nous ne devons pas décréter les conséquences avant de connaître les principes. M. le Président donne une nouvelle lecture de l’article 1M. 11 est décrété en ces termes : Art. 1er «Les personnes qui, ayant servi l’Etat, se trouveront dans les cas déterminés par les décrets de l’ Assemblée, des 10 et 16 du présent mois, ou dans ceux qui restent à déterminer, d’après les rapports particuliers, relatifs à chaque nature de service, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets, s’ils avaient déjà une pension, mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, la pension dont ils jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par la pension plus considérable qu’ils obtiendront. » (L’article 2 est mis en discussion.) M. d’Elbhecq. Vous ne me ferez sans doute pas l’injure de penser que, poussé par l’intérêt personnel, je monte à la tribune pour défendre mes pensions. Lorsque la patrie est en danger, un militaire lui doit, non seulement son sang, mais encore sa fortune tout entière, et à plus forte raison le sacrifice des pensions qu’il tient de sa munificence. .. J’ai quatre réflexions à présenter à l’Assemblée sur l’article 2. J’observerai d’abord. que les officiers généraux ne sont jamais regardés comme retirés du service, et que tel officier général, qui n’a pas été employé cette année, le sera peut-être l’année prochaine. En effet, supposons que, d’après le plan du ministre, la nouvelle organisation de l’armée exige 94 officiers généraux, comment remplacerez-vous ceux qui pourraient mourir ou quitter? Fera-t-on une promotion anticipée, tandis qu’il vous restera une foule d’officiers généraux, dont un grand nombre ont des talents et assez de santé pour servir encore longtemps? Vous trouverez, sans doute, plus juste et plus économique d’employer d’anciens officiers généraux qui ont bien servi, qui désirent de servir encore, et dont vous payez l’inactivité. Je demande donc que le second article soit rédigé ainsi : « Les officiers généraux qui seront employés jouiront des appointements qui leur seront attribués, et il sera établi une pension en faveur de ceux de ces officiers qui, etc. » — Seconde observation. Les régiments allemands, irlandais et italiens ont des capitulations particulières. Il est de toute justice de les suivre. Les pensions de retraite, dans ces régiments, ont toujours été plus fortes que dans les régiments français. Vous avez le droit d’exiger des sacrifices des 'Français; mais je pense que ceux qui n’ont pas le bonheur de l’être, ne nous en doivent aucun. Je demande donc que le comité des pensions soit chargé de s’occuper de la rédaction d’un article additionnel qui règle les pensions des officiers étrangers. — 3e observation. Ce même article n’établit aucune différence dans le traitement d’un officier que son nom et son rang à la cour ont porté rapidement au grade d’officier général, et celui qui n’y est parvenu qu’après avoir passé successivement par tous les grades militaires. Ce dernier portait constamment le poids du jour, dans les camps et dans les garnisons, tandis que le premier a été à peine aperçu à son régiment. Je demande donc que les récompenses soient proportionnées aux services, et que les officiers généraux appelés ci-devant de fortune , épithète honorable, puisqu’elle ne regardait que ceux qui avaient mieux et plus longtemps servi la patrie, soient mieux traités que les autres. — 4® observation. Le même article second, en attribuant 2,000 livres de pension aux officiers généraux qui auront fait deux campagnes de guerre, semble les refuser à ceux d’entre eux qui ne les auront pas faites; ce qui à mon avis est injuste. Pour le prouver je ne