[12 mars 1791. J 45 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) M. liebrun, rapporteur. J’adopte la motion de M. Regnaud qui formerait un article nouveau ainsi conçu : « Art. 5. Les sommes ainsi remboursées au Trésor public seront imputées sur les fonds qui seront demandes par le Trésor public pour les besoins du mois courant. » (Cet article est décrété.) M. le Président. L’Assemblée doit statuer maintenant sur ia proposition de M. de Mirabeau amendée par M. Le Chapelier, et que nous avions réservée jusqu’après le vote du décret. Elle est ainsi conçue : « Aucun projet de décret, contenant demande d’argent relative aux dépenses courantes, ne sera plus désormais présenté à l’Assemblée, qu’il n’ait été imprimé et distribué au moins trois jours d’avance. » (Cette motion est décrétée.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret des comités de Constitution et d’ aliénation sur les successions ab intestat (1). M. Merlin, rapporteur. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de Constitution et à celui de l’aliénation des domaines nationaux de vous présenter un projet de loi sur les inégalités de partage que l’ordre des successions ab intestat offre encore dans quelques parties du royaume. Notre projet est simple, il convient à tout le royaume; et ce qui ne sera pas sans doute un petit mérite à vos yeux, il est fait pour bannir à jamais des tribunaux ces innombrables procès que les accessions occasion nent depuis longtem ps, et qui depuis longtemps répandent dans les familles, dont ils dévorent la substance la plus précieuse, des discordes interminables et des haines éternelles. Ce ne sont pas, au reste, des idées nouvelles que nous venons vous offrir. 11 n’y a rien dans notre projet qui ne soit déjà reçu dans une très grande partie du royaume. ' Egalité absolue dans les partages ab intestat ; Identité parfaite de tous les biens, sans distinction de meubles et d’immeubles, de propres et d’acquêts; Représentation à l’infini en ligne directe et jusqu’aux neveux inclusivement en ligne collatérale. Voilà en trois mots tout le système de la nouvelle législation qui vous est proposée. L’égalité dans les partages ab intestat est déjà établie par l’article 11 du titre 1er de votre décret du 15 mars 1790. Mais elle ne l’est généralement que pour les ci-devant fiefs ; et àl’égard des au; res biens, soit meubles, soit immeubles, elle est limitée aux successions qui autrefois se partageaient noblement, à raison de la qualité des personnes. Uniquement occupés alors de l’abolition du régime féodal, vous n’avez porté, par c« t article, aucuneatteinte auxcoutumes qui, sans distinguer les nobles d’avecles roturiers, accordent des préci-puts ou des droits exclusifs, soit aux aînés sur les puînés, soit aux mâles sur les tilles, non dans les fiefs, non dans les alleux ci-devant décorés de justice, et qu’on appelait, par cette raison, alleux nobles, mais dansles meubles, dans les alleux sans justice� en un mot dans les biens dégagés de toute féodalité ou nobilité. (1) Voyez Archives parlementaires , tome XX, page 598, séance du 21 novembre 1790, le rapport de M. Merlin sur cet objet. Hâti z-vous, Messieurs, de la consommer cette réforme salutaire, et soyez sûrs que si par là vous nuisez aux hommes de loi en leur enlevant leur plus riche pâture, vous ferez le bonheur de la généralité des citoyens, en bannissant loin d'eux toute occasion de procès, tout prétexte de chicane, tout sujet de haines et de dissensions domestiques. Je dis plus, les jurisconsultes, dignes de ce nom, béniront votre ouvrage; et nous osons vous assurer qu’en prononçant la loi que nous vous proposons, vous ne ferez que revêtir du sceau de l’autorité publique une opinion que leur délicatesse a formée, et que leurs écrits ont manifestée dans tous les temps. Toutefois, et pour faciliter la discussion, avant de vous soumettre notre projet de décret lui-même, nous vous proposons de résoudre une série de questions comprises dans le pian que voici : « L’Assemblée nationale, désirant concilier avec le zèle qui l’anime pour le prompt achèvement de la Constitution, le désir qu’elle a de faire incessamment jouir les citoyens des avantages qui doivent résulter du projet de loi présenté par ses comités de Constitution et d’aliénation sur les successions ab intestat sur les effets et limites des dispositions de l’homme, sur les partages et les rapports, sur le douaire et la communauté; « Décrète qu’elle va s’occuper et qu’elle continuera de s’occuper dans ses séances du matin, des 11 questions suivantes : « 1° Les successions ab intestat seront-elles partagées également entre tous les cohéritiers, sans distinction de biens, d’âge, ni de sexe? »2° Distinguera-t-on dans les successions ab intestat les meubles d’avec les immeubles, et les acquêts d’avec les propres? « 3° La représentation en ligne collatérale sera-t-elle limitée aux pelits neveux, ou s’étendra-t-elle plus loin ? « 4° Pourra-t-on disposer de ses biens par testament, et à quelle concurrence le pourra-t-on ? « 5° Quelles seront les limites de la faculté de donner entre vifs? « 6° Sera-t-il encore permis de substituer ses biens, soit par testament, soit par donation? « 7° Les dispositions de certaines coutumes qui privent un propriétaire majeur du droit de vendre et hypothéquer ses biens seront-elles abolies? « 8° A quel âge sera-t-on majeur et capable de disposer? « 9° L’âge de majorité et le mariage d’un fils de famille feront-ils cesser de plein droit, à son égard , les effets civils de la puissance paternelle ? « 10° Don nera-t-on au conjoint survivant et aux enfants nés de son mariage, un droit de douaire sur les biens du mari ou de la femme prédécédée ? « 11° Y aura-t-il communauté de biens entre le mari et la femme? « L’Assemblée nationale décrète en outre que lorsque les questions ci-dessus seront décidées, elle s’occupera sans interruption, dans les séances du soir, des autres dispositions du projet de loi dont il s’agit. » M. Darnaudat. Le vœu de l’Assemblée, le vœu des départements, qui est manifesté de toutes parts, e-t la fin de ia Constitution. ( Murmures et applaudissements.) Je demande à l’Assemblée nationale de vouloir bien saisir cette occasion bien importante et bien décisive pour faire valoir son sentiment à cet égard. Il est certain que les questions qui vous ont été proposées par M. Merlin donnent lieu à