SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Nos 44-45 497 MERLIN (de Thionville) : Il n’est pas sans doute dans l’opinion de mon collègue Duhem qu’il n’y ait de lumière que dans le comité de salut public. J’étais bien aise de faire cette observation avant de demander la priorité pour la proposition de Delmas. TALLIEN : Le comité de salut public a été investi d’une grande autorité. Il est même, en quelque sorte, en ce moment, à lui seul le gouvernement. Une des plus grandes questions que nous ayons à traiter est celle de savoir si le gouvernement doit toujours avoir la même intensité. Pour éclaircir cette question, il me semble qu’on trouvera beaucoup plus de lumières dans une réunion de membres de tous les comités que dans celui de salut public seul, dont plusieurs membres n’ont encore été d’aucun comité. Il faut le répéter, nous voulons un gouvernement juste pour tous les citoyens, mais qui ne pèse plus sur eux avec une verge de fer. Nous voulons la même énergie, la même vigueur, la même unité dans les opérations du gouvernement; mais nous ne voulons plus du gouvernement des Robespierre, des Saint-Just et des Couthon. Je le déclare, si j’étais destiné à être membre d’un comité qui dût avoir les mêmes pouvoirs, je donnerais à l’instant ma démission. J’insiste pour la proposition de Delmas. La priorité, mise aux voix, est accordée à cette proposition. Bourdon (de l’Oise) : L’appel nominal ! Quelques membres : L’appel nominal ! THURIOT : Il est possible de concilier toutes les opinions. On a proposé, d’un côté, .de former une commission composée d’un membre de chaque comité, et, de l’autre côté, de renvoyer au comité de salut public, auquel se réuniraient les trois membres qui ont présenté les vues les plus lumineuses sur l’organisation du gouvernement. La première proposition a été décrétée : laissez subsister ce décret; mais, en même temps aussi, pourquoi n’adopteriez-vous pas l’autre proposition ? Ces deux sentiments ne s’excluent point; en effet, vous ne pouvez empêcher trois de vos membres, soit individuellement, soit réunis entre eux, ou avec le comité de salut public, de vous présenter aussi un projet de décret; et il y aura un avantage certain à cela : car si votre commission est en retard pour vous présenter un projet, ou si celui qu’elle vous présentera n’est pas tel qu’il dût convenir, vous vous serez ménagé une ressource : vous aurez l’avantage d’avor créé deux batteries. Je demande que la motion de Bourdon soit également décrétée. BARÈRE : Il faut aborder franchement la question. On a demandé beaucoup de lumières, pour avoir quoi ? Un gouvernement juste; mais est-ce juste à la manière des aristocrates ? Non, sans doute (On applaudit) (1). Non, s’écrie-t-on de toutes parts; ce n’est pas non plus à la vôtre, président des Feuillants, s’écrie Merlin (de Thionville). D’autres apostrophes très vives interrompent Barère. Il lui (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 472-476. convient bien, s’écrie Thirion, de nous traiter d’aristocrates, lui qui a été fait jacobin par Robespierre et Couthon ! BARERE : Mon style n’est pas personnel. Je demande qu’on pose pour première base le gouvernement révolutionnaire (Oui, s’écrie toute l’assemblée, en se levant et en applaudissant). C’est à lui que nous devons nos victoires, et l’état florissant de la République. S’il y a des abus, c’est qu’il y a des hommes et des passions, qu’il y a eu des Robespierre et des Saint-Just. — Et leurs partisans, s’écrie Thirion. Leurs partisans, reprend Barère, ne sont pas ceux qui ont combattu obscurément pendant un mois et demi pour démasquer le tyran (— Et qui faisoient son éloge l’avant-veille, s’écrie Le Cointre). Puisqu’on refuse de m’entendre, je conclus en demandant la priorité pour la proposition qui tend à appeler autant de lumières que possible dans le travail dont nous nous occupons (l)v BARÈRE : Je conclus à ce que la priorité soit accordée à la proposition de Bourdon (de l’Oise). La discussion est fermée. La Convention décrète la proposition de Delmas (2). Granet : Je demande que le projet définitif soit présenté demain pour tout délai. Cette proposition est adoptée (3). 44 Une députation de la commune de Tours dénonce le nommé Sénart, agent national de cette commune; elle l’accuse d’être l’un des fougueux complices de Robespierre, d’avoir eu des intelligences avec les émigrés, d’avoir jetté des patriotes dans les fers, d’avoir semé la division entre les Cordeliers et les Jacobins, d’avoir avili le signe de notre liberté, et dit que nous ne serions heureux que sous le gouvernement d’un seul. — Renvoyé au comité de sûreté générale (4). 45 [A cette députation (5) en succède une d’Arras]. Les citoyens d’Arras, réunis en assemblée générale, à la Convention nationale. (1) J. Perlet, n° 688; C. Eg., n° 723; Ann. patr., n° DLXXXVIII. (2) Décret n° 10 365. Rapporteur : Delmas. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 476; J. Fr., n° 686; Rép., n° 235; J. Mont., n° 104; J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1493; J. S. -Culottes, n° 544; C. univ., n° 955; J. Jacquin, n° 743; M.U., XLII, 397; F.S.P., n° 403; Audit, nat., n° 687. Le décret n° 10366 porte que le discours de Cambacérès sera imprimé. Rapporteur : Collombel (de la Meurthe). (4) J. Sablier, n° 1 494; pour C. univ. (n° 954), il s’agit d’une députation de sociétés d’Indre-et-Loire. (5) Celle de la commune de Tours {J. Sablier, n° 1 494). 32 SÉANCE DU 24 THERMIDOR AN II (11 AOÛT 1794) - Nos 44-45 497 MERLIN (de Thionville) : Il n’est pas sans doute dans l’opinion de mon collègue Duhem qu’il n’y ait de lumière que dans le comité de salut public. J’étais bien aise de faire cette observation avant de demander la priorité pour la proposition de Delmas. TALLIEN : Le comité de salut public a été investi d’une grande autorité. Il est même, en quelque sorte, en ce moment, à lui seul le gouvernement. Une des plus grandes questions que nous ayons à traiter est celle de savoir si le gouvernement doit toujours avoir la même intensité. Pour éclaircir cette question, il me semble qu’on trouvera beaucoup plus de lumières dans une réunion de membres de tous les comités que dans celui de salut public seul, dont plusieurs membres n’ont encore été d’aucun comité. Il faut le répéter, nous voulons un gouvernement juste pour tous les citoyens, mais qui ne pèse plus sur eux avec une verge de fer. Nous voulons la même énergie, la même vigueur, la même unité dans les opérations du gouvernement; mais nous ne voulons plus du gouvernement des Robespierre, des Saint-Just et des Couthon. Je le déclare, si j’étais destiné à être membre d’un comité qui dût avoir les mêmes pouvoirs, je donnerais à l’instant ma démission. J’insiste pour la proposition de Delmas. La priorité, mise aux voix, est accordée à cette proposition. Bourdon (de l’Oise) : L’appel nominal ! Quelques membres : L’appel nominal ! THURIOT : Il est possible de concilier toutes les opinions. On a proposé, d’un côté, .de former une commission composée d’un membre de chaque comité, et, de l’autre côté, de renvoyer au comité de salut public, auquel se réuniraient les trois membres qui ont présenté les vues les plus lumineuses sur l’organisation du gouvernement. La première proposition a été décrétée : laissez subsister ce décret; mais, en même temps aussi, pourquoi n’adopteriez-vous pas l’autre proposition ? Ces deux sentiments ne s’excluent point; en effet, vous ne pouvez empêcher trois de vos membres, soit individuellement, soit réunis entre eux, ou avec le comité de salut public, de vous présenter aussi un projet de décret; et il y aura un avantage certain à cela : car si votre commission est en retard pour vous présenter un projet, ou si celui qu’elle vous présentera n’est pas tel qu’il dût convenir, vous vous serez ménagé une ressource : vous aurez l’avantage d’avor créé deux batteries. Je demande que la motion de Bourdon soit également décrétée. BARÈRE : Il faut aborder franchement la question. On a demandé beaucoup de lumières, pour avoir quoi ? Un gouvernement juste; mais est-ce juste à la manière des aristocrates ? Non, sans doute (On applaudit) (1). Non, s’écrie-t-on de toutes parts; ce n’est pas non plus à la vôtre, président des Feuillants, s’écrie Merlin (de Thionville). D’autres apostrophes très vives interrompent Barère. Il lui (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 472-476. convient bien, s’écrie Thirion, de nous traiter d’aristocrates, lui qui a été fait jacobin par Robespierre et Couthon ! BARERE : Mon style n’est pas personnel. Je demande qu’on pose pour première base le gouvernement révolutionnaire (Oui, s’écrie toute l’assemblée, en se levant et en applaudissant). C’est à lui que nous devons nos victoires, et l’état florissant de la République. S’il y a des abus, c’est qu’il y a des hommes et des passions, qu’il y a eu des Robespierre et des Saint-Just. — Et leurs partisans, s’écrie Thirion. Leurs partisans, reprend Barère, ne sont pas ceux qui ont combattu obscurément pendant un mois et demi pour démasquer le tyran (— Et qui faisoient son éloge l’avant-veille, s’écrie Le Cointre). Puisqu’on refuse de m’entendre, je conclus en demandant la priorité pour la proposition qui tend à appeler autant de lumières que possible dans le travail dont nous nous occupons (l)v BARÈRE : Je conclus à ce que la priorité soit accordée à la proposition de Bourdon (de l’Oise). La discussion est fermée. La Convention décrète la proposition de Delmas (2). Granet : Je demande que le projet définitif soit présenté demain pour tout délai. Cette proposition est adoptée (3). 44 Une députation de la commune de Tours dénonce le nommé Sénart, agent national de cette commune; elle l’accuse d’être l’un des fougueux complices de Robespierre, d’avoir eu des intelligences avec les émigrés, d’avoir jetté des patriotes dans les fers, d’avoir semé la division entre les Cordeliers et les Jacobins, d’avoir avili le signe de notre liberté, et dit que nous ne serions heureux que sous le gouvernement d’un seul. — Renvoyé au comité de sûreté générale (4). 45 [A cette députation (5) en succède une d’Arras]. Les citoyens d’Arras, réunis en assemblée générale, à la Convention nationale. (1) J. Perlet, n° 688; C. Eg., n° 723; Ann. patr., n° DLXXXVIII. (2) Décret n° 10 365. Rapporteur : Delmas. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 476; J. Fr., n° 686; Rép., n° 235; J. Mont., n° 104; J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1493; J. S. -Culottes, n° 544; C. univ., n° 955; J. Jacquin, n° 743; M.U., XLII, 397; F.S.P., n° 403; Audit, nat., n° 687. Le décret n° 10366 porte que le discours de Cambacérès sera imprimé. Rapporteur : Collombel (de la Meurthe). (4) J. Sablier, n° 1 494; pour C. univ. (n° 954), il s’agit d’une députation de sociétés d’Indre-et-Loire. (5) Celle de la commune de Tours {J. Sablier, n° 1 494). 32