[Assemblée nationale.] ARCHfVRS PARLEMENTAIRES. prisopniers soient conduits à Paris sous bonne et sûre garde. J’observe que l’inviolabilité dès députés a pour but de les soustraire aux poursuites arbitraires des tribunaux, mais non à pelles qui se feraient en vertu des ordres dé l’Assemblée. Je demande aussi que le roi soit supplié de donner des ordres pour que le sieur de Rio! les, arreté à Lyon, soit conduit à Paris et que les papiers trouvés sur Jui soient mis en sûreté. M. Delley d’Agier. Les trois personnes ne doivent pas être conduites dans le même local. Il faut désigner, à l’avance, une prison spéciale pour le sieur de Bonne-Savardin. M. d’IIarainlmre. Je propose de charger M. |e président de témoigner la satisfaction de l’Assemblée à M. de Lafayette, à son aide de camp et aux officiers municipaux de Châlons-sur-Marne. M. l’abbé de Ifontesquiou. L’Assemblée doit mettre une différence entre le traitement de M. de Bonne-Savardin, accusé du crime de lèse-nation, et les sieurs abbé de Barmond et Eggss, dont tout le tort a été de s’être rencontrés dans sa compagnie. M. Charjes deJLamcth. M. de Bonne-Savardin s’est déjà sauvé de l’abbaye Saint-Germain-dés-Prés; il faut veiller sur lui et empocher qu’on ù’enlève ses papiers. M. le Président met aux voix le projet de décret proposé par M. Barnave. Il est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour que le sieur abbé Perrotiu, dit de Barmont, député à l’Assemblée nationale, et les sieurs Eggs et Bonne-Savardin soient conduits àParis séparément et par les gardes nationales, pour être les sieurs Eggs et Bonne-Sa-vardin déposés séparément dans les prisons de Paris, et le sieur Perrotin, dit de Barmont, gardé dans sa maison, jusqu’à ce qu’après l’avoir entendu, il ait été statué à son égard par l’Assemblée nationale. « Décrète que les papiers saisis par la municipalité de Châlons-sur-Marne seront remis dans l’état énoncé par le procès-verbal des officiers municipaux aux commandants des gardes nationales, et par ces derniers au comité des recherches. « Décrète, en outre, que le sieur Drouard, dit de Rîoles, détenu à Lyon, ainsi que le' particulier arrêté aussi et détenu à Bourgoin, seront aussi conduits dans les prisons de Paris par les gardes nationales, et que les pièces saisies sur eux par les officiers municipaux de Bourgoin et de Lyon seront pareillement apportées au comité des recherches par les chefs desdites gardes nationales. « Charge son président d’écrire aux officiers municipaux et gardes nationales de Châlons-sur-Marne, Bourgoin et Lyon, au commandant général de la garde parisienne et aux sieurs Julien et de Mestre, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur les preuves de zèle et de patriotisme qu’ils ont respectivement données. » (La séance est levée et indiquée à demain neuf heures du matin.) (29 juillet 1790.] PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 JUILLET 1790. Rapport dans l'affaire de MM. d'Hosier et Petit-Jêan, lu aux comités des recherches de l'Assemblée nationale et de la municipalité de Paris, le 29 juillet 1790, par M. J. P. Brissot, membre du comité des recherches de la muniéipalité de Paris. Si les actions publiques des hommes qui affichent une doctrine extraordinaire méritent de iïxer l’attention de ceux qui sont charges de maintenir la tranquillité générale, c’esf surtout dans les temps de troubles, où des folies et des visions peuvent servir à' couvrir des projets dangereux pour la Constitution; c’est, surtout, lorsqu’elles tendent ’à alarmer sur la sûreté du chef suprême du pouvoir exécutif. ' ' • Telle est la double considération qui a déterminé le comité de recherches de l’Àssémblée nationale et celui de la municipalité dé Paris’ à porter l’attention la plus profonde dans l’examen du projet bizarre des deux personnes arrêtées à Saint-Cloud. Ils ont cru de leur devoir' dè ne rien négliger pour en découvrir le véritable objet; et maintenant que leurs recherches sont terminées, ils croient devoir en publier le résultat, parce qu’on doit tout dire au peuple, et que, dafns la circonstance particulière, il importé de lé tran-quUtlser. , . P L’histoire de MM. d’IIosier etPeüt-Jean tient en partie au fameux magnétisme Animal’, et en partie à la croyance de révélations faites par la Vierge à des personnes jetées dans l’état de somnambulisme. l)n ne croirait pas que, dans Un siècle où la philosophie a répandudes lumières Ai brillantes, où les hommes ont appris à n’appuyer leurs opinions que sur des bases solides, il se trouvât dès êtres assez faibles pour adopter les visions les plus extravagantes, d’après des faits insignifiants et des discours tenus dûns le délire. Ce phénomène moral eixiste cependant; les sectes d’illuminés augmentent, au lieu de diminuer; peüt-être n’est-ee qu’un résultat des circonstances politiques de la France, qui rallie, à leur doctrine mystérieuse, les hommes mécontents du nouvel ordre de choses, et qui espèrent y trouvér des moyens de le détruire. Cet exposé déchirera le voile qui les couvre, préviendra leurs manœuvres, et c’est un nouveau motif de le publier. MM. d’Ho-sier et Petit-Jean (1) se rendirent au château de Saint-Cloud 1 é 29 juin dernier, jour dé saint Pierre (1) M. D’Hosier, qui joue un grand rôle dans cette aventure mystique, est president de la Chambre des comptes de Rouen. Jeune, car il n’est âgé que de 25 ans, on conçoit comment il est crédule, et la douceur qui règue dans sa physionomie explique comment il a été si facile à croire une doctrine, dont la sensibilité est une des bases, et à se prêter à la mission dangereuse dont on l’a chargé. M. Petit-Jean, ancien receveur des droits et domaines en Corse, plus âgé de dix ans, d’un temperammerit sec, annonce, dans sa physionomie mélancolique, ce caractère ferme et prononcé, qui appartient à cette espèce do tempérament, qui porter vers les idées sombres et entraîne à l’opiniâtreté. Il n’est pas indifférent de marquer ces circonstances physiques et morales ; elles peuvent servir à expliquer, à juger la conduite de ces deux individus, a ver ,, 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. et de saint Paul. Arrivés sur le midi, ils y restèrent bien avant dans la nuit. Leur isolement, leur attention à tout observer, leur air méditatif et grave, cet air qui caractérise les hommes à secte et à idées extraordinaires, leur opiniâtreté à rester, même lorsque l’heure du repas les appelait ailleurs, durent faire naître des soupçons, qui s’aggravèrent encore, par cela qu’ils étaient inconnus, et qu’ils ne cherchaient point à se faire connaître. Aussi furent-ils successivement écartés des appartements, du vestibule, du jardin et des cours par un aide de camp de la garde nationale, qui vint leur dire que leur vue offusquait le château (1). La surprise et les soupçons durent augmenter encore, lorsqu’on les vit, hors des grilles mêmes, commander à leurs domestiques de retourner à Paris, s’opiniâtrer à rester, à se promener, à s'asseoir près de ces grilles, quoiqu’il fût près de deux heures de nuit (2). La patrouille, qui veillait à la sûreté du château, les trouve en ret état, les interroge : ils répondent qu’ils sont là par ordre du roi et du maître (3). On les conduisit au corps de garde et le maire de Saint-Cloud les y interrogea. M. d’Hosier déclara s’appeler et signa Paul , quoique ce ne soit ni son nom de baptême, ni son nom de famille. Il mentit, -pour suivre, dit-il, un mouvement intérieur qui lui a fait choisir le nom du saint du jour (4). Il dit aussi être amené à Saint-Cloud par des ordr* s supérieurs, des ordres qu’il tenait de Dieu même (5). M. Petit-Jean s’appela et signa Pierre aujourd'hui; c’est un de ses noms de baptême, et il ne voulut pas décliner son nom de famille ; il déclara n’être venu à Saint-Cloud, que sur V ordre de notre SAINTE Wkm,pour imprimer à Sa Majesté, aujourd'hui ROI DE FRANCE ET DENA' ARRE, lespensèes incluses à l'écrit qu'il venait de remettre , et n'avoir plus d'autre .désir que de le voir confirmer au roi , pour manifester à son peuple la sainte vérité de sa mission (6). Avant de rendre compte de cet écrit, remis par M. Petit-Jean, il est nécessaire de dire qu’après cet interrogaioire, MM. Petit-Jean et d’Hosier assurèrent de nouveau la garde, que c’était le roi qui les avait mandés ; qu'ils étaient là par son ordre, , et qu’ils ne sortiraient du corps de garde que par l’ordre du roi (7). La garde n’imaginant pas que ce fut un langage figuré, prit des mesures, pour être instruite de la vérité de ce mandat. Il se trouva faux ; et ce fut alors que MM. d’Hosier et Petit-Jean dissipèrent son erreur, en certifiant, en présence de ftl.de Yillequier, envoyé par le roi pour vérifier les prétendus ordres, que ce n'était point Louis XVI qui les avait mandés , mais qu’ils avaient été amenés à Saint-Cloud par des ordres supérieurs (8). ün ne conçoit pas comment des hommes, qui affichent la dévotion, ont pu se servir d’un jeu de mots, pour tromper ceux qui les arrêtaient, et qu’ils savaient bien éloignés ü’entendre le sens de leurs expressions. Ce langage mystique ne servant qu’à les rendre plus suspects, le maire de Saint-Cloud ordonna de les conduire au comité (4) Voyez premier interrogatoire de M. Petit-Jean, du 5 juillet. (2) Voyez idem. (3) Voyez le rapport de M. Andras, du 29 juin. (4) Voyez premier interrogatoire du 3 juillet. (S) Voyez le procès-verbal de la municipalité de Saint-Cloud, du 30 juin. (6) Voyez idem . (7) Voyez idem. (8) Voyez idem. [29 juillet 1790.1 de recherches de l’Assemblée nationale, avec tous les papiers saisis sur eux, et notamment l’écrit remis par M. P* tit-Jean ; ils furent interrogés par ce comité, ensuite détenus à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, et i’examen de leur affaire fut renvoyé par lui au comité de recherches de l’hôtel de ville. Comme l’écrit remis par M. Petit-Jean est la principale pièce de cette affaire, il est nécessaire de le transcrire ici. Nous en donnons une copie littéralement transcrite. Ce 15 mai 1790. — Parole donnée directement h nous par la sainte Vierge. Pensée diverse qu’elle veut imprimer pur influence dans l’âme du roi: Premièrement , aller sans pompe parler aux hommes, demander qui suis-je ? 2me. Alors, qu’il dise: de la puissance qui y était attachée, je ne veux que ma liberté et celle de commander mon armée; 3me. Aller habiter le lieu de sa naissance; 4me. D’être revêtu de ses habits royaux; 5me. D’aller déposer sa couronne près de celle de Louis XIII, et lui offrir ses enfants ; 6me. De s’environner des plus anciens soldats dans tous les ordres, promettre ce jour-là la loi de son amour pour son peuple, et demander le choix des ministres de sa confiance, en les prenant parmi ceux qui l’environneraient au pied de la sainie Vierge ; 7me. N’abandonner Paris qu’après cette œuvre; 8mc. Ne plus craindre des hommes, en ce que celte action abattra la puissance du mal. 9me. Que l’union de son âme au ciel lui donnera une force universelle. Telle est la destinéeattachée au rang qui lui est donné et non à l’homme qui ne serait pas roi, à l'image et pour l’amour du son Dieu. La sainte Vierge vous prescrit, ainsi qu’à Ambroise, d’imprimer, avec toute la force et l’amour que vous avez pour elle, toutes ses pensées dans l’âme du roi, en les répétant chaque fois que vous serez près de lui avec toute l’énergie humaine et spirituelle que vous possédez. Dicté en somnambulisme, par moi, signé : le clerc de Thomassin. Cet écrit est sur vélin, en caractères bleus. — Cette recherche, dans le papier et les caractères, annonce quelque chose de mystérieux. On n’apas pu, ou l’on n’a pas voulu donner la clé de ce mystère. Il fourmille d’ailleurs de fautes d’orthographe; les esprits supérieurs ou leurs copistes ne se piquent pas apparemment d’être bons grammairiens. En examinant avec attention cet écrit, on y distingue six points sur lesquels il était nécessaire d’interroger les personnes impliquées dans cette affaire : 1° Les pensées ou plutôt les ordres que cet écrit renferme; 2° Qui l’avait dicté, écrit et renvoyé ; 3° Qui devait exécuter les ordres qu’il prescrit; 4° Gomment s’est opérée la révélation de ces pensées par la Vierge ; 5° Quel sens tous les membres de la société mystique y attachaient-ils? 6° De quelle manière devait-on exécuter les ordres de l’écrit ? Tels sont les points principaux sur lesquels les somnambules et leurs partisans ont été interrogés, non pas dans Tordre qu’on vient de présenter, mais d’une manière plus divise. On ne suit cet ordre que pour éviter les répétitions, pour offrir, sur chaque point, l’ensemble des dépositions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790.] 417 § I. Examen des pensées ou conseils que renferme l’écrit en vélin. Il n’est personne qui, en lisant attentivement ces pensées, n’y découvre un poison dangereux; qui ne voie qu’elles ont pour objet de détruire les réformes faites dans la distribution des pouvoirs politiques ; de rétablir, sous le nom de royauté, la puissance absolue. Dans la première pensée, on conseille au roi d’aller parler à son peuple, demander qui il est. — C’est supposer qu’il est méconnu, que sa puissance est foulée aux pieds, tandis que l’on n’a détruit que l’ancien despotisme. — On y dit, en langue prophétique, qu’il lui sera répondu, roi , c'est-à-dire monarque absolu; car cemot s’entend, dans son ancienne acception, comme les pensées subséquentes l’indiquent. Dans la deuxième pensée, on conseille au roi de ne réclamer de la puissance attachée à la royauté, que sa liberté et celle de commander son armée. C’est évidemment supposer que le roi n’est pas libre; et, dès lors, c’est vouloir porter atteinte à la validité de tous les décrets sanctionnés ou acceptés par le roi ; c’est vouloir renverser la Constitution. Ëh ! pourquoi conseille-t-on au roi de redemander la liberté de commander son armée, si ce n’est pour recouvrer son ancien pouvoir? Car si l’on entend par ces mot� le droit de diriger l’armée, conformément à la Constitution, le roi l’a; il était inutile d’aller chercher au ciel une inspiration pour lui conseiller de demander ce qu’il a. Mais on ne veut pas simplement qu’il dirige, on veut qu’il commande. — Qu'est-ce encore que ce ronom possessif de l’ancien régime ? Son armée ! e roi a-t-il une armée ? N’est-ce pas une expression inconstitutionnelle? Dans la septième pensée, on conseille au roi de quitter Paris ; dans la troisième, d’aller habiter Versailles; parce qu’on imagine que son séjour à Paris empêche l’exécution de ces projets que les ennemis du bien public ne cessent de tramer contre le peuple, l’Assemblée nationale et le roi. Le but de la quatrième pensée est visible. On conseille au roi de se revêtir de ses habits royaux ; on croyait que cette pompe ferait la plus grande impression sur le peuple, et faciliterait la restitution de l’ancienne puissance absolue. Tel est encore évidemment le but du 5e conseil, qui consiste à renouveler le vœu de Louis XIII pour la Vierge et à lui offrir les enfants du roi ; vœu très inconstitutionnel, puisqu’il suçpose.dans le roi une propriété de la France, qu’il n’a* pas; vœu très dangereux dans ses conséquences; car le peuple est attaché à la religion, et on espérait qu’un pareil vœu, solennellement exécuté, lefrap-perait et l’amènerait à rendre au roi cette puissance absolue. C’est dans le sixième conseil surtout que perce l’esprit antipatriotique des inventeurs de ce talisman. Ils conseillent au roi de s’environner de ses plus anciens soldats, dans tous les ordres; de promettre, ce jour-Jà, la loi de son amour pour son peuple , et de demander le choix des ministres de sa confiance, enprenant parmi ceux qui V environneraient aux pieds de la Vierge. Pourquoi s’environner ainsi ? Le roi a-t-il quelque danger à craindre ? Menace-t-on ses jours ? Ne sont-ils pas protégés par la garde nationale? Oui, sans doute, iis sont protèges ; mais on veut des soldats qui aident à recouvrer l’ancienne ire Série. T. XVII. puissance, et l’on sait que la garde nationale ne se prêterait pas à ce dessein. On conseille au roi de prendre les plus anciens soldats, parce qu’on suppose que les plus anciens seront plus attachés aux anciennes idées de soumission aveugle, n’auront pas si facilement adopté les idées nouvelles de liberté, de patriotisme. Certes, c’est une injure qu’on fait à ces anciens militaires. Et ces mots de tous les ordres , ne trabissent-iis pas l’idée perfide de l’auteur de cet écrit? Y a-t-il encore des ordres, ou vent-il les ressusciter? Qu’est-ce encore que ces mots : la loi de son amour pour le peuple? Ne signifient-ils pas évidemment qu’il faut substituer cette loi d’amour à la loi constitutionnelle de l’Etat ? C’est-à-dire qu’au lieu d’une Constitution fixe, précise, claire, on voudrait nous faire gouverner par les caprices d’un homme seul, ce qu’on pallie sous les lois mystiques de l’amour. Enfin, où veut-on que le roi choisisse ses ministres? Ce n’est pas parmi les bons patriotes, parmi les hommes éclairés sur la Constitution, mais parmi ceux qui l’environneraient lorsqu’il priera la Vierge; c’est-à-dire parmi les illuminés, ou parmi ceux qui seconderaient le projet de cette contre-révolution de somnambules? Qn ne s’arrêtera pas à disséquer les autres pensées, qui ne tendent qu’à inspirer au roi de la ferait té pour exécuter ces conseils perfides, et abattre la puissance du mal; expressions très commodes, qui se prêtent à toutes les explications. Qui peut douter, d’après cette analyse, que cet écrit ne contienne des idées dangereuses et qui tendent à une contre-révolution ? Et si le roi, au lieu de la probité du patriotisme et du sens droit dont il a donné tant de preuves, eût été secrètement opposé à la Révolution ; s’il avait eu du penchant pour les idées mystiques, quelles impressions funestes et profondes de pareils conseils n’auraient-ils pas fait sur son âme, surtout quand on réfléchit à la source d'où l'on suppose qu’ils partent ? § IL Qui a dicté , écrit et envoyé ces pensées ? MM. d’Hosier et Petit-Jean sont convenus que cet écrit venait de Mme Thomassin, la jeune femme d’un officier actuellement à Saint-Domingue. Cette dame, qui joue le plus grand rôle dans cette affaire, est âgée de 34 ans, et demeure Nancy. Telle est, d’après elle, l’histoire de ce papier. Elle a dit (1) que le 15 mai, au sortir d’un sommeil magnétique, elle trouva un papier, sur lequel étaient écrites, de sa main, ces pensées; qu’elle les conserva, en conséquence de l’ordre qu’elle trouva au bas de l’original, jusqu’à ce qu’il lui fut prescrit l’usage qu’elle en devait faire ; que sur la fin de juin enviroa, dans un autre sommeil, et auquel M. Argence seul était présent, il lui fut dit, par l’être qui l’inspirait, qu’elle devait copier sur un papier velin, en caractères bleus, les pensées ci-dessus mentionnées; qu’elle essaya de les copier; que ne pouvaût les écrire assez lisiblement , elle pria M. Argence de les écrire sous sa dictée ; qu’elle les lui dicta, l'original étant toujours sur elle; qu’à son réveil elle retrouva l’original écrit de sa main, la copie (1) Voyez son interrogatoire du 16 juillet. 27 418 (Assemblée nationale.) qu’elle avait essayé de faire, et celle faite par M. Argence, etc. Enfin Mme Thomassin est convenue avoir envoyé cet écrit à M. d’Hosier. M. Argence, cité dans cette réponse, est colonel, chef du bataillon au régiment du roi actuellement à Nancy ; il a, dans une déclaration, attesté avoir écrit ces paroles, sous la dictée de Mme Thomassin, dans son état de somnambulisme ; il a affirmé de plus n'en avoir eu aucune connaissance, qu’au moment où il les a écrites pensées par pensées; qu’il n’a eu aucune connaissance de sa destination, etc. § III. Qui devait exécuter les ordres que cet écrit renfermait? MM. d’Hosier et Petit-Jean conviennent, dans leurs interrogatoires respectifs, qu’ils étaient chargés d’exécuter les ordres portés dans cet écrit. Ils conviennent tous deux qu’ Ambroise désignait M. d’Hosier (1), auquel ils ont été adressés avec la lettre: Mardi, à huit heures du matin. La poste va partir, cher fils bien-aimé de votre tendre mère ; j’espérais pouvoir vous écrire plus longuement hier, mais une migraine forte m’en a empêchée. Je me hâte donc seulement de vous dire que le jour que vous recevrez cette lettre, M. Dupouget, trésorier de guerre, à Nancy, arrive à Paris, porteur d’une boîte à votre adresse. Il arrive par la diligence et loge rue de Glichy, Chaussée - d’Antin, n ° 40 , maison de Mme de Grandville. Il faut que vous y alliez, ainsi que j’en suis convenue avec lui. Il ne sortira point de cette soirée, étant trop fatigué et vous remettra lui-même les dépôts précieux que notre sainte m... vous envoie. Oh! mon ami, que votre zèle et votre amour pour elle soient parfaits ; vous y trouveriez raison de tout, et grâce plénière. Adieu, cher petit, le plus chéri des enfants de la plus tendre mère ne l’est pas mieux que vous : telle est la vérité qui existe pour jamais dans l’ame de votre petite mère et celle de son m. . . . Mes tendres amitiés à notre ami commun. § IV. Comment s'est opérée la révélation de la Vierge ? MM. d’Hosier, Petit-Jean, Argence et Thomassin ont déclaré que les pensées de cet écrit avaient été dictées par la Vierge, à cette dernière, lorsqu’elle était dans l’état de somnambulisme. Qu’est-ce donc que cet état de somnambulisme? Quelle foi doit-on ajouter à cette révélation de la Vierge ? Ecoutons M. d’Hosier: « Le magnétisme animal, dit-il, produit le somnambulisme matériel, lequel conduit au somnambulisme spirituel ; ce somnambulisme met les êtres qui l'éprouvent en rapport avec les êtres spirituels , et ils communiquent ensuite les impressions qu’ils en reçoivent à ceux avec lesquels ils sont en rapport (2). » Mffie Thomassin a donné une explication plus détaillée de cet état de somnambulisme, qui éclaircira ce que la précédente peut avoir d’énigmatique. « Elle a dit (3) qu’étant malade, elle suivit le (1) Voyez les interrogatoires des 3 et 5 juillet. (2) Voyez son interrogatoire du 3 juillet. (3) Voyez son interrogatoire du n juillet. 129 juillet 1790.) traitement magnétique de M. de la Fitte, à Nancy : qu’elle ne tarda pas à en éprouver les effets et à tomber dans le somnambulisme; que, dans cet état, elle connut parfaitement sa maladie, les moyens qu’il fallait employer pour la guérir, et le terme où elle finirait ; qu’elle connut même celle de plusieurs autres malades, et contribua à les guérir; qu’à l’époque où finit sa maladie, elle eut le bonheur d’éprouver un somnambulisme d’un ordre supérieur; qu’elle eut communication avec son père, mort antérieurement, ensuite avec un ange, et qu’en suite elle en eut avec la sainte Vierge elle-même; qu’elle ne put douter de son honneur de communiquer avec elle, par les paroles qu’elle entendit dans cet état, qu’elle écrivait quelquefois, ou qui lui ont été rendues par les personnes qui l’entouraient; qu’elle jouit plus rarement à la vérité de ces communications dans son état de veille ; qu’elles sont d’un ordre bien inférieur. » Puisque Mme Thomassin avait eu le bonheur de voir la Vierge, il était naturel de lui demander comment elle avait la certitude' que c’était bien elle. Voici sa réponse littérale : « Elle a dit que, dans son état de somnambulisme, elle voit une grande lumière avec des ondulations fréquentes, moins vives que la lumière ordinaire, où se dessinent des traits, où elle a reconnu plusieurs fois son père, et d’autres fois elle a vu des êtres qui lui étaient inconnus, mais qu’elle a su d’eux-mêmes être un ange et la sainte Vierge; qu’elle en a ensuite été assurée, parle récit des personnes qui ont recueilli les paroles qu’elle prononçait dans cet état, et ensuite par son sentiment intérieur, quand elle a ses visions . dans l’état de vieille. » . Mme Vassart, la jeune sœur de Mme Thomassin, qui est inspirée, comme elle, qui voit son père, les anges et la Vierge dans ses sommeils (1), et dans son état de veille, ne parle point de ces ondulations, de ces figures qui se dessinent. Elle dit qu 'elle a vu la Vierge dans un état de gloire, tantôt plus jeune et tantôt plus âgée, tantôt plus vêtue et tantôt moins. (2) Quand on demande à ces illuminées les preuves de ces révélations, dont elles avouent ne conserver aucun souvenir, elles ne citent ni miracles, ni rien de surnaturel ; — elles allèguent le témoignage de ceux qui assistent à leurs songes, les écrits qu’elles tracent pendant leurs sommeils, et leurs visions éveillées. Ainsi pour être convaincus qu’elles voient la Vierge, il faut qu’elles s’en rapportent à des individus qui peuvent les-tromper ; n’ont d’autres preuves à leur donner, que des paroles prononcées dans le délire. Quant à leurs écrits tracés dans l’état de som-nabuiisme, ils sont presque tous, de leur aveu, illisibles, obscurs, insignifiants; et ces inspirées, en font si peu de cas, qu’elles les brûlent. Il en est de même des visions éveillées; la société mystique n’a pu nous en citer ni montrer aucune pièce. Voilà donc les grandes preuves qui engagent Mmes Thomassin et Vassart à croire qu’elles sont inspirées� Des visions dont elles ne se souvienneut point; Le témoignage des assistants qui ne voient rien; Des écrits illisibles et insignifiants; (1) Mme Vassart a vingt-quatre ans. (2) Voyez son interrogatoire du 18 juillet. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790. J 419 Des visions éveillées dont il n'existe aucune trace. Il faut convenir que ces illuminées sont faciles en croyance. Mais ceux qui les croient, sont encore bien moins difficiles en preuves. Quand on demande à M. d’Hosier quelle certitude il a que Mme Thomassin est inspirée, il répond que c’est par son i sentiment intérieur (1); mot qu’il se garde bien d’expliquer, et qui se réduit à ceci: je crois , parce que je crois. Il ajoute qu’il croit, pour avoir vu plusieurs fois Mme Thomassin dans le somnambulisme, qui est , dit-il, un état préparatoire à la communication avec la sainte Vierge. — D’après cette explication, M. d’Hosier devait croire tous les somnambules inspirés. M-Petit-Jean cite aussi ce commode sentiment intérieur. Il déclare qu’il n'a pas plus douté que cet écrit ne fût vraiment de la sainte Vierge , que d'autres qu'il avait reçus précédemment , et qui tous ont été vrais; mais il n’a montré aucun de ees écrits. M. Petit-Jean avait encore annoncé des faits extraordinaires qui appuyaient sa conviction. Mais ces faits étaient si graves, si importants, qu’il ne pouvait les exposer que devant l'Assemblée nationale, et qu’il s’est opiniâtré à les cacher dans son premier interrogatoire. 11 a fallu la présence de plusieurs membres du comité des Recherches de cette Assemblée, pour vaincre son opiniâtreté; et voici à quoi se sont réduites ces annonces fastueuses. Nous les copions littéralement. « Il a dit qu’il concluait (2) la vérité des révélations de Mme Thomassin sur des annonces qui lui ont été faites, et qui se sont réalisées; que, pour en donner des exemples relatifs à sa mission même àSt-Gloud, il annonce que ce nombre de personnes qui se trouvèrent avec lui dans les appartements, et particulièrement sur lé vestibule, les unes ne le voyaient point, d’autres entendaient par contre sens ; en sorte qu’il n’a pas essuyé, dans tout le temps qu’a duré sa démence aux appartements, le plus léger obstacle, etc. > — Ainsi M. Petit-Jean se croit invisible, et conclut de là que Mme Thomassin est inspirée. Quand on a demandé à Mme Vassart, si elle se rappelait quelques-uns des discours qui lui ont persuadé que c’était bien la sainte Vierge qui parlait à sa sœur, elle avait répondu que sa sœur l’avait assurée qu’elle serait heureuse, et qu'elle était pure (3). Mme Jumilhac, femme de M. Jumilhac, lieutenant général des armées françaises, est, de son côté, certaine que Mme Thomassin voit la Vierge, parce que dans son état de somnambulisme , elle (Mme Jumilhac) lui avait fait des questions auxquelles Mme Thomassin à répondu avec justesse. Mme Jumilhac a, comme les inspirées, un défaut de mémoire qui ne lui a pas permis de se rappeler ces discours si justes de Mme Thomassin, Ainsi, pour résumer les motifs de croyance des membres de cette société qui attestent les inspirations de Mme Thomassin : M. d’Hosier croit qu’elle parle à la Vierge, parce qu’il le croit; M. Petit-Jean le croit, parce qu’il s’est rendu invisible à. Saint-Cloud; (1) Voyez son interrogatoire du 3 juillet. (2) Voyez son interrogatoire du 7 juillet. (3) Voyez son interrogatoire du 18 juillet, Mme Vassart le croit, parce que sa sœur lui a dit en dormant qu’elle serait heureuse et qu’elle était pure ; Mme Jumilhac le croit, 'parce que Mme Tho-massinlui a, dans son sommeil, fait des réponses dont elle ne se souvient plus. Cet oubli des principes de la crédulité, révolterait même, s’il ne s’agissait que de faits ordinaires. Que doit-ce donc être pour des faits extraordinaires, miraculeux, qui demandent, pour être crus, des preuves plus frappantes, et au-dessus de toute espèce d’objections? Comment d’ailleurs ne pas suspecter ces visions, quand on observe qu’elles n’ont aucun objet marqué, aucun objet utile, Di pour le bien des hommes, ni pour la gloire de la religion! Peut-on prêter au ciel l’idée ridicule de multiplier les miraclesdans le secret d’une maison, uniquement pour procurer des extases à deux ou trois femmes, et de causer l’idolâtrie de quelques esprits crédules? Comment encore ne pas suspecter ces visions, quand on considère les préparatifs qui les précèdent? C’est par la prière, ou plus souvent par le magnétisme, que l’on parvient à cet état de somnambulisme spirituel. Mme Thomassin a déclaré que son mari la magnétisait dans l’origine, ensuite sa mère; mais que maintenant, depuis l’absence de son mari, elle n’est plus magnétisée que par M. Argence (1). Il l’endort en lui prenant la main; après quel-ues minutes elle est anéantie, ou plutôt exaitée ans cet état de somnambulisme. Mme Vassart déclare que madame sa mère et M, d’Hesier la mettaient dans cet état de somnambulisme ; mais elle avoue que sa mère l'y mettait plus rarement et plus faiblement, parce que la santé de sa mère n’est pas assez forte et qu'il faut, pour la perfection de cet état , la réunion des forces de l'âme aux forces physiques. (2). Nous avons dû nous étendre sur la nature et les circonstances de ce somnambulisme, afin de faire connaître la source à laquelle on doit l’écrit en vélin. La connaissance de cette source sert à en apprécier la valeur. C’est le produit d’un sommeil magnétique, c’est-à-dire d’un état de délire. § Y. Quel est le sens quia été attaché aux fameuses paroles par les différents membres de la société mystique? Mm9 Thomassin, interrogée sur ce sens, a répondu qu’elle ne pourrait l’expliquer que dans son état de somnambulisme; qu'elle avait pour principe de ne jamais raisonner sa foi et d'y donner un abandon entier (3). Mais comme on lui observait que, puisqu’elle ne pouvait pas se rappeler du sens qu’elle y attachait dans son état de somnambulisme, au moins elle y en attachait un, lors de l’envoi qu’elle en avait fait dans son état d’éveil, et qu’elle était responsable de cet envoi ; elle a répoudu que son unique objet était d'unir l'âme du roi à. la sainte Vierge pour son bonheur et celui de tout le royaume (4). On ne voit pas trop comment le bonheur du (I) Voyez l’interrogatoire du 16 juillet, (2) Voyez son interrogatoire du 18 juillet. (3 Voyez son interrogatoire du 19 juillet. (1) Voyez ibid. ibid. 420 [Assemblée nationale.] royaume pourrait s’opérer, si le roi, suivant le conseil, se fût environné des anciens soldats dans tous les ordres, se fût mis à la tête d’une armée, eût été habiter Versailles, et eût voulu donner à son peuple cette loi si vague de son amour. — On ne voit, au contraire, que désastres, calamités, résultant de pareils conseils. M. d’Hosier, à la même question qui lui a été faite, a répondu, qu’étant convaincu que ces ordres lui étaient transmis far la Vierge , il n'a pas dû en examiner le fond; qu'il a dû obéir sans balancer (1). On devine aisément combien une soumission aussi aveugle pouvait être dangereuse; aussi n’a-t-on pas manqué d’en faire la remarque à M. d’Hosier. On lui a demandé s’il se croirait obligé d’exécuter toute espèce d’ordres qui lui seraient transmis par la même voie, comme venant de la sainte Vierge, tel que celui de nuire à un individu ; il a répondu que le somnambulisme ne pouvait jamais servir à transmettre des ordres criminels (2). Sans vouloir faire aucune application à M. d’Hosier, ne peut-on pas lui répondre que les maho-métans se servent de révélations pour armer les séides? Clément avait aussi des visions. M. Petit-Jean n’a pas eu d’abord recours à ce moyen banal des illuminés; il a voulu expliquer les pensées de l’écrit en vélin, et il a déclaré qu’il n’y attachait d’antre sens, que celui contenu dans les limites données par l’Assemblée nationale au pouvoir exécutif (3). On lui a demandé comment il pouvait allier, avec la Consiitution et la Révolution, le conseil douné au roi de réclamer sa liberté, le droit de commander son armée? Il a répondu, que le sens de ces paroles ne tombait que sur le désir d’imprimer au roi la volonté d'abandonner de ses prérogatives actuelles tout ce qui ne tiendrait qu'à l'orgueil et au faste , en ne se réservant que la faculté d’agir librement par lui-même, pour le gouvernement de son peuple toujours dans les limites du pouvoir qu'il en aurait reçu. En se rappelant l’écrit. en vélin, il est aisé de voir combien cette réponse se conforme peu avec les conseils qu’il renferme; car, est-ce conseiller de renoncer au faste, que de conseiller au roi de se revêtir de toute la pourpre royale? Est-ce être ami de la Révolution, que de conseiller au roi de s’environner de ses anciens soldats de tous les ordres, de quitter Paris, de donner la loi de son amour pour seule loi? L’explication donnée par M. Petit-Jean devait paraître d’autant plus suspecte, que sessentiments sur la Révolution étaient assez connus, par la qualité, qu’il avait affecté de donner au roi, de roi de France et de Navarre. Aussi, quand M. Petit-Jean a été pressé sur le sens inconstitutionnel de ces phrases, s’est-il retranché à dire que ces conseils ne venaient pas de lui; qu’il n’était qu’exécuteur passif d’un simple fait. M. Argence, celui qui a écrit les pensées, a déclaré, qu’il n’y a Hachait aucun sens; que c'était à Mmo Thomassin à en donner l'interprétation dans son état de somnambulisme, si, comme il l'écrit , elle ne peut pas le donner dans son état de veille. De tous ces faits, il résulte que MM. Petit-Jean, d’Hosier, Mme Thomassin, M. Argence, en se retranchant dans la mysticité, dans la croyance (1) Voyez son interrogatoire du 3 juillet. (2) Voyez ibid. ibid. (3) Voyez son interrogatoire du 5 juillet. [29 juillet 1790.] aveugle qu’ils donnent à l’être qui a dicté cet écrit, ont été réduites à l’impuissance de le justifier, de lui attacher un sens excusable. § VI. De quelle manière devait-on exécuter les ordres contenus dans cet écrite IJ y a des variations sur la manière dont celte mission devait être remplie. Suivant Mm# Thomassin et M. d’Hosier, les pensées ne devaient être imprimées que par influence au roi (1). Il s’agissait d’expliquer cette impression par influence, et M. d’Hosier nous a dit que cette impression était une communication par le sentiment intérieur de celui qui veut imprimer , à celui qui doit recevoir l’impression (2). Suivant M. Petit-Jean l’impre-sion parinfluence ne peut s’entendre que par l’idée de substitution, de l’intention d'une âme à une autre (3). Telle est, suivant eux, l’efficacité magique de cette impression par influence, qu’elle peut s'exercer, sans être vue de l’être qu’on veut influencer; qu’elle s’opère de loin comme de près : à la vérité, plus près on a plus de force. M. Petit-Jean ne voulait pas se borner à cette impression mentale des pensées: il a déclaré que l’intention était de remettre ou faire remettre l’écrit au roi (4). Il est vrai que, sentant ensuite le danger d’un pareil aveu, et la contradiction avec les déclarations de son collègue et de Mme Thomassin, il a varié sur cette remise et son intention (5). En résumant, il est prouvé : 1° Que l’écrit en vélin contient des idées dangereuses; 2° Que cet écrit a été dicté et envoyé par Mma Thomassin, écrit par M. Argence; 3°Que MM. d’Hosier et Petit-Jean devaient être et ont été exécuteurs desordres qu’il contient ; 4° Tous ces illuminés s’accordent à soutenir qu’il a été révélé par la Vierge à Mme Thomassin, dans son état de somnambulisme; ce qui prouve leur folie; 5e Tous s’accordent à dire qu’ils ne peuvent y attacher aucun sens; ce qui prouve delà folie ou de la mauvaise foi ; 6° Tous, avec M. Petit-Jean, s’accordent à dire qu’il devait être imprimé par influence du roi; ce qui, encore une fois, prouve la folie. D’après ce résumé, il est facile de juger les personnes qui ont joué un rôle dans cette comédie mystique; Si tous croient sincèrement que cet écrit a été révélé par la Vierge, ils sont tous atteints de folie. Dr, la folie ne peut faire la matière d’une accusation; il faut se borner à recommander les croyants aux soins de bons médecins et de leur famille. Mais s’ils ne croient pas à cette révélation; si ce mystère ne cache que fourberie, qu’hypocrisie, ce sont des crimes ; cette fourberie, si elle était prouvée, pourrait fonder une dénonciation. Mais i’est-elle suffisamment? On trouve bien, à la vérité, des variations, des mensonges parmi tous ces illuminés, qui se disent d’ailleurs des (1) Voyez l’interrogatoire de M. d’Hosier, du 3 juillet, et celui de Mma Thomassin, du 16 juillet. (2) Voyez son premier inierrogatoire du 3 juillet. (3) Voyez son interrogatoire du 3 juillet. (4) Voyez ibid. ibid. (o) Voyez son interrogatoire du 19 juillet. archives parlementaires. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 421 [Assemblée nationale.] êtres religieux. Tel le mensonge de M. d’Hosier pour son nom; telles les variations de M. Petitjean sur l’objet de la remise de l’écrit; telles le3 autres variations sur l’explication du sentiment intérieur. Mais la mauvaise foi, surtout, éclate dans une autre découverte qu’ont procurée les interrogatoires, et sur laquelle nous devons maintenant fixer votre attention. M. Petit-Jean avait annoncé, avec un air de mystère, dans son premier interrogatoire, qu'il avait un secret de la plus haute importance à confier à l’Assemblée nationale; que le roi courait le plus grand danger , que son sceptre devait bientôt lui être enlevé. Cédant aux instances réitérées du comité, il a déclaré « que le complot qui menaçait le roi, avait pour objet de substituer la maison actuelle d’Orléans à la maison régnante, que les préparatifs hostiles de i’Angielerre, à ce moment, ont pour objet de soutenir cet attentat ; et que l’époque, à ce qu’il y a lieu de présumer, sera celle de la fédération (1). » On lui a demandé les preuves de ce complot, et il en a cité trois : 1° La révélation qui en avait été faite par la Vierge à Mme Thomassin; 2° La galerie des tableaux de Saint-Gloud; 3° Une des centuries de Nostradamus. « L’exposé, a-t il dit (2), de la Révolution présente, telle qu’elle est commencée, telle qu’elle se finira, est écrit, dévoilé, révélé dans l’arran-ement même des tableaux de la galerie de Sain t-loud; en conséquence, il a demandé qu’aussitôt le rapport fait à l’Assemblée nationale de sa déposition, elle prenne les mesures nécessaires pour maintenir ce dépôt de preuves essentielles dans un état intact, de manière à ce que lui répondant, puisse, en cas d’interrogatoire, soit au Châtelet, soit devant elle, faire apporter successivement les preuves des complots qu’il annonce. » On lui a demandé les développements de cette Révolution et de ce complot. Il a réservé de les donner à l’Assemblée nationale; mais, dans ce second interrogatoire qu’il a subi, en présence des membres du comité des Recherches de l’Assemblée nationale, il a donné un de ces développements imposants (c’est son mot) ; il a dit que « l’ameublement du premier salon d’entrée de Saint-Cloud présentait trois tableaux, dont l'un, placé dans le milieu, est le duc d’Orléans, père du duc actuel, et les deux autres, faisant pendant l’un de l’autre, indiquent le sort futur de tous les auteurs de ce complot; sort, dont les événements prochains justifieront avant toute autre recherche ultérieure (3). » Il a ajouté que le tableau de la fête prochaine du Champ-de-Mars se trouvait de même dans l’ameublement du château de Saint-Cloud; étendant ses idées plus loin, il a assuré « que la révolution politique de la France est purement initiatoire d’une révolution religieuse, morale, politique et universelle dans toute la terre, dont Saint-Cloud n’offre que le tableau (4). » Comme cet ameublement n’était pas propre à détruire l’incrédulité sur ce complot, M. Petit-Jean a cité la centurie suivante de Nostradamus (5) : (1) Voyez son interrogatoire du 5 juillet. (2) Voyez idem. (3) Voyez l’interrogatoire du 7 juillet. (4) Voyez idem . (S) Voyez idem. [29 juillet 1790.] L’un des plus grands fuira jusqu’aux Espagnes, Quand longue plaie après viendra saignée. Passant copie à travers les montagnes, Dévastant tout, — en suite en paix régner. Ce grand était, suivant M. Petit-Jean, M. d’Orléans; cette longue plaie désignait le projet combiné des escadres anglaise et espagnole qui devaient fondre sur Brest, y détruire la marine française, et, à défaut de succès, débarquer une armée en France, assez à temps, pour seconder à la journée du Ghamp-de-Mars, M. d’Orléans, qui devait entrer en France avec une armée, et marcher sur Paris; mais cette armée étant trop peu nombreuse pour exécuter ce projet, aujourd’hui surtout, a-t-il dit, que ses complices ne peuvent plus le favoriser, il sera forcé de se replier en retraite, soit sur la flotte, soit sur l’Espagne ; et dans l’incertitude de retrouver sa flotte, il est simple de croire qu’il se repliera sur l’Espagne, ce qui est désigné par ces vers, Passant copie (ou troupes) à travers les montagnes Dévastant tout, etc. Quelque ridicule que fût cette prédiction, il était un fait essentiel que le comité devait approfondir. Le prophète avait déclaré que l’exposé de ce complot (l),y joint les noms de ses principaux auteurs, était consigné dans des écrits venant de Mme Thomassin, copiés d’elle par Mme Juinilhac, envoyés par celle-ci à M. d'Hosier, qui en avait donné connaissance au répondant. Il avait de plus déclaré que les noms des principaux auteurs du complot, désignés dans cet écrit, étaient MM. le comte de Mirabeau, Alexandre et Charles de Lameth, et le duc de Liancourt, laquelle désignation, a-t-il dit, il ne répète que sauf erreur. Il avait encore déclaré que ces personnes n’étaient pas simplement désignées, mais qu'elles étaient nommées. (2) M. d’Hosier avait gardé le silence sur ce complot; il fallait l’interroger de nouveau. Il a nié tout; il a nié avoir connaissance de l’écrit de Mma Thomassin, qui contenait l’exposé du complot. Mais ensuite, quand il a été mis en pré sencede M. Petit-Jean, quand il l’a vn fermement persister dans sa déclaration, alors il a changé de langage, et, pour justifier ses contradictions, il a allégué sa timidité naturelle; il a dit qu’il avait entendu nier simplement qu’il eût remis cet écrit; mais d’ailleurs il a avoué avoir communiqué cet écrit à M. Petit-Jean; il a avoué que cet écrit (3) « parlait d’un projet où M. le duc d’Orléans et plusieurs autres avaient formé le projet d’usurper la couronne, et, à défaut, de vendre le royaume à une puissance étrangère non désignée. » Ii aavoué que les complicesde ce projetétaient MM. de Liancourt, Alexandre de Lameth et de Mirabeau, sans autre désignation pour ces derniers; il a avoué qu’il tenait cet écrit de Mme Jumilhac; qu’elle le lui avait adressé de sa terre, près de Limoges, en mai ou en juin dernier; qu’il était écrit de la main même de Mmede Jumilhac; qu’elle lui avait marqué le tenir de Mme Thomassin, et que tout ce qu’il contenait avait été révélé à cette dernière par la Vierge. Mme Thomassin la jeune, à qui l’on a fait lecture de la déposition de M. Petit-Jean, a nié avoir aucune connaissance de cet écrit (4); elle a (1) Voyez l’interrogatoire du 7 juillet. (2) Voyez idem . (3) Voyez interrogatoire du 19 juillet. (4) Voyez interrogatoire du 18 juillet. 422 [Assemblée nationale»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 Juillet 1790.) déclaré « n’avoir aucun Bouvenir d’avoir nommé, dans son somnambulisme, quelqu’un de coupable; qu’elle ne croit pas même que cela soit possible; qu’elle a pu quelquefois parler de nouvelles diverses qui se répandaient, et y ajouter plus ou moins de foi, suivant les circonstances, et s’être exprimée diversement; mais qu’elle ne se souvient point d’avoir eu aucune révélation à ce sujet. » Les dépositions de MM. d’Hosier et Petit-Jean annonçaient que Mme Jumilhac était profondé-dément versée dans tous ces mystères de somnambulisme (1); qu’elle propageait les écrits qui en sortaient; qu’elle avait écrit et envoyé celui relatif au complot attribué à M. d’Orléans. Il était donc du devoir du comité de l’interroger gur ces divers points. Mais quel a été son étonnement, de l’entendre opposer une dénégation positive à ce dernier fait, si bien constaté ! Elle a bien avoué avoir écrit plusieurs fois sous la dictée de Mme Thomassin, dans l’état de somnambulisme ; elle a aussi avoué que Mme Thomassin lui avait recommandé d’envoyer des copies de ceS écrits à M. d’Hosier, lorsqu’elle serait à sa terre ; ce qu’elle a fait en mai oü juin dernier ; mais elle a déclaré n’avoir aucun souvenir de ce que contenaient ces écrits, et les avoir brûlés. (2j Cet oubli si profond devait paraître assez extraordinaire, les faits étaient si graves : comment ne lui avaient-ils laissé aucune impression? Ces faits si graves étaient révélés par la Vierge; et Mma Jumilhac a une foi si robuste pour ces révélations, a tant de vénération pour elles, qu’elle prend la peine de les copier! Comment oublier si vite ce qu’on vénère? Mma Jumilhac les avait d’ailleurs copiées deux fois; et enfin, deux mois s’étaient à peine écoulés depuis ces copies et l’envoi. Toutes ces circonstances cadraient mal avec cette perte subite de mémoire; elles étaient embarrassantes. Mme Jumilhac s’en est tirée, en persistant à dire qu’elle ne s’en souvenait pas; que ce défaut de souvenir venait peut-être, a-t-elle ajouté, de Y obscurité qui règne dans les discours des somnambules . Mais cette obscurité, si utile aux somnambules, pour cacher leur but secret, ne pouvait être invoquée ici; car les auteurs et complices du projet étaient bien nommés. A cette remarque, Mma Jumilhac a répondu : « que jamais Mm8 Thomassin ne nommait personne dans son somnambulisme; que lorsqu’elle voulait indiquer quelqu’un, elle le désignait par les lettres initiales de son nom ; que cette indication, jointe à l'obscurité du fond de l’écrit, a pu être différemment interprétée par ceux qui en ont eu communication. Elle a, d’ailleurs, soutenu n’avoir aucune connaissance de ces noms-là. » Il faut convenir que ces révélations de lettres initiales, qui laissent ensuite un champ libre à des interprétations calomnieuses, sont d’une utilité assez grande, pour que la Vierge apparaisse et les dicte a une simple mortelle; mais, enfin, MM. d’Hosier et Petit-Jean avaient vu des noms entiers dans l’écrit de Mme Jumiihac. Il fallait les entendre sur ces lettres initiales si bien imaginées. M. d’Hosier, qui avait décliné ces noms, qui les avait vus, si bien vus, qu’il avait ajouté une circonstance frappante ; M. d’Hosier, mis en présence de Mme Jumilhac, varie encore une fois, fl) Mmo Jumilhac a donné un logement Chez elle à M. Petit-Jean. (2) Voyez son interrogatoire du 22 juillet. et se souvient de n’avoir vu que des lettres initiales (1). On lui a demandé comment il avait pu appliquer à ces trois personnes des lettres initiales, qui pouvaient convenir à mille autres. — Il a répondu; « que c’était parce qu’il l’avait oui dire en général ; qu’il n’a pas eu de motif particulier de les appliquer ; qu’en faisant l’application il a pu se tromper. » Il ajoute que: « le mot complot ne se trouvait point dans l’écrit envoyé par Mma Jumilhac; qu’il y était question seulement de gens vicieux voulant le mal , etc. » Sur cette réponse complaisante, on a fait observer à M. d’Hosier qu’il était perpétuellement en contradiction avec lui-même dans ses divers interrogatoires. Il s’est contenté de répondre, que ce qu’il venait de dire était la vérité (2). La vérité, eh ! comment donc caractériser les autres réponses? Peut-on citer la vérité quand on la viole? Il n’est pas difficile, d’après cet exposé, de juger et ce complot, et la révélation prétendue qui en a été faite, et les dénégations de cette révélation. Le complot n’est, sans doute, qu’une chimère, et serait une calomnie, si les preuves qu’en donne M. Petit-Jean ne décelaient pas, dans lui, la démence. La révélation du complot, par la Vierge, est une autre chimère. Mais ce qui n’est point chimérique, c’est qu’il a existé un écrit contenant la prétendue révélation de ce complot, copié par Mme Jumilhac, et envoyé par elle à M. d’Hosier. Il existe, sur ce fait, une double déposition qui détruit la dénégation de Mma Jumilhac, celles de MM. d’Hosier et Petit-Jean; l’un a reçu l’écrit et l’autre l’a eu en communication, et M. Petit-Jean ne pouvait se tromper sur l’écriture, puisqu’il était en correspondance avec Mma Jumilhac. Quelle que soit la source d’où vienne cet écrit, quelle qu’ait été l’intention en la propageant, on doit blâmer MM. d’Hosier, Petit-Jean et Mmo Jumi-lhac, ou de n’avoir pas dénoncé le complot, s’ils étaient convaincus de sa réalité, ou, s’ils ne l’étaient pas, d’avoir contribué à la circulation d’une calomnie grave, contre des citoyens que leur place doit rendre respectables, et d’avoir, pour assurer le succès de cette calomnie, supposé une révélation divine. La mauvaise foi, qui a percé dans leurs réponses, leurs variations, leurs dénégations, doit réfléchir sur l’explication qu’ils ont donnée de l’écrit en vélin et du somnambulisme auquel ils l’attribuent, et doit les rendre très suspects. Si la démence ne caractérisait pas tous les rêves qu’ils ont débités sur cet écrit, si elle n’infectait pas tous les actes qui en ont été la suite, oh ne pourrait s’empêcher de prononcer; Que Mmô Thomassin est coupable d’avoir communiqué cet écrit à Mma Vassart, et de l’avoir envoyé, dans son état de veille, à M. d’Hosier; Que M. Argence, qui l’a copié, est blâmable d’avoir laissé subsister un écrit aussi dangereux, lorsqu’il ignorait l’usage qu’on devait en faire ; Que M. d’flosier est coupable d’avoir communiqué cet écrit à M. Petit-Jean, et d’avoir cherché à exécuter les ordres qu’il contenait; Que M. Petit-Jean, surtout, est coupable d’avoir (1) Voyez l’Interrogatoire du 23 juillet, (2) Voyez ibidem (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790. J 422 voulu remettre et faire remettre au roi cet écrit. Tous ces actes étaient d’autant plus blâmables, que les conseils renfermés dans l’écrit étaient donnés dans un temps de troubles, et à la veille de la grande fédération, lorsque tous ces anciens soldats, dont on parle dans récrit, devaient être rassemblés. . En deux mots, l’écrit contient un projet dangereux; l’intention est plus que suspecte, mais les moyens sont extravagants. Il faut pardonner à la folie, mais, en même temps, il faut se mettre en garde contre elle; la publicité, qui d’ailleurs est un devoir, en préviendra les écarts ou fera justice des imposteurs. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 JUILLET 1790. Adresse de la communauté de Villeneuve-lès-Avï-gnon au sujet des imputations dirigées contre elle, par M. Bouche , député de Provence , dans la séance du 17 juillet , à propos de l'affaire d'Avignon. Ce jourd’hui 25 juillet 1790, dans l’hôtel de la commune de Villeneuve-lès-Àvigoon, à 2 heures de relevée, Le conseil général de la commune, présidé par M. Antoine Ghabrel, maire, assemblé à son de cloche et par billets d’invitation, auquel ont été présents MM. Marie-Joseph Augustin de Roubin, Bertrand Lhermite, Antoine Valay, Joseph Barra-can, Claude Bonel, Gabriel Anestay et Jean Gar-uet, officiers municipaux; Jean-Baptiste Noël eigneuret, Antoine Lyon, Gabriel Aubert, François-Aubert Linsolas, Claude Rouvierre, Robert Ferrand, Joseph Lautier, Michel Gonet, André Laugier, Pierre-Paul Bouyer , Michel, Pascal Bouyer, Biaise Tardieu et Firmin Bremond, notables, en l’absence des autres, pour être malades ou en foire de Beaucaire. M. Pierre-Marie Palejay, procureur de la commune, présent. M. le maire a dit : que tous les papiers publics font mention d’une inculpation grave, à laquelle M. Bouche, député d’Aix à l’Assemblée nationale, s’est livré contre les citoyens de cette ville et la municipalité, dans la séance du 17 courant, en parlant sur les troubles d’Avignon ; voici un extrait du Journal des Débats, n° 348, imprimé avec le consentement de l’Assemblée nationale, par Baudouin, son imprimeur. « M. Bouche s’est dit l’organe de tous les départements du Midi.. . Il s’est aussi livré à toute son indignation contre la ville de Villeneuve-lès-Avignon, qui a seule entendu les cris des malheureux, et n’a pas volé à leur secours, dans le sein de laquelle il s’est fabriqué, à ce qu’on assure, dix-huit mille cartouches, et où l’on ourdit chaque jour de noirs et perfides complots. » Qu’il ne doit non plus laisser ignorer que la ville a trouvé dans un honorable membre (M. de Clermont-Lodève), un digne défenseur contre les noirceurs de M. Bouche; voici ce que porte le même journal : « M. de Clermont-Lodève s’est efforcé de défendre la ville de Villeneuve-lès-Avignon, inculpée par M. Bouche, et il a cherché de prouver qu’elle avait plus d’intérêt qu’aucune autre d’être attachée à la France. » Qu’enfin le sieur André, citoyen de cette ville, député du district à la fédération générale de Paris, a écrit au corps municipal, en date du 20 de ce mois, pour lui témoigner toute sa peine et sa sensibilité aux imputations faites à cette ville, par M. Bouche, à la même séance citée par le susdit journal, ce qui ne laisse aucun doute sur la vérité du fait, Que la garde nationale et à elle joint grand nombre de citoyens, se sont rendus ce matin à la maison commune et ont dénoncé à la municipalité la partie du discours de M. Bouche, concernant cette ville, comme tendant à faire naître des soupçons sur les principes et les sentiments de patriotisme dont nos concitoyens ne cessent de donner des marques depuis la Révolution, et ont demandé que la municipalité en poursuive la juste réparation; ce qu’il expose pour y être délibéré, remettant le susdit journal et lettre dudit sieur André, sur le bureau. M. le procureur de la commune ouï : Le conseil général de la commune, pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance pour M. de Clermont-Lodève, lui a voté par acclamation les remerciements les plus sincères. Et partageant avec tous les citoyens la juste indignation que leur ont inspiré les imputations odieuses que M. Bouche a osé se permettre contre cette ville, dans le sein de l’Assemblée nationale, s’empresse de déclarer et d’assurer à la France entière, que tout ce que ledit sieur Bouche a dit contre Villeneuve est un tissu d’impostures, de fausseté, et de calomnie la plus noire, et qu’il le défie d’en donner la moindre preuve. 11 se réserve, en conséquence, dele poursuivre par-devant tous tribunaux compétents, jusquesà due réparation, lorsqu’il sera dépouillé du caractère sacré de représentant de la nation, dont il a abusé si ouvertement dans cette occasion. Cette calomnie est d’autant plus sensible aux citoyens et à la municipalité, qu’ils s’étaient jusqu’à ce jour glorifiés de l’harmoDie et de l’union üi régnent en cette ville parmi toutes les classes e citoyens. Que malgré les pertes incalculables que cette ville éprouve dans laRévolution par la destruction des corps religieux et l’abolition des privilèges, elle n’a jamais cessé de donner les préuves les plus évidentes de son patriotisme et de son attachement à la Constitution (1). Le conseil général donne pour preuve de ce patriotisme l 'adhésion (2) que cette ville a donnée, avant presque toutes les autres, aux décrets de l’Assemblée nationale, la renonciation à tous ses privilèges, l’empressement de la municipalité à ouvrir le registre de la contribution patriotique, dès qu’elle eut connaissance du décret rendu à ce sujet, même avant de l’avoir reçu officiellement, celui de tous les citoyens à y souscrire, au point qu’il en renferme pour environ 70 mille livres, et de les acquitter (3). (1) Les corps religieux qu’elle avait dans son sein jouissaient de plus de 200,000 livres de rente, dont la majeure partie était employée au soulagement des pauvres et à l’entretien de l’hôpital, qui n’a pas seulement un revenu fixe de 600 livres. La ville était indemne de taille. (2) Elle est consignée dans le procès-verbal de l’Assemblée nationale, à la séance du T septembre 1769. i,3) La municipalité n’a point été dans le cas de faire la déclaration pour aucun citoyen ; tous ont rempli ce devoir et plusieurs journaliers ont fait une offrande patriotique.