[4 février 1791. | 745 [Assemblée uationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent des ventes de biens nationaux qui sont décrétées comme suit : « L’Assemblée nationale, sur les rapports qui lui ont été faits par plusieurs membres du comité d’aliénation, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, par différentes municipalités ci-après nommées, a déclaré et déclare leur vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; Savoir : Département du Loiret. A la municipalité de Beaugeucy, pour la somme de ............. 91,464 1. 7 s. 2 d. Département de Maine-et-Loire. A la municipalité d’Angers .................. 52,000 1. •> s. » d. Département de l'Yonne. A la municipalité d’Auxerre, pour la somme de ............. 340,272 1. 10 s. 4 d. Département de la Sarthe. A la municipalité du Mans, pour la somme de 203,184 1. 6 s. A la même, pour la somme de ............. 46,762 1. 4 s. Le tout ainsi qu’il est plus au long porté aux décrets et états d’estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. M. le Président fait connaître à l’Assemblée l’état de santé de M. Lucas, député de la ci-devant province de Bretagne, qui demande un congé de six semaines. (Ce congé est accordé.) M. le Président donne lecture d’une lettre par laquelle M. d’Aremberg de la Marck sollicite, pour des intérêts de famille, un congé de dix jours, à partir du 8 du courant. (Ce congé est accordé.) M. 'Vernier, au nom du comité des finances. Messieurs, j’ai été chargé par le comité des finances de rendre compte à l’Assemblée d’une circonstance relative à l’exécution de vos décrets. Pour vous en rendre compte, je vais lire la lettre adressée au comité le 10 janvier : « Je crois devoir vous engager de nouveau à procurer aux commis des bureaux de l’administration générale du département des finances le payement de leurs appointements sur l’ancien pied, pour le quartier échu le premier de ce mois. Il n’est pas possible que ce payement se fasse autrement, puisque les bureaux sont restés dans i’etat où ils étaient; qu’il convient même de les y laisser jusqu’à l’organisation prochaine du miuistère, pour ne pas s’exposer à renvoyer des sujets qui deviendront de plus en plus nécessaires lorsque le pouvoir exécutif aura repris la consistance que la Constitution lui assure. Je vous prie de vous occuper de cet objet le plus tôt possible et de me faire part de l’arrêté pris : la situation de ces commis qui n’ont que leurs appointements pour subsister devenant chaque jour plus fâcheuse. » Dans l’exposition de cette lettre, vous voyez que les commis doivent être payés, parce qu’on les a laissés en place. Votre comité des finances n’a pas hésité de dire qu’ils devraient être payés, quand on a parlé du troisième quartier. Il s’agit (lu quatrième, et sur le quatrième votre comité n’a pu rien décider sans les ordres de l’Assemblée, parce que vous sentez, Messieurs, que c’est l’exécution d’un décret. Je crois que l’Assemblée dans sa sagesse, laissant les choses en l’état qu’elles sont, peut décider que provisoirement seulement ces commis doivent être payés, sauf à voir en définitive à la charge de qui doit tomber le payement dont il s’agit. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angêly). Je désire que l’on rende un décret sur la proposition de M. Vernier; et voici mon motif : au mois d’août dernier, on vous présenta l’état des frais d’administration des départements. Dans celui de l’intérieur, dont M. de Saint-Priest était ministre, vous ordonnâtes des réductions. Les circonstances particulières et l’immensité des travaux dont ce département a été surchargé, relativement à l’envoi des lois, ont empêché la réduction du nombre des employés de ce département. Il est incontestable qu'il faut que les commis qui ont travaillé soient payés pour le quartier échu au 1er janvier, et qu’ils continuent de l’être jusqu’à l’organisation du nouveau ministère; mais cependant il ne faut pas que votre comité des finances soit autorisé par vous sans décret à donner nn ordre opposé aux dispositions formelles de votre décret du 7 août. Je demande que vous déclariez par un décret que l’exécution de votre décret du mois d’août dernier sera suspendue jusqu’à l’organisation des bureaux du ministère, en ce qui regarde le nombre des commis. Cette proposition est décrétée comme suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète : « Que l’exécution du décret du 7 août, sur l’administration générale des départements du ministère, demeurera suspendue à l’égard des commis actuellement en fonctions; et ce, jusqu’à la nouvelle organisation. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le tabac. M. de La Rochefoucauld, au nom du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d’imposition est prêt à reprendre aujourd’hui la discussion sur le tabac dans l’état où vous l’avez ajournée samedi dernier. Il persiste dans les idées qui vous ont été soumises en son nom ce jour-là par M. Rœderer. Les députés des départements du Haut et Bas-Rhin, du Nord et du Pas-de-Calais, ont conféré avaut-hier avec M. de Mirabeau au comité diplomatique, et le résultat de cette conférence a été le désir commun qu’il ne fût pas nécessaire d’asseoir pour l’Etat un revenu sur une prohibition de culture et de fabrication contraire aux principes de la liberté que vous établissez. Pendant ce même temps, les travaux de votre comité des finances se sont avancés; et dès après- 746 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLE31ENTAIRES. [4 février 1791.] demain, il doit être en état de vous présenter le tableau des besoins publics pour l’année 1791. Il a bien voulu communiquer son travail à votre comité d’imposition, qui pourra vous soumettre de nouveau les moyens de pourvoir aux dépenses de cette même année, aussitôt que vous en aurez arrêté la somme. Il est prêt à vous donner aussi le reste de son travail et les projets de décret vous seront distribués sous deux jours. Vous ne trouverez entre le nouveau tableau et celui du 6 décembre dernier d’autres différences que celles nécessitées par les décrets que vous avez rendus depuis cette époque, pour les secours i répandre dans les départements, et celles résultant de dispositions nouvelles adoptées par votre comité sur les parties dont il ne vous avait pas encore soumis les détails, et de la révision au calcul de quelques autres. Mais il me charge de vous annoncer que la liberté de la culture et de la fabrication du tabac subsiste toujours dans son plan ; que le revenu à tirer de cette marchandise consistera dans les droits de douane, dans ceux sur le débit et la fabrication, et dans le produit que procureront les fabriques nationales sans privilège exclusif. Il combinera ces différents droits de manière à présenter au commerce des Etats-Unis d’Amérique un attrait qui le détermine à faire des ports de France l’entrepôt de ses tabacs en Europe. Ainsi, restituant aux habitants du royaume une liberté dont la plus grande partie était privée, vous trouverez encore une occasion de resserrer les liens qui unissent les Américains aux Français. Mais quelque désir qu’ait votre comité d’accélérer votre marche sur les objets de son travail, il ne pense pourtant pas que vous deviez vous occuper aujourd’hui de la question ajournée sur le tabac, puisque sous peu de jours, ayant sous les yeux d’un côté les besoins de la nation, et de l’autre ses ressources, vous pourrez vous décider eu pleine connaissance. Aussitôt donc que le comité des finances vous aura fait son rapport, vous vous livrerez sans interruption aux discussions importantes dont le résultat heureux fondera la confiance publique sur des bases solides. Votre comité d’imposition vous annonce avec satisfaction qu’il règne dans tous les départements la plus louable activité pour toutes les opérations relatives à l’établissement des contributions. Nous demandons donc, Messieurs, d’ajourner la question du tabac à un jour prochain, après celui où le comité des finances aura fait son rapport. M. de Delley (ci-devant Delley d’Agier). Je demande qu’on ajourne après qu’on aura traité toutes les parties de l’impôt. M. de Folleville. J’appuie la motion de M. de La Rochefoucauld, et je demande que le décret qui sera rendu aujourd’hui soit irrévocable -, car, Messieurs, déjà nous avions décrété que, après avoir connu nos dépenses et les moyens d’v subvenir, nous nous occuperions de cet objet. Le comité a fait de l’Assemblée une navette de tisserand, et l’a fait aller de gauche à droite, et de droite à gauche. Je demande donc qu’on adopte ce qui a été proposé par M. de Delley, et je demande encore qu’on ne statue sur aucun impôt qu’après avoir considéré le système de l’impôt en général. M. ÏHalouet. Nous ne pouvons pas nous refuser à ajourner, lorsque notre comité, chargé de cette délibération, s’y réfère et demande lui-même l’ajournement; mais cependant nous connaissons assez les différentes propositions faites par le comité de Constitution pour voir avec effroi que l’on se propose de retrancher de la recette publique un impôt indirect de 30 millions qui doit porter sur les gens riches. Plusieurs membres. Aux voix! aux voix! M. le Président : Sur l’heureux espoir et même sur la certitude qui nous est présentée par le comité de l’imposition, que nous pourrons nous passer du régime prohibitif, je mets aux voix l’ajournement, jusqu’à ce que le comité des finances ait donné à l'Assemblée la connaissance du tableau de recette et de dépense. (L’ajournement est décrété.) M. Vernier, au nom du comité des finances. L’objet dont j’ai à vous entretenir, Messieurs, est très intéressant. Vous connaissez les insurrections qui ont eu lieu dans différentes villes du royaume, que la fatalité des circonstances a entraînées et nécessitées, pour ainsi dire. Vous aviez pour percepteurs, dans les pays d’Etats, les receveurs ordinaires de ces même pays; vous aviez nommé fermiers delà nation tous ceux qui étaient chargés de correspondre, soit à la régie, soit aux fermes générales, soit aux traites. De cette position, messieurs, naît une infinité de comptes entre ces mêmes fermiers et le Trésor public. Tous ces fermiers vous demandent aujourd’hui une indemnité, et on ne peut se dissimuler que leur demande est juste. Les uns ne veulent compter que de clerc à maître, les autres prétendent n’avoir rien perçu, et refusent franchement de payer. Dans ces circonstances l’opinion de votre comité, Messieurs, était de vous proposer un projet de décret en plusieurs articles. Le premier serait d’attribuer provisoirement aux départements la faculté de régler l’indemnité due à chaque fermier. Le second article serait de permettre qu’il vous en soit référé, ou d’autoriser encore vos comités provisoirement à adopter l’opinion des corps administratifs. M. de Folleville. Messieurs, il paraît que M. le rapporteur n’a pas considéré la question dans toute son étendue; le rapport le plus essentiel à présenter était celui du remplacement de ces impositions ; car j’ai l’honneur de vous observer que le mode d’imposition n’étant point uniforme, il y avait une grande partie des provinces qui ne payaient une partie de leur contribution financière qu’en contributions indirectes, telles que l’Artois et autres. Mon opinion serait donc que chaque département donnât son avis sur ta compensation à accorder aux fermiers et qu’il vous présentât, d’une manière additionnelle aux impôts directs, le remplacement de cette contribution à faire sur lui-même. M. Vernier, rapporteur. Les réflexions de M. de Folleville sont extrêmement justes; je demande le renvoi de la question au comité des finances afin que, d’après un nouveau rapport et l’avis du comité, l’Assemblée puisse statuer en connaissance de cause.