f Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.] 521 mune de Paris, qui désire présenter à l’Assemblée une adresse sur le marc d’argent. L’Assemblée décrète que cette adresse sera envoyée au comité de constitution. L’Assemblée reprend la suite de son ordre du jour et passe à la discussion des rapports de son comité militaire sur la constitution militaire. M. Alexandre de Aaineth, député de Pé-ronne (1). Messieurs, vous avez entendu les deux rapports qui vous ont été faits par votre co mité militaire : je suis loin de refuser à ces ouvrages le genre de mérite que chacun d'eux présente, et dont leurs auteurs paraissent s’être particulièrement occupés. Le premier offre, sans doute, des vues utiles, des détails intéressants, des données indispensables pour l’organisation de l’armée. Le second y joint des dispositions importantes sur la constitution militaire; mais il semble que ni l’un ni l’autre n’a présenté l’ensemble du travail dont vous avez à vous occuper; et que surtout la marche que vous devez suivre n’y est pas assez clairement indiquée. Vous avez été envoyés, Messieurs, pour rendre la France libre, et pour lui donner une constitution ; cette idée principale est celle à laquelle vous devez ramener sans cesse vos pensées; c’est le centre auquel toutes vos opérations doiventaboutir; c’est le principe qui doit toutes les diriger. Ainsi, quand vous portez vos premiers regards sur l’organisation de l’armée, sa liaison à la constitution, les lois générales qui, déterminant son usage et le but de son institution, la rendront propre à défendre la France contre l’étranger, sans compromettre jamais sa liberté intérieure; celles qui, conciliant son existence, non seulement avec la prospérité publique, mais avec les droits naturels des individus, marqueront avec précision ce que le soldat doit à la discipline, et ce que la loi militaire doit au citoyen engagé sous les drapeaux. Voilà, selon moi, les premiers rapports sous lesquels vous devez envisager la tâche que vous avez à remplir. De là naîtra, Messieurs, une première classe de lois sur l’armée, lois fondées immédiatement sur les maximes éternelles des droits des hommes, liés à la forme de notre gouvernement, qui seront une partie essentielle de la constitution, et que, par conséquent, il n’appartient qu’à vous de décréter avec l’acceptation du Roi. Les lois subordonnées, nécessaires à l’application de celles-là, mais susceptibles, pour le bien de l’Etat, de varier suivant les circonstances, nous présentent ensuite une féconde classe de lois militaires; leur établissement appartiendra aux simples législatures. Enfin, après l’émission de ces lois, doit suivre l’organisation intérieure de l’armée, qui exigera des règlements et des ordonnances sur la formation des troupes, sur les manoeuvres, sur la discipline, enfin, sur toutes les parties de l’économie militaire. Je pense que ces règlements subordonnés et assujettis aux lois que vous aurez portées, doivent, à tous égards, être abandonnées au pouvoir exécutif; et parmi les objets que votre comité vous a présentés, je crois qu’il en est plusieurs qui rentreront dans cette classe. En considérant pour la première fois, Messieurs, les lois militaires dans leurs rapports avec une constitution libre, il est impossible de se dissimuler les difficultés d’une si grande et d’une si importante tâche; des préjugés invétérés, de longues (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. Alexandre de Lamelh. épreuves, et l’exemple de presque toutes les na-tioos, semblent se réunir pour nous donner des craintes et pour exciter notre inquiétude ; unir dans une grande monarchie, dans une vaste région à qui sa situation n’a pas assigné de toutes parts des limites naturelles, une puissance formidable au dehors avec une liberté solide au dedans, concilier dans une armée nombreuse une discipline exacte, avec les droits sacrés que des soldats citoyens ne peuvent jamais aliéner; ce sont peut-être, Messieurs, les plus grands problèmes politiques qui aient encore réel amé votre attention , et qui vous restent encore à résoudre. Peut-être avant l’heureuse Révolution, qui a changé la face de cet empire, et qui a pressé si rapidement les progrès de toutes les idées, personne n’aurait-il osé croire à la possibilité d’une pareille combinaison ; où en effet aurait-il cherché des modèles ? Où aurait-il puisé l’idée d’une armée à la fois disciplinée et citoyenne ? Serait-ce chez ces nations qui font delà science militaire leur unique étude, et chez lesquels, depuis longtemps, nous étions accoutumés à en chercher des leçons ? Jetez les yeux, Messieurs, sur les divers peuples de l’Europe, et vous verrez, presque partout, les armées agir en raison inverse de leur véritable institution ; faites pour défendre les peuples, elles ne sont occupées qu’à les contenir; destinées à protéger la liberté, elles l’oppriment; à conserver les droits des citoyens, elles les violent; elles sont une espèce de propriété royale, entretenue à grands frais par les peuples pour assurer leur oppression. Si, dans un coin de l’empire, quelques hommes généreux ont assez d’énergie pour n’être pas arrêtés par la crainte, et réclament l’exercice des droits naturels, on y envoie des soldats, les faibles plient, les courageux périssent, et tout rentre dans l’ordre, c’est-à-dire dans l’esclavage. Vivant au sein, je ne dirai pas de leur patrie, mais de leur pays, comme des conquérants au milieu de peuples vaincus, les officiers et les soldats, aveugles instruments des volontés d’un maître, ne sont occupés qu’à étendre ce qu’ils appellent sa gloire, c’est-à-dire son autorité. En entrant au service, ils doivent renoncer aux plus chères affections de la nature; leur religion est de ne connaître ni parents, ni frères, ni amis, de ne savoir qu’obéir. Tel est, Messieurs, l’affligeant spectacle que présentent les armées du nord, et telle est la conséquence presque nécessaire de cette étrange corruption des institutions humaines, qui plaçant dans un état continuel de discorde et de guerres, des nations faites pour s’aimer et s’entresecourir, a placé, dans les forces mêmes qu’elles sont obligées d’entretenir pour leur défense, une source de ruine, et un moyen continuel d’oppression. Sans doute le moment approche où les lumières universelles mettront un terme à cet inconcevable délire; une révolution, peut-être lente, mais inévitable, prépare à toutes les nations la connaissance et la conquête de leurs droits : alors une des premières vérités qui viendra frapper tous les yeux, c’est l’intérêt qu’elles ont de s’unir, et l’étrange abus de laisser à un petit nombre d’hommes le pouvoir de sacrifier des peuples entiers à leurs ressentiments personnels, à leurs méprisables caprices. 1! ne sera plus nécessaire alors d’entretenir, au sein d’une nation, une multitude d’hommes armés; et les moyens de concilier leur existence, soit avec les revenus publics, soit avec la constitution et la liberté, ne seront plus un des points les plus difficiles de la science des gouvernements. m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.] Mais jusqu’à cet heureux jour que peut-être pouvons-nous nous flatter d’atteindre, et que nous aurons au moins la satisfaction d’avoir avancé pour l’espèce humaine, l’exemple que nous avons à donner, c’est eelui de lier l’existence, encore nécessaire, d’une grande armée, avec une constitution libre. C’est aussi, Messieurs, à remplir ce but que je me suis principalement attaché : j’ai considéré l’organisation de l’armée, sous les rapports du pouvoir constituant, du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif; mais pendant que les objets de cette dernière classe étaient étrangers à nos travaux, et que ceux de la seconde ne doivent être arrêtés qu’après une mesure préalable que j’aurai l’honneur de vous présenter, je me suis surtout attaché à la partie constitutionnelle. Parmi les dispositions de ce genre, il en est qui m’ont paru assez peu susceptibles de discussion pour vous être proposées à décréter dès à présent. Les autres présentant de plus grandes difficultés, et n’exigeant pas une décision instante, je vous inviterai, après vous avoir présenté quelques idées, à lesrenvoyerà votrecomité de constitution, qui se concertera à cet égard avec le comité militaire. Si l’usage et le développement de la force militaire dans une grande monarchie, exige la célérité dans les ordres, l’ensemble dans les mouvements, les rapports immédiats dans les projets, et l’unité de forces dans l’action, si en fin l’impulsion doit être donnée par le centre et communiquée à toutes les parties, il s’ensuivra qu’une seule pensée doit présider à toutes les opérations, qu’une seule volonté doit diriger toutes les forces individuelles qui constituent la force publique et la sûreté de l’empire: l’armée devra donc être remise entre les mains du pouvoir exécutif. De là résulte la nécessité d’un premier décret constitutionnel, qui déclarera le Roi chef suprême de la puissance militaire. Après avoir consacré cette première base, après avoir conféré au chef de la nation, un pouvoir que la nature des choses rend indispensable; la prudence vous appelle, Messieurs, à prescrire immédiatement Jes précautions qui doivent en prévenir l’abus. Les représentants de la nation doivent prévoir qu’il peut arriver un temps où la France ne sera pas, comme aujourd’hui, gouvernée par un Roi citoyen, qu’il peut en exister un jour, qui, aveuglés sur leurs véritables intérêts, chercheraient un autre pouvoir que celui de la constitution; que même avec des intentions droites, ils pourraient être dirigés par des ministres qui méconnaissant les grands principes des droits des hommes et des peuples, croiraient encore que les rois sont nés pour commander aux nations, au lieu d’être institués par elles pour faire exécuter les lois, qui, par l’amour et le souvenir du pouvoir, voudraient soustraire le monarque à cette dépendance immédiate, qui voudraient enfin le mettre hors de la nation, en lui créant un intérêt particulier, en le séparant del’intérêt national. 11 n’est pas hors des règles de la prudence, de leur supposer de pareilles intentions, et il est de son devoir d’en prévenir les dangers. Divers moyens pourraient être employés avec succès contre la constitution. Si les ministres étaient les maîtres d’augmenter le nombre des troupes, ils pourraient, par des économies faites pendant plusieurs années, soit sur les revenus particuliers du Roi, soit sur les fonds attribués à chaque département, et dont ils présenteraient assez facilement un emploi inexact, soit par des changements dans la solde, augmenter le nombre des soldats, et menacer la liberté. Ces dangers sont faciles à prévoir, et la constitution doit les prévenir; elle prononcera donc que le nombre des troupes et la solde de l’armée, ne pourront être changés que par des décrets du Corps législatif. Si les ministres étaient les maîtres de composer l’armée de troupes étrangères, d’hommes qui ne seraient liés, ni par les intérêts, ni par les devoirs qui attachent les Français à leur patrie, la force destinée à la défense de l’État pourrait être facilement tournée contre sa liberté. Il est donc important que ce moyen d’oppression ne soit pas en leur pouvoir. J’aurais voulu, Messieurs, qu’il me fût possible de vous engager à consacrer en ce moment une grande vérité; c’est qu’une nation de vingt-six millions d’hommes doit se suffire à elle-même, et n’être pas réduite à appeler des étrangers pour la défendre. Je crois, Messieurs, que l’établissement de ce principe intéresse également et la liberté et l’honneur national; mais j’avoue en même temps que les circonstances présentes ne permettent pas d’en tirer des conséquences rigoureuses, que l’état actuel de l’Europe, que la fermentation qui y règne, que les événements qui s’y préparent, que les impressions différentes qu’a produites, dans divers pays, notre Révolution, et les projets qui peuvent en être la suite; qu’en fin le soin de l’avenir doit nous rendre prudents, et que ce ne serait pas sans danger que vous retrancheriez en ce moment la portion si considérable et si essentielle que forme les troupes étrangères dans l’armée française, et qui irait accroître encore des forces ennemies. Divers moyens seront propresà concilier l’intérêt général avec les égards que méritent des militaires distingués par leurs talents et les services signalés qu’ils ont rendus. Je me bornerai à proposer, en ce moment, que la constitution prononce qu’aucunes troupes étrangères ne pourront être employées au service de le France sans le consentement du Corps législatif. Si les ministres étaient les maîtres de diriger à leur gré l’action des forces militaires dans l'intérieur du royaume, il leur serait facile, en paraissant agir pour le maintien de l’ordre et la sûreté publique, d’attenter à tous les droits des citoyens, et de préparer la ruine de la liberté. Il est donc important que le pouvoir constituant détermine avec le plus grand soin les règles auxquelles sera assujetti l’emploi des forces militaires dans l’intérieur du royaume. Ces règles résulteront du rapport établi par la constitution entre la force militaire et le pouvoir civil. Vous avez déjà ordonné, Messieurs, que les troupes prêteraient serment en présence des officiers municipaux, et qu’elles ne pourraient agir que sur leur réquisition; mais cette disposition est absolument insuffisante : il faut encore statuer sur leurs relations avec les milices nationales; car je me garderai de mettre en doute que vous ne consacriez cette institution, qui a si puissamment contribué à la conquête de notre liberté, et qui en sera toujours le plus ferme appui. Et quoique ces relations portent toutes sur ce grand principe, que les troupes réglées sont auxiliaires des milices nationales, pour le maintien de l’ordre intérieur, et que les milices nationales sont auxiliaires des troupes réglées pour la défense extérieure, et qu’en conséquence elles sont alternativement subordonnées les unes aux autres, à raison des fonctions auxquelles elles sont employées; les statuts à faire à cet égard ne laisseront pas que d’être difficiles et compliqués. Les règles à établir pour [9 février 1790. J (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. m les garnisons, et surtout pour les places fortes, qui, pouvant toujours être attaquées, doivent être considérées comme étant toujours en étatdeguerre, et où les chefs militaires étant responsables de tout ce qui est relatif à la défense de la place, doivent disposer de toutes les forces qu’elle renferme; les mesures à prendre à cet égard, Messieurs, ne laisseront pas que de présenter d’assez grandes difficultés, et ont besoin d’être mûrement examinées; elles exigent particulièrement un concours de connaissances militaires et de principes politiques; elles ont besoin surtout d’être calculées d’après les bases qui auront dirigé la formation des milices nationales. Les questions relatives à leur établissement n’ayant pas encore été discutées, je ne me permettrai pas de vous soumettre mes idées sur cet objet, pensant que le comité de constitution, réuni au comité militaire, devront être invités à vous présenter les leurs. Si les ministres étaient les maîtres de destituer un militaire de son emploi, sans motif et sans formalité, non seulement ils deviendraient les arbitres despotiques de la destinée d’une multitude de citoyens, mais ils pourraient, par la dépendance absolue dans laquelle ils les tiendraient, tourner leur force contre la constitution ; et ainsi le sort de l’Etat, ou au moins la tranquillité, seraient incessamment dans leurs mains. Il faut donc pourvoir à ce danger ; il faut que l’état et l’honneur d’une classe précieuse de citoyens ne puissent, quel que soit leur grade, dépendre que d’un jugement. Le soldat, comme ses chefs, a droit d’attendre que son honneur et son existence ne seront point compromis par une exclusion arbitraire. En un mot, la forme des jugements doit être aussi simple, aussi appropriée au maintien de la discipline qu’il sera possible ; mais il doit être prononcé constitutionnellement qu’aucun militaire ne pourra être cassé ni destitué de son emploi sans un jugement préalable. Vous avez décrété, Messieurs, que le recrutement de l’armée active se ferait par le moyen d’engagements volontaires *, vous avez pensé que la conscription militaire, pour cette première ligne de troupes, n’était pas admissible, et l’on ne peut disconvenir qu’elle présentait de grandes difficultés. Vous avez pensé avec raison, et d’après l’expérience, que les engagements volontaires, et surtout lorsque le sort du soldat serait amélioré, pourraient suffire pour en procurer le nombre suffisant en temps de paix ; mais une autre grande difficulté se présente, et il faut la résoudre ; c’est de trouver le moyen de soutenir, d’alimenter, d’augmenter même très considérablement l’armée ordinaire, dans les temps de guerre, et de répondre à l’immense consommation d’hommes qu’elle entraîne nécessairement. Je sais, Messieurs, que la philosophie calcule avec peine ces grands désastres, ces fléaux destructeurs de l’espèce humaine; je sais aussi que l’heureuse Révolution qui s’est opérée parmi nous, ne s’arrêtera pas aux limites du royaume, et que la liberté changera tôt ou tard la face de l’univers. Mais jusqu’à cette époque désirée, mais jusqu’au moment où toutes les nations de l’Europe auront dit d’une manière aussi énergique que nous, qu’elles veulent être libres, et auront établi entre elles des rapports d’alliance et de fraternité; vous sentez, Messieurs, combien il est important de conserver avec elles une proportion de force qui puisse en imposer et ôter aux monarques qui en disposent le désir de nous attaquer, par l’espoir de le faire avec succès ; vous sentez combien il est important de nous assurer, de mettre augranfi jour nos moyens de défense, pouf éloigner de nous les agressions, ou les repousser si elles avaient lieu. Nous devons donc préparer des moyens digues d’une grande nation, et qui nous mettent à même d’en user rarement. Quand il s’agira de déterminer quel nombre de troupes est nécessaire à la position géographique de la France, et aux circonstances politiques dont elle est environnée, il sera facile de prouver que les 140,000 hommes demandés par le comité militaire ne sont pas, en temps de paix, un nombre trop considérable, et ne forment pas, en temps de guerre, la moitié des forces qui peuvent être nécessaires à notre défense. Il est donc indispensable de vous occuper des mesures à prendre pour vous procurer cette quantité de soldats; car il est impossible de vous dissimuler, Messieurs, que les engagements volontaires sont absolument insuffisants pour alimenter l’armée en temps de guerre; que, de tout temps, il a fallu recourir à l’emploi des milices, et que c’est à ce régime vicieux à tant d’égards qu’il faut suppléer. C’est ici le moment de rappeler le principe que tout citoyen doit ses services à la patrie, et qu’il est de son devoir de voler à sa défense. Jadis, cette obligation était pénible, lorsque la guerre se faisait presque toujours pour les intérêts particuliers des rois; mais avec quel enthousiasme des citoyens ne prendront-ils pas les armes, pour les seuls motifs qui pourront désormais les leur mettre à la main, celui d’une légitime défense, ou l’utile et glorieux projet d’aider les autres peuples à conquérir leur liberté. Mais la constitution doit s’assurer que cette nécessité de se procurer des forces extraordinaires en temps de guerre, ne sera pas un prétexte pour vio er les droits des citoyens et entreprendre sur leur liberté : elle aura donc à prescrire les règles qui devront être suivies. Un moyen facile se présente naturellement, Messieurs, pour vous assurer que la patrie ne manquera pas de défenseurs, et ce moyen se trouve dans l’établissement des milices nationales. En effet, quoique j’ignore sur quelles bases votre comité de constitution se propose de les instituer, il n’est pas douteux cependant qu’il n’établisse une conscription nationale où tous les citoyens en état de porter les armes devront être compris. C’est dans cette masse imposante de la meilleure espèce d’hommes, qui presque tous auront déjà quelques notions d’évolutions militaires, ou au moins ne seront pas étrangers au maniement des armes, que devront être pris ceux que vpus destinerez à servir d’auxiliaires en temps de guerre. 11 ne s’agira plus alors que de savoir combien chaque département renfermera d’hommes inscrits, et de répartir, d’après cette proportion, le nombre de ceux que les circonstances exigeraient. Je sais qu’au premier regard, il peut paraître difficile de concilier cette mesure avec la liberté individuelle dont tous les citoyens doivent jouir; mais je sais aussi qu’en y réfléchissant, il sera facile de trouver des moyens de Convertir cette obligation commune en une distinction honorable, avantageuse, et faite pour exciter l’émulation des citoyens. Je pourrais, Messieurs, mettre sous vos yeux plusieurs idées propres à remplir ces vues ; mais votre comité de constitution ayant été chargé de vous soumettre un plan sur l’institution des milices nationales ,dans le sein de squelles les soldats auxiliaires seront nécessairement choisis, , e m’abstiens de vous les développer, en vous proposant de charger ce comité de se concerter avec e comité militaire, pour vous présenter incessamment ses vues à cet égard. Les lois qui protègent l’honneur, la vie, les 524 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.] propriétés des citoyens, devant être d’une égale impartialité pour tous, le pouvoir constituant devra diriger avec soin l'établissement des tribunaux militaires, régler leur compétence, distinguer les cas qui doivent y ressortir de ceux qui sont purement civils; déterminer ce qui doit appartenir à la loi, et ce qui doit être abandonné à la simple police. Un préalable nécessaire sera sans doute de supprimer le tribunal des maréchaux de France ; mais vous penserez aussi, Messieurs, que les citoyens dévoués à la défense de la patrie doivent trouver, dans la législation qui leur est propre, les mêmes avantages qui sont assurés à ceux qui exercent d’autres professions. Vous croirez donc de votre justice d’introduire dans le jugement des délits militaires, comme vous l’avez fait dans la jurisprudence criminelle ordinaire, les formes les plus propres à protéger l’innocence. Une autre conséquence de ce principe, c'est que les militaires ayant le même droit que tous les autres citoyens, d’appeler du jugement qui les condamne, l’établis-sement d’une cour martiale, instituée pour recevoir les jugements des conseils de guerre, serait d’une stricte équité. Cette idée, Messieurs, est digne sans doute de toute votre attention. Cependant, comme les délits militaires sont, par leur nature, extrêmement simples, qu’ils peuvent être facilement prévus et déterminés par la loi; que l’instruction est susceptible de la plus grande clarté, peut-être croirez-vous plus avantageux d’introduire dès à présent, dans les jugements militaires, la procédure par jurés, qui, en supprimant le second degré de juridiction, lui substitue une forme encore plus avantageuse. Dans tous les cas, un Code de délits et de peines, dicté parla justice et l’humanité, prescrira aux juges leur devoir, et assurera aux militaires une distribution éclairée et impartiale de la justice. Toutes ces idées, Messieurs, aussi nouvelles qu’importantes, méritent sans doute, avant d’être adoptées, d’être mûrement approfondies; et comme il n’est pas pressant d’y statuer, j'ai l’honneur de vous proposer de les renvoyer à l’examen du comité de constitution, qui sé concertera, à cet égard, avec le comité militaire. Je ne vous propose point, Messieurs, de placer dans la constitution le Code des délits et peines militaires : celte partie de la législation a trop besoin d’être perfectionnée parie temps et le progrès des lumières. Ceslois, faites pour être adoucies avec le temps, comme le seront sans doute toutes les lois criminelles, à mesure que l’influence d’un gouvernement libre aura amélioré les mœurs, et les habitudes de la nation, doivent être confiées au pouvoir législatif. C’est ainsi que, sans être livrées à l’arbitraire, elles pourront cependant se perfectionner de jour en jour. Le pouvoir constituant doit donc se borner à prononcer que les règles relatives aux délitset peines militaires seront de la compétence du pouvoir législatif. La déclaration des droits, après avoir établi que toutes les distinctions sociales ne peuvent avoir pour but que l’utilité générale, consacre ce grand acte de justice, que tous les citoyens sont admissibles à tous les emplois et dignités civiles, militaires et ecclésiastiques. Après avoir reconnu et proclamé ce principe comme un droit appartenant à tous les hommes, vous l’avez, Messieurs, par un nouveau décret, mis au nombre de ceux qui servent de base à la constitution française ; il ne vous reste donc, en ce moment, qu’à prendre les mesures nécessaires pour qu’il ne puisse éprouver aucune altération dans la législation militaire : vous prononcerez donc, constitutionnellement, que le pouvoir législatif, ni le pouvoir exécutif ne pourront y déroger par aucunes lois, règlements, ni ordonnances. On ne verra plus alors le grade d’officier dévolu exclusivement à la noblesse, et les grades supérieurs concentrés dans une petite portion de nobles favorisés. Qui pourra se plaindre, quand le mérite seul aura droit à des préférences ! La force de l’armée devant dépendre bien plus de sa composition, que du nombre d’hommes dont elle sera formée, il est important, Messieurs, de chercher tous les moyens qui, en améliorant le sort du soldat, puisse l’inviter à remplir cet honorable emploi. 11 est juste ( et l’intérêt de la liberté l’exige) de réunir, autant qu’il est en notre pouvoir, la jouissance des droits de citoyens à l’exercice des fonctions militaires. Si nous réfléchissons à la dépendance indispensable à laquelle se soumettent ceux qui embrassent cette profession, aux fatigues qu’ils ont à supporter, aux dangers continuels qu’ils affrontent, nous sentirons combien ils ont droit à obtenir de la patrie qu’ils défendent, un témoignage éclatant de son estime. Votre comité a été pénétré de cette vérité; et le second rapport-qui vous a été fait de sa part, vous propose de statuer que les militaires qui auront servi pendant l’espace de trente ans, jouiront des droits de citoyen actif. Il m’a semblé que cette faveur, qui ne consiste qu’à suppléer à la contribution de trois journées de travail, et à appeler les militaires à jouir d’un droit naturel, que vous avez toujours désiré, Messieurs, étendre sur le plus grand nombre de citoyens possible, était trop retardée par la disposition de votre comité; et qu’étant réservée pour un âge trop avancé, tous les avantages que les militaires pourraient en tirer, et l’émulation qu’elle devrait exciter parmi eux, n’existerait plus. J’ai pensé que seize années de service devaient suffire pour l’obtenir, et que, sans rendre trop commune cette récompense, et sans appeler à en jouir des hommes qui n’en seraient pas dignes, vous présenteriez un motif puissant pour entrer au service, et y renouveler un engagement. 11 est évident que la liberté individuelle des citoyens serait incessamment exposée, si les enrôlements militaires n’étaient assujettis à aucune loi, ou si les règles à établir à cet égard étaient abandonnées au pouvoir exécutif. Chaque jour, Messieurs, vous seriez exposés à voir renaître ces abus, qui ont désolé tant de familles; vous seriez exposés à voir introduire au milieu de vous ces moyens dont les Anglais font usage pour le recrutement de leur flotte, et qui, quelle que soit là nécessité par laquelle on prétend le justifier, leur a, de tout temps, attiré de si justes reproches. Ces violences, ces surprises par lesquelles on ne peut que faire de mauvais soldats, et préparer de nouvelles désertions, doivent donc être proscrites par des lois qui, en réglant les formes de l’enrôlement, assureront qu’il seront tous l’effet d’une volonté libre, et garantiront ainsi l’exécution du décret que vous avez déjà porté sur la forme du recrutement. 11 est donc nécessaire, Messieurs, que la constitution attribue au pouvoir législatif le droit de régler les formes de l’enrôlement. Les principes de l’admission et de l’avancement aux différents grades de l’armée, n’intéressent pas moins, Messieurs, l’ordre public et les droits les plus chers des individus. S’il importe à la nation que les volontés particulières d’un ministre ne puissent pas faire ces distinctions que vous avez abolies, il importe également que tous les individus de l’armée cessent enfin d’être les jouets des caprices ministériels et ne soient plus exposés aux [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.J changements continuels qui, depuis longtemps, la désolent, et y portent le découragement. IJ importe enfin, que la faveur et l’intrigue ne puissent pas dicter, pour leur avantage, des règles dont l’esprit doit être de récompenser le mérite, d’exciter l’émulation et d’assurer la force de l’armée. Ces diverses vues, Messieurs, ne pourront être remplies qu’en attribuant au Corps législatif le droit de discuter les principes et ies règles générales de l’admission et de l’avancement. D’après l’exposition que je viens d’avoir l’honneur de vous faire, Messieurs, il résulte : premièrement, que le pouvoir constituant doit établir les bases de la constitution militaire, sur plusieurs décrets généraux, dont j’ai eu l’honneur de mettre sous vos yeux ceux qui m’ont paru susceptibles d’être adoptés dès à présent, en vous proposant de renvoyer l’examen des autres à votre comité de constitution -, Secondement, que le pouvoir constituant doit encore déterminer quels sont, parmi les objets ultérieurs de l’organisation de l’armée, ceux qui doivent être décrétés par le pouvoir législatif, et que ces objets que j’ai successivement indiqués, sont : 1° le nombre des troupes qui devront composer l’armée; 2° la somme à affecter annuellement aux dépenses militaires; 3° la solde de chaque grade; 4° les règles de l’admission au service, et de l’avancement; 5° les formes de l’enrôlement; 6° les délits et peines militaires; 7° enfin, l’admission des troupes étrangères au service de l’Etat. Il est évident, Messieurs, que les objets que vous croirez ne devoir mettre ni au nombre des articles constitutionnels, ni parmi ceux qui seront du ressort des législatures, seront, par là même, à la disposition du pouvoir exécutif. Il est donc inutile, et il serait long, et presque impossible d’en faire l’énumération. Mais après avoir, Messieurs, en votre qualité de pouvoir constituant, statué sur les bases de la constitution militaire, et distingué parmi les points qui restent à traiter ceux qui sont du ressort de la législature, et ceux qui doivent être confiés au pouvoir exécutif, il vous reste, en qualité de pouvoir législatif, à porter les décrets dont la constitution attribue la compétence aux législatures, et que l’organisation actuelle de l’armée peut rendre nécessaires. Je développerais ici, Messieurs, les idées que j’ai conçues sur cette matière, si je ne croyais pas que vous choisiriez une marche plus prompte et plus avantageuse, en demandant au pouvoir exécutif de mettre d’abord sous vos yeux ses projets et ses vues sur l’organisation de l;armée. En effet, Messieurs, c’est après avoir pris une connaissance approfondie de l’ensemble du plan et du rapport des diverses parties entre elles ; c’est après avoir reçu les instructions que le pouvoir exécutif peut seul nous donner, soit sur l’état actuel de nos frontières, soit sur ce qu’exigent nos relations extérieures, soit sur les détails de diverses parties d’administration, confiées à ses soins, que nous serons à même de statuer, avec connaissance de cause, sur les points généraux dont nous nous sommes réservé la décision. Jusque-là, nous ne pourrions nous en occuper sans éprouver l’embarras d’avoir à nous décider indépendamment de toutes données précises, de toute notion exacte, et sans nous exposer à adopter des résolutions qui ne sauraient s’accorder ensuite avec les conditions ultérieures d’une bonne organisation. Je pense donc qu’il ne peut y avoir aucun inconvénient, et que vous trouverez, au contraire, de grands avantages à demander préalablement, au pouvoir exécutif, une communication qui, sans pouvoir gêner votre liberté, me paraît indispensable pour éclairer votre décision. Vos intentions, Messieurs, sont connues, et je pense que le pouvoir exécutif aura soin de ne vous présenter que des mesures qui soient compatibles avec les diverses améliorations que vous avez résolu de faire. Vous avez aboli les privilèges, et vous ne souffrirez pas qu’il en subsiste parmi les corps militaires. Ainsi, les avantages et les préférences accordés jusquà ce jour à certains régiments disparaîtront devant les principes de justice et d’égalité qui doivent régner dans toutes les jparties de l’organisation sociale. Des régiments entretenus par la nation, et destinés à la défendre, ne seront plus la propriété des particuliers, transmis de génération en génération, et donnés eu dot à leurs filles (1). Aucun citoyen, fût-il prince du sang,' ne pourra prétendre au grade, sans en être reconnu digne par son mérite ou l’ancienneté de ses services. Les chefs des régiments ne seront plus un titre d’honneur, d’être affranchis, pendant la plus grande partie de l’année, du service militaire et de la surveillance des corps qui leur sont confiés. Le temps de leur service sera le même que celui des autres officiers, et ils acquèreront, par le même nombre d’années, la récompense honorable attachée à la valeur et à l’ancienneté. Une nouvelle organisation de l’armée augmentera sa force réelle, en supprimant le luxe des emplois inutiles, qui, loin d’augmenter son activité l’embarrassent et la surchargent d’un poids ruineux. Les commandants de province, remplacés dans leurs fonctions civiles par les assemblées administratives, seront supprimés. Les officiers généraux seront réduits au nombre strictement nécessaire, et les grades supérieurs, en cessant d’être prodigués, recevront un nouvel éclat. Les colonels-généraux, mestres-de-camp-géné-raux et commissaires généraux dans les différentes armes, ces places si avantageuses à ceux qui les possédaient, et si inutiles au service, toujours condamnées et toujours ménagées sous l’ancien régime, disparaîtront avec les autres abus que votre sagesse a proscrits. Toutes ces suppressions indispensables serviront encore, Messieurs, à faciliter l’accomplissement de vos intentions en faveur des soldats, des bas-officiers, et des divers grades dont la paye est reconnue insuffisante. En vous occupant du traitement des soldats, vous ne vous bornerez point à l’augmentation de 20 deniers par jour qui vous a été proposée par votre comité militaire, et vous penserez qu’un sou de plus, formant pour l’état une augmentation de dépense d’environ 2 millions, lui sera certainement bien rendu par l’aisance qu’il répandra sur une classe, jusqu’ici si injustement traitée, et l’attachement que lui inspirera pour la nouvelle constitution ce grand acte de justice dont elle aura été pour eux le signal. Le même esprit de justice vous portera à assurer leur avancement, à ouvrir devant eux (1) Si, parmi les colonels-propriétaires, il s’en trouve qui aient leurs régiments, ou dont les pères les aient levés à leurs frais, il est juste qu’ils soient indemnisés • de la perle qu’ils éprouveront. 526 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. la carrière des honneurs militaires, et à leur assurer, après de longs services, une retraite honorable. Enfin, Messieurs, dans tout ce qui peut intéresser l’organisation de l’armée, vous ne perdrez jamais de vue tout ce que doit une grande nation à cette classe généreuse de citoyens, qui dévoue pour elle sa vie et une partie de son indépendance. Mais combien ce sentiment naturel ne sera-t-il pas fortifié par le souvenir de tout Ce qu’ont fait dans ces derniers temps ces militaires citoyens ,dont nous allons régler la destinée ! Combien n’avons-nous pas dû à leur patriotisme, et combien tout ce que nous aurons fait pour eux, ne nous sera-t-il pas rendu en actions de grâces, par cette nation qu’ils ont si bien servie! Ah ! sans doute, elle s’est montrée digne de sa destinée, quand on a vu les peuples s’armer de toutes parts pour la défense de ses représentants, et pour ainsi dire des bataillons sortir de la terre, aux premières alarmes de la liberté. Mais il est aussi digne d’elle de reconnaître les services de ceux qui l’ont si bien secondée, et de leur accorder cet espoir, ce bien-être et cette dignité qui doivent distinguer les guerriers d’une nation libre des satellites des despotes. Voici, Messieurs, la suite du décret, que j’ai l’honneur de vous présenter : « L’Assemblée nationale charge son comité de constitution de conférer avec le comité militaire pour lui présenter ses vues: c 1° Sur les règles qui doivent être établies relativement à l’emploi des forces militaires daus l’in-térieUr du royaume, et les rapports de l’armée, soit avec le pouvoir civil, soit avec les gardes nationales ; « 2° Sur l’organisation des tribunaux et les formes des jugements mililaires ; « 3° Sur les moyens de recruter et d’augmenter l’armée en temps de guerre, en supprimant le tirage de la milice : « Décrète dès à présent, comme articles constitutionnels : « 1° Que le Roi des Français est le chef suprême î de l’armée; « 2° Qu’aucun militaire ne pourra être cassé ni destitué de son emploi sans un jugement préalable; « 3° Qu’il ne pourra être établi, sous quelque prétexte que ce soit, aucune loi, règlements ni ordonnance tendant à exclure aucun citoyen d’un grade militaire quelconque; « 4° Que tout militaire retiré après seize années de services, jouira des droits de citoyen actif. « Décrète également, comme points constitutionnels, qu’il appartient au pouvoir législatif de statuer : 1° sur la somme à affecter annuellement aux dépenses militaires ; 2° sur le nombre d’hommes destiné à composer l’armée ; 3° sur la solde de chaque grade ; 4° sur les règles d’admission au service et d’avancement pour tous les grades; 5» sur les formes des enrôlements ; 6° sur l’admission des troupes étrangères au service de l’Etat ; 7° sur les lois relatives aux délits et peines mili-taires* « Décrète, en outre, que le Roi sera supplié de faire incessamment présenter à l’Assemblée nationale ses vues sur l’organisation de l’armée, pour être ensuite délibéré par elle sur les divers objets qui concernent le pouvoir législatif. » Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Alexandre de Lameth. 19 février 1790.] M. le Président prend le vœu de l’Assemblée qui prononce l’impression. M. le duc de Liancourt, dëpute’de Clermont en Beauvoisis (1). Messieurs, votre comité militaire a successivement soumis à votre délibération deux rapports différents, Par le premier, il vous a présenté des vues sur quatre des plus importantes questions de la constitution de l’armée, la combinaison des différentes armes, le nombre d’officiers, et les dépenses de l’administration générale du département de la guerre, dans lesquelles sont comprises les sommes affectées à chaque /détail, et particulièrement la solde et le traitement des soldats et officiers. Par le second rapport, votre comité embrasse les rapports des milices nationales et des troupes réglées, et vous présente des vues sur l’avancement des officiers et soldats, en conservant le titre de citoyen actif à tout militaire au service qui peut en remplir les conditions, et en le donnant, par l’effet seul de ses anciens services, à celui qui se retirerait sans les pouvoir remplir. Il est impossible de ne pas applaudir aux principes sages et patriotiques, aux vues saines et éclairées dont sont remplis ces différents rapports; de ne pas approuver le travail immense dont ils sont le résultat ; mais il me semble que, par l’immensité et la nature des détails qu’ils renferment, ils ne peuvent pas être délibérés par l’Assemblée nationale, dans la forme dans laquelle ils vous sont présentés. L’Assemblée nationale, revêtue du pouvoir constituant, a, sans doute, le droit d’entrer dans les détails de toutes les différentes parties de l’administration de l’empire ; mais si elle en a le droit, il ne lui est pas moins nécessaire d’examiner quels moyens elle peut employer pour l’exercer. Il est, relativement à la constitution militaire, des parties sur lesquelles il faut absolument qu’elle prononce; des parties qui ne peuvent recevoir un ordre certain et fixe que par elle ; des parties auxquelles il convient qu’elle appose le sceau de sa puissance; mais il en e3t sur lesquelles elle ne peut pas être assez profondément instruite pour prononcer sans inconvénients; il en est qu’elle ne peut pas prétendre fixer par des lois ou des règlements positifs, parce que leur perfection est encore un problème; il en est sur lesquelles, par prudence, elle ne devra pas prononcer, pour ne pas préparer ; par des décisions précises, des embarras ultérieurs au pouvoir exécutif. D’ailleurs comme Assemblée nationale considérée en elle-même, ne se pourrait-il pas qu’elle ne comptât parmi ses membres aucun militaire? Dans les motifs divers qui ont déterminé le choix de nos commettants, les connaissances réfléchies sur l’armée et sur l’art de la guerre ontdûtêtre comptées pour rien : cependant pour prétendre statuer en détail sur les combinaisons les plus parfaites de la formation de l’armée, il faut connaître les différentes parties de cette science; etcette science tient nécessairement à la connaissance des plus grands principes militaires, à la connaissance de tout ce qu’il y a de plus parfait en ce genre chez nos voisins, à leur comparaison avec nos mœurs, nos besoins, notre population Les armées de Prusse et de l’empereur, généralement reconnues supérieures à la nôtre par leur Le Moniteur se borne à mentionner le discours de Mi le doc de Liancourt.