SÉANCE DU 15 FLORÉAL AN II (4 MAI 1794) - N° 16 45 trait, pour toute l’étendue de la République, proportionné à leur taille et à leur âge; les charge d’en faire un rapport sous trois jours» (1). 16 « Un membre [BOISSET] lit un discours sur les avantages qui résulteroient de l’établissement d’un jardin de botanique dans chaque département, et présente ses vues sur la manière dont ces établissements pourroient être organisés pour l’utilité et pour l’instruction (2). BOISSET : Parmi les avantages que l’établissement des jardins botaniques dans les départements doit procurer à la nation, on doit compter ceux-ci : 1° D’inspirer le goût et en même temps de faciliter les moyens d’étudier une de plus belles et des plus utiles parties de l’histoire naturelle. Comme science cette étude a l’avantage sur les autres d’exercer le corps, de délasser l’esprit, et de rendre les hommes meilleurs en les rapprochant davantage de la nature; comme le but d’utilité immédiate, la botanique offre des ressources multiples dans plusieurs genres; elle offre à l’agriculture des moyens de fertiliser des terrains regardés comme stériles, à la médecine les médicaments les plus propres à soulager les maux de l’humanité, au commerce et aux arts des productions de première nécessité; enfin elle procure à l’homme la plus grande partie de sa nourriture et des jouissances toujours nouvelles. 2° De multiplier tous les végétaux qui peuvent être utiles à la nourriture des hommes, à celle des animaux domestiques, à la filature, à la teinture et aux autres arts. On sentira toute l’importance de cet objet si l’on fait réflexion que les cultivateurs lisent peu; ayant été souvent trompés par des agriculteurs de cabinet, ils se méfient, non sans quelque raison, de toutes les recettes et de toutes les annonces imprimées qui leur parviennent. La plupart d’ailleurs, étant peu fortunés, ne peuvent hasarder aucune expérience nouvelle, et, livrés à une routine héréditaire, ils ne se déterminent jamais à l’abandonner que lorsqu’ils voient de leurs propres yeux et pendant plusieurs années le succès d’une nouvelle culture et le produit avantageux qu’on en retire. Cela est si vrai que dans quelques départements la culture du sainfoin et de la luzerne est inconnue, quoiqu’il soit démontré à tous les fermiers instruits qu’un arpent de terre occupé par ces fourrages est plus profitable que dix autres arpents en mauvais prés. Il en est de même de la culture des racines comestibles, qui, en fertilisant les terres, fournissent en abondance des aliments pour les animaux et pour les hommes. Les tumeps, les navets et surtout les pommes de terre sont dans ce cas, malgré les soins que se sont donnés les agriculteurs pour introduire ces cultures dans toutes les parties de la République. 3° De répandre dans les différentes parties de chaque département et parmi les agriculteurs intelligents et laborieux les végétaux qui n’ont (1) P.-V., XXXVI, 309. Minute de la main de Lecointre (C 301, pi. 1070, p. 2). Décret n° 9019. (2) P.-V., XXXVI, 310. point encore été cultivés en grand dans leur arrondissement, et qui cependant peuvent y être utiles et contribuer aux progrès de l’agriculture. Les graines, les jeunes plants, les marcottes et les greffes que pourront fournir chaque année ces différents jardins, distribués avec discernement, répandront bientôt le goût et les moyens d’établir de nouvelles cultures aussi profitables aux particuliers qu’à la République. Dans les trois considérations qui viennent d’être exposées il n’est question que de faire connaître, de multiplier et de répandre les productions déjà cultivées dans les différentes parties de l’Europe, lesquelles, circonscrites pour la plupart de certains cantons, sont inconnues dans d’autres ou n’y snt pas traitées assez en grand; et sous ce point de vue l’établissement des jardins botaniques dans les départements devient déjà très-intéressant. Mais il est un avantage beaucoup plus important qui doit résulter de cet établissement : c’est celui de pouvoir naturaliser les végétaux utiles des autres parties du monde. On verra par la liste ci-jointe, toute incomplète qu’elle est, combien il nous reste de productions intéressantes à cultiver et combien de nouvelles richesses nous pouvons acquérir. Si l’on objectait que c’est courir après des chimères que de vouloir naturaliser chez nous des végétaux de pays si éloignés et de climats si différents nous répondrions par des faits qui sont à la connaissance d’un grand nombre de naturalistes; nous dirions que la nature n’a donné au climat de la France que des légumes fades, des fruits insipides et des fleurs de peu d’agrément; que presque tout que ce nous possédons nous vient des pays étrangers. C’est l’Asie qui nous a fourni les meilleures espèces de pois, les haricots, les lentilles, les melons; n’oublions pas de dire que c’est d’Asie que nous vient la luzerne. L’Amérique nous a donné la pomme de terre, dont nous ne connaissons pas encore assez le prix; c’est d’Asie et d’Afrique que nous avons tiré une grande partie de nos arbres fruitiers, tels que le cerisier, l’abricotier, le pêcher, le figuier, l’amandier, l’oranger, le grenadier, le mûrier, l’olivier, etc. A peine le sol de la France nous a fourni quatre-vingt-six espèces d’arbres, et nous en possédons dans ce moment plus de deux cent cinquante espèces différentes, dont un grand nombre est assez acclimaté pour meubler nos campagnes, border nos grandes routes, décorer nos jardins et nous procurer les moyens d’employer utilement des terrains abandonnés depuis longtemps comme stériles. La plupart de ces arbres fourniront des bois propres à la charpente civile et navale, quelques-uns à la marqueterie, au tour et à la teinture, d’autres moins précieux, mais également utiles, serviront au chauffage. Si des arbres nous passons aux fleurs, nous en trouverons une multitude qui n’appartiennent point à notre climat; les hyacinthes, les anémones, les renoncules, les semi-doubles, les tubéreuses, les lilas, les roses, et une grande quantité d’autres qui font l’ornement de nos jardins et le charme de l’odorat, sont autant de présents que nous ont faits les diverses parties du monde et que la culture, en les perfectionnant, a rendus propres à notre sol. C’est aux Phéniciens que nous devons nos premières richesses en ce genre, comme nous leur devons l’art de peindre la parole; ces peu-SÉANCE DU 15 FLORÉAL AN II (4 MAI 1794) - N° 16 45 trait, pour toute l’étendue de la République, proportionné à leur taille et à leur âge; les charge d’en faire un rapport sous trois jours» (1). 16 « Un membre [BOISSET] lit un discours sur les avantages qui résulteroient de l’établissement d’un jardin de botanique dans chaque département, et présente ses vues sur la manière dont ces établissements pourroient être organisés pour l’utilité et pour l’instruction (2). BOISSET : Parmi les avantages que l’établissement des jardins botaniques dans les départements doit procurer à la nation, on doit compter ceux-ci : 1° D’inspirer le goût et en même temps de faciliter les moyens d’étudier une de plus belles et des plus utiles parties de l’histoire naturelle. Comme science cette étude a l’avantage sur les autres d’exercer le corps, de délasser l’esprit, et de rendre les hommes meilleurs en les rapprochant davantage de la nature; comme le but d’utilité immédiate, la botanique offre des ressources multiples dans plusieurs genres; elle offre à l’agriculture des moyens de fertiliser des terrains regardés comme stériles, à la médecine les médicaments les plus propres à soulager les maux de l’humanité, au commerce et aux arts des productions de première nécessité; enfin elle procure à l’homme la plus grande partie de sa nourriture et des jouissances toujours nouvelles. 2° De multiplier tous les végétaux qui peuvent être utiles à la nourriture des hommes, à celle des animaux domestiques, à la filature, à la teinture et aux autres arts. On sentira toute l’importance de cet objet si l’on fait réflexion que les cultivateurs lisent peu; ayant été souvent trompés par des agriculteurs de cabinet, ils se méfient, non sans quelque raison, de toutes les recettes et de toutes les annonces imprimées qui leur parviennent. La plupart d’ailleurs, étant peu fortunés, ne peuvent hasarder aucune expérience nouvelle, et, livrés à une routine héréditaire, ils ne se déterminent jamais à l’abandonner que lorsqu’ils voient de leurs propres yeux et pendant plusieurs années le succès d’une nouvelle culture et le produit avantageux qu’on en retire. Cela est si vrai que dans quelques départements la culture du sainfoin et de la luzerne est inconnue, quoiqu’il soit démontré à tous les fermiers instruits qu’un arpent de terre occupé par ces fourrages est plus profitable que dix autres arpents en mauvais prés. Il en est de même de la culture des racines comestibles, qui, en fertilisant les terres, fournissent en abondance des aliments pour les animaux et pour les hommes. Les tumeps, les navets et surtout les pommes de terre sont dans ce cas, malgré les soins que se sont donnés les agriculteurs pour introduire ces cultures dans toutes les parties de la République. 3° De répandre dans les différentes parties de chaque département et parmi les agriculteurs intelligents et laborieux les végétaux qui n’ont (1) P.-V., XXXVI, 309. Minute de la main de Lecointre (C 301, pi. 1070, p. 2). Décret n° 9019. (2) P.-V., XXXVI, 310. point encore été cultivés en grand dans leur arrondissement, et qui cependant peuvent y être utiles et contribuer aux progrès de l’agriculture. Les graines, les jeunes plants, les marcottes et les greffes que pourront fournir chaque année ces différents jardins, distribués avec discernement, répandront bientôt le goût et les moyens d’établir de nouvelles cultures aussi profitables aux particuliers qu’à la République. Dans les trois considérations qui viennent d’être exposées il n’est question que de faire connaître, de multiplier et de répandre les productions déjà cultivées dans les différentes parties de l’Europe, lesquelles, circonscrites pour la plupart de certains cantons, sont inconnues dans d’autres ou n’y snt pas traitées assez en grand; et sous ce point de vue l’établissement des jardins botaniques dans les départements devient déjà très-intéressant. Mais il est un avantage beaucoup plus important qui doit résulter de cet établissement : c’est celui de pouvoir naturaliser les végétaux utiles des autres parties du monde. On verra par la liste ci-jointe, toute incomplète qu’elle est, combien il nous reste de productions intéressantes à cultiver et combien de nouvelles richesses nous pouvons acquérir. Si l’on objectait que c’est courir après des chimères que de vouloir naturaliser chez nous des végétaux de pays si éloignés et de climats si différents nous répondrions par des faits qui sont à la connaissance d’un grand nombre de naturalistes; nous dirions que la nature n’a donné au climat de la France que des légumes fades, des fruits insipides et des fleurs de peu d’agrément; que presque tout que ce nous possédons nous vient des pays étrangers. C’est l’Asie qui nous a fourni les meilleures espèces de pois, les haricots, les lentilles, les melons; n’oublions pas de dire que c’est d’Asie que nous vient la luzerne. L’Amérique nous a donné la pomme de terre, dont nous ne connaissons pas encore assez le prix; c’est d’Asie et d’Afrique que nous avons tiré une grande partie de nos arbres fruitiers, tels que le cerisier, l’abricotier, le pêcher, le figuier, l’amandier, l’oranger, le grenadier, le mûrier, l’olivier, etc. A peine le sol de la France nous a fourni quatre-vingt-six espèces d’arbres, et nous en possédons dans ce moment plus de deux cent cinquante espèces différentes, dont un grand nombre est assez acclimaté pour meubler nos campagnes, border nos grandes routes, décorer nos jardins et nous procurer les moyens d’employer utilement des terrains abandonnés depuis longtemps comme stériles. La plupart de ces arbres fourniront des bois propres à la charpente civile et navale, quelques-uns à la marqueterie, au tour et à la teinture, d’autres moins précieux, mais également utiles, serviront au chauffage. Si des arbres nous passons aux fleurs, nous en trouverons une multitude qui n’appartiennent point à notre climat; les hyacinthes, les anémones, les renoncules, les semi-doubles, les tubéreuses, les lilas, les roses, et une grande quantité d’autres qui font l’ornement de nos jardins et le charme de l’odorat, sont autant de présents que nous ont faits les diverses parties du monde et que la culture, en les perfectionnant, a rendus propres à notre sol. C’est aux Phéniciens que nous devons nos premières richesses en ce genre, comme nous leur devons l’art de peindre la parole; ces peu- 46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE pies, en fondant des colonies dans nos climats, y transportèrent les végétaux de leur pays, et la culture des plantes qui avaient frappé leurs premiers regards adoucissait pour eux l’éloignement et la privation de leur patrie. Les Romains, après la conquête des Gaules, y apportèrent les productions du midi de l’Europe et des bords de l’Asie; nous sommes redevables à ce peuple de beaucoup d’arbres fruitiers intéressants. La folie des croisades de la Palestine nous a valu des légumes aussi sains que nourrissants et une partie de nos fleurs les plus agréables. La conquête du Nouveau-Monde nous a procuré la pomme de terre et une multitude d’arbres et de plantes intéressantes par leur usage dans la médecine et dans les arts; enfin les voyageurs et les naturalistes ont enrichi l’Europe de plusieurs végétaux précieux conquis dans l’Inde. D’après ces faits il n’est donc pas plus permis de douter de la possibilité de naturaliser dans notre climat les productions étrangères que des avantages qui en résultent. Sans doute il est peu de nations qui possèdent une aussi grande quantité de productions végétales; mais la plupart sont encore renfermées dans nos jardins, autour de nos grandes villes, ou circonscrites dans certains cantons. Il est temps enfin qu’elles se répandent sur toute la surface de la République, et que son sol, cultivé avec autant de zèle que d’intelligence, devienne un vaste jardin. Le seul moyen d’y parvenir promptement est d’établir dans chaque département un jardin pour la botanique et l’agriculture; ces différents jardins, dont l’étendue peut être réduite à cinq arpens, fourniront dans leurs divisions différents carrés propres à multiplier les productions utiles, inconnues ou peu répandues dans les départements, et qu’il est important d’y répandre. Le premier de ces carrés sera destiné à la culture des légumes; Le deuxième, à celle des plantes céréales; Le troisième, aux plantes propres à faire des fourrages pour la nourriture des bestiaux; Le quatrième, aux plantes employées dans la teinture; Le cinquième sera pour les plantes qui peuvent servir à la filature; Le sixième servira de culture aux plantes d’usage dans la médecine des hommes et des animaux; Le septième contiendra une pépinière d’arbres fruitiers et arbres propres à border les grandes routes, à faire des masses dans les campagnes et à fertiliser les terrains incultes; Le huitième sera occupé par de grands arbres qu’on laissera croître en liberté, et qui seront destinés à fournir des graines dans une proportion assez considérable pour être répandues dans les différentes parties des départements; Le neuvième et dernier carré sera consacré à l’établissement d’une école de botanique qui rassemblera : 1°) les productions végétales du département; 2°) les espèces de plantes employées dans la médecine et dans les arts; 3°) Enfin un individu de chaque classe, section, et des principaux genres de chaque famille; quelques couches à châssis; deux serres, l’une chaude et l’autre tempérée, avec un logement pour le jardinier, compléteront l’organisation de cet établissement. Le jardin du Muséum d’histoire naturelle est en état de fournir dès ce moment les graines et les plantes nécessaires pour former la base de ces collections. Au moyen de sa correspondance étendue il sera dans le cas de leur procurer chaque année une partie des productions intéressantes qu’il recevra des différentes parties du monde; et lorsqu’une fois il aura une correspondance réglée avec chacun de ces établissements, les expériences, si longues en agriculture quand elles sont faites dans le même lieu et par un petit nombre d’individus, pouvant alors être tentées en même temps, dans toute l’étendue de la République, par une multitude d’individus placés à toutes les expositions, dans toutes sortes de terrains et sous une grande variété de climats différents, pourront donner des résultats certains dès la deuxième ou troisième année. Enfin la naturalisation des végétaux, qui éprouve tant de difficultés et qui tient des siècles lorsqu’on est borné à l’opérer dans le même climat, se fera rapidement de proche en proche, et par gradation insensible les végétaux du Nord passeront au Midi, et ceux du Midi passeront au Nord. Le jardin du Muséum national d’histoire naturelle étant devenu le point central pour la réunion des végétaux dispersés dans les différentes parties du monde, son administration fera choix de ceux qui peuvent être utiles aux différents départements et les leur procurera, pour qu’à leur tour ils les multiplient et les répandent dans toutes les parties de leur arrondissement. Ainsi l’agriculture prendra un nouvel essor, et, franchissant les limites étroites dans lesquelles l’ignorance, les préjugés, et plus souvent encore le défaut de moyens, l’avaient tenue renfermée jusqu’à ce jour, elle étendra sur toutes les parties de la République son influence bienfaisante (1) . (Applaudi) . « La Convention nationale décrète l’impression du discours, et le renvoi aux Comités d’agriculture et d’instruction publique, réunis » (2). 17 On introduit les pétitionnaires. La citoyenne Durny, veuve d’un chirurgien tué dans la Belgique, demande la pension attribuée aux veuves des défenseurs de la patrie ayant grade de capitaine, et des secours provisoires. La pétitionnaire est admise aux honneurs de la séance, et la pétition renvoyée au Comité des secours (3). (1) Mon., XX, 382; Débats, n° 592, p. 180-184; Audit. Nat., n° 589. Imprimé par ordre de la Conv. Broch. in 8°; B. N., 8° Le 38, 781 et 788. Mention dans Rép., n° 136; M.U., XXXIX, 248; J. Pans, n° 490; Feuille Rép., n° 306; Batave, n° 444; J. Matin, n° 681; J. Mont., n° 173; J. Sablier, n° 1299; J. Perlet, n° 590. (2) P.-V., XXXVI, 310. Minute de la main de Pocholle (C 301, pl. 1070, p. 6). Décret n° 9023, voir P.-V. du 11 prair. J. Guillaume, P.-V. du Comité d’instruction publique, T. I , p. 316. (3) P.-V., XXXVI, 310. 46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE pies, en fondant des colonies dans nos climats, y transportèrent les végétaux de leur pays, et la culture des plantes qui avaient frappé leurs premiers regards adoucissait pour eux l’éloignement et la privation de leur patrie. Les Romains, après la conquête des Gaules, y apportèrent les productions du midi de l’Europe et des bords de l’Asie; nous sommes redevables à ce peuple de beaucoup d’arbres fruitiers intéressants. La folie des croisades de la Palestine nous a valu des légumes aussi sains que nourrissants et une partie de nos fleurs les plus agréables. La conquête du Nouveau-Monde nous a procuré la pomme de terre et une multitude d’arbres et de plantes intéressantes par leur usage dans la médecine et dans les arts; enfin les voyageurs et les naturalistes ont enrichi l’Europe de plusieurs végétaux précieux conquis dans l’Inde. D’après ces faits il n’est donc pas plus permis de douter de la possibilité de naturaliser dans notre climat les productions étrangères que des avantages qui en résultent. Sans doute il est peu de nations qui possèdent une aussi grande quantité de productions végétales; mais la plupart sont encore renfermées dans nos jardins, autour de nos grandes villes, ou circonscrites dans certains cantons. Il est temps enfin qu’elles se répandent sur toute la surface de la République, et que son sol, cultivé avec autant de zèle que d’intelligence, devienne un vaste jardin. Le seul moyen d’y parvenir promptement est d’établir dans chaque département un jardin pour la botanique et l’agriculture; ces différents jardins, dont l’étendue peut être réduite à cinq arpens, fourniront dans leurs divisions différents carrés propres à multiplier les productions utiles, inconnues ou peu répandues dans les départements, et qu’il est important d’y répandre. Le premier de ces carrés sera destiné à la culture des légumes; Le deuxième, à celle des plantes céréales; Le troisième, aux plantes propres à faire des fourrages pour la nourriture des bestiaux; Le quatrième, aux plantes employées dans la teinture; Le cinquième sera pour les plantes qui peuvent servir à la filature; Le sixième servira de culture aux plantes d’usage dans la médecine des hommes et des animaux; Le septième contiendra une pépinière d’arbres fruitiers et arbres propres à border les grandes routes, à faire des masses dans les campagnes et à fertiliser les terrains incultes; Le huitième sera occupé par de grands arbres qu’on laissera croître en liberté, et qui seront destinés à fournir des graines dans une proportion assez considérable pour être répandues dans les différentes parties des départements; Le neuvième et dernier carré sera consacré à l’établissement d’une école de botanique qui rassemblera : 1°) les productions végétales du département; 2°) les espèces de plantes employées dans la médecine et dans les arts; 3°) Enfin un individu de chaque classe, section, et des principaux genres de chaque famille; quelques couches à châssis; deux serres, l’une chaude et l’autre tempérée, avec un logement pour le jardinier, compléteront l’organisation de cet établissement. Le jardin du Muséum d’histoire naturelle est en état de fournir dès ce moment les graines et les plantes nécessaires pour former la base de ces collections. Au moyen de sa correspondance étendue il sera dans le cas de leur procurer chaque année une partie des productions intéressantes qu’il recevra des différentes parties du monde; et lorsqu’une fois il aura une correspondance réglée avec chacun de ces établissements, les expériences, si longues en agriculture quand elles sont faites dans le même lieu et par un petit nombre d’individus, pouvant alors être tentées en même temps, dans toute l’étendue de la République, par une multitude d’individus placés à toutes les expositions, dans toutes sortes de terrains et sous une grande variété de climats différents, pourront donner des résultats certains dès la deuxième ou troisième année. Enfin la naturalisation des végétaux, qui éprouve tant de difficultés et qui tient des siècles lorsqu’on est borné à l’opérer dans le même climat, se fera rapidement de proche en proche, et par gradation insensible les végétaux du Nord passeront au Midi, et ceux du Midi passeront au Nord. Le jardin du Muséum national d’histoire naturelle étant devenu le point central pour la réunion des végétaux dispersés dans les différentes parties du monde, son administration fera choix de ceux qui peuvent être utiles aux différents départements et les leur procurera, pour qu’à leur tour ils les multiplient et les répandent dans toutes les parties de leur arrondissement. Ainsi l’agriculture prendra un nouvel essor, et, franchissant les limites étroites dans lesquelles l’ignorance, les préjugés, et plus souvent encore le défaut de moyens, l’avaient tenue renfermée jusqu’à ce jour, elle étendra sur toutes les parties de la République son influence bienfaisante (1) . (Applaudi) . « La Convention nationale décrète l’impression du discours, et le renvoi aux Comités d’agriculture et d’instruction publique, réunis » (2). 17 On introduit les pétitionnaires. La citoyenne Durny, veuve d’un chirurgien tué dans la Belgique, demande la pension attribuée aux veuves des défenseurs de la patrie ayant grade de capitaine, et des secours provisoires. La pétitionnaire est admise aux honneurs de la séance, et la pétition renvoyée au Comité des secours (3). (1) Mon., XX, 382; Débats, n° 592, p. 180-184; Audit. Nat., n° 589. Imprimé par ordre de la Conv. Broch. in 8°; B. N., 8° Le 38, 781 et 788. Mention dans Rép., n° 136; M.U., XXXIX, 248; J. Pans, n° 490; Feuille Rép., n° 306; Batave, n° 444; J. Matin, n° 681; J. Mont., n° 173; J. Sablier, n° 1299; J. Perlet, n° 590. (2) P.-V., XXXVI, 310. Minute de la main de Pocholle (C 301, pl. 1070, p. 6). Décret n° 9023, voir P.-V. du 11 prair. J. Guillaume, P.-V. du Comité d’instruction publique, T. I , p. 316. (3) P.-V., XXXVI, 310.