52 [Assemblée nationale.] « Si quelqu’un ayant blessé un citoyen dans les rues et voies publiques, soit par imprudence, soit par la rapidité de ses chevaux, il en est résulté fracture de membres, ou si, d’après le certificat les gens de l’art, la blessure est telle qu’elle exige un traitement de 15 jours, le délinquant sera condamné à une amende égale à sa contribution mobilière et à un emprisonnement de 3 à 6mois. Le malt e sera civilement responsable des condamnations pécuniaires, prononcées contre le co her ou conducteur des chevaux. » Ap èsquelques observations, l’article est misaux voix dans les termes suivants : Art. 21. Si, quelqu’un ayant ble;sé un citoyen par l’effet de son imprudence ou de sa négligence, soit par la rapidité de ses chevaux dans les rues et voies publiques, soit de toute autre manière que ce soit, il en est résulté fracture de membres, ou si, d’après le certificat des gens de l’art, la blessure est telle qu’elle exige un traitement de 15 jours, le délinquant sera condamné à une amende qui ne pourra excéder 500 livres et à un emprisonnement qui ne pourra excéder 6 mois. Le maître sera civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées contre le cocher ou conducteur des chevaux, ou ses autres domestiques. » (Adopté.) Art. 22. « Tontes les peines ci-dessus seront prononcées indépendamment des dommages et intérêts des parties. » M. Lanjuinais. Je propose par amendement que la contrainte par corps ait lieu dans tous les cas. (L’article 22 est mis aux voix et adopté sans changement.) M. Buport donne lecture de l'article 23, ainsi conçu : Art. 23. «Quant aux simples injures verbales, si elles sont pas adressées à un fonctionnaire public en exercice de ses fonctions, elles seront jugées dans la forme établie dans l’article 10 du titre III du décret sur l’organisation judiciaire. » M. Latijnlnais. Je demande que l’on retranche le mot « simples », et que la même forme serve pour toutes les injure� verbales. (L’article 23 est adopté sans changement.) M. Duport donne lecture de l’article 24, ain=i conçu : « La réparation des imputations calomnieuses sera du ressortde5 tribunaux de district, lesquels, si les calomnies sont graves, sont autorisés à pronon' er en outre, contre le calomniateur, un empri-onnement dont la durée ne pourra excéder 2 années : la peine sera double en cas de récidive. » M. Buzot. Cet article mérite une très sérieuse attention. 11 pourrait avoir une influence funeste sur la liberté individuelle, si vous n’y preniez garde. . , Je vous pn'e aussi, au moment ou vous allez publier cette loi, de vous dégager des événements malheureux qui ont environné la Révolution, pour ne porter vos regards que dans l’ave-[8 juillet 1791.] nir. Lorsque, dans quelques précédents articles, je vous demandais, sur une motion de M. Goupil, que tout ce qui touchait à la liberté de la presse lût renvoyé au comité pour qu’il nous présentât ses vues sur cet objet important, auquel tient e-sentmllement la liberté politique et surtout la liberté civile de tous les citoyens français, et qu’il fût traité ici solennellement ex professo, qu’il fût traité dans tous ses développements, M. Dém unier me répondit qu’il ne s’agissait dans cet article de rien autre qui eût trait à la liberté de la presse que des placards qui étaient affichés dans les rues, et que cela même avait été décidé dans le Code pénal. 11 avait raison de me faire cette observation. Ici se trouve un article profondément obscur ou du moins extrêmement vague, qui prête à toutes sortes d’interprétations. Que veut dire : « la réparation d-s imeutations calomnieuses? # Est-ce par des propos répandus par mon domestique parmi nos amis ou par des propos tenus publiquement? Est-ce par des écrits enfin? C’tst ici surtout où je prie l’Assemblée de porter son attention. 11 ne faut rien ici de vague, il faut qu tout soit exprimé d’une manière int 'l-ligib e pour tranquilliser tout le monde. Je dis qu’il faut d’abord exprimer qu'il s’agit ici des propos tenus publiquement. Car certes vous ne vouL z fias, sous le régime de la liberté, nous donner cet esprit craintif, rampant et pourtant cruel des Espagnols et de quelques autres peuple-, si tourmentés par leur inquisition, qu’ils n’osent pas même dire la vérité avec leurs amis. Plusieurs membres : Et la calomnie ! M. Buzot. La calomnie n’est pas toujours la vérité; (Rires.) l’expression n’est peut-être pas aussi éloignée de la vérité qu’on pense. (Nouveaux rires.) Permettez : autre chose est d’avancer un fait qui peut être vrai, et autre chose est, sans doute, de le trouver vrai. Très souvent un homme à qui un juge a donné un brevet d’honnêteté n’est qu’un fripon. Je reviens à l’article: L’expression, qui s’y trouve, prête beaucoup à l’arbitraire; sous prétexte d’imputations calomnieuses, on peut accuser un homme d’avoir fait tel fait désigné, qui est un crime, quoique cette imputation soit fausse. Mais, dit le comité, il ne s’, gît que de calomnies. Certes, le mot imputation calomnieuse va b en plus loin, car il est possible de tirer une conséquence de divers laits qui nous sont connus et alors de donner comme une probabilité ce qui nous paraît tel à nous-mêmes, mais qui put n’êt e regardé que comme une imputation calomnieuse. C’est ainsi que, pour nous mettre à la place que nous occupons maintenant, un h mine ne peut dire à cette tribune tout ce qu’il lui plaira. Je ne puis pas dire que tel homme en débitant son opinion est ministériel ou aristocrate; mais je réunis tous les faits qui se joignent nécessairement à son opinion, et de là je crois que cet homme peut être accusé par l’opinion publique. Eh bien ! avec cette expression « imputation calomnieuse » je doute en vérité qu’il y en ait aucun de nous qui ne doive être en prison deux ou trois années. (Rires et applaudissements.) Je vais v us citer un autre fait qui vous paraîtra plus probant. Lors des malheureux événements qui sont arrivés sous M. de Bouillé, nous n’avions pas prévu que cet homme se conduirait mal. Mais en le jugeant, par ses alentours, par les faits antérieurs, par ceux qui suivent en-ARCH1VES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1791. J 53 core, je demande s’il n’est pas probable, pour chacun vie nous, que cet homme est véritablement un traître; et cependant non seulement les jour; alites, mais beaucoup d’autres hommes qui, dans la société, se sont permis d’avancer ces mois, eussent pu être poursuivis, et ce n’est que quatre mois après cependant que l’événement a justifié leur opinion. Il faut donc, quand il s’agit de juger, non par le jury, mais par un seul juge, une détention de deux années, une amende considérable, des dommages et inté rêts énormes; il faut au moins que le fait qui comtale ce délit soit caractérisé par la loi. Il ne faut point se permettre de ces expressions qui prêtent aux méchants et qui ne servent absolument à lien qu’à tracasser continuellement les citoyens. Et dans quelles circonstances? Lorsque les haines sont encore éveillées les un< s contre les autres, pendant que notre seul but doit être d’avoir parmi nous cette paix si désirable, ce repos de l’esprit que nous souhaitons depuis si longtemps. Je voudrais donc, si cet article doit être placé là, qu’on se servît de mots capables de bien rendre la cho e. Je voudrais surtout qu’on conservât parmi nous ces affections tendres et douces qui permettent à l’âme de se livrer à toutes les douceurs de l’amitié, et qu’on ne nous resserrât pas sans cesse par la crainte de nous délier de nos donnstiques, ni enfin de tous ceux qui peuvent avoir des liaisons avec nous. Une calomnie ne doit être punie que qua d elle est publique; et quand on voit, dans les pays voisins, des lois aussi sévères que celles portées contre la calomnie, tombées en désuétude, assurément une nation sage et qui v ut régénérer les mœurs et faire des lois qui soient suivies, doit examiner cette grande question : savoir si le fonctionnaire public qui est déjà tellement au-dessus des autres et par son inviolabilité et par sa place même, doit être si soupçonneux, si chatouilleux qu’on ne puisse pas l’approcher, que l’un ne puisse pas avertir l’opinion publique. En Amérique, on a porté une loi pour défendre aux législatmes suivantes d’oser attenter à ce droit sacré de la pensée. En Angleterre, après avoir joui de la liberté, on vient en ce moment de rendre une loi qui porte le coup le pins mortel à la liberté individuelle des opinions. En portant atteinte à la liberté de la presse, il faut nous garder surtout de tomber dans le malheur tous lequel gémit l’Angleterre. Je demande donc qu'à l’avenir, votre comité de Constitution ne vous présente plus des luit détachées contre les déli’s de la presse. Tous les jours, par différents articles auxquels noos ne nous attendons pas, on porte des atteintes funestes à la liberté de la presse. Je conclus de ià qu’il faut que nous posions nous-mêmes des limites telles que ni nous, ni les législatures suivantes ne puissent pas nuire à cette liberté que nous chérissons tant; si tant est qu’il faille la fixer, ii faut que nous la lixions d’une manière irrévocable. Je demande en outre le renvoi de l’article 24 au comité pour qu’il nous présente un article sans ambiguïté. ( Applaudissements .) M. Duport. Je ne crois pas qu’il y ait personne qui conteste que d’abord la question actuelle n’est pas à sa place, et qu’ensuite elle renferme beaucoup d’autres quesiions qui doivent toutes être traitées ensemble. Et si j’avais à m’expliquer sur les observations du préopinant, ce serait pour h-s appuyer de toute ma force. Il y a dans cette question une première division à faire entre les imputations qui s'adressent à des hommes publias, et celles qui attaquent des particuliers. Ceux qui volontairement se chargent du gouvernement des affaires doivent être soumis à la responsabilité de l’opinion publique, il n’en est pas de même d’un citoyen paisible qui soustrait sa vie aux regards de l’opimon. On doit faire une seconde division entre les imputations verbales et celles écrites : sur cela, je pense absolument que les délits qu’on peut commettre par la près e ne peuvent êire jugés que par les jurés. Le peuple ne doit pas souffrir qu’un droit aussi précl-ux repose dans d’autres mains que dans les siennes. Enfin on doit faire une dernière division entre les imputations faites dans un lieu public, et celles faites dans un lieu privé. Toutes ces considérations méritent d’être pesées avec beaucoup d’attention et nécessitent absolument le renvoi au comité. Plusieurs membres ; Aux voix le renvoi 1 (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’article 24 au comité.) M. Duport. Je demande que les articles 25, 2t> et 27 qui forment le complément de cette section soient également renvoyés au comité. (Ce renvoi est décrété. ) M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH-Séance du samedi 9 juillet 1791 (l). i.a séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi 7 juillet au matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi 7 juillet au soir. (Ci s procès-verbaux sont adoptés.) M. Leblond fait hommage à l’Assemblée d'un mémoire relatif à la fixation d’une mesure et d’un poids. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cet hommage dans le procès-verbal.) M. Gascliet de Lille, député du département de la Gironde , qui était absent par congé, annonce sou retour à l’Assemblée depuis hier. M. Douche. Le décret rendu dans la séance d’avaut-hier relativement à la demande des membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue u’est pas complet. Il ne prononce pas sur tous les objets qui sont renfermés dans celte demande et que l’Assemblée a rejetés. (1) Celte séauce est incomplète au Moniteur.