ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 mai 1791.) 228 [Assemblée nationale.] dans le premier cas et 11 dans le second. Si un Jbomme recevait jamais des marques aussi constantes de la confiance publique, à coup sûr il en serait digne : car une popularité fausse ne peut soutenir une aussi longue épreuve. .. Mais si une nation est assez heureuse pour avoir un grand nombre d’hommes encouragés sans cesse par l’espérance de mériter des marques constantes de la reconnaissance de leurs concitoyens, pouvons-nous la priver de cet inappréciable avantage ? Observons que la maintenue d’un représentant, quand elle se fait par réélection, n’attaque point les principes de la souveraineté, puisque c’est une délégation nouvelle, faite librement par le peuple, puisqu’elle se fait toujours en vertu d’un nouvel acte de souveraineté? 'N’est-il pas plus sur que le peuple conserve un représentant qu’il connaît, que de le forcer d’en élire un qu’il ne connaît pas ?.. . Mais je m’occupe trop de la justice; car ici les principes sont incontestés. On a craint que par la corruption et l’intrigue un représentant se rendît perpétuel; quant à moi, je ne saurais partager cette crainte. Vous avez fait un gouvernement représentatif tel que la corruption ne peut s’y introduire. (Murmures.) M. de Cazalès. On fait une exception en notre faveur. M. Thouret, rapporteur. Prenez garde que je n’applique ceci qu à la corruption qui parviendrait à perpétuer un représentant : il ne s’agit pas là d’une corruption individuelle; il faudrait qu’elle frappât sur le département entier qui fait le choix, et voilà où réside la difficulté de cette corruption. Les élections anglaises sont toujours pour nous un grand exemple. En Angleterre le système électif n’a point d’intermédiaire; le droit d’élire est direct et individuel; il est attaché aux plus minces bourgades ; en sorte que les électeurs sont toujours là, toujours connus ; on a un intervalle de 7 ans pour capter les suffrages de ce petit nombre d’hommes, et il ne faut pour cela qu’un petit nombre de dîners. Mais dans les principes de notre Constitution cette facilité n’existe pas. On ne peut corrompre dans l’intervalle d’une législature à l’autre, car les électeurs ne sont pas connus; une fois nommés, leur premier acte est de nommer les membres de la législature. Je demande, d’après cela, si on peut appliquer à notre position la corruption du gouvernement voisin. Mais enfin, puisqu’il faut dire le mot, le grand, le véritable intérêt de la faculté de la réélection est moins attaché à la réalisation effective de la chose qu’à sa possibilité. C’est cet attrait, cette émulation, cette espérance attachée à tout prix d’honneur qui anime les contondants dans la carrière, qui excite leur ardeur, qui provoque tous les sacrifices ; voilà ce qui éloigne les membres de la législature de la corruption du pouvoir exécutif, pour en faire les clients de l’opinion publique ; voilà ce qui les porte à l’étude et les excite à déployer les connaissances législatives et politiques qui feront respecter votre législature aux yeux des puissances étrangères, et sur lesquelles doivent reposer vos intérêts commerciaux, vos rapports extérieurs, vos rapports d’alliances, vos ressources dans les finances : voilà ce que détruit l’amendement du préopinant comme la proposition primitive de M. Pétion, car il ne fait que retarder de deux années tous les inconvénients que l’application pure du principe tend à éviter. Si, dans la quatrième année, une loi extrêmement importante est repoussée par le veto royal, je demande comment l’opinion publique se manifestera en sa faveur, si ses véritables défenseurs se trouvent au bout de leur course de 4 ans? (Murmures.) Cet avantage a été mis en avant lorsqu’on nous fit décréter le veto. La manifestation du vœu du peuple est Je droit de la souveraineté du peuple ; or, cette manifestation de son vœu ne consiste pas à réélire des dépuiés quelconques; elle consiste dans la réélection des principaux auteurs du projet de loi. (Les murmures redoublent.) Malgré le dissentiment que j’aperçois, je ne puis m’empêcher d’insister encore. Supposez que le peuple ait à manifester son vœu sur une loi, que son vœu soit favorable à la loi, je demande si son vœu sera marqué lorsqu’il ne pourra réélire qu’un petit nombre de membres qui n’auront nullement concouru à cette loi? Ajoutons qu’il est impossible qu’un gouvernement durable s’établisse sur les principes d’une abstraction morale, et qu’on puisse, sans une émulation continuellement active, compter sur les mêmes sacrifices du patriotisme que ceux qu’excite l’enthousiasme d’un moment de révolution. Le législateur ne fait rien si ne spéculant que sur une perfection idéale, il laisse à l’écart les affections naturelles et les intérêts licites qui gouvernent les hommes. Lorsqu’aucune fonction ne se renouvelle que par l’intermédiaire du peuple, la réélection n’est pas une aristocratie; au contraire, le gouvernement dégénère si le peuple ne peut à la fin de chaque législature exercer la plénitude de son droit de souveraineté. Je propose donc la question préalable sur l’amendement de M. Barrère. (Une partie de l'Assemblée et des tribunes applaudissent.) (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion et décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. Barrère de Vieuzac.) M. !*egrand. Je propose, comme sous-amendement, ()ue les membres du Corps législatif puissent être réélus pendant trois législatures et qu’ils ne puissent plus l’être ensuite qu’après un intervalle de 2 années. (La question préalable!) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement proposé par M. Legrand). M. Thouret, rapporteur , soumet à la délibération l’article 7 du projet du comité, amendé par M. Barrère de Vieuzac, dans les termes suivants : « Les membres d’une législature pourront être réélus à la législature suivante; ils ne pourront être élus de nouveau qu’après un intervalle de 2 années. » (Cet article est adopté.) M. Thouret, rapporteur. J’offre maintenant, Messieurs, à votre délibération l’article 6 du projet du comité ; il est ainsi conçu : « Aucun état, profession, ou fonction publique n’exclut de l’éligibilité à la législature les citoyens qui réunissent les conditions prescrites par la Constitution. » (Aux voix! aux voix!) Cet article est susceptible d’une explication. Le corps politique ne peut se mouvoir dans son ensemble qu’à l’aide des différents pouvoirs dont il est composé, et vous avez constitué les diverses fonctions qui sont nécessaires pour l’exercice de ces pouvoirs. La question qui s’élève ici est celle de savoir si les citoyens qui ont été choisis par le peuple