[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 août 1790.] Les articles 9 et 10 sont lus et adoptés sans discussion en ces termes : « Art. 9. Les fils puînés de France et leurs enfants et descendants ne pourront, en aucun cas, rien prétendre ni réclamer à titre héréditaire dans les biens meubles ou immeubles réclamés par le roi, la reine et l’héritier présomptif de la couronne (1). « Art. 10. Les baux à ferme ou à loyer des domaines et droits réels compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au présent décret, seront exécutés selon leur forme et teneur ; mais les fermages et loyers seront payés à l’avenir aux trésoriers des districts de là situation des objets compris eniceux, déduction faite de ce qui sera dû à l’apanagiste sur l’année courante, d’après la disposition de l’article 5. » M. Enjnbault, rapporteur. L’article 11 est ainsi conçu : « Art. 11. Lesbiens et objets non affermés seront régis et administrés comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques. » M. Moreau. Les dispositions de cet article nécessitent un complément indispensable afin de les mettre en harmonie avec vos précédents décrets. G’est dans ce but, qu’aux mots objets non affermés , je propose d’ajouter ceux-ci : ou qui l'auraien t été depuis six mois. (Get amendement est adopté.) L’article amendé est ensuite décrété en ces termes : « Art. 11. Les biens et objets Don affermés ou qui l’auraient été depuis six mois, seront régis et administrés comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiatiques. » M. Enjubanlt, rapporteur , lit l’article 12 qui est adopté sans discussion. Voici sa teneur : « Art. 12. Les décrets relatifs à la vente des biens nationaux s’étendront et seront appliqués à ceux compris dans les apanages supprimés. » M. Enjubanlt, rapporteur , donne lecture des articles 13 et 14, en ces termes ; « Art. 13. Le Palais d’Orléans ou du Luxembourg et le Palais-Royal sont exceptés de la révocation d’apanage prononcée par le présent décret ; les deux princes auxquels la jouissance en a été concédée et les aînés mâles, chefs de leurs postérités respectives, continueront d’en jouir au même titre et aux mêmes conditions que jusqu’à ce jour. « Art. 14. Il sera avisé aux moyens de fournir, quand les circonstances le permettront, une habitation convenable à Charles-Philippe de France, second frère du roi, pour lui et pour les aînés chefs de sa branche, qui en auront la jouissance au même titre d’apanage, à la charge de réversion au domaine national aux cas de droit. » M. Martineau. Ces deux articles ont une corrélation trop manifeste avec les articles 6, 7 et 8 précédemment ajournés, pour que vous n’en (I) On faisait autrefois renoncer l’apanagiste aux successions; celte formule était vicieuse : on ne succède point à des personnes qui no possèdent rien en propre, parce que l’existence politique a fait cesser pour elles l’existence civile. 47 prononciez pas également l’ajournement. J’en fais la motion expresse. M. de Ea Touche. Les articles 13 et 14 n’ont rien de commun avec les articles 6, 7 et 8, et je propose de les discuter dès à présent. M. le Président met l’ajournement aux voix. L’ajournement est prononcé à la deuxième épreuve, la première ayant paru douteuse. M. Enjubault, rapporteur , lit l’article 15 et dernier. H est ainsi conçu : « Art. 15. Les acquisitions faites par les princes apanagistes dans l’étendue des domaines dont iis avaient la jouissance, par retrait féodal ou cen-suel, confiscation, déshérence ou bâtardise, ou même à titre de réunion ou de retour au domaine moyennant finance, seront réputés engagements, et seront à ce titre perpétuellement rachelabtes. » M. Martineau demande que le comité fasse subir un nouvel examen à cet article contre lequel il aurait à formuler des objections. M. Tronchet propose de substituer la rédaction suivante à celle du comité : « Art. 15. Les acquisitions faites par les apanagistes dans l’étendue des domaines dont ils avaient la jouissance à titre de retrait des domaines, tenus en engagement dans l’étendue de leurs apanages, continueront d’être réputés engagements, et seront à ce titre perpétuellement rachetables. » (On demande la priorité pour l’amendement de M. Tronchet. Gette priorité est accordée.) (L’article 15, amendé, est ensuite décrété sauf rédaction.) M. le Président. L’ordre du jour est le rapport du comité des rapports sur l’affaire du régiment de Languedoc. M. de Broglie, député de Colmar, rapporteur. Messieurs, la pétition du régiment de Languedoc, dont vous avez chargé votre comité des rapports de vous rendre compte, renferme plusieurs objets dont un lui a paru principalement digne de fixer votre attention. Ce régiment a cru voir, dans l’article qui le concerne dans le décret du 26 juillet dernier, une inculpation de sa conduite, prononcée par le Corps législatif : sa délicatesse en a été vivement affectée ; son respect pour l’Assemblée nationale est devenu la mesure de sa sensibilité, et la députation qu’il vous a adressée a été particulièrement chargée de vous présenter l’expression d’une douleur vive, dont l’honneur est le principe, ce qui explique assez la faveur avec laquelle vous avez accueilli cette députation. Votre comité, Messieurs, obligé de vous présenter son avis dans cette circonstance délicate, a cru devoir chercher les lumières qui lui étaient nécessaires à cet égard dans l’examen des circonstances antérieures ; il m’a chargé de vous les retracer rapidement. Vous n’avez pas oublié, Messieurs, qu’il y a plusieurs mois, et lors des premiers troubles de Montauban, le régiment de Languedoc vous parut avoir mérité des éloges par sa conduite, et que votre Président fut chargé de lui écrire une lettre de satisfaction. Depuis cette époque, la malheureuse journée du 10 mai à fourni au régiment de Languedoc une nouvelle occasion, bien pénible, 48 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1790.J à la vérité, d’être utile à la ville de Montauban ; mais obligé, avant d’agir, d’attendre la réquisition de la municipalité, ce n’est Certainement pas la faute du régiment du Languedoc, si cette réquisition a été aussi tardive ; il suffit, pour le mettre à l’abri de tout reproche, d’être assuré que ce corps s’est porté avec zèle et rapidité dans les points qui lui étaient assignés par la municipalité,; qu’il s’est précipité au milieu des citoyens qui se battaient avec tant de fureur, et qu’il a concouru à rétablir le calme dans cette ville infortunée. Ces faits, dont l’authenticité n’était pas douteuse, n’avaient cependant pu mettre le régiment de Languedoc à l’abri de quelques inculpations. Deux partis opposés, dont l’un était animé par les fureurs du fanatisme, ne pouvaient s’accorder dans leurs récits, ni sur les faits, ni sur les circonstances ; les dépositions mêmes des témoins ne pouvaient être exemptes de cette partialité, et il résultait nécessairement quelque incertitude dans l’opinion qu’on devait en prendre; aussi vous vous rappelez sans doute, Messieurs, ique lors du dernier rapport de Montauban, votre comité des rapports ne crut point devoir faire mention du régiment de Languedoc dans le projet de décret qu’il vous présenta. Il crut que ce silence laissait subsister dans toute leur force les premières marques de satisfaction que vous aviez données précédemment à ce régiment, et qu’il fallait ajouter à tous les torts si graves dont la municipalité de Montauban s’était rendue coupable, celui d’avoir enlevé au régiment de Languedoc une nouvelle occasion de mériter des éioges. Lorsque ce décret fut soumis à la discussion, plusieurs députés, particulièrement de Toulouse, demandèrent, par amendement, que le régiment de Languedoc fût remplacé à Montauban par d’autres troupes ; ils motivèrent cette demande sur ce que ce corps étant depuis plus de six ans en garnison à Montauban, il était à craindre qu’il ne fût pas resté absolument étranger aux opinions si opposées qui divisaient celle ville; que sa position en devenait nécessairement plus délicate, et que l’avantage du régiment de Languedoc s’accordait sur ce point avec l’intérêt qu’avait la ville de voir ainsi renouveler sa garnison. Après une longue discussion, vous crûtes, Messieurs, devoir adopter l’amendement proposé; vous ajoutâtes au décret , comme article additionnel : Que le Président se retirera par devers le roi pour le prier de substituer deux régiments à celui qui est à présent en garnisan à Montauban. Les expressions mêmes de cet article prouvent combien peu l’Assemblée nationale avait eu l’intention d’inculper le régiment de Languedoc , puisqu’il n’est pas désigné par son nom. C’est d’après cette considération qui, aux yeux de voire comité, a acquis une nouvelle force, lorsqu’il s’est rappelé que dans toutes les occasions où l’Assemblée nationale l’avait jugée nécessaire, elle avait hautement improuvé la conduite, soit des troupes, soit des tribunaux, soit des corps admistratifs, que votre comité a pensé qu’il était juste, et par conséquent digne de vous, de rassurer la délicatesse du régiment de Languedoc, en déclarant qu’il n’était nullement inculpé par le décret du 26, qui ordonne son remplacement à Montauban par d’autres troupes. Votre comité, Messieurs, a regardé comme inutile, et même comme inconvenable, de vous proposer de prononcer que vous persistiez dans votre décret ; il a pensé que les motifs de prudence qui l’avaient déterminé subsistaient encore, et il n’a pas douté que le régiment de Languedoc ne reçût, avec reconnaissance, l’interprétation, aussi ‘juste que conforme à la vérité, du décret du 26 juillet. Je suis en conséquence, chargé d’avoir l’honneur de vous proposer le décret suivant : Projet de décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports relativement à la pétition qui lui a été présentée par une députation du régiment de Languedoc; « Considérant que des motifs de prudence ont uniquement déterminé la disposition de l’article 4 du décret du 26 juillet, par laquelle Elle a chargé son Président de se retirer par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires, pour que le régiment actuellement en garnison à Montauban fût remplacé dans cette ville par deux régiments ; « Déclare que l’honneur du régiment de Languedoc n’a été et n’a pu être compromis par les dispositions du décret du 26 juillet, et qu’au surplus il n’y a lieu à délibérer sur la pétition présentée par les députés de ce régiment. » Plusieurs membres à gauche demandent à aller aux voix. M. Dufraisse-Duchey. L’impatience d’aller aux voix, manisfestée par quelques-uns des membres de l’Assemblée, ne m’empêchera pas de vous soumettre quelques observations sur le projet de décret du comité. Lors de la discussion de l’affaire de Montauban on a demandé que le régiment de Languedoc fût changé de garnison. Je vous ai fait remarquer, à cette occasion, que le régiment avait mérité l’approbation de l’Assemblée et M. le Président a été chargé de lui écrire pour la lui témoigner. Depuis lors aucun motif de blâme n’a été invoqué contre ce régiment ; je ne conçois donc point comment ou a pu, par prudence, déplacer ce régiment ; je crois au contraire plus prudent de le laisser dans cette garnison. Le comité, après avoir reçu les éclaircissements les plus complets, est convenu qu’on n’avait aucun reproche à lui faire : je conclus donc à ce que la pétition soit agréée et à ce que le régiment demeure à Montauban. M. Millet de Mureau. La pétition du régiment de Languedoc, est basée sur deux motifs principaux. L’un a été très bien discuté par le comité, mais il a gardé le silence sur le second motif, qui est que les soldats se croient entachés par le déplacement qu’on veut leur imposer dans la circonstance actuelle. Pour le prouver, je vais vous donner lecture d’une lettre écrite au lieutenant-colonel du régiment par la légion Saint-Barthélemy, de Toulouse, qui, à raison de ce décret, offre aux soldats ses services. « Nous sommes six cents, disent-ils, prêts à marcher pour vous... » M. Roussillon. Je demande que cette lettre soit déposée sur le bureau; elle est injurieuse au patriotisme du régiment de Languedoc, et à celui des citoyens de Toulouse. Je conteste formellement le fait qui y est annoncé. Je n’ai