«60 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 septembre 1790.] que de loin, et presque sans qu’ils s’en aperçoivent. Ne craignez pas que la morale ne se développe pas assez, qu’elle perde de sa rectitude : c’est du choc des intérêts que se compose sa véritable direction ; c’est dans le mouvement et l’action générale qu’elle se façonne et s’épure. Le grand art de vos maîtres doit être d’entourer vos enfants de circonstances où ils soient forcés de raisonner et d’agir, de leur offrir des difficultés à vaincre et la gloire après les avoir vaincues. C’était dans les exercices et les jeux que les jeuoes Spartiates se dressaient à la discipline de Lycurgue, et que la Constitution de leur patrie passait dans leur tempérament : vous n’aurez de patrie, vous n’aurez de constitution, que quand vous les aurez mises dans les habitudes de vos concitoyens. Que votre société naissante soit en tout l’image de celle que vous venez d’organiser ; qu’elle ait ses officiers, ses administrateurs, ses fonds communs, ses juges; et elle vous formera des soldats, des financiers, des magistrats et des législateurs : des orateurs, des négociateurs, vous n’en manquerez pas davantage. Il faudra bien qu’ils apprennent à manier les passions et à concilier les intérêts. De la science, ne les en tourmentez pas. L’émulation, l’ardeur de se distinguer, feront plus en un mois, sur des enfants de dix ans que les bonbons, les menaces et le fouet sur des poupées de quatre : alors vous trouverez, dans vos élèves, des instituteurs pour vos élèves, et l’étude deviendra une partie de leurs jeux. Que si vous portez vos vues jusqu’à l’héritier du trône, vous lui appliquerez encore ces principes d’éducation publique, vous associerez à ses exercices et à ses jeux l’élite de votre jeunesse. Dans les différentes divisions d’enfants de son âge, il en sera choisi chaque semaine un certain nombre des plus sages, des plus instruits, pour les approcher ue lui. Ils formeront sa cour et sa garde, ils l’entoureront des vertus de son âge, et il sentira à chaque instant la nécessité d’être plus vertueux que ceux auxquels il doit commander. On observera que les fonds destinés aujourd’hui à l’enseignement sont dispersés sur differentes caisses et différentes natures de revenus, sur les postes, sur les recettes générales, sur les fermes et sur les domaines; on trouvera des écoles d’équitation mêlées avec des écoles d’institution publique ; le collège de Louis-le-Grand, très riche et très favorisé, jouit de 15,600 livres, à titre d’indemnités des droits d’entrée sur les vins, etc. Le comité a pensé que les écoles d’équitation ne devaient point être entretenues aux dépens de la nation, que le collège de Louis-le-Grand ne devait jouir d’aucune indemnité particulière ï voici, en conséquence, le décret qu'il à l’honneur de vous présenter : ENSEIGNEMENT PUBLIC. « Art. 1er. La somme de 15,600 accordée au collège de Louis-le-Grand sera supprimée de la dépense du Trésor public. « Art. 2. Les sommes payées aux divers collèges et universités de provinces sur les domaines et bois, sur les recettes générales, sur la ferme générale, seront, à compter du Ie' janvier 1791, assignées sur la recette des districts respectifs auxquels ces établissements appartiennent. «Art. 3. Pour cet effet, il sera, dans le délai d’un mois, dressé et arrêté au conseil du roi des états desdites sommes par départements. « Art. 4. Ges états seront ensuite remis au comité des finances qui en rendra compte à l’Assemblée; et sur un décret sanclionné par le roi, les états seront respectivement adressés aux directoires des départements, pour en faire la distribution sur les recettes des districts où seront situés les établissements auxquels ces sommes seront dues. « Art. 5. La distribution faite, les directoires des départements en adresseront deux états dûment certifiés au ministre des finances, qui remettra l’un au dépôt de l’administration, l’autre au Trésor public. « Art. 6. Chaque année les receveurs de district remettront au Trésor public, en déduction de leur recette, l’état des payements qu’ils auront faits desdites sommes sur le vu des quittances par le directoire du district. « Art. 7. Il ne sera accordé aucuns fonds pour les écoles d’équitation, à compter du 1er janvier 1791. « Art. 8. Il sera payé provisoirement une somme de 15,600 livres par an à l’école gratuite de dessin de Paris, à compter du 1er octobre prochain. M. Gosgin présente une motion pour l’établissement d’écoles nationales. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.) Plusieurs membres proposent d’aller aux voix sur les articles du comité. M. le Président met successivement aux voix ces huit articles. Ils sont adoptés. INSTRUCTION DES SAGES-FEMMES. M. Lebrun, rapporteur. L’instruction des sages-femmes est une partie importante de l’enseignement public; mais il faut que cette instruction se trouve partout, et ce n’est pas un seul individu qui peut la répandre dans tout le royaume. Chaque département doit avoir la sienne; ce n’est que par là qu’elle sera réellement utile. Ce n’est plus alors une charge nationale, mais une charge propre à chaque département; elle doit être acquittée ou par les départements, sur des fonds particuliers, ou sur la portion de fonds publics qui seront destinés aux dépenses de l’éducation publique. L’article de 5,500 livres ne peut être regardé désormais que comme un traitement particulier; et c’est au comité des pensions d’en proposera l’Assemblée, ou la conservation, ou la suppression, ou la réduction, lin conséquence, nous vous proposons le renvoi au comité des pensions. (Cette proposition est adoptée.) M. Camus présente des observations relativement à Mmes de Coudray et du Gontenceau; l’Assemblée nationale décrète que la dame du Gou-drav sera renvoyée au comité des pensions sur les demandes qu’elle pourra y présenter ; qu’à l’égard de la dame de Gontenceau, son traitement lui sera conservé par provision, à la charge par elle de continuer ses instructions, aussi par provision ; et les comités de Constitution et de mendicité sont chargés�e présenter à l’Assemblée un plan pour l'instruction des sages-femmes dans les départements. BATIMENTS EMPLOYÉS AU SERVICE PUBLIC. M. Lebrun, rapporteur. Tous les articles de (4 septembre 1790.J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dépense renfermés sous le titre : d’entretien, réparations et constructions de bâtiments sont nécessairement variables ; une partie cessera, dès 1791, d’être à la charge du Trésor public; d’autres peuvent être réduits; d’autres enfin ne seront que passagers. Les palais de justice, les prisons, les murailles des villes seront désormais entretenus, réparés ou construits aux dépens des départements ou des municipalités. Les manufactures ne doivent recevoir que des encouragements de la nation, si les encouragements leur sont nécessaires. Les intendances, désormais inutiles, seront ou affectées à des usages publics, et dès lors à la charge des départements ou des villes, ou vendues; et, dans ce dernier cas, quoiqu’elles aient été construites la plupart aux dépensées généralités, le prix devra en être versé dans le Trésor public, et employé à l’extinction de la dette. Par là tous les départements y participeront et y contribueront également. Les bâtiments des domaines, ou appartiendront à la liste civile, ou seront destinés à des usages nationaux, ou à des usages municipaux, ou de département, ou seront aliénés. Il n’y a que ceux qui seront affectés à des usages nationaux qui puissent être à la charge de la nation. Tels sont les salines et bâtiments consacrés aux fermes ou régies, occupées par les ministres, par des établissements publics. Les hôtels des monnaies doivent être à la charge de la nation pour les constructions et les grosses réparations. Mais les laboratoires, les fourneaux, les ustensiles doivent être entretenus par les directeurs. S’ils travaillent, le bénéfice les dédommage; s’ils ne travaillent pas, il n’y a point de dépérissement. Voici le projet de décret : « Art. 1er. Les palais dejustice et prisons seront désormais entretenus aux dépensées justiciables. « Art. 2. Les manufactures ne recevront du Trésor public que des encouragements, si l’Assemblée nationale juge les encouragements nécessaires. » (Les articles 1 et 2 sont adoptés.) M. Lebrun lit l’article 3 ainsi conçu : « Art. 3. Les intendances seront ou affectées à des établissements publics, ou vendues, suivant qu’il sera réglé par les informations des assemblées de département; si elles sont vendues, le prix en sera versé dans la caisse de l’extraordinaire pour être employé à l’extinction de la dette publique ; si elles sont employées à des établissements publics, elles seront à la charge des municipalités ou des départements auxquels ces établissements appartiennent. » Plusieurs membres demandent l’ajournement de cet article. L’article 3 est ajourné. M. Lebrun lit l’article 4 qui est décrété en ces termes : « Art. 4. Les directeurs des monnaies seront tenus d’entretenir les laboratoires, les fourneaux et les ustensiles servant à la fabrication, et seront chargés des réparations locatives ». M. deGouy d’Arsy, député de Saint-Domin-aue% demande et obtient la parole pour donner lecture d’une adresse de l'assemblée provinciale de la partie du nord de Saint-Domingue , relative à la situation actuelle de la colonie (1). (1) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de cette adresse. 1* SÉRIE. T. XVIII. 561 Cette adresse est ainsi conçue : Messieurs, l’aa-semblée provinciale de la partie du nord de Saint-Domingue s’empresse de soumettre à votre sagesse ce qui se passe dans la colonie, et les suites funestes qui peuvent en résulter. Elle avait formé une assemblée générale, lorsque les premières nouvelles de votre décret du 8 mars nous parvinrent. La colonie entière était en proie aux alarmes ; ses enfants entouraient l’Assemblée nationale, et s’étaient glissés jusque dans son sein ; mais votre décret porta le calme dans nos cœurs. Vous promettiez sûreté et protection aux colons; vous reconnaissiez la colonie comme partie constituante de l’empire, vous l’admettiez à entrer dans le Corps législatif; vous l’autorisiez à préparer elle-même sa Constitution; vous vous borniez à indiquer pour bases les liaisons nécessaires entre la colonie et la métropole. On s’attendait que l’Assemblée générale accepterait ces faveurs avec reconnaissance, et ces conditions si justes avec satisfaction. L’assemblée provinciale se hâta de lui faire parvenir votre décret du 8 mars. Son premier mouvement fut celui de la confiance et de la joie; mais une plus longue réflexion, ou plutôt des suggestions malheureuses altérèrent ces sentiments. Les anciennes terreurs reprirent leur empire ; et l’assemblée générale crut devoir s’entourer de précautions. Elle s’est malheureusement égarée dans des formes inconstitutionnelles, inadmissibles, et par conséquent nuisibles, que nous croyons devoir vous exposer pour vous faire connaître la nécessité de rapprocher tous les partis, en les rassurant tous . Bientôt après, l’assemblée provinciale reçut un décret du 14 mai, sur l’ordre judiciaire, dont l’assemblée générale ordonnait l’exécution immédiate, sans que l’objet fût urgent, sans qu’il fût approuvé par le gouverneur général, sans réserver votre décision, ni la sanction royale. L’assemblée provinciale, sans se laisser éblouir par le mérite du fond, fut épouvantée des formes qui lui parurent affecter un pouvoir législatif particulier à une partie de l’empire et indépendant de la nation et du roi. Elle se hâta de condamner ces formes, déposer ses propres principes et de s’opposer à la promulgation d'un acte qui lui parut inconstitutionnel et nul, par son arrêté du 17 mai. Or, ces principes sont : qu’il ne peut y avoir qu’un Gorps législatif en France, composé de tous les représentants de la nation et du roi ; Que la colonie seule ne peut pas faire un Gorps législatif à part ; Que l’assemblée générale n’a que les pouvoirs que le Corps législatif lui a donnés, et qui la constituent, savoir: de proposer ses lois et de les faire exécuter provisoirement avec la sanction du gouverneur ; Que si elle rejette ou transgresse ces pouvoirs, elle a perdu dès lors son existence légale. L’assemblée provinciale fit passer cet arrêté à l’assemblée générale, avec une adresse conforme. L’assemblée générale crut devoir faire une profession expresse et explicite de ses principes, par un décret du 28 mai. Elle y consigne quV/e est le Corps législatif en ce qui concerne le régime intérieur , sous la seule sanction du roi; et dès lors, si elle consent que ses décrets passent par les mains de l’Assemblée nationale, c’est sans lui accorder le droit à' examiner \ mais seulement pour les présenter 36