355 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] a été renvoyé par une délibération du 25 janvier. M. liouehotte. Je propose d’ajouter à la disposition du décret sur les exemptions de droits d’octrois et aides sur les boissons une exception en faveur des Suisses, qui en ont toujours joui d’après les conventions faites avec leurs cantons M. d’Estourmel. Je pense que ce n’est pas le moment de délibérer sur cet objet, je demande la question préalable. M. Lanjulnais appuie cette observation. Il est décrété qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent. On va aux voix sur la rédaction du décret, qui e adoptée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que tous les octrois, droits d’aides de toute nature, et autres droits y réunis, sous quelque dénomination qu’ils soient connus dans lesvi'" -- --- ■- J-royaume où ils sont étab les et autres lieux du is, continueront d’être perçus dans la même forme et sous le même régime précédemment établi, jusqu’à ce qu’il ait été statué autrement par l’Assemblée nationale, néanmoins sans aucun privilège, exemption, ni distinction personnelle quelconque; n’entendant rien innover, quant à présent, aux usages concernant les consommations des troupes françaises et étrangères, ainsi que des hôpitaux. « Les fermiers ou régisseurs des droits appartenant aux villes seront tenus d’exhiber J es registres de leurs perceptions aux officiers municipaux sur leur simple réquisition; et les sommes provenantes de l’augmentation résultant de la suppression des exemptions et privilèges, seront versées dans les caisses du receveur des municipalités, sans préjudice de la partie de ces droits qui peut appartenir au Trésor public-« L’Assemblée ordonne que ce décret sera porté incessamment à la sanction du Roi. » L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume. M. Gfossin. Je prie l’Assemblée de m’accorder une attention nouvelle, dont j’ai d’autant plus besoin que ma santé est altérée par le travail continuel des rapports. M. le Président invite l’Assemblée à seconder le zèle constant de l’honorable membre. M. Oossin rend compte de plusieurs difficultés relatives au département méridional de la Champagne et propose un projet de décret. M. Drevon parle au nom de la députation de Langres, pour rendre cette ville chef-lieu d’administration préférablement à Chaumont. Il demande le provisoire pour Langres, ou au moins que l’assemblée du département, qui décidera de la fixation du chef-lieu, soit tenue dans une ville neutre. Il dit que c’est au centre de la population, et non de la surface, que l’administration doit être placée ; et il assure qu’en ce sens Langres est le centre du département. L’opinant propose de faire tenir cette première assemblée à Bourbonne-les-Bains. M. liougeotte de Vignes (1). Messieurs, la (1) Je n’avais point écrit lorsque j’ai repoussé, dans l’Assemblée nationale, les efforts des défenseurs de fixation des chefs-lieux de département et de district est entièrement subordonnée à des convenances que les députés des anciennes provinces peuvent seuls apprécier, et quand ils ont fait connaître leur vœu, quand ils en ont démontré les avantages daus le comité des divisions que �Assemblée a établi pour constater les localités, quSnd les membres de ce comité rendent eux-mêpies le premier hommage à l’avis préparatoire de fit province, il paraît toujours étonnant d’entendre des réclamations que l’on est forcé d’appuver sur d’autres résultats, réclamations qui ne peuvent que favoriser les coupables projets des ennemis de la Constitution, en éloignant le momeit où le plus bel empire va reprendre le mouvement et la vie; car, après bien des débats inutiles, il faut toujours, en dernière analyse, revenir aux faits dont l’exactitude a été reconnue dans les discussions contradictoires ; et ne vaudrait-il pas mieux sacrifier quelques prétentions qui ne sont plus défendues que par l'ambition et l’intérêt particulier, que de retarder un seul instant la fin de cette constitution qui doit assurer la liberté et le bonheur du peuple? C’est toujours sur lui, c’est principalement ùr cette classe nombreuse qui n’a d’existence que par des travaux journaliers et son industrie que des législateurs doivent porter sans cesse 1ers regards; et je ne détournerai pas l’Assemblée d’un devoir aussi sacré en réfutant les prétentions élevées au nom de la ville de Langres, puisque je démontrerai qu’elles sont contraires à l’intérêt des la ville de Langres ; mais la réfutation qne j’ai faite de leurs moyens étant calquée sur des principes, sur des faits que j’ai exposés souvent dans les discussions particulières, et que j’ai établis dans les différents mémoires que j’ai remis à Messieurs du comité de constitution, elle est encore assez présente à mon esprit pour m’en rappeler non-seulement la substance et les principales divisions, mais encore pour livrer à l’impression les mêmes développements, sans aucune différence sensible. C’est avec peine que je me suis déterminé à prendre ce parti, malgré l’exemple qu’on m’en avait donné, parce qu’il faut taire au publiic les discussions qui peuvent déceler des intérêts particuliers qui doivent être étrangers aux représentants de la nation ; mais on s’est tellement écarté des bornes de la modération dans les débats qui ont eu lieu, on a mis tant d’affectation à déprimer ma ville et tous les bons citoyens qui l’habitent, que je regarde maintenant comme un devoir sacré ce qui n’aurait pu, quelque temps auparavant, que satisfaire un excès d’amour-propre, que je n’ai point, ou me donner des avantages dont je n’avais pas besoin, Quelques autres motifs se réunissent encore pour en démontrer la nécessité : je dois compte à tous mes commettants des moyens que j’ai mis en usage pour répondre à la confiance dont ils m’ont honoré ; c’est leur intérêt que j’ai servi, c’est même celui d’uue partie des autres administrés qui n’ont pas concouru à ma députation que j’ai consultés, en les rapprochant de l'administration. Je dois aussi les prévenir contre les petits motifs que l’on pourrait employer pour les induire en erreur, et j’ajouterai à ma réfutation faite dans la séance du 28 janvier quelques notions sur de semblables précautions que l’on a déjà mises en usage, et des observations sur plusieurs inexactitudes qui ont échappé aux défenseurs de la ville de Langres, inexactitudes que je n’ai point relevées dans l’Assemblée parce qu’elles étaient attestées par les détails consignés dans Je rapport du comité de constitution, et qu’en général c’est abuser des moments do l’Assemblée, que de fournir des principes pour répondre aux déclamations. Je terminerai cet écrit par quelques réflexions sur une difficulté nouvelle dont le jugement a été renvoyé, par décret du 13 février, à l’Assemblée de département; elle a pour objet la démarcation des limites du district de Bourmont 356 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790. administrés et à l’intérêt de l’administration. Le développement de ces propositions justifiera la pureté des principes qui ont déterminé l’avis de, la province, et la sagesse du décret proposé par le comité de constitution. Avant d’examiner la question sous ces deux points de vue, qui sont vraiment les seuls qui peuvent être présentés dans cette Assemblée, je dois lui rappeler que le projet de décret du comité renferme deux dispositions essentielles, qu’il faut bien se garder de confondre. La première a pour objet la fixation d’un chef-lieu de district demandé par les villes de Vassy et Saint-Dizier : votre comité a cru devoir donner la préférence à cette dernière ville, et à cet égard il n’y a pas de réclamation du moment que le partage des établissements est proposé conformément au vœu de la province. La seconde partie de ce décret, relative au chef-lieu du département, est la seule qui occasionne la discussion , et l’Assemblée a remarqué que son comité de constitution subordonne à la volonté des administrés l’alternation à laquelle la ville de Langres s’est toujours bornée; j’en tire un dilemme fort simple, auquel je ne crois pas qu’il soit possible de fournir une réponse satisfaisante: Ou la réclamation de la ville de Langres est fondée sur l’intérêt de tous les administrés, ou elle est déterminée par son intérêt particulier. Si elle a pour objet l’intérêt des administrés, elle est absolument illusoire, puisque cet intérêt est conservé par le droit naturel et par le droit positif qui leur est donné de statuer eux-mêmes sur les avantages ou les inconvénients de l’alternation. Si cette réclamation n’est dictée que par l’intérêt particulier, comme je le démontrerai dans un instant, il faut sé bâter de la proscrire, parce qu’aujourd'hui tout doit s’abaisser devant l’intérêt du plus grand nombre ; on ne peut plus reconnaître cette hiérarchie des villes, que l’ancien régime avait établie pour concentrer tous les établissements dans les plus grandes cités (1), sans aucun égard pour les localités, et par conséquent au grand détriment du peuple dont on enlevait la substance; voilà l’abus qu’il ne faut pas consacrer sous le règne de la justice et de la liberté : la plus petite communauté a autant de droits à la protection du gouvernement que la cité la plus fastueuse, si on peut se prévaloir encore de posséder des monuments de l’esclavage français. Et qu’on ne dise pas que l’alternation est dans les principes de l’Assemblée , puisqu’il est constant qu’elle a entendu en subordonner la faculté à la volonté des administrés, qui peuvent seuls en combiner les avantages avec le danger très connu et toujours renaissant de déplacer les archives et les administrateurs ; les circonstances qui peuvent faire adopter cet arrangement sont infiniment rares, et pour ainsi dire maigres : il faut que deux villes, toutes deux centrales, soient tellement à proximité, qu’il ne soit pas plus avantageux au plus grand nombre de se rendre dans l’une plutôt que dans l’autre, et Langres est loin de partager cette heureuse situation; on ne peut donc convertir en une disposition positive ce qui doit être facultatif. (1) La ville de Langres n’est pas de ce nombre, quoiqu’elle prétende renfermer une grande population ; dans tous les cas, elle ne peut s’en prévaloir vis-à-vis de Chaumont, puisque la différence n’existe que dans la proportion de 7 à 9. Cette réflexion me fait rentrer naturellement dans l’examen de deux propositions que j’ai avancées, et je commence par démontrer que l’intérêt des administrés exige que le chef-lieu du département soit établi dans la ville de Chaumont. Ce département, qui réunit une superficie de près de 300 lieues, n’a point cette îorme sphérique dont les décrets de l’Assemblée présentent l’idée ; des limites anciennes qu’il a fallu respecter, parce qu’elles avaient occasionné des relations qu’il eût été dangereux de détruire, des rapports commerciaux avantageux à conserver, ont déterminé l’assiette de ce département qui présente, du sud au nord, un espace de plus de 31 lieues de longueur, et de l’est à l’ouest, environ 12 lieues de largéur dans presque tous ses points. La ville de Langres est située à l’extrémité méridionale, à 5 lieues au plus des limites, en sorte que les électeurs de la partie opposée auraient une distance (1) de 26 lieues à parcourir pour y arriver. Je demande si l’on pourrait se jouer ainsi des déplacements de ces hommes utiles et laborieux qui fertilisent la terre ; je demande si un pareil éloignement ne priverait pas les citoyens qui bénissent une honnête médiocrité du droit de concourir aux élections, lorsqu’ils ne seraient pas en état de faire les sacri-ces qu’exigerait un voyage aussi long que dispendieux. Ces inconvénients n’exisleront plus lorsque les électeurs se réuniront à Chaumont : cette ville placée à 17,511 toises, c’est-à-dire à plus de 8 lieues de Langres, offre, par sa centralité, une distance à peu près égale de part et d'autre, qui n’excède pas 17 lieues. Il est donc de l’intérêt des administrés qu’elle soit indiquée pour le chef-lieu du département, puisqu’ils auront moins de démarches, moins de dépenses à faire. Voilà le seul titre dont elle veut se prévaloir. J’ai dit que l’intérêt de l’administration exigeait également que le directoire du département fût placé à Chaumont, et tout le monde sait qu’une administration supérieure ne peut réunir l’activité et la surveillance nécessaires pour opérer le bien qu’autant qu’elle est placée de manière à communiquer également et au même instant une impulsion suffisante pour maintenir l’unité et la célérité dans l’exécution. Et comment ob-(1) Il n’y pas même de facilité dans la communication de Chaumont à Langres : la route est toujours inpraticable ; en hiver, la poste ne fait qu’avec peine son service ; les voilures publiques et particulières y ont versé plusieurs fois, et il en est résulté souvent des accidents graves. L’inconvénient seiale même, dira-t-on, pour les habitants de la partie méridionale qui auront à se rendre à Chaumont : je réponds très-affirmativement que non, parce que les habitants de la partie du nord sont tous obligés de passer à Chaumont pour arriver à Langres, et qu’ils n’auront plus d’autre chemin à suivre que celui de la grande route, au lieu qu’à l’exception du petit nombre de citoyens du district de Langres domiciliés dans la direction opposée de cette route, tous les autres pourront se rendre à Chaumont par la route de Bourbonne à Montigny, ou par des chemins finagers, d’une communication assez facile. Il en résultera qu’il y aura un douzième au plus qui supportera l’inconvénient de la localité qu’on ne peut changer, et comme il faut considérer l’intérêt du plus grand nombre, on doit plaindre, on doit même soulager la portion souffrante, mais on ne peut lui sacrifier cette masse importante de population qui trouvera ses avantages dans une autre disposition. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 28 janvier 1790.] 357 [Assemblée nationale.] tiendrait-elle ces avantages lorsqu’il n’existerait aucunes proportions dans les distances, ni aucunes relations commerciales qui puissent diminuer cet inconvénient? L’on serait continuellement occupé à réparer des maux en tout genre sans pouvoir les prévenir, et le grand secret de l’administration n’est pas d’adoucir, mais de prévenir les pertes ; le grand secret est encore de remédier aux accidents imprévus, avant qu’ils aient frappé tous les individus. Gomment les administrateurs pourraient-ils exercer cette bienfaisance, cette tendre sollicitude à 26 lieues de distance? Gomment pourraient-ils veiller aux réparations des ports de la Marne établis à Saint-Dizier, qui en est éloigné de 24 lieues; de ces ports dont le bon état est si nécessaire pour vivifier le département, qui n’a d’autre commerce que celui des fers et des bois qui s’y embarquent? Gomment pourraient-ils pourvoir à ces réparations avec assez de célérité, lorsqu’une fonte subite de neiges, semblable à celle de l’hiver dernier, y occasionnerait de fortes dégradations? Le directoire du district, dira-t-on, exercera cette surveillance. Mais il n’aura point de secours extraordinaires à sa disposition, et toutes ses délibérations qui auront pour objet des dépenses imprévues, devront être approuvées par 'administration de département avant de pouvoir être exécutées. Je peux citer encore un exemple plus frappant du retard que l’expédition des affaires éprouverait, lorsque les membres du directoire seraient obligés de se fixer à Langres, à 1 époque marquée pour l’alternat : l’on sait que tous les corps administratifs doivent exercer leurs fonctions sous l’autorité du Roi; ils seront par conséquent obligés d’entretenir une correspondance habituelle pour rendre compte de toutes leurs opérations au pouvoir exécutif, ou pour les lui soumettre dans les cas qui nécessitent son approbation, et toute cette correspondance passerait à Chaumont avant de parvenir à sa destination. 11 en serait de même de tous les paquets d’envois, des décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le Roi ; et ne serait-il pas affreux de ralentir ainsi la marche de l’administration pour soumettre aux spéculations, aux désirs et à l’ambition de la ville de Langres tout ce qui existe dans le département? L’intérêt des administrés, l’intérêt de l’administration se réunissent donc pour prouver le danger de l’alternation que la ville de Langres sollicite; j’ajouterai que cette demande a été repoussée constamment par tous les députés de la province dont j’invoque le témoignagne ; j’ajouterai que ces députés ont toujours manifesté le même vœu en indiquant la ville de Chaumont pour le chef-lieu du quatrième département. Les états qui contiennent cette indication sont même signés par les députés de la ville de Langres, qui s’étaient bornés à demander qu’il fût inséré dans le décret que la première séance se tiendrait à Chaumont, sans rien préjuger sur la question de l’alternat. Mais on n’a pas voulu leur conserver cette faible ressource qui aurait pu induire en erreur les administrés ; parce qu’en disant qu’on ne préjuge rien sur une chose qui ne doit pas être, c’est préjuger beaucoup. Il n’est pas besoin d’une réserve aussi illusoire, aussi puérile, lorsqu’il est question de l’exercice du droit naturel, du droit positif qui appartiennent aux administrés de fixer la permanence du directoire dans le lieu le plus avantageux, On revient aujourd’hui sur toutes ces conventions et sur toutes les convenances, pour pro-poposer d’ordonner que la convocation première se fera dans la ville de Langres, au moins dans une ville neutre, et on indique celle de Bour-bonne. Mais j’ai déjà observé, et je répète encore que la question n’est pas de savoir laquelle des deux villes obtiendra le chef-lieu dê département, parce qu’il est reconnu et avoué que Chaumont doit être chef-lieu ; dès que l’on se borne à l’alternat dans une pareille position, n’est-il pas absurde de demander que cette ville soit privée provisoirement d’un droit qu’elle ne peut pas perdre, pour satisfaire le projet d'envahissement (1) de la ville de Langres, qui ne peut jamais prétendre à l’alternation lorsqu’elle dépendra du vœu des administrés? Leur intérêt est-il moins sacré, est-il moins à respecter parce qu’il ne s’agirait que d’une première démarche dont les suites seraient réparables? Non, c’est méconnaître les principes de l’Assemblée; il suffit que les administrés puissent souffrir une seule fois d’une pareille disposition pour la faire rejeter. Or, en démontrant les désavantages de la position de la ville de Langres, nous n’avons pas même offert l’idée de ceux qui résulteraient de la réunion des électeurs dans la ville de Bour-bonne-les-Bains, qui touchent immédiatement aux limites du côté de la Franche-Comté et des Vosges, puisque, dans quelques endroits, il n’y a qu’une ou deux paroisses au plus, dans l’espace intermédiaire. Cette demande est véritablement le comble du ridicule; mais voici ce qui y a donné lieu. Depuis quelque temps on a fortement sollicité les députés ordinaires ou extraordinaires de toutes les villes où il a été établi des districts de faire connaître leur vœu sur l’alternat, et malgré la diversité (2) des moyens employés pour les y faire consentir, on a trouvé partout une volonté constante de maintenir le directoire dans la ville de Chaumont ; alors on s’est adressé directement aux officiers municipaux de Bourbonne, la seule (1) Il n’est pas possible de qualifier autrement les prétentions de la ville de Langres, car elle a déjà son évêché qui entraînera vraisemblablement la conservation du chapitre, qui jouit de 200,000 livres de revenu, du séminaire, etc. Et l’Assemblée nationale a décrété que tous les établissements publics ne seraient pas nécessairement dans un même lieu. (2) On a voulu persuader au député deBourmont que sa ville, ainsi que les autres communautés delà Lorraine qui sont réunies au département, seraient victimes de cet arrangement, s’il ne formait pas une coalition avec Langres et Bourbonne, pour résister aux efforts combinés de Chaumont, Joinville et Saint-Didier, qui seraient nécessairement unis par les mêmes intérêts. Cette insinuation était d’autant plus dangereuse qu’il était facile d’inspirer des craintes au député d’une province privilégiée, dont les impositions ne se montent qu’à 12 livres 19 sous par chaque individu, tandis qu’elles sont portées à 26 livres 16 sous dans la Champagne; mais ce député, qui connaît les dispositions fraternelles de la ville de Chaumont, avec laquelle tous ses concitoyens entretiennent depuis longtemps des relations que la proximité a fait naître, a bientôt distingué les véritables avantages d’une union plus intime que la ville de Chaumont désirait comme un nouveau moyen de bonheur : rassuré par ces sentiments, ce député s’est abandonné au calme de la réflexion et il a été bientôt convaincu : 1° que dans un département où le tarif est adopté, il est de toute impossibilité de surcharger un canton plus qu’un autre, puisque la matière imposable étant déterminée dès avant la répartition, par les déclarations 358 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790. ville(l)qui soit un peu plus à proximité de Langres que de Chaumont, pour les prier de manifester eux-mêmes leur vœu, et ils ont répondu que leur désir particulier était que le directoire de l’administration de département fût placé à Langres, mais que si l’on consultait le vœu individuel de tous les citoyens actifs du district (2), il pourrait être en faveur de Chaumont. C’est d’après cette faible lueur d’espérance que l’on s’est déterminé à vous demander la première convocation à Bour-bonne, comme un lieu neutre ; mais on n’a pas dit que cette ville était placée dans le point le plus reculé des limites au sud-est, et que sa distance de la paroisse de Pertes, qui forme l’extrémité opposée, est de plus de 31 lieues. Il faut donc revenir au véritable point de la question : la ville de Chaumont est absolument dans le point central géographique du département; elle est aussi le point central politique par les anciennes relations que ses établissements publics y ont formées ; ces relations existent même avec tout le pays qui environne la ville de Langres. 11 dépendait, avant 1640, du bailliage de Chaumont, et il est encore régi par sa coutume ; le démembrement qui en a été fait, pour composer le bailliage de Langres, n’a point entraîné celui de la maîtrise des eaux et forêts de Chaumont, dont la juridiction s’étend encore sur toutes les paroisses distraites du bailliage : c’est à Chaumont que les habitants de ces paroisses terminent tout ce qui est relatif à l’administration de leurs bois; c’est à Chaumont qu’est encore établie la comptabilité des domaines, même pour la ville de Langres, parce que la position de cette dernière ville, à l’extrémité des frontières, n’a jamais permis d’y former des établissements que dans les temps d’arbitraire (3), où l’intérêt et le cri du peuple étaient également méconnus. La ville de Chaumont doit donc être, et ne peut pas cesser d’être, sous tous les rapports, le chef-lieu du département : on ne lui conteste pas, puisque l’on se borne à l’alternat; elle doit donc être indiquée pour la première séance de l’Assemblée. On veut affaiblir ces résultats en attestant vaguement que la ville de Chaumont, placée dans le point central de la superficie, ne l’est point et les évaluations qui sont indépendantes du directoire de département, il ne s’agit que de connaître combien chaque livre de revenu doit payer pour acquitter la somme totale des impositions, et on ne peut jamais excéder celte proportion; 2° que son arrondissement étant formé, en grande partie, dans la Champagne, il n’était pas possible que l’administration de département puisse surcharger les paroisses nouvellement réunies, sans grever au même instant toutes celles du même district, puisque la répartition sur les communautés se fait par l’assemblée ou le directoire de district. Ces différents motifs ont déterminé le député de Bourmont à se refuser constamment à toutes les propositions qui lui ont été faites de mani-ester son vœu en faveur de la ville de Langres. (1) Il se trouve sept villes dans la partie opposée, sans comprendre celle de Chaumont. (2) Cela paraîtra vraisemblable, si l’on considère que la distance ne présente qu’une différence de deux lieues, qui est bien compensée par la facilité d’une communication sur la plus belle route du royaume; si Ton considère enfin que Bourbonne dépendait avant 1640 du bailliage de Chaumont, et que cette dernière ville n’a vu ?[u’avec peine ce démembrement qui la séparait d’anciens rères qu’elle chérissait, et qu’elle espère retrouver dans la nouvelle association. (3) On peut citer pour exemple ce qui s’est passé au mois de mai 1788; l’époque est assez récente pour que je sois dispensé d'entrer dans aucun détail à ce sujet. dans celui de la population, et que ce sont les hommes qu’il faut administrer, et non des terres incultes. Ce raisonnement ne présente que des sophismes, des subtilités et des inexactitudes. D’abord il résulte des décrets de l’Assemblée que' la représentation doit avoir lieu dans une proportion combinée de la population, du territoire et des impositions; l’administration générale embrasse donc les personnes, les propriétés et les impôts, En second lieu, il est prouvé que les états de population de la province, qui ont été envoyés à M. Dubois de Crancé, député de Vitry-le-Français, que les différentes parties du département,* qui sont plus à proximité de Chaumont, forment les deux tiers de sa population (1); et la réunion de la ville de Bourmont et de quelques paroisses du Bassigny-Barrois rend encore ce résultat plus satisfaisant, puisqu’elles sont toutes plus éloignées de Langres : il ne faut que jeter les yeux sur la carte pour se convaincre de tous ces faits. 11 reste par conséquent démontré qu’en considérant l’avantage du plus grand nombre, les administrés doivent se rendre à Chaumont pour y former l’assemblée de département, et que son directoire doit y être permanent, si cette ville possède les édifices publics qui sont nécessaires à un pareil établissement. Or, il est certain, malgré les doutes que l’on a cherché à répandre à cet égard, malgré l’affectation avec laquelle on a voulu déprimer (2) cette ville intéressante par son existence politique et le patriotisme de ses habitants (3), qu’elle a dans son enceinte un hôtel-(1) Les défenseurs de la ville de Langres ne se sont aussi fortement mépris sur cet objet, que parce qu’ils ont jugé que le sol des environs de Joinville, Vassy et Saint-hizier était aussi ingrat que celui de Chaumont, et c’est ainsi qu’ils affectionnent tout ce qui les touche de près, de moins en moins ce qui s’en éloigne. Il est cependant vrai que le territoire de la partie du nord est entièrement fertile, que les villages y sont très multipliés et à petite distance, et qu’ils sont généralement lus considérables qu’aucun de ceux des environs de angres. (2) M. Thévenot de Maroise, qui voit tout en grand lorsqu’il parle de son pays, tout en petit lorsqu’il cherche des comparaisons dans les villes voisines, a qualifié Chaumont de petite bourgade, qui n’existait que depuis deux à trois siècles. Il a dit que les électeurs ne trouveraient pas à s'y loger, que les vivres y étaient fort rares et d’une extrême cherté, qu’il n’y avait aucun édifice assez vaste pour la tenue des assemblées, que le nouvel hôtel de ville n’était qu’un très petit pavillon, et que le palais de justice tombait en ruine. Cependant cette petite bourgade est la capitale du Bassigny, c’cst-à-dire de tout le pays qui environne la ville de Langres. Ce titre lui a été donné dans une infinité de Chartes et lettres-patentes, et il ne lui est pas contesté. Cette petite bourgade renferme une population d’environ 7,00U âmes ; elle est le chef-lieu d’une très ancienne coutume, et d’un des plus grands bailliages du royaume, qui, malgré des démembrements successifs, comprend encore plus de 320 villes, bourgs et paroisses; elle renferme cinq autres juridictions importantes. Cette petite bourgade, qui n’était pas connue il y adeuxou trois siècles, existait cependant en 935, et elle était déjà considérable, puisqu’on litdans l’histoire qu’à cette époque les Normands furent défaits sous ses murs, par l’évêque de Troyes. (3) Aussitôt que les arrêtés du 4 août parvinrent à leur connaissance, les citoyens de la ville de Chaumont s’empressèrent de souscrire une adresse d’adhésion, dans laquelle ils firent le sacrifice volontaire d’une infinité de privilèges que leurs ancêtres avaient obtenus à titre onéreux, pour s’être fortifiés et gardés pendant le temps des troubles, pour avoir, à différentes époques, et notamment pour le siège de la Nosthe, une assez grande quai}- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] 359 de-ville assez spacieux pour tenir à la fois les séances de la municipalité, celles des directoires de district et de département, et pour l’emplacement des bureaux des archives; il est certain qu’elle possède le plus vaste palais de la province, puisque la seule salle d’audience a suffi pour réunir, au mois de mars 1789, 1,500 électeurs (1). 11 existe à côté une salle aussi spacieuse, et plus loin les chambres du conseil et d’instruction, qui ont servi aux séances particulières du clergé et de la noblesse. J’atteste sur tous ces faits la véracité et la loyauté de tous les députés de la province. A Langres, le Palais de justice et l’hôtel de ville ne forment qu’un seul édifice, et cette réunion le rend moins vaste et moins commode. Nous convenons que les bâtiments sont plus fastueux, et il ne faut point s’en étonner, ils ont été construits aux frais de la province, aux dépens du peuple dont on arrachait la substance, pour embellir inutilement l’enceinte modeste et simple qui doit servir aux oracles de la justice. Cette dispensation injuste des sueurs du citoyen a été l’ouvrage de l’agent du pouvoir arbitraire dans la province de Champagne : la ville de Chaumont aurait rougi d’employer une pareille ressource au détriment des contribuables; elle n’a rien demandé, elle n’a rien obtenu; elle a construit et entretenu, à ses frais , tous ses édifices publics qui réunissent encore plus d’avantages. Je ne fléchirai point sur la rigueur des principes pour invoquer des moyens de considération semblables à ceux dont on a fait usage; je ne parlerai point des pertes que le nouvel ordre de choses occasionnera , parce qu’il n’est point de sacrifices que l’on ne doive faire pour acquérir la liberté : la ville de Chaumont souffrirait d’isoler ainsi son intérêt particulier. Elle est la mieux ilacée pour la commodité et les besoins du plus ?rand nombre ; il y a une parfaite égalité dans es distances que chaque citoyen devra parcourir pour y venir demander justice, secours et pro-titè de vivres et de munitions de guerre; enfin pour avoir soudoyé, sous Louis XIV, des troupes à la tête desquelles ils allèrent prendre et raser le château d’Ai-gremont, où des partis ennemis s’étaient retirés. Depuis cette renonciation, presque toutes les corporations ont fait déposer leur offrande sur l’autel de la patrie, les citoyens y ont joint leur boucles d’argent, et la nouvelle municipalité a commencé ses fonctions par un autre don patriotique de 33,000 livres. En ajoutant que les habitants de cette ville ont juré, dans la plus touchante des cérémonies qui ont eu lieu après le discours du roi, de sacrifier leurs biens et leur existence pour le maintien de la Constitution, j’aurai tout dit pour prouver qu’ils sentent le prix de la liberté et du bonheur que l’Assemblée va procurer aux citoyens de ce grand empire, et l’on appréciera sans peine tout ce qui tend à obscurcir leur conduite, leurs principes et leur patriotisme. (1) C’est dans ce même lieu que se réunirent les députés de toute la province de Champagne, lorsqu’ils s’assemblèrent en 1589, à la sollicitation du duc de Lorraine, qui prétendait à la couronne pour son fils, le marquis du Pont. Mezerai, qui rapporte ce fait, nous atteste qu’ils donnèrent un bel exemple de fidélité, en rejetant les proposition du duc de Lorraine, pour partager les périls et la gloire d’Henri IV. Ce qui a suffi, en 1589, aux députés de toute la province, ce qui a suffi pour la réunion de 1,500 électeurs, lors de la convocation des États-généraux, peut servir aux assemblées qui auront lieu pour la formation du département, et pour le renouvellement de ses membres, aux époques indiquées par la Constitution : ces deux faits répondent à tout. tection, et c’est au nom de cet intérêt éternel et sacré des administrés que je demande pour eux la priorité pour l’avis du comité de constitution. La priorité a été accordée, et l’Assemblée nationale a décrété, conformément à l’avis du comité de constitution : 1° Que le département méridional de la Champagne est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Saint-Dizier, Joinville, Bourmont, Chaumont-en-Bassigny, Bourbonne-les-Bains et Langres, et que la ville de Vassy est le chef-lieu de la juridiction de district; 2° Que la ville de Chaumont-en-Bassigny est provisoirement le chef-lieu de ce département, et que les électeurs assemblés détermineront, à la suite de la première session , si les séances de ce département doivent alterner entre Langres et Chaumont, ou si cette dernière ville doit définitivement en demeurer le chef-lieu. D’après les deux dispositions de ce décret, tout était terminé d’une manière irrévocable quant aux représentants, provisoire quant aux administrés, parce qu’ils ont constamment le droit de juger des convenances; d’un côté les conventions sur la division intérieure et sur la fixation des chefs-lieux avaient été sanctionnées, et de l’autre on avait statué sur la seule difficulté qui n’avait pas été aplanie d’un commun accord. Ainsi tout se réunissait pour inspirer une sécurité parfaite, après plus de deux mois et demi de discussions et de travaux de détail, lorsque le député de la ville de Bourmont a réclamé auprès du comité de division, pour obtenir un agrandissement, sur le motif qu’il y avait inégalité dans la division, et que son district n’avait pas même la superficie territoriale indiquée par les décrets de l’Assemblée nationale. Cette demande fut présentée à l’Assemblée, dans sa séance du 13 février, sans que les députés qui pouvaient y prendre intérêt en fussent prévenus. Le membre du comité qui avait rendu compte des seuls motifs développés dans le mémoire du député de Bourmont proposa d’ordonner une nouvelle division ; la circonstance était d’autant plus favorable que toutes les parties intéressées n’étaient pas présentes, et que le premier rapporteur, retenu chez lui pour cause de maladie, ne pouvait fixer le jugement de l’Assemblée sur le besoin ou l’inconvenance des changements à la démarcation. Cependant l’ Assemblée fut frappée de l’inconvénient qu’il y aurait à écarter les conventions volontaires qui formaient toute la base de l’opération générale, et elle se contenta de eonsacrer un principe qui n’était pas contesté, celui que toutes les convenances et localités sont soumises aux administrés, en décrétant « que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seraient déterminées par la nouvelle assemblée de département. » Voilà donc deux difficultés à terminer; l’une relative à la permanence du directoire de département dans la ville de Chaumont, l'autre relative à la démarcation des limites du district de Bourmont; mais il y a cela de particulier dans les deux décrets, que le premier soumet la question de la permanence ou de l’alternat au jugement des électeurs à la suite de la première session ; et le second attribue la fixation définitive des limites du district de Bourmont à ï assemblée de département, c’est-à-dire aux 36 membres qui seront nommés par les électeurs. Cette observation est extrêmement importante, d’abord parce qu’il 360 [Assemblée nationale.] faut exécuter à la lettre les décrets, et en second lieu, parce qu’il n’est pas possible que des limites soient revues et fixées par plus de 600 électeurs rassemblés momentanément. Voilà le motif qui a déterminé la différence que l’on remarque dans cette disposition des deux décrets. Avant de faire aucune réflexion sur la réclamation du député de Bourmont, il est important d’expliquer comment, dans le décret du 13 février, il a été fait mention du district de Langres, dès qu’il ne touche point immédiatement à celui de Bourmont. Dans le mémoire présenté au comité de constitution, le député de Bourmont exposait, d’après les motifs que nous avons déjà donnés, qu’il lui était dû un complément, qu’il ne pouvait l’obtenir que du côté de Chaumont, ou du côté de Bourbonne; mais que le district de Chaumont lui avait déjà abandonné tout ce qui était à sa proximité et même au delà, que ce district, quoiqu’as-sez étendu, était peu peuplé, et formé dans un terrain ingrat où l’on pouvait parcourir 3 à 4 lieues de superficie sans y voir un seul clocher (1); u’il était conséquemment obligé de se reporter u côté de Bourbonne, où il pouvait trouver des paroisses à une égale distance des deux villes, et même plus à proximité de celle de Bourmont; il demandait, en conséquence, d’une manière très précise, la cession des paroisses et communautés de la ville neuve d’Amphal, la ville neuve en Angoulaincourt, Sarrey, Epinant, et de l’Abbaye de Morimond. Pour démontrer la possibilité de cette distraction, il observait que le district de Bourbonne, dans l’arrondissement duquel ces paroisses se trouvaient placées, pouvait recevoir l’équivalent du district de Langres qui offrait une superficie territoriale trop considérable, surtout en raison de sa population, et qui n’avait obtenu celte grande étendue, qu’en référant, au Sud-Est, le district de Bourbonne d’une manière choquante, puisqu’il ne lui avait laissé qu’une langue de terre du côté de Broncourt, Pressigny, Savigny, oour conserver le Fays-Bellot et quelques autres croisses qui n’étaient pas plus éloignées de Bour-jonne; il ajoutait que toutes ces paroisses pouvaient fournir l’indemnité d’une distraction doublement nécessaire, pour compléter la superficie territoriale du district de Bourmont, et pour former à celui de Bourbonne un arrondissement moins irrégulier du côté du Fays-Billot. En me livrant à tous ces détails, je n’ai point eu l’intention de combattre les réflexions que le député de Bourmont s’est permises sur la configuration du district de Bourbonne, et sur l'étendue de celui de Langres ; elles intéressent spécialement les députés de cette dernière ville ; et je leur laisse le soin de justifier cette irrégularité qu’ils ont laissé subsister dans l’arrondissement (1) Il aurait pu ajouter que la plupart des villages, que l’on voit sur la carte du côté d’Andelot et dans les environs d’Arc-en-Barrois, ne sont que de très petites communautés composées depuis 3 à 4 jusqu’à la feux, et que souvent il faudrait en réunir 20 de ce genre, pour offrir la même population que celle de plusieurs paroisses du Bassigny, telles que Meuvy et Choisenl ; je fais cette observation pour que l’on ne s’arrête pas trop légèrement sur le nombre des communautés désignées dans l’état général de division que l’on vient de faire imprimer, sans y indiquer les succursales et hameaux dépendant du district de Chaumont, quoique cette précaution ait été prise par les députés de quelques autres chefs-liemxde district. [28 janvier 1790.] de Bourbonne, du côté du Fays-Billot. Si elle leur paraît aussi frappante qu’à tous les membres du comité de division qui ont examiné la carte, ils seront assez justes pour indiquer eux-mêmes les moyens de la réparer, en satisfaisant également les districts de Bourmont et de Bourbonne. Si la question fût restée dans ces termes fort simples, telle qu’elle avait été présentée dans le mémoire du député de Bourmont, j’aurais supprimé toutes observations ultérieures ; mais l’Assemblée ayant statué, par son décret du 13 février, que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seraient fixées par l’assemblée du département, il peut arriver que l’on demande le changement de ces limites du côté de Chaumont, et c’est sous ce point de vue que je dois examiner la prétention qui pourrait s’élever à ce sujet. Ce n’est pas que je pense qu’il puisse y avoir lieu à aucune réclamation sur les limites convenues du côté de Chaumont, car le député de Bourmont sait qu’il a obtenu sans peine la cession de tout ce qui était à sa convenance , de tout ce qui était à sa proximité, et que souvent même l’on a été forcé de s’écarter du vœu des administrés. Je )eux citer, pour preuve de ce fait, la cession de a ville de Reinefietdes paroisses de Rimaucourt, îcot,.... je pourrais même y comprendre celles de danois, Huinberville et Orquevaux; mais il fallait brmer un arrondissement qui réunît à peu près a superficie territoriale qui doit faire le dernier résultat de la division, celui sans lequel il n’existerait point d’administration, et les sacrifices devenaient nécessaires dès que l’on se refusait à toute distraction du côté opposé. Si, malgré tous ces moyens de justice et de considération, on demandait une rectification des limités du côté de Chaumont, il pourrait arriver que les paroisses que j’ai indiquées profitassent elles-mêmes de la circonstance pour réclamer leur distraction , et elles y seraient autorisées par le décret, puisqu’en ordonnant une nouvelle démarcation des limites on n’a pas entendu qu’elles fussent reportées plutôt en dedans qu’en dehors de la ligne qui avait été tracée. Je suppose maintenant qu’il n’y a rien à redouter de l’éloignement que ces paroisses avaient d’abord manisfesté, et je ne suis pas moins disposé à croire que la ville de Bourmont n’élèvera aucune difficulté sur la démarcation des limites, du côté de Chaumont, dès qu’elle sera convaincue qu’un pareille demande serait tout à la fois contraire aux principes, à la justice et surtout à l’intérêt des administrés qu’elle voudrait placer dans son arrondissement ; et c’est ce que je vais démontrer en peu de mots. D’abord, je ne crois pas qu’une ville indiquée pour chef-lieu d’administration ait personnellement le droit de réclamer : ce droit appartient exclusivement aux administrés qui ont à se plaindre de la division, et il doit être exercé en leur nom par les directoires des districts que ces changements intéressent, ou par les directoires des départements, lorsqu’il s’agit de passer d’un département dans un autre. Cette marche bien simple est tracée impérieusement dans le § 1er de l’instruction du 6 janvier, où on lit : « Si les détails de l’exécution font découvrir le besoin ou la convenance de quelques changements, il est difficile que les motifs en soient assez pressants pour que les divisions indiquées par l’Assemblée nationale ne puissent être suivies ..... Cette exécution préalable ne nuira pas aux réprésentations.... Les corps administratifs, une fois formés, deviendront ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 361 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] les juges naturels de ces convenances locales... Ils feront, de concert entre eux, toutes les rectifications dont leurs limites respectives se trouveront susceptibles. » Il est évident qu’on ne peut connaître le besoin et la convenance des changements qu’en consultant les administrés ; la réclamai on leur appartient donc tout entière, et elle doit être portée aux corps administratifs. Or il est certain qu’aucune des paroisses qui touchent à la ligne de démarcation convenue ne demandera jamais à sortir de l’arrondissdment de Chaumont ; elles ont toutes intérêt à maintenir les limites, tant à cause de la proximité qu’à raison des relations habituelles et de la facilité des communications. Je me suis expliqué plusieurs fois sur ce point avec le député de Bourmont, et je crois lui avoir démontré que les paroisses de la Crète, Bourdon, Forcey et autres, qu’il paraissait désirer, n’étaient distantes que de 2 à 3 lieues de Chaumont et qu’elles seraient victimes de l’arrangement qui les attacherait au district de Bourmont dont elles sont éioignées de plus de 5 lieues. D’ailleurs ces communautés sont toutes nécessaires pour composer l’arrondissement d’Andelot, qui doit être le chef-lieu d’un canton, tant à cause de l’importance de ce bourg qu’à raison des pertes que la révolution lui fait éprouver ; et très certainement il ne consentira jamais d’aller chercher son administration à Bourmont ; c’est bien assez de lui avoir enlevé la paroisse de Rimaucourt et d'autres encore qui étaient à sa convenance pour former son canton. Ces convenances, qu’il faut sans cesse consulter dans une semblable opération, résisteront toujours aux motifs développés dans le mémoire du député de Bourmont, surtout quand ces motifs ne démontrent pas même la nécessité d’un changement, et l’on peut s’en convaincre par des réflexions très simples. D’abord il n’est point exact de dire que la division doit avoir pour base l’égalité de superficie, ni que celle-ci doit être combinée avec la population et les impositions. Les administrations ne sont point établies en faveur des villes qui sont indiquées pour la tenue des assemblées et les séances des directoires; elles l’ont été en faveur des administrés. Il résulte de ce principe que les habitants de chaque paroisse ou communauté doivent être classés dans l’arrondissement qui leur offre plus de facilité pour obtenir justice, secours et protection, et pour le versement de leurs impositions. Ces avantages naissent souvent de la proximité, quelquefois aussi des relations commerciales et industrielles et de la nature des communications, et comme ces localités peuvent varier à l’infini, qu’elles doivent toutes être combinées dans la classification, il s’ensuit que l’étendue des districts doit subir une infinité de modifications dans un même département; il s’ensuit qu'on ne peut admettre l’égalité superficielle qui tournerait au détriment des administrés; il s’ensuit enfin qu’un district, dont le chef-lieu est parfaitement central, doit être beaucoup plus étendu qu’un district voisin, dont le chef-lieu est absolument placé à l’extrémité opposée de son arrondissement (1). (1) Pour rendre celte vérité plus frappante, je vais en faire l’application. Le district de Bourmont ne réunit à l’Est qu’un rayon d’une lieue et demie ou deux lieues au plus, parce que l’on a jugé à propos de le resserrer de ce côté, pour ménager un arrondissement à la ville de L’égalité de superficie ne peut donc former une des bases de la division. Cette opération serait aussi vicieuse, et également nuisible aux administrés, si l’on cherchait un résultat dans la combinaison de cette superficie avec les impositions et la population. D’abord cette combinaison n’est )as prescrite par les décrets constitutionnels; 'article 27 ne s’applique qu’aux représentants à l’Assemblée nationale, et le nombre à fournir par chaque département doit être distribué selon les trois proportions du territoire, de la population et de la contribution directe. Les motifs de cette disposition, qui embrasse tous les éléments qui doivent équitablement concourir à composer la représentation, sont développés dans l’instruction du 8 janvier, depuis la page 43 jusqu’à la page 47 ; mais ils ne sont point applicables à la subdivision des départements en districts, puisqu’elle n’est d’aucune utilité (l) pour le mode ordinaire des élections pour le corps législatif. Gela résulte de la disposition de l’article 21, qui veut qu’il n’y ait qu’un seul degré d’élection intermédiaire entre les assemblées primaires et l’Assemblée nationale. Les trois proportions indiquées dans l’article 27 ne sont donc pas applicables à la division intérieure, elles ne pourraient amener qu’un résultat imparfait et dangereux. D’abord, si l’on considérait la population, il s'ensuivrait que les villes du premier et même du second ordre n’auraient absolument aucun arrondissement, et cependant des relations nécessaires et multipliées à l’infini y amènent journellement les habitants des campagnes voisines. Si l’on considérait les impositions dans un département composé de paroisses et communautés qui dépendaient ci-devant de différentes provinces, dont les unes étaient assujetties à tous les impôts connus, tandis que les autres jouissaient d’une infinité de privilèges, on ne pourrait trouver un résultat dans des bases aussi incohérentes : ceci s’applique directement au district de Bourmont, qui se trouve formé en partie de parroisses qui dépendaient ci-devant de la Lorraine; on sait que les impositions ne s’y élevaient qu’à 12 1. 19 s. par individu, tandis qu’elles étaient portées à 26 1. 16 s. dans la province de Champagne. 11 est donc impossible d’asseoir des combinaisons sur ces différents rapports. Le député de Bourmont a étavé sa déclaration d’un moyen encore plus spécieux; il a dit que son district n’avait pas les 36 lieues de superficie territoriale fixées par les décrets constitutionnels; qu’il avait conséquemment le droit d’exiger un complément. La Marche, où il a été établi un district. Il y a 8 lieues de distance entre les deux villes de Chaumont et Bourmont, en sorte que si l’on prenait pour base de la division intérieure les 300 lieues de superficie totale du département, il s’ensuivrait que le district de Bourmont devrait avoir de toutes parts un rayon de 4 lieues, et comme il n’a pu en obtenir que moitié au plus du côté du département des Vosges, il y aurait nécessité d’augmenter d’autant ce rayon du côté opposé, qui est celui de Chaumont. De cette manière, la ligne de démarcation comprendrait toutes les paroisses qui ne sont éloignées que d’une lieue et demie à deux lieues de Chaumont, ce qui répugne à la justice et à la raison. Pour établir cette égalité de surface, il aurait fallu faire bâtir des villes dans tous les points où l’on voulait placer les chefs-lieux, et souvent les administrateurs n’auraient trouvé dans leur arrondissement que des terres incultes, des forêts, de marais, des landes et des montagnes. (1) Voy. le l 3 de l’Instruction, p. 41, au second alinéa. 362 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] Ce raisonnement est fondé sur une erreur de fait, parce qu’il est certain qu’aucun décret de l’Assemblée n’a prononcé que chaque district aurait 36 lieues de superficie territoriale : c’est tout au plus une induction éloignée que l’on pourrait tirer de la disposition de l’article 1er des décrets constitutionnels, en la rapprochant de celui du 15 janvier, relatif à la nouvelle division, en ce qu’il y est dit que la France sera divisée en 83 départements : ce qui fait à peu près 324 lieues carrées pourchacun d’eux, et comme l’article 2 statue que l’on ne pourra former plus de 9 districts dans chaque département, on veut en conclure qu’ils doivent avoir au moins 36 lieues de superficie, puisque c’est là le dernier résultat de la division intérieure. Cette conséquence n’est pas exacte. En effet, le décret du 15 janvier ne dit pas que les départements auront précisément 324 lieues carrées, et cette proposition n’a pas été suivie rigoureusement dans la division générale. Il y a beaucoup de départements qui l’excèdent, et beaucoup d’autres qui n’ont pas cette étendue : celui de Chaumont est de ce nombre, il n’a pas même 300 lieues de superficie, ce qui ne donne pour chacun des 9 districts qui pouvaient y être formés que 33 lieues; et en ne considérant même que les lignes existantes, il est évident que celui de Bourmont a quelque chose au delà. Si on examine de plus près la carte, on est bientôt convaincu que les lignes ont été mal tracées dans plusieurs points où l’on n’a compris que les clochers des paroisses, quoiqu’elles eussent un territoire étendu. Je cite pour preuve la paroisse de Ghoiseul ; car on lit au-dessous de la ligne ces mots : justice de Choiseul , et le territoire sur lequel elle s’étend ne dépend pas du district de Bourbonne. Ce n’est donc point en excipant de l’inégalité de surface, ce n’est point en s’étayant des décrets constitutionnels qui n’ont aucun rapport à la division intérieure, que le député de Bourmont peut espérer d’obtenir un agrandissement : c’est dans la convenance qu'il faut en trou ver la nécessité, et sous ce rapport, le district de Chaumont ne peut essuyer aucun démembrement. Mais le député de Bourmont prétend qu’il y a du côté de Bourbonne des paroisses à une égale distance des deux villes, qu’il y a la même facilité dans la communication; il ajoute que tous les biens de l’Abbaye de Morimond sont placés dans son district : et voilà les vrais motifs qu’il faut prendre en considération. Je ne veux rien préjuger sur cette question ; mais je présume que l’on verra la nécessité de faire subir des rectifications à l’arrondissement de Bourbonne, du côté du Fays-Billot, et ce sera le moment d’examiner si l’on peut, sans inconvénient pour les administrés, donner une plus grande étendue au district de Bourmont. M. Thévenot de üfarofse, député de Lan-gres, appuie l’opinion de M. Drevon avec une grande instance. M. Gossin observe que la ville de Chaumont est la plus centrale du département. On fait une nouvelle lecture du projet de décret proposé par le comité. La partie de ce décret concernant la difficulté entre Langres et Chaumont, est adoptée. Le décret est ensuite rendu ainsi qu’il suit. « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : » 1° Que le département méridional de la Champagne est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Saint-Dizier, Joinville, Bourmont, Ghaumont-en-Bassigny, Bourbonne-les-Bains et Langres, et que la ville de Vassy est le chef-lieu de la juridiction du district ; » 2° Que la ville de Ghaumont-en-Bassigny est provisoirement le chef-lieu de ce département, et que les électeurs assemblés détermineront, à la suite de la première session, si les séances de ce département devront alterner entre Langres et Chaumont, et si cette dernière ville doit définitivement en demeurer le chef-lieu; » 3° Que les paroisses de Limeville et Ghassey, ainsi que celle de Baudonvilliers, seront du département du Barrois; « 4° Que la ville de Reinel demeurera au district de Bourmont. » M. Gosgin soumet ensuite au jugement de l’Assemblée les difficultés survenues, entre les députés de la Haute-Auvergne, sur la division de leur département ; quelques-uns des députés, et surtout les envoyés extraordinaires des villes, voulaient six districts : les autres désiraient n’en former que trois ; les villes de Chaudesaigues, Allanches, Murat, Vie et Montsalvy voulaient être chacune le chef-lieu d’un district. Le comité a pensé que les prétentions d’ Allanches, Vie, Chaudesaigues et Montsalvy étaient inadmissibles, et que, nonobstant la majorité des suffrages des députés de ce département contre la demande de Murat, il convenait à l’intérêt des administrés d’établir un district dans cette ville. MM. Bertrand, Armand et Daude soutiennent l’avis des députés de ce département. M. Bande dit que les raisons politiques qui avaient déterminé la députation d’Auvergne à ne fixer provisoirement que trois chefs-lieux de district doivent aussi déterminer l’Assemblée à adopter l’avis de la députation; qu’il est plus orudent de renvoyer à l’assemblée de département a formation d’un quatrième district que de l’établir dès à présent, sous la condition que rassemblée de département jugera de son utilité et de sa conservation ; que la ville de Chaudesaigues mérite au moins la préférence de soumettre à l’assemblée générale des électeurs la formation du quatrième district; qu’en prenant ce parti on ne mécontentera ni Allanches ni Chaudesaigues, et que le département assemblé jugera en plus grande connaissance de cause entre ces diverses villes. Il ajoute que ce renvoi à la province est d’autant plus essentiel, que l’Assemblée a laissé à quelques paroisses l'option de tenir à l’un ou à l’autre des départements d’Auvergne, et qu’on se décidera bien mieux entre les divers contondants, après que ces paroisses auront fait leur option. M. le duc de La Rochefoucauld soutient la nécessité d’un quatrième district à placer à Murat ou à Allanches. L’Assemblée adopte l’avis du comité. Les députés du département étaient convenus de faire alterner l’administration entre Saint-Flour et Aurillac ; il s’élève une difficulté sur la première session, chacune des deux villes désirant recevoir la première assemblée. M. Armand parle pour Aurillac, et fait valoir les convenances quant à la population, au climat, etc. MM. Daude et Bertrand parlent pour la ville de Saint-Flour, qu’ils disent être fondée en titre et en possession,