[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 338 [30 novembre 1789.] siastiques sous la sauvegarde des lois et enfin celui des bibliothèques des monastères. La seconde lettre porte que le Roi a donné sa sanction aux décrets qui accordent grâce au parlement de Metz. Sa Majesté a donné des ordres aux dépositaires de son autorité pour faire exécuter les décrets de l’Assemblée en particulier dans le diocèse de Tré-guier et la province du Cambrésis. Le décret concernant les vacances des cours a été enregistré purement et simplement par les parlements d’Aix, Bordeaux, Besançon, Douai, Grenoble, Metz, Nancy, Paris, Rouen, “Toulouse et les conseils souverains de Colmar etde Perpignan. La chambre des vacations du parlement de Pau a procédé le 19 à l’enregistrement du décret des vacances, des décrets du prêta intérêt, des vœuxreligieux et de la procédure criminelle. Le parlement de Dijon n’est rentré que le 26 novembre et on n’a pas de détails sur ses actes. Des lettres de jussion ont été envoyées au parlement de Rennes, qui n’a point procédé à l’enregistrement du décret des vacances. M. Dubois de Crancé. Je viens de recevoir un mémoire très pressé de la municipalité et du comité permanent de la ville de Rétbel qui démontre que, malgré les promesses réitérées des agents du pouvoir exécutif d’établir un cordon de troupes sur les frontières, ce cordon n’existe pas dans les endroits les plus exposés à la sortie des grains. Il existe des marchés très-importants dans des villages partie français et partie impériaux-, l’exportation se fait avec une effrayante activité ; le pays est déjà dévasté et la Champagne n’aura bientôt”pour exister d’autre ressource que de refluer sur l’île de France et sur la Brie. Je demande que le comité des recherches soit tenu de prendre cette affaire en considération et d’en faire demain le rapport à l’Assemblée en indiquant les mesures nouvelles qu’il aura concertées avec le ministère. L’affaire est renvoyée au comité des rapports. M. le Président. M. le comte de Saint-Priest est venu me faire part de la nécessité où se trouve Sa Majesté d’enployer les moyens du pouvoir exécutif pour obliger les villes de Vannes, de Buis et d’Auray à l’exécution du décret de l’Assemblée nationale concernant la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume. M. le comte de Chastenay de I�enty. Il est bien temps de commencer l’ordre du jour et de nous occuper de l’organisation des municipalités, car ce sont elles qui doivent parer à tous ces maux qu’on vient de nous signaler. M. le Président. M. le garde des sceaux me transmet une lettre adressée au Roi par le grand maître de l’ordre de Malte, en me priant d’en donner connaissance à l’Assemblée. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue : « Sire, si jamais un ordre â répondu avec confiance à la protection dont Votre Majesté l’a constamment honoré, c’est dans ce moment où j’apprends que l’Assemblée nationale, en interprétant, le 11 août, le 3e article de ses arrêtés de la nuit du 4 au 5, vient de porter le coup le plus funeste à notre existence, par la suppression de nos dîmes, qui forment dans le royaume la plus grande partie des revenus de nos commanderies. « Je dois, Sire, à mon ordre, à toutes les nations qui le composent, je me dois à moi-même de réclamer contre cet arrêté. « C’est en effet, Sire, le premier exemple peut-être d’une décision prononcée, je ne dis pas contre un ordre dont la souveraineté est reconnue dans toute l’Europe, mais contre le plus simple particulier, sans l’avoir entendu. a L’Assemblée nationale n’a pu s’écarter de cette justice rigoureuse qu’en nous confondant avec le clergé, sans considérer que, par l’objet de notre institution et par la nature de nos services, nous ne pouvions lui être assimilés sous aucun rapport. « C’est une vérité, Sire, dont il eût été facile de fournir la preuve à cette Assemblée, si elle eût témoigné le moindre désir de l’approfondir avant de prononcer sur notre sort. « Elle aurait appris en même temps que mon ordre, dévoué par état au service de toute la chrétienté, mais bien plus particulièrement à Votre Majesté et à la nation, n’avait jamais laissé échapper aucune occasion de manifester son zèle, et qu’il avait été assez heureux dans plusieurs circonstances que Votre Majesté n’ignore point, et même dans ce moment-ci, pour rendre au commerce et à la navigation du royaume les services les plus essentiels. « Je ne dois pas, Sire, abuser des bontés et des moments précieux de Votre Majesté; mais je la supplie de permettre que mon ambassadeur lui remettant ma lettre prenne un instant favorable pour mettre sous ses yeux toutes les conséquences fâcheuses qui résulteraient pour mon ordre de l’arrêté de l’Assemblée nationale, s’il pouvait subsister. « 11 aura l’honneur de vous exposer, Sire, la profonde douleur dans laquelle l’exécution de cet arrêté nous plongerait, par l’impossibilité absolue où il nous mettrait non-seulement de continuer nos services reconnus utiles et nécessaires au royaume, mais de nous maintenir même dans une île” qui, par sa position et les dépenses prodigieuses que nous y avons faites, doit être considérée comme une frontière de la France, un asile assuré en tout temps à tous les navigateurs, et dont les avantages qu’elle lui procure sont bien supérieurs à celui que l’Assemblée nationale a pu entrevoir dans ce qu’elle nous enlevait. « Ce sont, Sire, ces puissants motifs qui me font espérer que Votre Majesté, ayant égard aux justes représentations que j’ai l’honneur de lui faire, au nom de tout mon ordre, et à tout ce que mon ambassadeur aura celui de lui exposer, daignera interposer sa puissante protection pour qne l’arrêté dont je me plains n’ait aucune suite. « Je suis, etc. » M. Cornus. La réponse à cette lettre est simple. Je demande, dès à présent, la suppression de tous les établissements de l’ordre de Malte en France et l’ajournement de la question. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l’organisation des municipalités. M. Target, au nom du comité de constitution, donne lecture des articles proposés par le comité. Plusieurs amendements sont proposés ; la question préalable est invoquée et admise sur ceux qui portent sur le fond. Quelques autres, relatifs à la rédaction, sont adoptés. L’article 41, qui a pour objet les fonctions propres au pouvoir municipal, donne lieu à une plus longue discussion. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1789.] 339 MM. Le Pelletier de Saint-Fargeau, Dupont de Nemours, Dillon, de Viefville des Essarts, de Kys-poter et Ghenon de Beaumont proposent diverses additions à l’énumération de ces fonctions. MM. Target et Démeunier représentent que le comité n’a pas eu intention de faire cette énumération complète. Les détails nécessaires se trouveront naturellement dans la suite de la constitution, ou feront la matière de règlements particuliers. On oublie un peu trop que nous ne faisons pas un règlement, mais une constitution; tous ces détails ne sont pas dignes d’elle. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur ces additions. Voici les articles tels qu’ils sont décrétés successivement: « Art. 29. Le conseil général de la commune, composé tant des membres du corps municipal que des adjoints notables fera choix d’un secrétaire-greffier, qui prêtera serment de remplir ses fonctions avec fidélité, et qui pourra être changé lorsque le conseil général, dûment convoqué à cet effet, le jugera convenable à la majorité des voix. « Art. 30. Le conseil général de la commune pourra aussi, suivant les circonstances, nommer un trésorier, en prenant les précautions nécessaires pour la sûreté des fonds de la communauté. Le trésorier pourra être changé comme le secrétaire. « Art. 3t. Les citoyens actifs de chaque communauté nommeront, par un seul scrutin de liste, et à la pluralité relative des suffrages, un nombre de notables double de celui des membres du corps municipal. « Art. 32. Ces notables seront choisis pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année. Le sort déterminera ceux qui devrontsortir à l’époque de l’élection qui suivra la première. « Art. 33. Ils formeront, avec les membres du corps municipal, le conseil général de la commune, et ne seront appelés que pour les affaires importantes, ainsi qu’il sera dit ci-après. « Art. 34. Les membres du corps municipal, ainsi que les notables, ne pourront être nommés que parmi les citoyens éligibles de la commune. « Art. 35. Les assemblées annuelles d’élection se tiendront, dans tout le royaume, le dimanche d'après la Saint-Martin, sur la convocation des officiers municipaux. « Art. 36. Si la place de maire ou de procureur de la commune, ou de son substitut, devient vacante par mort, démission ou autrement, il sera convoqué une assemblée extraordinaire des citoyens actifs, pour procéder à une nouvelle élection. « Art. 37. Dans les villes où l’assemblée générale des citoyens actifs sera divisée en plusieurs sections, les scrutins seront recensés à la maison commune, le plus promptement qu’il sera possible; en sorte que les scrutins ultérieurs, s’ils se trouvent nécessaires, puissent se faire dès le jour même, et au plus tard au lendemain. « Art. 38. Lorsqu’un membre du conseil municipal viendra à mourir ou donnera sa démission, ou sera destitué ou suspendu de sa place, ou passera dans le bureau municipal, il sera remplacé de droit, pour le temps qui lui restait à remplir, par celui des notables qui aura réuni le plus de suffrages. v Art. 39. La présence des deux tiers au moins des membres du conseil municipal sera néces-prire pour recevoir les comptes du bureau; et la saésencede moitié plus un des membres du corps municipal sera nécessaire pour prendre des délibérations. « Art. 40. Les corps municipaux auront deux espèces de fonctions à remplir, les unes propres au pouvoir municipal, les autres propres à l’administration générale de l’Etat, et déléguées par elle aux municipalités. « Art. 41. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l’inspection des assemblées administratives, sont ; « De régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses ou communautés; « De régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs; « De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté; « D’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée; « De faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. » La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 30 novembre 1789. Compte rendu à l'assemblée générale des représentants de la Commune de Paris, au nom de son comité des recherches (1), par M. Agler (2) (Imprimé par ordre des représentants de la commune de Paris. Distribué aux membres de l’Assemblée nationale). Messieurs, arrivés à un point remarquable de la carrière que nous avons à parcourir, nous (1) Le comité des recherches de la Commune de Paris tenait ses séances à l’Hôtel-de-Ville. H avait été créé par un arrêté des représentants de fa Commune, du 22 octobre 1789, ainsi conçu : « L’Assemblée des représentants de la Commune, vivement affligée de voir que, malgré ses invitations à tous les habitants de la capitale, pour les engager à ne plus troubler la tranquillité publique par des insurrections aussi préjudiciables au repos des bons citoyens qu’au bonheur de la ville entière, de nouveaux actes de violence et des meurtres mêmes se commettent encore pendant le séjour du Roi dans sa bonne ville de Paris, et pendant la tenue des séances de l’Assemblée nationale ; considérant qu’il est de son devoir de chercher à découvrir les manœuvres odieuses que des gens malintentionnés emploient pour dénaturer le caractère doux et humain du peuple français, et pour l’exciter à . des troubles qui ne tendent qu’à tourner contre ses propres intérêts, a unanimement arrêté qu’il serait établi un comité des recherches, composé de membres pris dans son sein, qui se borneraient, et sans avoir aucun autre pouvoir administratif, à recevoir les dénonciations et les dépositions sur les trames, complots et conspirations qui pourraient être découverts; s’assureraient en cas de besoin, des personnes dénoncées, les interrogeraient et rassembleraient les pièces et preuves qu’ils pourraient acquérir pour former un corps d’instruction; en conséquence elle a nommé, par la voie du scrutin, les commissaires chargés de remplir les fonctions ci-dessus énoncées. » (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.