501 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.] viendrons avec ppine que le fanatisme semble les détacher de jour en jour de la Constitution, surtout dans la partie frontière du département. L’évêque d’Urgel en Espagne, dont le diocèse comprend la Gerdagne espagnol*, y a fait circuler un mandement contre la constitution civile ou clergé, qui excommunie tous ceux qui ont part à l’exécution de cette loi. « La poste répand tous les jours de3 paquets au timbre de l’Assemblée nationale, qui contiennent les écrits les plus séditieux. On est parvenu par là à égarer les esprits, au point qu’on a osé attenter à la cocarde nationale, et que le désordre est à son comble. Les tribunaux réclament en vain la force publique. On ne peut pas plus l’employer contre les ennemis intérieurs que contre la nation voisine qui nous menace. Telle est, Monsieur, notre position; elle est des plus critiques. C'est pour la dernière fois que nous réclamons les secours qu’elle nécessite, et nous ne serons plus garants des événements. « Signé : Les administrateurs du directoire du département des Pyrénées-Orientales. » M. Darnaudat. Depuis quatre mois on attend des fusils dans ce département et on n’en reçoit aucun. Je demande le renvoi de cette lettie au comité diplomatique, afin que ce comité nous rende incessamment compte de cét objet qui est infiniment important. M. Georges. Sur la distribution de 95,000 fusils décrétée par l’Assemblée nationale, Clermont et Varennes en ont à peine reçu vingt-cinq. M. le Président. Je dois instruire l’Assemblée que, suivant un état remis par le ministre de la guerre au comité militaire, il est prouvé que tous les fusils sont partis pour leur destination. C’est à cause de l’éloignement sans doute qu’ils ne sont pas encore parvenus dans les départements du Midi, et il est certain qu’ils vont arriver incessamment à destination. M. Darnaudat. Il est certain qu’il y a des dispositions prises en Espagne; on sait que la cour a rendu un décret qui a fait quitter 10,000 Français de Madrid. Un membre demande le renvoi de la lettre du département des Pyrénées-Orientales au pouvoir exécutif. Un membre demande qu’il soit nommé quatre commissaires pour se transporter chez les ministres et les entretenir de la question. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). C’est demeurer trop longtemps dans une cruelle incertitude; vos comités ont fait leur devoir; que les agents du pouvoir exécutif fassent le leur; il est temps enfin de dire aux ministres qu’ils sont responsables de la sûreté du royaume qui leur est confié. Je demande que les ministres de la guerre, des affaires étrangères et de l’intérieur, soient mandés à l’Assemblée pour l’instruire de l’état de leurs relations avec le cabinet de Madrid et des mouvements des troupes étrangères, et pour Jui rendre compte des mesures qu’ils ont dû piendre pour la sûreté de l’Eiat. Je demande enfin, que l’Assemblée donne ses ordre-! aux ministres, pour les mesures qu’elle entend prendre et de l’exécution desquels ils répondront sur leur tête. (Applaudissements.) (L’Assemblée, consultée, décrète que les ministres de la guerre, des affaires étrangères et de l’intérieur seront appelés à l’heure de deux heures.) M. Donsston demande la parole pour faire part à l’Assemblée des nouvelles inquiétudes qu’éprouvent les propriétaires des rentes et redevances; il expose que, dans les départements du Lot, de la Dordogne et de Lot-et-Garonne, des séditieux trompent le peuple, en lui persuadant qu’il ne doit rien payer, puisque l’Assemblée n’a pas prononcé sur tous les troubles du Quercy; il demande que, puis me les commissaires envoyés dans cette contrée ont fait distribuer leur rapport, le comité, féodal soit tenu, dans le plus court délai, de faire le sien sur cet objet et à jour fixe. Un membre du comité féodal assure l’Assemblée que le comité va être convoqué pour s’occuper du rapport demandé. M. le Président fait donner lecture : 1° D’une adresse de la société des amis de la Constitution de Cherbourg, qui demandent la conservation des bibliothèques des moines dans chaque département. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) 2° D’une adresse des officiers du tribunal de Castres qui manifestent leurs sentiments sur le décret du 16 juillet et leur amour pour la loi. 3° D’une lettre de M. Jennings de Kilmaine , Irlandais , capitaine réformé du 6e régiment de hussards, qui présente à l’Assemblée nationale son serment civique. Un membre demande que le retrait de subrogation soit assimilé au retrait féodal. Un membre demande que le retrait connu sous le i om de rabattement soit également abrogé. (Ces deux propositions sont renvoyées au comité féodal.) M. le Président annonce qu’il a reçu une lettre par laquelle le ministre de la guerre l’informe du désir que témoigne M. Rochambeau de voir M. Boullé, membre du l’Assemblée nationale, continuer ses fonctions de commissaire dans les départements du Nord où sa présence est utile. (L’Assemblée charge M. le President de répondre à M. Rochambeau que M. Boullé restera dans sa mission tant que sa présence serait nécessaire.) Un membre du comité des rapports demande que l’Assemblée tienne samedi soir une séance extraordinaire pour entendre des rapports relativement à diverses procédures instruites au ci-devant châtelet de Paris. (Cette motion est adoptée.) M. Louis Ufonneron, au nom des comités de marine et des colonies , fait un rapport sur l'état des îles de France et de Bourbon; il s’exprime ainsi : Messieurs, l’île de Bourbon réclame votre protection et des secours, avec la confiance que lui inspire votre intérêt pour vos colonies, et avec cette sollicitude que provoque son éloignement de la métropole, et les dangers qui la menacent. 502 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 août 1791.J Son assemblée coloniale, pleine de soumission pour vos décrets, a déjà exécuté Ct ux des 8 et 23 mars 1790, et la colonie jouirait, sa> s doute, du frs it de ses travaux, si le conseil supérieur, par une conduite opposée, ne frndait à les détruire. Ce conseil, suivant deux lettres du président de l’assemblée coloniale, dont l’une en son nom, et l’autre au nom de l’assemblée, n’a pas encore voulu prêter son serment civique ; et cependant, observent ces deux lettres, il juge de l’hunneur, de la vie et de la propriété des bons citoyens qui l’ont prêté. L’assemblée coloniale se plaint fermement, par ses dernières dépêches, qu’il n’enregistre ses arrêtés, quoique provisoirement sanctionnés par le gouverneur, qu’avec des restrictions injurieuses qui tendent à les annuler, à désunir les habitants et à diminuer leur confiance envers elle; que les municipalités acceptées avec reconnaissance par toutes les paroisses, étaient déjà dans la plus heureuse activité, lorsque l’une d’elles (celle de Saint-André) ne s’est dissoute qu’à l’instigation du conseil : elle observe que ce premier désaccord ne peut exister dans la commune organisation; mais l’influence de l’Assemblée nationale peut seule rétablir l’harmonie, puisque le gouvernement, chef du pouvoir exécutif dans la colonie, n’a rien fait pour maintenir ce premier établissement qu’il avait sanctionné. Des lettres particulières au correspondant de cette colonie mamient que les trois pouvoirs, dont la réunion serait si précieuse à sa régénération, sont entièrement divisés; que la différence des opinions a déjà occasionné nombre d’affaires particulières qui peuvent devenir le signal d’une affaire générale, si l’Assemblée nationale n’étend sur cette colonie intéressante les salutaires effets de sa vigilance. L’ile de France qui n’en est distante que de 30 lieues n’a pas été exempte de troubles. Voici comment s’exprime la dernière lettre officielle de MM. les gouverneur et intendant, au ministre de la marine : « L’indiscipline des soldats de nos 2 régiments est poussée bien loin: ils sont sourds à la voix de leurs officiers, et connaissent à peine un commandant, que jusqu’à ce jour ils avaient respecté dans l’Inde et ici. « La cruelle destinée de M. Macnémara leur a trop bien appris qu’ils sont les plus forts, et qu’on ne pourrait leur opposer qu’une faible résistance. En conséquence, ils ne demandent plus, ils ordonnent, et toutes les vieilles recherches se reproduisent avec la certitude que ce qu’on leur a refusé, dans un temps plus calme, ne pourra plus l’être aujourd’hui. « Les matelots et ouvriers suivent ce mauvais exemple, et chaque jour voit naître une nouvelle demande, etc. » A ces réflexions, vos comités de marine et des colonies ajoutent les observatiqns suivantes, extraites de la correspondance des administrateqrs. Que la nation a des réclamations pour plus de 12 millions sur divers particuliers; qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour assurer ces créances, et en procurer le recouvrement. Qu’il existe dans ces deux îles, pour près de 5 à 6 millions de meubles et d’immeubles appartenant à la nation, inutiles aux besoins de l’Etat, et onéreux au Trésor; qu’il est pareillement des mesures à prendre pour les faire vendre, et en faire verser le produit dans la caisse nationale. Qu’il y reste de vastes domaines à concéder; qu’il est également de plus sages dispositions à prendre pour leur distribution et pour la conservation des bois nécessaires pour les besoins de l’Etat ; que ces colonies n’ont d’importance que par leurs ports, par les flottes qui passent dans les mers orientales ; que les réserves nationales en bois offrent toutes les ressources nécessaires à leurs réparations ; mais que ces ressources seront bientôt nulles, si les dévastations sont plus longtemps continuées. Qu’il existe des abus énormes dans leur administration, qu’il est essentiel de les connaître et d’y obvier. Que ces colonies, enfin, sont les clefs des mers orientales; que la première est le grenier de la seconde qui en est le rempart; que sous ces trois rapports elles méritent, dans ces circonstances surtout, les mesures les plus promptes. Que leur grande distance de la mère patrie, que leur attachement pour elle, et spécialement leur soumission à vos décrets, doit vous invitera faciliter leur organisation, et qu’il n’est pas de plus sûrs moyens, ni de plus efficaces pour y parvenir, que d’y envoyer des commissaires-conciliateurs, avec les mêmes pouvoirs que ceux accordés aux autres colonies : nous devons vous observer que le ministre de la marine juge cette mesure très nécessaire. Que d’après les nouvelles reçues de Pondichéry et de Chandernagor, l’Assemblée nationale, si elle veut conserver son commerce dans l'Inde, doit s’occuper de �organisation de ces établissements. Que ces mêmes commissaires pourront s’y porter facilement après avoir terminé leurs travaux aux îles de France et de Bourbon. Mais en n’envisageant dans le moment présent que la sûreté de ces deux colonies, leur grand éloignement de la métropole, leur position dans la circonstance d’une guerre possible, la difficulté de communiquer avec elles, les lenteurs d’une correspondance peu active, tous ces motifs ont déterminé vos comités réunis à vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de marine et des colonies, voulant réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des îles de Fiance et de Bourbon, faliciter �organisation qui leur est propre, et l’établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénération de l’Empire ; « Considérant que, pour parvenir à ce but, elle a annoncé qu’il serait envoyé des instructions à toutes les colonies, et qu’en faisant précéder cette mesure d’un degré de puissance capable de réunir les esprits, elle en a confié les dispositions à des commissaires civils qui ont été envoyés dans toutes les autres colonies; « Qu’il entre également dans ses vues de faire jouir les îles de France et de Bourbon des mêmes avantages, afin de conduire paisiblement leurs habitants au vœu commun à tous ceux qui désirent le bien, a décrété ce qui suit : Art. lor. « Il sera envoyé 2 commissaires civils aux îles de France et de Bourbon, chargés d’y maintenir l’ordre et la tranquillité publique, de faciliter leur organisation, et de veiller à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale ; ils y exerceront, s’il y a lien, les fonctions et pouvoirs délégués par le décret du 29 novembre dernier, aux commissaires destinés aux îles du Vent; à l’effet de quoi, il leur sera donné tous pouvoirs nécessaires.