3g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juillet 1790.] « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, des difficultés qui se sont élevées entre les administrateurs du département de Saône-et-Loire, ceux du département de la Côte-d’Or d’une part, et les ci-devant élus généraux du duché de Bourgogne d’antre part, au sujet de la suite des travaux publics, et notamment du parachèvement du canal de Charollais et autres objets d’administration, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Conséquemment aux décrets concernant les administrations particulières des anciennes provinces, l’administration ci-devant confiée aux élus généraux du duché de Bourgogne, comté et pays adjacents, demeure entièrement révoquée; et il sera fait défenses auxdits élus de s’immiscer ni directement ni indirectement dans aucune partie de ladite administration. « Art. 2. Les élus de Bourgogne rendront compte sans délai aux commissaires qui sont ou seront nommés par les départements de la Côte-d’Or, de Saône-et-Loire et de l’Yonne : 1° de la position où se trouvent actuellement toutes les parties de leur administration ; 2° de l’état actuel de tous les ouvrages publics dont ils étaient ordonnateurs ; 3° de l’état des finances qu’ils ont reçues et employées auxdits ouvrages, et généralement de tous les objets dont ils étaient responsables aux ci-devant Etats de Bourgogne, sans aucune exception. « Art. 3. Lesdits élus remettront, aussi incessamment et sans délai, aux commissaires des trois départements, tous les rôles d’impositions, registres, plans, cartes, devis, mémoires, et généralement tous les titres et papiers dont ils sont dépositaires, notamment ceux concernant le canal du Charollais ; ensemble tous les meubles et effets appartenant aux ci-devant Etats de Bourgogne, le tout sans aucune exception ni réserve. « Art. 4. Il sera enjoint à l’ingénieur en chef des ci-devant Etats généraux de Bourgogne, ainsi qu’à tous les employés sous ses ordres, et à tous adjudicataires d’ouvrages publics, ordonnés par lesdits ci-devant élus généraux, notamment à ceux des ouvrages relatifs aux canaux et à la navigation des rivières de Bourgogne, de reconnaître l’autorité des nouveaux corps administratifs, et de leur obéir, respectivement pour toutes les parties dont lesdites administrations particulières se trouvent actuellement chargées. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Des abus se sont glissés dans la distribution des billets de tribunes qui sont exclusivement destinés aux députés des gardes nationales pour la fédération du 14 juillet ; j'ai reçu à ce sujet des réclamations nombreuses dont j’ai cru devoir faire part à l’Assemblée. M. Gulllotln, l'un des commissaires de la salle. Je propose que le député à la fédération, qui voudra entrer dans les tribunes, présente le billet qui lui a été remis par la commune de Paris, en vertu de ses pouvoirs, et le billet de tribune qui lui sera donné par les députés à l’Assemblée nationale. M. Populus. Il me semble que les meilleurs moyens à prendre pour éviter les abus, doivent être abandonnés à l’appréciation de M. le Président et des commissaires de la salle. Je demande que, sans perdre un plus long temps à la discussion de ces détails, l’Assemblée passe à son ordre du jour. (Cette proposition est adoptée.) M. Président. L’ordre du jour est V examen du -projet du décret proposé par le comité des pensions pour déterminer les principes généraux qui doivent présider à la distribution des récompenses de l'Etat (1). M. Palasne de Champeaux, rapporteur , commence la lecture des articles. Plusieurs membres demandent que le fond du projet soit d’abord mis en discussion. M. Martineau. Il n’y a pas lieu à une discussion générale ; les principes qui doivent servir de base aux articles proposés sont de la plus haute évidence ; ce sont des principes de justice et d’économie ; je demande que l’on discute article par article ; c’est ainsi que l’on verra si on s’est écarté de l’un ou de l’autre de ces principes, qui doivent être la seule base de la discussion. M. de Cnstine. Si le plan du comité repose effectivement sur ces bases, il n’y a pas d’observation à faire; mais si, au contraire, comme je crois pouvoir le démoutrer, il s’en écarte, je demande qu’il soit permis à tous les membres de l’Assemblée de vous soumettre leurs idées. M. d'André. Je prie l'Assemblée d’observer qu’il n’est question que des pensions à venir. M. Malouet. Tout le monde sait que le service de la marine est beaucoup plus pénible que tout autre service ; qu’il use le corps et abrège la vie ; il faut donc avoir des égards pour ceux qui s’y adonnent ; c’est pourquoi je pense que les bases proposées par votre comité ne sont pas applicables à la marine. M. Emmery, au nom du comité militaire. J’avoue que les principes de votre comité sont parfaitement d’accord avec la justice et l’économie, et qu’il n’y a rien à y ajouter ; mais avant d’en faire l’application, il faut que ces détails aient été convenus entre les trois comités militaire, de la marine et des pensions ; il faut combiner quel est le plan de constitution de l’armée : comme l’avis du comité est d’écarter le prix que l’on mettait à l’engagement du soldat, ce qu’on ne lui donne pour appât, il faut qu’il le trouve pour récompense au bout de sa carrière.Lorsque l’on dit qu’aprês 30 ans de services, on donnera au soldat un quart de ses appointements, c'est-à-dire le quart de 7 sous 6 deniers, je demande si ce n’est pas la plus chétive aumône : le soldat que vous obligeriez de servir jusqu’à 70 ans pour obtenir ses appointements tout entiers, ne pourrait-il pas faire de justes réclamations? Je demande donc que les articles de détail soient réglés par les trois comités réunis, et qu’on se contente seulement de décréter les principes. M. de Montcalm appuie la motion de M. Emmery. Le comité des pensions a inutilement donné, (1) Voyez le second rapport du comité des pensions, séance du 2 juillet 1790, Archives parlementaires, tome XVI, page 668. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juillet 1790.] 3� jusqu’à présent, des rendez-vous aux comités militaire et de la marine; ils ne s’y sont point rendus : je suis obligé de le dire, Messieurs ; il faut non seulement de l’activité, delà tenue, de la patience dans le travail dont vous avez chargé le comité des pensions, mais encore le plus grand courage pour résister à toutes les sollicitations qu’on lui fait, et aux considérations sur lesquelles on les appuie : on réclame avec raison en faveur des militaires, mais sur les 16 millions qui feront la masse des pensions, gratifications et secours extraordinaires, le militaire en aura au moins treize ; l’immensité de la dette publique ne permet pas d’user de munificence; mais le nouvel ordre de choses que vous avez établi, nous donne tout lieu d’espérer que les législatures suivantes feront ce que vous n’avez pu faire. M. Emmery. Je sollicite en faveur des malheureux officiers de fortune et des soldats. M. de Custtne. On -peut être juste sans occasionner à l’Etat un surcroît de dépense considérable : je crois qu'avec 18 millions on pourrait contenter tous ceux qui ont des droits aux récompenses de la nation. M. lanjuinais. Je vous prie de considérer que les membres des comités de marine et militaire sont eux-mêmes, pour la plupart, des pensionnaires de l’Etat, et il n’est point étonnant qu’ils cherchent à éloigner la délibération : rendons grâces au comité des pensions de nous avoir fourni, par son travail infatigable, les moyens de délivrer la France de tous ces déprédateurs connus sous le nom de pensionnaires. M. «l'Ami» S y ( ci-devant marquis). Je n’étais point au commencement de la séance, mais je viens d’entendre le préopinant dire que les membres des comités militaire et de marine avaient des pensions ; je certifie que non ; ils sont trop jeunes; la plupart n’ont pas fait la guerre; je ne suis pas riche ; j’ai passé par tous les grades; je connais le service, il est dur quand on n’est pas riche ; vous pouvez être assurés de cela. Je conviens que le Trésor public est chargé d’une foule de pensions données à des officiers qui se sont retirés malgré eux, parce qu’ils ne plaisaient pas à leurs colonels, parce qu’ils n’avaient pas fait la révérence à l’inspecteur ; pouvez-vous ôter quelque chose à ces malheureux? (On s'écrie que non et on applaudit.) Un moment, Messieurs; j’ai autre chose à vous dire. Il y a nombre d’officiers généraux qui ont fait les guerres de 1770 et 1775, ils ont marié leurs filles ; ils comptaient sur leur traitement ; vous ne leur ôterez rien non plus ; en vérité, Messieurs, je suis obligé de vous le dire, pour une nation comme la vôtre 10 millions ne sont pas assez pour les pensionnaires de l’Etat. M. l