214 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1790.] M. le vieomtejde Hoailles, au nom du comité militaire. Le comité militaire m’a chargé de faire le rapport que vous lui avez demandé sur le régiment de Royal-la-Marine. Ce régiment, trompé sur vos décrets, a pensé qu’en établissant lui-même son régime et son organisation, il usait de ]a liberté que vous avez rendue à tous les Français ; mais il a oublié que la loi ne peut être faite que par des législateurs: il n’a pas senti que toute loi non abrogée doit être exécutée, et il a pris une délibération contraire aux ordonnances, II a ceia de particulier dans sa détermination, qu’en arrêtant de se séparer de ses chefs et de ses officiers, en leur laissant vingt-quatre heures pour se retirer, le régiment Royal-la-Marine, après avoir donné des éloges à leur conduite, les recommande aux soins et à l'intérêt des représentants de la nation. Les officiers municipaux delà ville de Lambesc ont inutilement essayé de persuader à ce régiment qu’il était trompé, et qu'il était de son honneur et de son intérêt de rentrer dans l’ordre. — Le comité militaire propose que M. le président fasse connaître aux officiers municipaux de Lambesc la satifac-tion que l’Assemblée a éprouvée de leur conduite, et qu’il écrive au régiment de Royal-la-Marine, pour lui dire de maintenir tous les degrés de subordination, et que la députation à la fédération qui aura lieu le 14 juillet ne sera pas reçue, si ce régiment n’est rentré dans le devoir. M. le Président met aux voix le projet de décret du comité militaire qui est adopté en ces termes : _ « L’Assemblée nationale décrète que M. le président fera connaître à M. le maire et aux officiers municipaux de la ville de Lambesc la satisfaction de l’Assemblée nationale sur la conduite sage et mesurée qu’ils ont tenue dans la situation pénible où ils se sont trouvés, relativement aux troubles qui ont eu lieu dans la cité. « En outre, que le président écrira au régiment Royal-la-Marine pour lui prescrire de rentrer dans le devoir, et de maintenir tous les degrés de la subordination, et que la députation de ce régiment ne pourrait être reçue à la fédération nationale, s’il n’était pas composé à celte époque suivant les principes des ordonnances. » (La séance est levée à trois heures, et indiquée au lendemain, neuf heures du matin.) ASSEMRLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ, EX-PRÉSIDENT Séance du lundi Ikjuin 1790 (1) La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Briols de Beaumetz, ex-président , occupe le fauteuil en l’absence de M. l’abbé Sieyès, président en fonctions. M. de Pardieu, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 12 de ce mois, au soir. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Il ne se produit aucune réclamation. M. ie Président donne lecture de la lettre suivante de M. Auguste, artiste de Paris : Paris, le 12 juin 1790. « Monsieur le président. « L’Assemblée nationale a entendu hier le rapport d’une proposition que j’ai faite sur les cloches qui seront supprimées. Ce serait, sans doute, un bien respectable emploi à faire de celle qui sera décomposée la première, que d’en consacrer la matière à un buste du roi. Faite dans ie principe pour rappeler à des chrétiens leurs devoirs, sous cette nouvelle forme elle pénétrerait les citoyens des leurs, et cette destination serait encore sacrée. Ge buste que, comme artiste, j’ambitionne d’exécuter à mes frais, pourra être rèt, si l’Assemblée nationale lait à mon idée, honneur de l’accueillir, pour la fédération du 14 juillet prochain. L’image d’un roi, ami des lois, placée dans un aussi grand jour sur l’autel de la patrie, y recevrait, eu présence du Dieu des armées, les serments du patriotisme, auxquels se confondraient les vœux de la piété : ces deux passions énergiques et pures qui agrandissent l’homme et le soutiennent. Après la fête, mêlé à mes frères d’armes, je m’empresserais d’élever cette image chérie sur le pavois de la liberté pour la porter au temple de la nation, où elie resterait déposée; et désormais ie meilleur des pères serait présent aux yeux de ses enfants aussi souvent qu’il a mérité de l’être à leurs cœurs. « J’ose donc voussupplier, Monsieur le Président, de soumettre à l’Assemblée nationale ce vœu d’un artiste, soldat-citoyen, qui n’attend que ses ordres pour se livrer sans retard à un travail cher à sou cœur, et d’autant mieux fait pour élever son âme, qu’elle aura daigné en agréer l’hommage. « Je suis, avec un profond respect, « Monsieur le Président, « Votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Auguste. » M» Bouche. Cette demande doit être accueillie. Louis XVI est toujours dans nos cœurs, mais il ne sera pas inutile de l’offrir à nos regards. Pour un semblable ouvrage, il faut un artiste parfait; et je demande que M. Moëte, membre de l’Académie de sculpture, qui le premier a donné l’exemple des expropriations volontaires, soit chargé de faire le modèle. M. Croupit de l*réfeïn. Il serait bien injuste de refuser à M. Auguste, qui a fait la proposition, le plaisir de l’accomplir. M. de Vaudreuil.On ne doit ériger de statues aux rois qu’après ieur mort. M. Crourdan. Louis XVI est dans nos cœurs ; laissons aux courtisans ces flatteuses propositions d’ériger des statues. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour.) M. Le Chapelier, membre du comité de Constitution, présente la rédaction définitive du décret concernant la cessation des poursuites judiciaires [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1790.} 215 commencées pour dégâts sur les terrains afféagés et marais desséchés. (Cette rédaction est adoptée et sera insérée dans le procès-verbal de la séance d’hier 13 juin qui n’a pas encore été soumis à l’Assemblée.) M. Prieur, secrétaire , donne lecture immédiatement de ce procès-verbal, séance du dimanche 13 juin. Il est adopté. M. Prieur donne également lecture : 1° d'une délibération de la municipalité de la paroisse de Boussuc, au département de l’Ille-et-Vilaine, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et soumission d’acquérir les biens ecclésiastiques situés sur le territoire de cette municipalité ; 2° D’une adresse de l’assemblée du district de Sedan qui a été le premier organisé dans tout le royaume ; 3° D’une adresse des municipalités, des gardes nationales et de l’assemblée primaire du canton de Barbon ne, district de Sézanne. Les adresses de Sedan et de Barbonne sont ainsi conçues : Adresse du district de Sedan *. «Nosseigneurs, l’assemblée du district de Sedan consacre avec joie ses premiers moments à s’acquitter du tribut le plus doux: et le plus envié, de celui que commandent à tous les amis de la patrie la reconnaissance et la vénération pour vos importants et glorieux travaux ; elle n’en considère aucun qui ne soit dirigé vers l’amélioration, le bonheur et le soulagement de l’humanité; tous ceux qui composent cette assemblée ont juré individuellement et solennellement de maintenir de toutes leurs forces la Constitution et les lois que vous donnez à la France : ils répètent ici ce serment, et déclarent qu’ils sont prêts à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang, plutôt que de renoncer au plus précieux des biens : la liberté et l’égalité politique, que votre intrépide courage a conquises à travers mille dangers. « Il n’est plus ce déplorable chaos dans lequel les peuples croupissaient misérablement, en proie à toutes les injustices, à tous les genres d’oppressions; votre patriotisme, en le faisant disparaître, a créé pour tous les Français, pour tous les habitants de la terre, un monde nouveau : bientôt la génération asservie, corrompue et dégradée par le despotisme, sera éteinte, et celle qui naît et celles qui la suivront, lières et jalouses de leurs droits, apprendront aux siècles les plus éloignés dans l’avenir ce que peut un régime que la sagesse et la justice ont combiné. La seule idée du bonheur que la nouvelle Constitution prépare à nos neveux suffirait sans doute pour faire oublier les plus longues et les plus affligeantes calamités; mais ce qui doit le plus propager et soutenir le patriotisme des bons citoyens, c’est que cet édifice immortel s’élève et s’affermit au milieu même des agitations et des efforts qui tendent à le renverser. «Ah! puissent, Nosseigneurs, se réaliser promptement les vœux que l’assemblée du district de Sedan et que toute la France forment tous les jours pour la félicité publique, objet de vos plus constantes et de vos plus chères sollicitudes : ce bien, si ardemment désiré, ne peut être que le fruit du plus inviolable attachement à la loi et à son exécution, que cette assemblée à jurés, et il sera bien doux pour elle de professer des principes qui sont depuis longtemps gravés dans le cœur de tous ses membres. » (Suivent les signatures). Adresse du canton de Barbonne . « Nosseigneurs, les dix municipalités, les gardes nationales et l’assemblée primaire du canton de Barbonne, district de Sézanne, m’ont chargé de déposer à vos pieds l’expression de leur profond respect et l’assurance de leur entière soumission sur l’autel du Dieu qui punit les parjures ; tous ont promis et juré d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi. Tous sont disposés à soutenir jusqu’à l’effusion de leur sang la Constitution dû royaume, fruit de votre zèle et chef-d'œuvre de la sagesse humaine. Ils forment les vœux les plus ardents pour la réussite de vos glorieux travaux ; et, à l’exemple de la commune de Sézanne et de Vitry-le-Français, ils regardent comme ennemis de la nation ceux qui, par des écrits, des complots, des protestations, cherchent à soulever les peuples. Les décrets émanés du sein de cette auguste Assemblée ont déjà éclairé les esprits, ennobli les cœurs et posé les bases d’un bonheur qui sera inébranlable et qui fera chérir vos noms dans là postérité la plus reculée. » Signé : Camus, Aide-major de la garde nationale. (L’Assemblée entend avec satisfaction la lecture de ces adresses.) Les religieuses du couvent de Sainte-Ursule, de Briançon, protestent de leur profond respect pour tous les décrets de l’Assemblée nationale, et envoient leur inventaire, auquel elles désireraient, disent-elles, pouvoir joindre des trésors. L’ordre du jour est la suite de la discussion du titre II du projet de décret sur la constitution civile du clergé. M. le Président les articles 1 à 7 ont été décrétés dans les séances des 9 et 10 juin. La parole est à M. le rapporteur. M. Martineau, rapporteur. L’article 8 primitif était ainsi conçu : « Art. 8. Les évêques dont les sièges doivent être supprimés en exécution du présent décret pourront être élus aux évêchés actuellement vacants, ainsi qu’à ceux qui vaqueront par la suite, ou qui doivent être érigés en quelques départements. » Nous vous proposons de remplacer cette rédaction par la suivante : « Art. 8. Les évêques dont les sièges doivent être supprimés en exécution du présent décret pourront être élus aux évêchés actuellement vacants, ainsi qu’à ceux qui vaqueront parla suite, ou qui doivent être érigés eu quelques départements, encore qu’ils n’eussent pas quinze années d’exercice. » (Cette rédaction est mise aüxvoix et adoptée.) M. Fréteau. A l’égard des curés dont les paroisses auront été supprimées en vertu du présent décret, il serait injuste de tse pas leur compter, comme temps d’exercice, celui qui se sera écoulé t depuis la suppression de leur cure.