506 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] longue présence à Lyon préjudicierait peut-être à la chose publique dans cette ville. Je demande que M. le Président soit chargé d’écrire à M. Deschamps de venir dans 8 jours reprendre ses fonctions. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Messieurs, j’ai en ce moment à remplir une fonction bien douloureuse. ( Mouvement d’ attention.) Vous pressentez qu’il s’agit de vous annoncer la perte prématurée que vous venez de faire de M. de Mirabeau. Rappeler les applaudissements fréquents que ses grands talents lui ont mérités dans cette Assemblée, c’est déposer sur sa tombe un titre non équivoque de vos regrets. ( Silence prolongé.) M. Barrère de "Vieuzac. Mirabeau est mort. Les grands services qu’il a rendus à la patrie et à l’humanité sont connus. Les regrets publics éclatent de toutes parts; l’Assemblée nationale ne témoignera-t-elle pas aussi les siens d’une manière solennelle? Ce n’est pas sur les bords de la tombe qui vient de s’ouvrir que je réclamerai de vaines distinctions; c’est à l’opinion publique, c’est à la postérité à lui assigner la place honorable qu’il a méritée, c’est à ses collègues à consigner leurs justes regrets dans le monument authentique de leurs travaux. Je demande que l’Assemblée dépose dans le procès-verbal de ce jour funèbre le témoignage des regrets qu’elle donne à la perte de ce grand homme, et qu’il soit fait, au nom de la patrie, une invitation à tous les membres de l’Assemblée d’assister à ses funérailles. ( Ce discours est prononcé d'une voix altérée; des députés en grand nombre mêlent leurs larmes à celles que répand l'orateur.) M. Bofssy-d’Anglas. Il est un autre moyen d’honorer la mémoire de M. de Mirabeau, c’est de perpétuer encore un moment son existence au milieu de nous. Il a laissé un travail sur les successions. Ce travail était prêt à être lu; et M. de Mirabeau devait le lire lui-même dans la discussion qui va nous occuper tout à l’heure. Je demande, Messieurs, que vous réclamiez cet ouvrage, et que vous vous le fassiez lire au moment où vous traiterez la question sur le droit de tester. M. de La Bocliefoucaiild-Uanconrt. J’appuie la motion de M. Barrère, par une considération qui sera, j’en suis sûr, d’un grand poids pour l’Assemblée. Rappelez-vous qu’une des dernières fois que le collègue, que nous regrettons en ce moment, est monté à la tribune; il a pris l’engagement solennel de combattre les factieux, de quelque côté qu’ils soient. Cet engagement, que ses grands talents lui donnaient le moyen de remplir avec succès, lui a valu des applaudissements répétés; il est un titre de plus, un titre bien précieux à vos regrets. Cet engagement a retenti dans les cœurs de tous les bons citoyens ; il est l’engagement particulier, il est le devoir nécessaire de tous ceux qui sont disposés à tout sacrifier pour faire triompher l’intérêt public et le bien de l’Etat. {Applaudissements.) Je demande qu’on aille aux voix. Un membre ecclésiastique à droite : Je demande que le travail de M. de Mirabeau sur les successions soit imprimé et distribué aux membres de l’Assemblée. M. Briois de Beanmetz. J’ai l’honneur de déclarer à l’Assemblée nationale qu’hier M. de Mirabeau, au milieu de ses souffrances, a fait appeler auprès de lui M. l’évêque d’Autun, qu’il lui a remis entre les mains le travail qui vient d’être désigné à l’Assemblée et lui a demandé, comme la dernière marque de son amitié, de vouloir bien en faire la lecture à l’Assemblée, lorsque cette discussion serait à l’ordre du jour. M. l’évêque d’Autun s’empressera sans doute de rendre à son ami un devoir aussi sacré qu’attendrissant, et personne ne peut lui envier l’avantage de faire à la tribune, en quelque façon, l’exécution testamentaire du grand homme que nous pleurons tous. M. le Président. On a fait la motion d’envoyer une députation aux funérailles de M. de Mirabeau. M. Bubois-Crancé. Il n’est pas besoin d’un décret. Nous nous y trouverons tous. {Vifs applaudissements.) Un très grand nombre de membres : Nous irons tous ! tous ! M. le Président. En ce cas, lorsque je saurai l’heure, je prendrai les ordres de l’Assemblée. Je vais maintenant mettre aux voix les autres motions qui ont été faites. On a demandé de consigner dans le procès-verbal le témoignage des regrets de l’Assemblée, d’engager M. l’évêque d’Autun à lire l’ouvrage de M. de Mirabeau sur les testaments et d’ordonner l’impression et la distribution de ce travail. Je mets aux voix ces motions. (Ces motions sont décrétées à l’unanimité.) La discussion sur les successions est reprise. M. tue Chapelier, rapporteur , présente à la discussion le titre II du projet de décret ; ce titre est ainsi conçu : TITRE II. Effets et limites des dispositions de l’homme. « Art. 1er. L’ordre de succéder établi dans le titre précédent ne pourra être changé par aucune convention, même par les stipulations d’un contrat de mariage ; et nul ne pourra renoncer à une succession future, même avec le consentement de la personne à qui il s’agit de succéder et de ses héritiers présomptifs. « Art. 2. L’usage des institutions contractuelles, promesses de conserver, déclarations d’héritier, rappels et autres dispositions semblables, est aboli, tant dans les contrats de mariage, qu'en toute autre espèce d’actes ; sans préjudice des donations par contrat de mariage, aux futurs conjoints et à leurs enfants à naître, jusqu’à concurrence de ce qui sera permis ci-après. « Art. 3. L’usage des substitutions fidéi-commis-saires, pupillaires et exemplaires est aboli; et il ne pourra en être fait par aucun acte. « Art. 4. Pourront néanmoins les pères, mères et autres ascendants interdire à un ou plusieurs de leurs enfants ou descendants, la faculté d’aliéner, disposer et hypothéquer ; mais cette interdiction ne pourra avoir lieu que sous les conditions suivantes : « 1° Qu’elle soit bornée à un seul degré ;