BAILLIAGE DE BAR-SUR-SEINE CAHIER DE DOLÉANCES DE LA CHAMBRE DU CLERGÉ Du bailliage et comté de Éar-sur-Seine (1). Le 23 mars 1789, en exécution des lettres de convocation des Etats libres et généraux du royaume, et du règlement pour l’exécution desdites lettres du 25 janvier dernier, et de la sentence de M. le grand bailli d’épée du bailliage de Bar-sur-Seine, en date du 27 février dernier, l’ordre du clergé dudit bailliage s’est assemblé dans la salle de la mairie de ladite ville de Bar-sur-Seine, sous la présidence de messire Jean-François-Marie Le Pappe de Trevern, vicaire général du diocèse de Langres, et abbé commenda-taire de l’abbaye royale de Mores, et a arrêté, ainsi qu’il suit le cahier de ses doléances et supplications, tant sur le gouverpement général du royaume, sur l’administration intérieure de la province, que sur les intérêts dudit ordre. CHAPITRE PREMIER. Gouvernement général du royaume. Art. 1er Le clergé, jaloux de donner des marques de ses vues patriotiques et désintéressées, s’empresse de prononcer à la tête de ses doléances, le vœu solennel de supporter dans une parfaite égalité, et chacun en proportion de ses facultés, les impôts et contributions générales de la province, ne prétendant se réserver que les droits sacrés des propriétés attribuées à l’ordre ecclésiastique et les distinctions dont il jouit. Art. 2. Le clergé, attaché à la forme ancienne usitée dans la monarchie française, demande que dans les assemblées nationales on opine par ordre, et que jamais il ne puisse être dérogé à cette forme constitutionnelle, excepté seulement lorsqu’il sera question des impôts, auquel cas et non autrement, il consent volontiers que les suffrages soient pris et comptés par tête, avec cette condition absolument essentielle, que tout impôt consenti, de quelque nature qu’il puisse être, soit toujours supporté par les trois ordres assemblés dans une égalité proportionnelle aux revenus de chacun des ordres. Art. 3. Plein de confiance dans la parole sacrée du Roi, le clergé lui présente encore ses plus pressantes instances, pour solliciter le retour périodique des Etats généraux, laissant à la sagesse de la prochaine assemblée nationale de déterminer, de concert avec Sa Majesté, l’intervalle qu’il faudrait mettre entre les époques des diverses convocations. Art. 4. Quelque forme qu’il paraisse convenable d’adopter pour les convocations d’Etats généraux, le clergé demande encore que lesdites convocations soient tellement ordonnées, que le clergé et la noblesse soient toujours représentés en nombre égal avec le tiers-état, et que la même égalité de (1) Nous reproduisons pe cahier d’après un manuscrit deg 4rchives de l’Empire. représentation se retrouve constamment entre le clergé et la noblesse. Art. 5. Le clergé croit très-important à la chose publique, que tous pouvoirs soient déférés à l’assemblée nationale, tant pour consentir les impôts nécessaires aux besoins de l’Etat, que pour reverser sur chaque province la portion contribu-toire relative à ses forces, et que l’autorité de l’administration intérieure de chaque province, soit bornée uniquement à répartir sur les contribuables ladite portion qui lui aura été déterminée par l’Assemblée nationale. Art. 6. Il regarde encore comme également important, que non-seulement les lois bursales, mais celles d’administration et de justice, tant civile que criminelle, soient dorénavant proposées aux Etats généraux, discutées, vérifiées par eux, et ensuite envoyées aux différentes cours souveraines, pour être promulguées et mises en exécution dans toute l’étendue du royaume. Art. 7. La jurisprudence civile et criminelle, présentant une multitude d’abus qui compromettent la tranquillité et la fortune, la liberté, la vie et l’honneur des citoyens, le clergé demande qu’il soit nommé par les Etats généraux une commission pour la réformation de l’un et l’autre Code civil et criminel. Art. 8. Pour concilier à l’administration de la justice et aux magistrats le respect et la confiance des peuples, le clergé demande que toutes les causes soient plaidées et jugées publiquement, et que tous les jugements expriment les motifs sur lesquels ils auront été rendus. Art. 9. L’assemblée générale est suppliée de balancer les inconvénients et les avantages qui résultent de la vénalité des charges de magistrature, et de proposer à Sa Majesté le plan qu’elle estimera le plus convenable au bien public. Art. 10. Afin de pourvoir suffisamment aux besoins de l’Etat, et de surveiller en même temps l’emploi des subsides, l’assemblée générale est priée de fixer, sur la demande du Roi, la somme nécessaire à chaque département, pour les dépenses ordinaires, et d’exiger qu’à chaque tenue d’Etats les ministres présentent, par recette et dépense, les comptes de leur administration, les-dits Etats ayant, au surplus, conjointement avec le Roi, le droit de citer à comparaître devant eux, et de juger, soit par eux-mêmes, soit par commission, les ministres qui seraient reconnus avoir abusé de la confiance publique. Art. il. Il paraîtrait que le moyen d’honorer le mérite, d’écarter les importunités et d’arrêter l'avidité, serait de faire imprimer, chaque année, un tableau fidèle de tous ceux auxquels Sa Majesté accorde des pensions sur son trésor, et d’y joindre leurs qualités et le montant desdites pensions. Art. 12. L’éducation publique attirera sans doute les soins paternels de Sa Majesté, au moment où elle s’occupe de régénérer la nation. Ce sont les collèges qui préparent les citoyens de toutes les classes à l’Etat, des militaires aux armées, des 8 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seine. juges aux tribunaux, des ministres au sanctuaire; c’est dans les collèges que la jeunesse doit puiser les bons principes avec les connaissances, et que l’esprit et le cœur doivent être cultivés à la fois : tous les bons citoyens, et surtout les ministres de la religion, gémissent sur l'état de décadence où l’éducation esttombéeen France; on reconnaît généralement qu’elle dégénère depuis plus de vingt-cinq ans, et qu’à cet égard une société célèbre a laissé des regrets et un vide qui n’a pu encore être rempli. Il n'est peut-être pas d’objet qui mérite une attention plus sérieuse dans l’Assemblée nationale ; c’est au milieu d’elle que des hommes sages et profonds pourront méditer avec succès la réforme des premières études; c’est du sein des lumières réunies aux Etats généraux, que doit sortir eulin le plau si universellement désiré d’une éducation salutaire et générale. Art. 13. La nation gémit depuis longtemps sur les abus qu’ont occasionnés les lettres closes, connues sous le nom de lettres de cachet, distribuées avec une effrayante profusion : il est cependant des circonstances où leur utilité est généralement reconnue; c’est de la sagesse et des lumières des Etats généraux que l’on attend le moyen de concilier la liberté individuelle des citoyens avec l’honneur des familles et le salut de l’État. Art. 14. La liberté de la presse présente bien des avantages dans l’ordre public; mais l’abus qu’on peut en faire entraîne aussi des inconvénients qui intéressent également l’Etat et la religion ; il importe de fixer les moyens de réprimer les désordres de la licence, en assujettissant tout auteur à déclarer son nom, et en étendant la même loi à tous les imprimeurs qui se seront chargés de l’impression. Art. 15. Une dette effrayante est connue; un déficit immense est annoncé à la nation. Pour y remédier absolument, les Etats généraux doivent 1° les sonder et les reconnaître dans toutes leurs parties; 2° rechercher toutes les économies possibles dans la perception des divers subsides, dans les différentes branches de l'administration, dans la suppression de gouvernements de châteaux et de provinces, etc. ; etc. 3° déterminer encore la masse nécessaire d’un impôt, qui puisse être proportionnellement supporté par toutes les classes de citoyens; 4° assurer à tous les créanciers de l’Etat leurs droits sur des impôts déterminés. Art. 16. Le clergé s’en rapporte aussi à la sagesse des Etats généraux, sur les moyens les plus convenables pour reculer les barrières aux frontières du royaume, et d’obtenir enfin un tarif précis et détaillé qui écarte à jamais toute interprétation arbitraire et vexatoire dans la perception des droits de contrôle. CHAPITRE II. Administration intérieure de la province de Bourgogne. Art. 1er. Le clergé de ce comté, entraîné par la force de la vérité, s’unit ici au vœu des deux autres ordres, pour demander la réformation de l’administration actuelle de la province de Bourgogne. On ne saurait se dissimuler aujourd’hui quelle est illégale dans son principe et dangereuse dans ses conséquences. Illégale dans son principe, puisqu’il est de l’essence de toute assemblée d’Etats d’ètre formée par une convocation libre et générale ; en sorte que tous les individus puissent y voler, soit par eux-mêmes, soit par leurs procureurs, soit enfin, par leurs représentants ; et que dans l’organisation actuelle, ni les particuliers, ni les ordres n’v sont suffisamment représentés; dangereuse dans ses conséquences, puisque, prononçant sur les intérêts des dislricts sans les avoir appelés à une discussion publique et générale, il est de fait que des opérations ruineuses ont échappé à des administrateurs trop peu nombreux, et par là exposés à l’erreur. Art. 2. En même temps que le clergé sollicite, avec les deux autres ordres, la réformation de l’administration actuelle de la province de Bourgogne, il demande expressément que ses députés soient appelés en nombre égal avec les députés de la nobtesse suivant l’organisation des Etats généraux. Art. 3. Le clergé réunit encore ses vœux à ceux de la noblesse et du tiers-état pour demander la suppression des aides et gabelles, source perpétuelle de contestations, vexations et de procès ruineux pour les redevables, et d’une infinité d’autres abus dont cette partie du duché de Bourgogne est beaucoup plus grevée que toutes les autres de la même province, et les remplacer par les moyens qu’il plaira à la nation assemblée de déterminer. Art. 4. Il désire aussi que MM. les députés aux Etats généraux prennent les moyens les plus efficaces pour le soulagement des habitants de la campagne; qu’ils honorent et qu’ils favorisent, autant qu’il sera en eux, l’agriculture, le premier et le plus nécessaire de tous les arts. Art. 5. Le clergé, touché de la misère des pauvres et des désordres qu’entraîne la mendicité dans tout le royaume, désire aussi que les Etats s’occupent des moyens de subvenir aux besoins des indigents, en les retenant dans leurs paroisses. Art. 6. Le clergé terminera le chapitre particulier concernant l’administration intérieure de la province, par la demande qu’il formera en faveur des religieuses Ursulines de la ville de Bar-sur-Seine; quoique chargées de l’éducation gratuite des filles de ladite ville, elles étendent encore leurs soins charitables sur la jeunesse de la banlieue et sur les indigents ; cependant elles sont pauvres et n’ont aucune ressource suffisante pour la reconstruction de leur maison qui menace d’une ruine prochaine. Le député sera donc chargé de solliciter pour elles auprès de M. le garde des sceaux et autres commissaires les secours dont elles ont besoin pour remplir cet objet qui intéresse tout le comté. CHAPITRE III. Intérêts de l’ordre du clergé Art. 1er. Plein de confiance dans l’équité de la nation, le corps des pasteurs présente à ses regards ces membres respectables qui supportent le poids du jour, et leurs dignes coopérateurs qui partagent avec eux les peines attachées aux fonctions sacrées du ministère, ainsi que leurs besoins. Dépouillés par l’usurpation de la dîme, ce tribut de la reconnaissance publique et de la piété des fidèles, qui, dans sa véritable institution en était la récompense, et leur a été partout attribué dans le premier temps, ces pasteurs le réclament hautement comme leur appartenant sous tous les rapports et comme seul capable d’opérer le bien qui intéresse le plus leurs paroisses. Ce vœu qui s’élève en leur laveur de toutes les parties du royaume a pour objet de les réintégrer dans la possession de la totalité des dîmes qui doivent, se percevoir dans l’étendue de chaque paroisse. Les curés, en la demandant comme une justice qui leur est due, donneront en même temps une preuve du désintéressement [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-sur-Seinc.] 249 qui les anime en renonçant unanimement à tout casuel exigible pour l'administration des sacrements et l’exercice de leurs fonctions, comme peu compatible avec l'honneur du sacerdoce, et d’ailleurs comme une surcharge pour les peuples. Art. 2. Le clergé demande que les curés, forcés par des circonstances particulières, depuis la déclaration de 1768, de céder leurs bouverots, et autres biens appartenant à leurs cures, soient autorisés à y rentrer de nouveau, comme étant lesdits biens le domaine inaliénable de leur bénéfice. Art. 3. En cas d’insuffisance de la dîme pour les cures de quelques paroisses de la campagne, et pour faire un fonds suffisant et proportionné pour les cures des villes qui n’en ont pas la ressource, le clergé demande en même temps qu’il soit pourvu à l’amélioration des unes et au sort des autres, par l’union de différents bénéfices auxdites cures; il fait valoir les mêmes considérations, et forme la même demande en faveur des vicaires. Art. 4. Si cependant, contre l’attente publique, les dîmes, ce juste prix du travail, et le dépôt sacré de l’indigence, n’étaient pas rendues aux pasteurs, le clergé supplie la nation de solliciter auprès de Sa Majesté, une loi qui procure l’amélioration des portionnaires, sans exception d’aucuns vicaires, qui jusqu’à présent n’ont pas tous participé à la bienfaisance des souverains, quoique clairement marquée et tracée dans leurs dernières déclarations relatives aux portions congrues. Le clergé demande en ce cas que la portion congrue soit payée en nature, ou en argent, au choix du congruiste, laquelle portion sera payée et supportée également par tous lesdécimateurs et codé-cimaeurs, chacun en proportion de leur part dans les dîmes, même à tous les vicaires actuellement établis, ou que l’évêque estimerait nécessaire d’établir dans les paroisses, nonobstant tout concordat, transactions, privilèges et exemptions à ce contraire. Art. 5. Le clergé s’adresse encore à la nation pour solliciter de la religion et la justice du Roi, un règlement sur deux objets très-importants : 1° pour autoriser les évêques à ériger en cures toutes les succursales nombreuses de leurs diocèses, et cela de concert avec les curés; 2° pour obliger les patrons ecclésiastiques et laïques à ne donner les cures dont ils ont la présentation, qu’à des prêtres employés dans les diocèses où ces bénéfices sont situés, afin que les jeunes ecclésiastiques puissent obtenir une récompense moins éloignée de leurs travaux, et que des étrangers ne viennent pas la leur enlever. Art. 6. Pour concilier le respect aux pasteurs dans leurs paroisses, le clergé demande encore qu’il leur soit attribué le droit de présider les assemblées qui se tiennent pour l’administration des fabriques, d’y recueillir les voix, et d’avoir la prépondérance, en cas de partage d’opinions, pour procurer, par l’effet de leur zèle et de leurs connaissances, le plus grand bien dans ces sortes d’administrations, et en même temps que le droit de voter auxdites assemblées soit également attribué à tous vicaires, et même de les présider en cas d’absence du curé. Art. 7. Les troubles et les divisions qui s’élèvent souvent à l'occasion des maîtres d’école, déterminent aussi le clergé à demander que les curés seuls aient le droit de les choisir, de les approuver, et, sous l’autorité de l’évéque, de les renvoyer, lorsque le bien des paroissiens paraîtra l’exiger. Art. 8. Les curés, à raison de leurs titres jouissent dans leur paroisse d’une juridiction ordinaire que personne n’a droit de troubler sans renverser l’ordre établi de Dieu même. Ils ont donc le pouvoir de déléguer aux fonctions qui dépendent de leur ministère, et par conséquent celui de se choisir des coopérateurs, autrement dit des vicaires, pourvu toutefois qu’ils aient une approbation de l’évêque. Cette assertion est prouvée par différents conciles et par plusieurs arrêts anciens et récents; en conséquence, les curés demandent à jouir du droit de nommer seuls leurs vicaires, toutes les fois qu’ils croiront en avoir besoin, ou que leur évêque jugera nécessaire d’en établir dans leurs paroisses. Art. 9. De l’offre que font les curés de renoncer à toutes exemptions pécuniaires, et de contribuer personnellement à toutes les charges de l’Etat, ils attendent également de l’équité de la nation qu’ils seront différenciés dans la contribution commune, à raison de leur dîme, de la contribution à supporter par les titulaires des bénéfices simples, par les maisons régulières, même les chapitres et chanoines, à égal revenu, attendu la disproportion des charges dont sont tenus les curés, notamment celle de donner aux pauvres de leurs paroisses les secours qu’ils ont droit d’attendre de leur charité paternelle ; c’est surtout cette dernière considération qui leur fait aussi espérer que leur contribution personnelle, séparée absolument de celle de tous les autres bénéficiers, fera une classe particulière, arbitrée et taxée par qui il appartiendra. Art. 10. Si, contre leur vœu, les chambres diocésaines subsistent pour la répartition de l’imposition commune, à laquelle ils seront soumis, ils demandent encore que clans ces chambres, autrement organisées qu’elles le sont actuellement, ils aient un nombre de représentants égal à celui de tous les autres bénéficiers réunis : ils demandent ensuite que le compte des chambres diocésaines, l’état des déclarations, impositions, emplois et restants de caisse, soient à chaque année rendus publics par la voie de l’impression, et envoyés annuellement à tous les contribuables, soit pour acquérir les lumières suffisantes sur la vraie valeur des bénéfices, soit pour prévenir tous reproches contre les imposants, et toutes plaintes de la part des imposés. Us demandent que dans les huit chambres supérieures érigées dansl’éten-due du royaume, pour connaître des contestations qui s’élèvent sur la répartition de ces décimes, les curés y aient des représentants en nombre égal à celui de tous les autres ordres réunis. Us demandent enfin que la commission de la recette générale des décimes, soit confiée désormais à un ecclésiastique nommé à cet effet par le clergé, ainsi que celle des autres recettes particulières dans l’étendue de chaque diocèse, cette voie paraissant beaucoup plus naturelle pour concilier la confiance de toutes les parties intéressées, ensuite pour établir la correspondance de toutes les recettes, et par là de perpétuer une communication directe et non interrompue avec le clergé, pour tous les objets qui ressortissent à cette partie. Art. 11. Les curés doivent également s’intéresser à ce que ceux d’entre eux qui sont purement portionnaires, et qui jusqu’à présent ont participé à la contribution fixée dans les chambres diocésaines, en soient à présent déchargés, et que leurs décimes soient supportés par les seuls décima-teurs qui de droit en sont tenus. Art. 12. Les curés et les vicaires, parvenus à l’âge de soixante ans, ou ceux dont l’exercice 250 [Etats gén. 1789, Cahiers.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | Bailliage de Bar-sur-Seine.J pénible de leurs fonctions aurait prématuré la caducité, ont acquis le droit naturel de demander une retraite qui en soit la récompense. L’objet de cette retraite est de les affranchir de la fâcheuse nécessité de continuer dans leurs paroisses des services que l’âge ou des infirmités particulières ne peuvent y rendre également utiles, et par là de les mettre à l’abri de l’indigence qu’ils auraient à redouter, si une sage prévoyance ne s’occupait du soin particulier d’y pourvoir. Les pensions créées sur leur bénéfice seraient un moyen imparfait, à charge tout à la fois à leurs sucesseurs et aux paroisses qui en souffriraient, par l’impossibilité où seraient ceux-ci d’y verser les mêmes secours ; par cette considération également juste et touchante, le clergé demande que le sort de ces honorables vétérans, soit fixé à la somme de 1,200 livres sans aucune retenue et pareille somme de 1,200 livres pour les vicaires, qui, à raison de lâcheuses infirmités, se trouveraient hors d’état de faire aucunes fonctions; il demande en même temps que cette somme soit assise sur la suppression de différents bénéfices simples dans l’étendue de chaque diocèse, ou d’un certain nombre de canonicats destinés à cet effet, et dont les titres demeureraient éteints. Art. 13. Les ministres des autels ont besoin de la confiance et de la considération des peuples. Une des dispositions de la déclaration du 15 décembre 1698, interprétative de l'édit de 1695, surprise à la religion de Louis XIV, peut les exposer à perdre l’une et l’autre, et même leur liberté. Cet article permet à un évêque de faire enfermer provisoirement dans son séminaire, un curé, vicaire, ou autre contre lequel il y aurait des plaintes. Ces plaintes peuvent être le fruit d’une cabale odieuse tramée par des méchants. Un respectable ecclésiastique en peut devenir la victime; on en a des exemples. Le clergé demande donc une dérogation à la disposition de cet édit, qui peut compromettre l’honneur et la liberté du clergé du second ordre, et que les évêques soient assujettis à la forme d’un jugement légal. Art. 14. Après avoir fait entendre ses doléances, le clergé du bailliage de Bar-sur-Seine finit par remettre ses intérêts entre les mains du député qu’il doit envoyer à l’Assemblée nationale, pour se conformer au désir de Sa Majesté, et pour ne point arrêter les opérations bienfaisantes des Etats généraux, il ne prétend apporter aucune limitation aux pouvoirs dont il charge son représentant, qui, par son zèle et son patriotisme, justifiera sûrement la confiance de ses commettants. Le présent cahier de plaintes et doléances de l’ordre du clergé du bailliage de Bar-sur-Seine, présidé par nous, Jean-François-Marie Le Pappe de Trevern, vicaire général du diocèse de Langres, abbé commendataire de Mores, assisté de M. Jean-François Noirot, curé de Bourguignoles-Bar-sur-Seine, et de Foolz, secrétaire dudit ordre, a été lu en présence de tous les membres assemblés, et par eux approuvé, et définitivement arrêté, lequel a été par nous signé, ainsi que de notre secrétaire et de tous MM. les commissaires qui ont travaillé à la rédaction d’icelui, et de nous coté et paraphé par chaque feuillet, par premier et dernier, cejourd’hui 23 mars 1789. Signé enfin sur la minute Blujet, curé de Riceys ; Clair, curé de Marolles ; Lebon, curé de Polisot ; Henrion, prieur de la maison ; Morel, vicaire de Bar-sur-Seine ; Piedmontois, vicaire de Bicey-Haute-Rive; l’abbé Le Pappe de Trevern, président, et JNoirot, curé de Bourguignoles, secrétaire. CAHIER DE LA. NOBLESSE DU COMTÉ DE BAR-SUR-SEINE, Remis à M. le baron de Crussol, maréchal des camps et armées du Rof, grand bailli d’épée , député. (1). Le ministre de Sa Majesté ayant, dans le rapport qu’il a fait au conseil, déclaré les intentions du Roi, et annoncé le retour périodique des Etats généraux aux époques qui seront déterminées avec eux, la liberté individuelle des citoyens, la liberté légitime de la presse, les députés seropt chargés de demander : 1° Que les Etats généraux seront assemblés tous les trois ans ; 2° Qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté, sans être mis entre les mains de la justice, pour que son procès lui soit fait, soit à la requête du ministère public, soit sur la plainte de la partie civile qui aura obtenu les ordres de sa détention. Il serait à désirer cependant qu’on donnât aux pères de famille une autorité correctionnelle sur leurs enfants, et que sur leurs vœux, appuyés de l’avis de leurs plus proches parents, au nombre de sept au moins, il pût être expédié des ordres qui réprimassent les écarts trop répréhensibles de la jeunesse de leurs enfants. Que la liberté de la presse soit assurée, en obligeant néanmoins tous les imprimeurs d’avoir entre leurs mains la minute du manuscrit signé de l’auteur, pour que l’auteur puisse être responsable, soit aux particuliers qu’il aura insultés, soit au public, s’il avait attaqué la religion ou les mœurs : et si l’imprimeur avait négligé de s’assurer de la connaissance certaine de l’auteur de l’ouvrage qu’il aurait imprimé, dans ce cas il en demeurera personnellement responsable. La noblesse demande une loi à cet égard. Le ministre ayant annoncé que l’intention de Sa Majesté était de réformer les vicés et les abus qui se sont glissés dans l’exécution des lois civiles et criminelles, on espère que les Etats généraux procureront à la nation la réformation des procédures prescrites par l’une et l’autre ordonnance. En conséquence, les députés seront chargés de demander que les Etats généraux s’occupent sans délai de proposer au Roi des lois qui procurept aux accusés les moyens de justifier leur innocence plus aisément. Il faut d’abord qu’il n’y ait aucune évocation, aucune commission établie, et que les accusés soient toujours jugés par leurs juges naturels. 11 est juste de donner un conseil aux accusés à l’époque où la confrontation aura complété vis-à-vis d’eux tous les moyens d’obtenir les aveux personnels résultants de leurs interrogatoires, et les défenses résultantes de la confrontation ; et qu’alors le conseil donné aux accusés ait la communication de la procédure. Il parait également juste d’ordonner l’instruction des faits que les interrogatoires de l’accusé, ou les confrontations, pourront faire juger utiles à sa justification, sans attendre qu’à la fin du procès l’accusé propose ses faits justificatifs. Les cours souveraines ne doivent jamais, en prononçant les condamnations , se servir des expressions pour les cas résultants du procès ; elles doivent spécifier les délits pour lesquels les accusés sont condamnés. Il serait à désirer que l’avis de la meut ne prévalût pas, à moins qu’il n’y eût trois voix déplus. (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.