[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1789.] La discussion n’a pas d’autre suite, et la séance est levée. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 16 septembre 1789. Nota. Nous insérons ici une motion de M. le comte de Mirabeau sur la caisse d'escompte. L’auteur n’ayant pas pu prononcer son discours à la tribune, à cause des discussions qui étaient à l’ordre du jour, le fit imprimer et distribuer à ses collègues. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, j’avais résolu depuis longtemps de vous entretenir de la caisse d’escompte; mais j’ai craint d’interrompre ou de retarder des discussions plus pressantes, en offrant à vos réflexions une matière dont le rapport avec le crédit public ne vous a peut-être pas encore assez frappés. Le moment est venu où il ne m’est plus permis de différer ma motion sur la caisse d’escompte. La séance du 27 août m’en impose le devoir. Le ministre des finances nous a rappelés à ce grand objet par un mémoire où il s’explique avec une franchise digne de son zèle pour la restauration du royaume.il nous y parle de cette sauvegarde honorable sous laquelle nous avons mis les créanciers de l’Etat; il nousinvite à méditer sur les mesures qui la rendront efficace, et à nous occuper en particulier de la caisse d’escompte. Vous avez applaudi à tout ce que ce ministre citoyen adressait à votre patriotisme: vous n’avez pas moins accueilli le discours lumineux de M. l’évêque d’Àutun, et les développements vraiment instructifs qu'il vous a présentés sur la foi publique. Enfin en décrétant l’emprunt selon les vues du ministre des finances, vous y avez ajouté des déclarations nécessaires à l’établissement du crédit national ; déclarations qui mettront la journée du 27 au rang de celles où votre esprit et votre sagesse se sont montrés avec le plus d’éclat. Ces déclarations ne suffisent pas ; nous tenterions en vain de fixer le crédit national si nous laissions subsister un arrêt incompatible avec toute idée de crédit, un arrêt qui devient notre fait dès l’instant qu’il est en notre pouvoir de le détruire. La foi publique recevrait une atteinte si le gouvernement protégeait la rupture des engagements d’un simple particulier; combien cette atteinte n’est-elle pas plus forte, lorsqu’il s’agit de la banqueroule d’une société qui transgresse ses propres lois, qui franchit toutes limites, et qui cependant nous fait regarder jusqu’à présent son crédit comme celui de la nation même ! C’est sous ce point de vue, Messieurs, que la caisse d’escompte doit maintenant exciter votre attention et que je vous la dénonce. Il ne s’agit ni de législation, ni de règlements, ni de combinaisons politiques, mais de déclarer une intention que vous avez tous, qui doit être incessamment connue, et qu’on ne pourrait vous empêcher de manifester qu’en vous trompant. Je propose de ramener dès à présent aux principes de la foi publique un établissement que son influence sur le crédit devait toujours maintenir dans l’ordre, une banque qui avait de si puissants motifs d’effacer, par une administration sage, patriotique, et surtout désintéressée, le sou-lre Sérié, T. IX. venir des désordres sans nombre dont elle a fourni les principaux moyens. Le scandale des arrêts de surséance que les administrateurs de la caisse d’escompte obtiennent à l’instant où ils les demandent, ne peut plus être toléré. Qu’il soit le fruit de l’ignorance de ceux qui conduisent cette banque de secours, ou de la corruption, il devait cesser à l’instant où l’Assemblée nationale s’est formée; car c’est nous calomnier devant le monde entier que prétendre à persévérer sous nos yeux dans une mesure qui ne peut appartenir qu’à la mauvaise foi. Ce scandale devait cesser, parce que la confiance des étrangers est nécessaire à notre commerce. Accoutumés aux banques, ils en connaissent les devoirs ; ils n'ont pu regarder fa surséance obtenue par la caisse d’escompte que comme une prévarication ; ils savent mieux que nous que rien ne peut justifier cette surséance : sa durée attesterait à leurs yeux que nous connaissons mal les règles inviolablesdu crédit, ou que nous craignons de les mettre en vigueur. En effet, Messieurs, c’est ici notre juridiction la plus directe et la moins contestable. Le gouvernement n’a pu autoriser la caisse d’escompte à violer ses engagements. Ce pouvoir ne lui appartient sous aucun rapport. Les gouvernements ne sont nécessaires qu’autant qu’ils maintiennent les propriétés légitimes ; c’est le but unique de leur institution. Les créanciers de la caisse d’escompte, les porteurs de ses billets pouvaient seuls lui permettre d’en surseoir le payement, s’ils trouvaient que cette surséance convînt à leurs intérêts. En dédaignant leurs plaintes, en n’allant pas au-devant de leurs inquiétudes, l’autorité s’est compromise ; et si la voix publique n’a pas déjà fait cesser cet abus de pouvoir, c’est un malheur de plus. Vous dirai-je, Messieurs, que la caisse d’escompte a violé ses engagements sans nécessité, sous de faux ou frivoles prétextes? ce serait élever des questions que l’intérêt personnel ou la mauvaise foi rendraient interminables. Un écrit récent a démontré que le payement des billets de la caisse d’escompte n’a été suspendu que par des considérations fausses ou mesquinement cal culées (I); mais ce ne sont là que des raisons secondaires ou locales, et notre opinion sur cet arrêt doit se former uniquement d’après les grands principes. (1) Opinions d’un créancier de l’État sur quelques matières de finance, importantes dans le moment actuel, par M. Glavière ; chez Buisson, rue Haute-feuille, hôtel de Coëtlosquet. Voyez surtout les pages 23 et 33; le post-scriptum des réflexions préliminaires, pages 55 et suivantes, et la page 34, où l’auteur traite d’une banque nationale. Cet ouvrage, dont nous avons rendu compte dans le n° 27 du Courrier de Provence , est d’un genre entièrement différent de tous ceux qui paraissent journellement sur la matière des finances. Il mérite une attention d’autant plus grande, qu’à la solidité, à la pureté des principes et aux connaissances les plus étendues et les plus approfondies sur tout ce qui tient au crédit public, l’auteur joint une théorie pratique toujours rapprochée des circonstances où so trouve la nation ; théorie qui fait ressortir de ces circonstances les moyens de parer provisionnellement aux besoins de l’Etat, jusqu'à ce que le temps et la réflexion aient fait éclore un système d’impositions qui réunisse le double avantage de pourvoir aux dépenses publiques et de ranimer l’industrie productive. On voit, dans cet ouvrage même, que son auteur a, sur ce dernier objet, des vues intéressantes à développer. 2