SÉANCE DU 6 PRAIRIAL AN II (25 MAI 1794) - Nos 45 ET 46 639 45 Un membre du Comité de salut public [BARERE] dénonce à la Convention la rédation du Bulletin et du Moniteur, comme rendant d’une manière infidèle le rapport fait la veille [par Barère], au nom du même Comité (1). BARERE, au nom du Comité de salut public : Je ne viens pas vous présenter aujourd’hui la liste nombreuse des prises que le commissaire de la marine vient d’apporter au Comité; un objet plus important pour l’opinion publique et pour la représentation nationale appelle la solli-citudé de ce même Comité. Je viens me plaindre en son nom de ce qu’en imprimant le dernier rapport que je vous fis, le Bulletin de la Convention nationale et le Moniteur (2) ont isolé un membre du Comité de salut public, comme s’ils avaient voulu le présenter sous les couleurs odieuses que lui prêtent le gouvernement anglais et ses émissaires. Vous vous rappelez que je vous lus alors une note d’un de nos agents secrets chez l’étranger. Eh bien, cette note est rapportée dans ces deux journaux de manière à faire croire qu’elle est une partie du discours du rapporteur. La voici, comme je l’ai lue : « Je répéterai encore que les Comités doivent « employer toute leur vigilance pour prévenir «les complots dirigés de Londres contre eux-« mêmes, et particulièrement contre Robespierre. «Pitt prodigue à cela tout son or; il voit avec « beaucoup de chagrin l’institution du gouver-« nement révolutionnaire, dont il ne peut ce-« pendant s’empêcher de faire l’apologie lui-« même. Voici comme s’exprime un de ses cor-« respondants à ce sujet : Nous craignons beau-« coup l’influence de Robespierre. Plus le gou-«vernement français républicain sera concentré, «dit le ministre, plus il aura de force, et plus « il sera difficile de le renverser. » Ainsi, comme je le disais, on a isolé un membre du Comité lui-même : on a eu l’air de centraliser le gouvernement sur la tête d’un seul membre, tandis qu’il repose sur tous les membres du Comité. Il pourrait suivre delà les erreurs les plus dangereuses; on pourrait en induire que la Convention n’existe plus, n’est plus rien; que les armées ne se battent plus que pour un seul homme, à qui nous devons plus de justice : cet homme est pur et c’est parce que le gouvernement sait bien qu’il veut l’établissement de la République qu’il le craint, et qu’il déchaîne contre lui tous les agents. Le Comité vous demande la réimpression du Bulletin avec les observations que je viens de faire (3) . La Convention décrète l’impression des réflexions présentées à la tribune à ce sujet, la (1) P.V., XXXVIII, 119. (2) Voir ci-dessus séance du 4 prair., n° 69. (3) Mon., XX, 559. réimpression du rapport de Barère dans un nouveau bulletin (1). BARERE : Domain le Comité vous fera un rapport sur une nouvelle tentative de l’étranger et des conspirateurs de l’intérieur, pour se défaire du même membre (2). La séance est levée à quatre heures (3). Signé : PRIEUR (de la Côte-d’Or), président ; PAGANEL, ISORE, BERNARD (de Saintes), FRANCASTEL, CARRIER, LESAGE-SENAULT, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 46 [Le ce Lambert, section de la Réunion, à la Conv.; s. d.] (4). « Représentans du peuple, Je suis une victime du caprice ou de l’erreur du commissaire, aux accaparemens de la section de la Réunion; après une descente dans une maison où tout l’appareil de la force fut employé, après la saisie de toutes mes marchandises et même d’une grande partie de mon mobilier, contre la propre teneur de la loi du 26 juillet, j’ai été détenu pendant près de quatre mois dans la maison d’arrêt de la Force; et ce n’est enfin que par un jugement authentique du tribunal criminel du département de Paris que j’ai été acquitté et rendu à la société. Mon établissement était à peine formé depuis un an; je suis père de famille et dans un instant j’ai vu mes faibles ressources anéanties, mon crédit perdu; des marchandises me restaient en cave, à la levée de mes scellés une partie s’est perdue par l’avarie. Le procès-verbal du commissaire de la section fait foi de mon arrestation à cet égard, elles me causent une perte irréparable et je me trouve dans l’impossibilité absolue de rouvrir ma boutique par le dénuement de toute ressource et principalement de celle là qui fondait toute mon espérance après que j’aurais satisfait à la justice en comparaissant au tribunal. Législateurs, on ne m’entendra point murmurer du malheur qui m’accable, sustout en (1) P.V., XXXVOT, 119. Pas de minute. Décret n° 9286. Reproduit dans Bin, 6 prair.; J. Fr., n° 609; J. Matin, n° 704; Débats, n° 613, p. 82; J. Univ., n° 1645; mention dans Mess, soir, n° 646; J. Mont., n° 30; Ann. R.F., n° 177; C. Univ., 8 prair.; J. Lois, n° 605; S.-Culottes, n° 465; J. Perlet, n° 611; Rép., n° 157; J. Sablier, n° 1341; M.U., XL, 104; J. Paris, n° 510; Feuille Rép., n° 327; C. Eg., n° 647; J. Paris, n° 511; J. Univ., n° 1644. (2) Mon., XX, 559. (3) P.V., xxxvm, 119. (4) F16 liasse 121. SÉANCE DU 6 PRAIRIAL AN II (25 MAI 1794) - Nos 45 ET 46 639 45 Un membre du Comité de salut public [BARERE] dénonce à la Convention la rédation du Bulletin et du Moniteur, comme rendant d’une manière infidèle le rapport fait la veille [par Barère], au nom du même Comité (1). BARERE, au nom du Comité de salut public : Je ne viens pas vous présenter aujourd’hui la liste nombreuse des prises que le commissaire de la marine vient d’apporter au Comité; un objet plus important pour l’opinion publique et pour la représentation nationale appelle la solli-citudé de ce même Comité. Je viens me plaindre en son nom de ce qu’en imprimant le dernier rapport que je vous fis, le Bulletin de la Convention nationale et le Moniteur (2) ont isolé un membre du Comité de salut public, comme s’ils avaient voulu le présenter sous les couleurs odieuses que lui prêtent le gouvernement anglais et ses émissaires. Vous vous rappelez que je vous lus alors une note d’un de nos agents secrets chez l’étranger. Eh bien, cette note est rapportée dans ces deux journaux de manière à faire croire qu’elle est une partie du discours du rapporteur. La voici, comme je l’ai lue : « Je répéterai encore que les Comités doivent « employer toute leur vigilance pour prévenir «les complots dirigés de Londres contre eux-« mêmes, et particulièrement contre Robespierre. «Pitt prodigue à cela tout son or; il voit avec « beaucoup de chagrin l’institution du gouver-« nement révolutionnaire, dont il ne peut ce-« pendant s’empêcher de faire l’apologie lui-« même. Voici comme s’exprime un de ses cor-« respondants à ce sujet : Nous craignons beau-« coup l’influence de Robespierre. Plus le gou-«vernement français républicain sera concentré, «dit le ministre, plus il aura de force, et plus « il sera difficile de le renverser. » Ainsi, comme je le disais, on a isolé un membre du Comité lui-même : on a eu l’air de centraliser le gouvernement sur la tête d’un seul membre, tandis qu’il repose sur tous les membres du Comité. Il pourrait suivre delà les erreurs les plus dangereuses; on pourrait en induire que la Convention n’existe plus, n’est plus rien; que les armées ne se battent plus que pour un seul homme, à qui nous devons plus de justice : cet homme est pur et c’est parce que le gouvernement sait bien qu’il veut l’établissement de la République qu’il le craint, et qu’il déchaîne contre lui tous les agents. Le Comité vous demande la réimpression du Bulletin avec les observations que je viens de faire (3) . La Convention décrète l’impression des réflexions présentées à la tribune à ce sujet, la (1) P.V., XXXVIII, 119. (2) Voir ci-dessus séance du 4 prair., n° 69. (3) Mon., XX, 559. réimpression du rapport de Barère dans un nouveau bulletin (1). BARERE : Domain le Comité vous fera un rapport sur une nouvelle tentative de l’étranger et des conspirateurs de l’intérieur, pour se défaire du même membre (2). La séance est levée à quatre heures (3). Signé : PRIEUR (de la Côte-d’Or), président ; PAGANEL, ISORE, BERNARD (de Saintes), FRANCASTEL, CARRIER, LESAGE-SENAULT, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 46 [Le ce Lambert, section de la Réunion, à la Conv.; s. d.] (4). « Représentans du peuple, Je suis une victime du caprice ou de l’erreur du commissaire, aux accaparemens de la section de la Réunion; après une descente dans une maison où tout l’appareil de la force fut employé, après la saisie de toutes mes marchandises et même d’une grande partie de mon mobilier, contre la propre teneur de la loi du 26 juillet, j’ai été détenu pendant près de quatre mois dans la maison d’arrêt de la Force; et ce n’est enfin que par un jugement authentique du tribunal criminel du département de Paris que j’ai été acquitté et rendu à la société. Mon établissement était à peine formé depuis un an; je suis père de famille et dans un instant j’ai vu mes faibles ressources anéanties, mon crédit perdu; des marchandises me restaient en cave, à la levée de mes scellés une partie s’est perdue par l’avarie. Le procès-verbal du commissaire de la section fait foi de mon arrestation à cet égard, elles me causent une perte irréparable et je me trouve dans l’impossibilité absolue de rouvrir ma boutique par le dénuement de toute ressource et principalement de celle là qui fondait toute mon espérance après que j’aurais satisfait à la justice en comparaissant au tribunal. Législateurs, on ne m’entendra point murmurer du malheur qui m’accable, sustout en (1) P.V., XXXVOT, 119. Pas de minute. Décret n° 9286. Reproduit dans Bin, 6 prair.; J. Fr., n° 609; J. Matin, n° 704; Débats, n° 613, p. 82; J. Univ., n° 1645; mention dans Mess, soir, n° 646; J. Mont., n° 30; Ann. R.F., n° 177; C. Univ., 8 prair.; J. Lois, n° 605; S.-Culottes, n° 465; J. Perlet, n° 611; Rép., n° 157; J. Sablier, n° 1341; M.U., XL, 104; J. Paris, n° 510; Feuille Rép., n° 327; C. Eg., n° 647; J. Paris, n° 511; J. Univ., n° 1644. (2) Mon., XX, 559. (3) P.V., xxxvm, 119. (4) F16 liasse 121.