lAssêmblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 novembre 1790.1 845 plus que ces 26 toises seront parfaitement inutiles au canal après sa construction; 2° elle peut et elle doit laisser à cet entrepreneur la propriété absolue des 26 toises 2 pieds que comprendront les francs-bords et les contre-fossés du canal, par la raison que ce terrain ne sera pas nécessaire à son exploitation, comme on l’a vu plus haut; il suffit qu’elle l’oblige à ne construire sur ces francs-bords aucun établissement préjudiciable à la navigation, et à recevoir sans indemnité la vase provenant des curements futurs de ce canal; 3° elle doit donner à l’entrepreneur la faculté de construire des moulins à côté de ce canal, pourvu qu’ils ne nuisent ni à l’agriculture, ni à la navigation, et lui en laisser la propriété absolue, en ordonnant qu’il sera établi aux écluses de ces moulins et à toutes les prises d’eau dans le canal des repères indicatifs de l’eau nécessaire à la navigation; qu’il ne sera fait aucune prise d’eau dans le canal qu’autant que ses eaux se trouveront au-dessus de ces repères, et que le propriétaire de ces moulins ne pourra prétendre aucune indemnité pour tous les chômages et incommodités qu’il éprouvera lors des travaux, quels qu'ils soient, faits à l’occasion de ce canal et de ses dépendances. Ces moulins seraient construits par étage, et dans les lieux où se trouveraient de grandes chutes d’eau, de sorte que l’eau nécessaire à un moulin ordinaire en ferait travailler trois, peut-être quatre, ce qui en multiplierait les avantages. Si l’Assemblée adopte ces mesures, la nation aura un canal sur les bords duquel il se formera une foule d’établissements dont la construction occupera un grand nombre d’ouvriers, augmentera la circulation de l’argent et la masse des objets imposables; elle gagnera en outre un revenu de 1 million. M. Poncln, rapporteur , présente une addition à l’article 4; elle est adoptée en ces termes : ADDITION A L’ARTICLE 4. « Les chemins de hallage dans fia campagne auront 20 pieds de largeur. « Le projet de ce canal signé par le sieur Brûlée le 12 septembre dernier, restera joint à sa soumission, rappelée ci-dessus. M. Poncin, rapporteur, donne lecture des articles du projet de décret qui n’ont pas été décrétés. Après quelques courtes observations, ces articles sont adoptés ainsi qu’il suit : Art. 12. « Il pourra construire des moulins sur le côté de ce canal à la chute des écluses, sans que les moulins et autres éîablissements, de quelque nature qu’ils soient, préjudicient en aucune manière à la navigation et à l’agriculture. « Il sera établi à chaque prise d’eau, dans ce canal, des repaires indicatifs de l’eau nécessaire à la navigation, et l’entrepreneur ne pourra disposer que de celles surabondantes. > Art. 13. « II aura seul, pendant le temps de sa jouissance, le droit d’établir sur ce canal des coches, diligences, galiotes et batelets pour le transport des voyageurs et des personnes qui voudront le traverser; il en établira le nombre qui sera jugé, par le Corps législatif, nécessaire au service public. » Art. 14. « Il jouira pendant cinquante ans (dans lesquels le terme fixé pour l’achèvement du canal n’est point compris), du droit de péage qui sera décrété ; et, après ce temps, ce canal et ses dépendances appartiendront à la nation; mais le sieur Brûlée conservera la propriété absolue : « 1° Des magasins qu’il aura construits dans Paris sous les quais du canal, à la charge par lui de tenir, dans tous les temps, ces magasins en bon état de réparations, de manière que la sûreté publique ne puisse en souffrir; « 2° Des vingt-six toises de terrain collatérales auxdits quais, et des bâtiments qu’il y aura établis, à la charge de souffrir tout ce qui sera nécessaire aux réparations et à l’entretien de ce canal et de ses dépendances; « 3° Des moulins et des autres établissements qui exigeront des prises d’eau, qu’il aura construits, en conformité du présent décret, sans que, dans aucun temps et sous aucun prétexte, il puisse prétendre à aucune indemnité envers la nation lorsqu’elle sera propriétaire du canal, soit pour raison de la privation des eaux, lorsqu’il faudra faire des réparations au canal et à ses dépendances, soit pour toute autre cause ; « 4* Des francs-bords et contre-fossés dudit canal et des établissements qu’il y aura construits, à la charge de souffrir, sans aucune indemnité, le dépôt des vases provenant des curements du canal, de ses fossés et de ses autres dépendances, et des matériaux nécessaires à leurs réparations, et sans qu’il puisse s’opposer à ce qu’il soit fait des quais pour l’utilité des communautés riveraines. » Art. 15. « L’entrepreneur ne pourra faire les établissements qui exigent une prise d’eau dans le canal, que dans les 24 premières années de sa jouissance, pendant laquelle il le tiendra toujours dans un parfait état de navigation. » Art. 16. « II-mettra dans trois mois, à compter du jour de la sanction du présent décret, ses travaux en activité, après avoir justifié au département de Paris, qu’il pouf disposer de dix millions; il les achèvera dans le terme de huit ans : s’il ne remplit pas l’une et l’autre de ces conditions, il sera déchu du bénéfice du présent décret, sans pouvoir rien répéter à la charge de la nation. » Art. 17. « L’Assemblée nationale se réserve de prononcer s’il y a lieu d’ouvrir une branche de communication de ce canal à la Seine, au droit de Saint-Denis : si elle est jugée nécessaire, elle sera faite aux dépens du sieur Brûlée, et fera partie du canal. » Art. 18. «• Il est autorisé à faire vérifier, à ses frais, par les commissaires de l’Académie des sciences, ci-dessus rappelés, le reste de son projet de navigation, en indemnisant préalablement ceux qui devraient éprouver quelques dommages de ses opérations : défenses sont faites à toutes per-• sonnes de le troubler, ainsi que ceux employés à ce travail, soit en les molestant, soit en déplaçant leurs jalons, soit autrement, à peine 846 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 novembre 1790.] d’être poursuivis et punis selon la rigueur des lois. » Art. 19. « Le roi sera prié de nommer deux commissaires, l’un de l’Académie des sciences et l’autre de celle d’architecture, pour arrêter avec ie sieur Brûlée, d’après les observations des départements : l°les opérations scientifiques; 2° l’emplacement le plus avantageux du canal ; 3° et les autres moyens d’exécution. » Tarif du péage accordé au sieur Brûlée. Art. 1er. « Les bateaux, quels qu’ils soient, chargés de grains, vins, chanvres, bois, fers, charbons de toutes espèces, foins, pailles, poteries, pierres, chaux, tuiles, ardoises et engrais, payeront six deniers du quintal, poids de marc, en "raison de chaque lieue de 2,000 toises, qu’ils feront sur ledit canal. Ils payeront, pour toutes autres marchandises, neuf deniers du quintal, poids de marc, en raison de chaque lieue. Art. 2. « Les trains de bois de toutes espèces et les bateaux vides qui passeront sur ce canal, payeront 12 sols par toise de longueur et par lieue. « Les bateaux qui n’auront que le tiers de leur charge ou moins payeront ces mêmes droits, en sus de ceux dus par les marchandises. « Les batelets et bachots d’environ vingt pieds de longueur payeront 15 sols par lieue. Art. 3. « Les voyageurs par les coches, diligences, batelets et galiottes établis sur ce canal payeront 3 sols par lieue, et 5 deniers par quintal par livre, pour leurs effets et marchandises, au-dessus de ce qui excédera le poids de dix livres. Art. 4. « Les bateaux chargés, les batelets ou bachots qui les suivent, et les trains de bois qui entreront dans ce canal pour se rendre à leur destination pourront y rester pendant dix jours, à compter de l'instant de leur entrée, sans rien payer pour droit de séjour ou gare* Après ce temps, les bateaux et trains de bois payeront 1 sol 3 deniers par journée de vingt-quatre heures et par toise de longueur, pendant leur séjour dans ce canal, et les batelets et bachots, 2 sols seulement par journée. « Les bateaux� vides, les batelets et bachots qui emprunteront le passage du canal pourront y rester quatre jours sans payer les frais de séjour ou de gare. Après ce terme, ils les acquitteront, comme il est dit ci-dessus. Art. 5. « Les bateaux, batelets, bachots et trains, de bois qui n’entreront dans le canal que pour s’y mettre en gare, en acquitteront les droits, à compter du moment de leur entrée. Art. 6. « Tous les objets transportés pour le service de la nation ne payeront que la moitié des droits de tarif ci-dessus rappelés. « Il sera fait un règlement pour la police du canal. » M. le Président. J’ai reçu do M. de La Tour-du-Pin une lettre dont je. donne lecture : 9 Novembre 1790. « Monsieur le Président, ♦ Je serai toujours jaloux de justifier ma conduite aux yeux de l’Assemblée nationale et du public, et la confiance dont le roi avait daigné m’honorer. « Je m’empresse de répondre à l’inculpation qui m’a été faite dans la séance du 8 au matin et de déclarer que les entreprises de transports d’artillerie ont été substituées à la régie, sous le ministère de mon prédécesseur et que' je n’ai fait qu’exécuter ses conventions. « J’ai l’honneur d’être, etc. « La Tour-du-Pin. » (Cette lettre est renvoyée au comité militaire.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie du soir. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 9 NOVEMBRE 1790. Lettre au roi et exposé de la conduite de MM. le comte de La Tour et de Grü?istein, colonel et major du régiment Royal-Liégeois, sur les événements qui ont eu lieu à Belfort , le 21 octobre 1790 (1). Sire, deux sujets fidèles et deux serviteurs zélés de Votre Majesté vous supplient de fixer un instant votre attention sur eux. Ils mettent, avec respect et confiance, sous vos yeux, le récit vrai et détaillé de la malheureuse affaire qui les force de demander un conseil de guerre à Votre Majesté. Des dépositions évidemment fausses, des faits controuvés avec astuce, leur donnent un air coupable qui les afflige et les désole ; vous verrez, Sire, si nous le sommes, et votre cœur nous jugera, si vous daignez lire la relation que nous osons vous offrir. Est-on coupable pooravoir exprimé avec énergie et transport, dans une ville de votre Empire, les vœux qui doivent être dans le cœur de tous les bons Français, des vœux de bonheur et de prospérité pour vous, Sire, pour la reine, pour monseigneur le dauphin? alors nous le sommes, nous ne nous en défendons pas. Nous n’avons pas troublé la tranquillité publique; mais nous avons, avec nos camarades, exposé nos vies pour la rétablir à Nancy ; et c’est peut-être un crime à bien des yeux. Nous jurons sur notre honneur, et avec toute la franchise de vieux soldats, que, depuis que nous existons, nous n’avons pas proféré une parole, fait une démarche, pas eu une seule pensée qui n’ait eu pour base et pour principe, le respect et l’amour de votre personne sacrée. (1) La lettre et l’expose ont été adressés à l’Assemblée nationale, qui a jugé à propos de n’en pas prendre connaissance, et a délibéré de passer à l’ordre du jour, sans vouloir entendre la lecture de la justification de ces deux officiers.