50 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.) Art. 2. « L’article premier du titre II sera ainsi conçu : « Seront infligées aux matelots et officiers, comme peines de discipline, celles ci-après dénommées : le retranchement de vin, qui ne pourra avoir lieu pendant plus de trois jours ; les fers sous le gaillard, au plus pendant trois jours; la prison, au plus pendant le même temps. « La rédaction ci-dessus énoncée de deux articles du code pénal sera incessamment présentée à la sanction du roi, qui sera prié de la faire proclamer et insérer dans le code pénal, à la place de l’article du titre premier, et de l’article premier du titre second. » (Ce décret est adopté sans discussion.) M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur la contribution personnelle. M. Defermon. L’article 14 modifié dans sa rédaction, qui devint le 15° du décret, est ainsi conçu : « Art. 15. Tout contribuable qui occupe son appartement seul, et qui a passé l’âge de 36 ans, sera imposé au rôle de contribution personnelle, dans une classe supérieure à celle où son loyer le placerait. » M. d’Amhly. Un père de famille vient de marier ses enfants; il a des petits-enfants, et vous voulez encore le faire payer? M. Bouche. Je demande que la première rédaction du comité soit adoptée. Pouquoi? parce que les célibataires sont des plantes parasites; qu’en général ils sont corrompus ou corrupteurs. Le célibataire est un poids inutile à la terre qui le nourrit. Ce n’est pas le pauvre qui vit dans le célibat et dédaigne de propager l’espèce humaine, c’est le riche. Une saine politique doit encourager les mariages; en conséquence, je demande que le logement du célibataire soit imposé à une somme supérieure de 4 deniers. M. Befermon. On demande si par le célibataire on entend également les mâles et les femelles. M. Moreau. Il serait immoral d’excepter les personnes du sexe; cela ne serait profitable qu’aux filles entretenues, M. I�e Chapelier. L’article doit porter également sur les célibataires de l’un et de l’autre sexe. Je demande s’il n’y a pas les mêmes motifs pour l’un et pour l’autre. Je n’entends cependant point par là qu’il faille contraindre au mariage : tout le monde doit être libre ; mais le gouvernement doit être assez heureux pour y engager. Je crois cependant que le comité s’est trompé en fixant l’âge de trente-six ans. Le célibataire, garçon ou tille, qui est maître de ses droits, doit payer une imposition plus forte que le père de famille. M. de Foucault. Je combats les principes des préopinants par une seule question : Est-il un seul de vous qui connaisse une fille qui ait refusé le mariage ? (La discussion est fermée.) M. de Croix. Je demande, par amendement, qu’il soit ajouté que les hommes ou femmes veufs et sans enfants seront compris dans la même classe. L’amendement mis aux voix est rejeté. L’article est ensuite adopté en ces termes : Art. 15. (i Les célibataires seront imposés dans une classe supérieure à celle où leur loyer les placerait. » M, le Président Lève la séance à trois heures. M il.'U PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE Dü 27 OCTOBRE 1790. Opinion et projets de décrets sur la mendicité par M. Savary de Aancosiue, député d'Indre-et-Loire , Messieurs, l’Assemblée nationale avait à peine vaincu les obstacles qui se présentaient sans cesse à ses vues bienfaisantes, qu'elle s’est occupée sans relâche du bonheur et de l’intérêt public. Elle s’est empressée de tourner ses regards vers les maux qui accompagnent toujours ia mL sère dont une partie des citoyens est affligée, elle n’a pu voir, sans la plus profonde douleur, les subsistances manquer presque généralement dans tout le royaume ; le prix des grains parvenir à un degré où il était difficile que plusieurs classes du peuple pussent atteindre longtemps sans tomber dans la plus affreuse indigenee, elle n’a pas pu voir aussi, sans être vivement affectée , les mendiants se multiplier à un point devenu alarmant pour la tranquillité publique. C'est pourquoi, aussitôt que les circonstances l’ont permis, elle a nommé un comité de subsistances pour subvenir aux besoins du moment cruel dans lequel la disette affreuse des grains avait plongé la capitale et plusieurs contrées du royaume. Sa sagesse a fait cesser cette calamité en y apportant les remèdes les plus prompts et les plus efficaces; alors, étendant ses vues, elle a jeté les yeux sur la mendicité entière; et gémissant sur l’état où nos concitoyens sont réduits, elle a été alarmée de leur quantité présente, et de l’augmentation que l’avenir pourrait amener. Ces motifs l’ont engagé à former un comité chargé de faire les recherches et prendre les, renseignements nécessaires, afin de présenter des projets de décrets tendant à assurer les secours publics aux citoyens qui ont droit d’y prétendre, et de leur procurer en même temps des moyens de travail sans lesquels iis tombent dans une pauvreté forcée, qu’il est encore de sa sagesse de les mettre à même d’éviter. Sa prévoyance s’est encore étendue plus loin, en considérant que, dans L’état de mendicité, il pouvait y avoir de faux pauvres qui, accoutumés à ce genre de vie par l’attrait qu’en olfre l’oisiveté, ne voudraient plus le quitter, et deviendraient par là onéreux et nuisibles à la société ; elle a chargé également son comité de présenter les moyens de les réprimer, afin d’assurer totalement la tranquillité publique. (Assemblée üationaie.| ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. Le comité de mendicité, pour remplir les vues de l’Assemblée, et se montrer digne de sa confiance, a déjà fait des rapports qui prouvent son zèle et ses lumières acquises sur cet objet. Il est sûrement encore prêt à lui en faire d’autres, qu’il lui aurait déjà également fournis, s’il avait pensé qu’elle pût se distraire des affaires importantes qui l’occupent, et n’attend, sans doute, que le moment où il pourra les présenter. Permettez-moi, Messieurs, de vous observer qu’il serait bien instant et très intéressant, que vous puissiez donner quelques séances à la décision des . projets de décrets qui vous seront présentés à cet égard. N'ayant pas l’honneur d’étre de votre comité, mais animé d'u même zèle, j’ai cru qu’il était de mon devoir, comme membre de l'Assemblée, et comme citoyen désirant ardemment le soulagement de ses frères et le bien de sa patrie, de vous soumettre le projet de décret général que j’ai conçu pour cette partie. Convaincu de votre amour pour toutes les classes du peuple, et principalement pour celle qui, par sa malheureuse existence, a le plus besoin de votre bienveillance, je suis persuadé que vous le recevrez avec indulgence et bonté! Cette espérance m’a engagé à vous le présenter sans phrases, pour lui servir d’appui. Je ne chercherai donc à faire aucun effort en sa faveur; d’ailleurs, si le plan est bon, il n’en a pas besoin; s’il est mauvais, ceux que Remploierais seraient également superflus. T Je me contenterai donc seulement d’exposer une partie des motifs qui m’ont engagé à diverses dispositions portées en ce projet; mais auparavant, je vais m’attacher à répondre à une objection que je prévois que l’on pourra me faire. « L’ensemble de Ce plan, me dira-t-on, pré-« sente une dépense annuelle considérable que « les établissements qu’il contient nécessiteront, t et cette objection sera appuyée, sans doute, « sur l’embarras oùsontactueilelnenl les finances « de l’État. » Cette raison, quelque solide qu’elle puisse paraître, n’est que spécieuse et incapable d’arrêter l’Assemblée qui doit être convaincue par les différents rapports que le comité des finances lui a fait, que fa situation des finances de l’État n’est pas aussi désespérante que l’oa a cherché à le persuader. D’ailleurs, cet embarras n’est que momentané; les sages réformes que vous faites tous les jours, la grande et utile économie que vous y apporterez, le fera bientôt disparaître, ce qui mettra par la suite dans la possibilité d’augmenter le nombre de ces établissements. Ma seconde réponse est émanée d'un sentiment de justice. Vous avez fait, Messieurs, rentrer la nation dans la disposition des biens ecclésiastiques et domaniaux, vous savez que le principal emploi des premiers a toujours été le soulagement et l’entretien des pauvres; c’est même dans cette vue principale que nos pères ont fait diverses fondations qui ont existé jusqu’à ce jour. Les frais de dépôts et de prisons ont toujours été également uue des charges réelles des seconds. Certainement vous ne disposerez pas de ces biens, du moins je ne puis le penser, sans en affecter d'abord tout ce qui sera nécessaire pour remplir avec l’exactitude la plus scrupuleuse, les premières et si essentielles obligations. Votre comité ecclésiastique a tellement senti que c’était un devoir sacré, qu’il s’est empressé dans l’emploi des revenus de ces biens qu’il vous à présenté par ses différents rapports, de destiner aux établissements de charité et au sou-(âf octobre ltDO.] 81 lagement des pauvres, une somme de 18 à20 millions; somme bien au-dessous de celle que les pauvres ont droit de prétendre dans la totalité des biens ecclésiastiques, puisque dans la distribution reconnue depuis longtemps, le premier tiers leur était toujours destiné; le second était pour l’entretien du culte et des autels, et le troisième pour le salaire des ministres. Or, on ne peut disconvenir que la somme que le comité propose, lorsqu’il n’y aurait même que le quart seul auquel les pauvres pourraient avoir le droit de prétendre, est infiniment au-dessous de ce que la justice et l’humanité nous prescrivent de leur accorder. Puisqu’en supposant, avec votre comité, que les biens ecclésiastiques ne valussent que 170 millions de revenus, y compris la dîme, le quart serait seul de 42,500,000 livres, et encore je ne sais si par cette estimation votre comité a entendu comprendre, dans les revenus ecclésiastiques, les biens affectés aux hôpitaux de fondations publiques et particulières, ainsi que ceux des différents établissements de charité que les divers ci-devant seigneurs et plusieurs riches particuliers ont fait de tout temps pour le soulagement des peuples. S’ils n’y sont pas compris, ce qui est à présumer, parce qu’ils n’ont jamais fait partie des véritables biens dits ecclésiastiques, alors les revenus de ces hôpitaux et autres anciens établissements de charité, augmenteraient bien considérablement les 42,500,000 livres appartenant véritablement aux pauvres. Je suis bien loin de demander cette somme pour remplir les dépenses que peut présenter le plan que je soumets à votre sagesse, en y comprenant même les secours à accorder aux municipalités qui ne seront pas en état de nourrir et entretenir leuts pauvres. Vous serez à même d’en juger par le tableau ci-joint de ces dépenses, d’après lequel vous apercevrez qu’elles ne doivent s’élever qu’à environ 24,000,000 de livres; ce qui fait cependant une augmentation de cinq à six millions de plus que votre comité vous propose d’accorder aux pauvres d u royaume ; d’un autre côté, cette somme de 24,000,000 de livres est de vingt millions au moins au-dessous de celle qui appartient aux pauvres dans les biens ecclésiastiques; et quand ils n’y auraient aucun droit, la nation doit-elle se refuser à faire la dépense de pareils établissements que nécessiterait un nouvel ordre de choses fait pour le soulagement général, et contribuer par là entièrement au bonheur et à la tranquillité publique auxquels cette partie est si étroitement liée? Que la nation, par ses représentants, regarde de près à toute la dépense dont l’utilité n’est pas démontrée d’une grande nécessité; qu’elle supprime même certains établissements qui n’offrent que de médiocres avantages, rien dans la position momentanée de la gêne de nos finances n’est plus à propos et plus louable. Mais je ne puis croire que la nation, dont la partie pauvre est une des plus nombreuses, se refuse à des dépenses qui, assurant des secours à cette classe malheureuse, ne peuvent que faire honneur à l’humanité d’un peuple libre qui désire sincèrement que tous les individus qui le composent soient neuréux, en éloignant d’eux le sort désespérant qu’éprouvent des êtres abandonnés et privés de toutes les ressources qu’ils sont en droit d’attendre de leurs concitoyens. Je n’en dirai pas davantage, Messieurs, à cet égard. Les efforts que je ferais pour déterminer l’Assemblée qui, dans tous les temps , a donné [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.] 52 des preuves de sa tendre sollicitude à ce sujet, ne pourraient qu’être offensants pour les sentiments d’humanité dont elle est pénétrée; ce qui ne me permet pas de douter un instant qu’elle ne sera jamais arrêtée par les vues d’une économie trop stricte qui deviendrait alors blâmable, si elle l’engageait à rejeter, par cette seule raison, les plans qui pourraient lui paraître bons, et mériter l’exécution. Il eût''peut-êlre été convenable, dans le plan que je propose, d’y faire entrer ce qui concerne les ateliers de charité, dont la nécessité est et sera toujours sentie; mais j’ai pensé que cet objet devait être confié aux comités de commerce et d’agriculture réunis à ctlui de mendicité qui, par les lumières qu’ils doivent avoir sur cette partie, seront plus à même de déterminer ce qui sera susceptible et avantageux d’être attribué à cette classe d'établissements dont le but ne doit pas être fixé à remuer sur les chemins ou dans les marais de la terre ou de la pierre, ce que tous les pauvres valides ne sont pas en état de faire, soit par la délicatesse de leur tempérament, soit par la différence du sexe, soit enfin par l’âge trop ou trop peu avancé. Il est donc nécessaire de chercher d’autres moyens de les occuper d’une manière utile, profitable et en même temps plus analogue à leurs forces et à leurs talents, de manière que les travaux de tous puissent non seulement, produire de quoi les payer, mais même, s’il est possible, en tirer un produit assez consi-dérablepourles augmenter en plus grand nombre, ou faire d’autres établissements qui pourraient être jugés convenables. Or, l’agriculture, par ses productions, et le commerce par ses manufactures en tous genres, doivent offrir tous les moyens d’emploi utiles, dont les comités qui sont chargés de cette partie, offriront sûrement avec empressement à l’Assemblée, um résultat satisfaisant de leurs connaissances acquises sur ces objets; ce qui la mettra à même de statuer sur les choix à faire, ainsi que sur les modes d’établissement d’ateliers de charité, qui au surplus sont entièrement un objet d’administration de département. Ayant donc abandonné cette partie, le projet de décret se trouve restreint à quatre objets qui m’ont paru être les seuls utiles à traiter. Le premier traite de la détermination des qualités qui constituent la vraie pauvreté , et de l’admission aux secours publics ; Le second, des secours, de leur perception et distribution ; Le troisième, regarde les maisons de secours et les hôpitaux; Le quatrième, les maisons de correction et les dépôts. Je vais faire sur ces quatre objets quelques observations , dans lesquelles je mettrai au jour une partie des raisons qui m’ont engagé à proposer différents articles. Avant d’établir les différents modes de secours en tous genres qui doivent être accordés aux pauvres, il m’a paru qu’il était nécessaire de déterminer d’abord les qualités qui caractérisent la vraie pauvreté, afin de désigner ceux qui peuvent et doivent seulement être admis à la charité. C’est le moyen d’éloigner les faux pauvres qui voudraient se mettre, par leur peu de goût pour le travail, au rang des véritables. Ainsi, après avoir fait l’énumération des différentes afflictions qui sont le malheur de l’humanité, et qui seules doivent être considérées, il m’a paru nécessaire d’établir des règles de réception à la charité publique qui serviront dans tous les cas à les éclairer, afin qu’elle ne devienne pas en pure perte à la charge de tous les citoyens. A cet égard, l’affiche et publication du nom de tous les pauvres qui demanderont à y être admis, est une précaution qui doit être jugée sage; elle mettra à même déformer les oppositions convenables pour empêcher un individu qui pourrait avoir des facultés qui ne seraient connues que de peu de personnes de se présenter, par la crainte de les faire découvrir. On a fait sur cette disposition plusieurs observations relativement aux pauvres honteux qui de tous temps ont été assistés d’une manière aménager leur délicatesse et leur amour-propre. Comment, a-t-on dit, les connaîtrez-vous et viendrez-vous à leur secours s’ils croient devoir ne pas souffrir l’affiche de leur nom ? Car, a-t-on ajouté, il est essentiel cependant d’en accorder à de certains citoyens, que des malheurs imprévus ont jeté dans l’infortune souvent la plus affreuse, d’autant plus cruelle qu’ils n’y sont quelquefois plongés, qu’après avoir passé leur vie dans une honnête aisance; que d’ailleurs leur éducation et divers sentiments d’honneur augmentant leur amour-propre et leur timidité, ne les décideront jamais à montrer leur position aussi publiquement. On répond à ces observations en partageant leur embarras et leurs peines que la charité publique devant être éclairée, elle ne peut admettre que des personnes généralement reconnues pauvres ; que ce serait ouvrir la porte à différents abus dont les deniers publics doivent être à l’abri pour n’être pas dilapidés , ce qui pourrait très bien arriver par l’infidélité de quelques administrateurs, sur le choix desquels le public aurait pu se tromper, qui alors couvriraient leurs déprédations par des secours prétendus donnés à des pauvres honteux. Que ce serait encore empêcher le public de juger de la fidélité des comptes de cette partie, s’il y avait quelque chose dont la connaissance par sa nature dût lui être soustraite. Ces raisons ont paru faites pour déterminer à ne rien mettre en leur faveur , et leur laisser le soin de trouver des ressources par les demandes occultes qu’ils feront aux âmes charitables qu’ils sauront être dans le cas de les assister et de pourvoir à leurs besoins. S’ils ne réussissent pas, il faut qu’ils tâchent de vaincre toute délicatesse qui serait alors déplacée. D’ailleurs, si c’est par inconduite qu’ils se trouvent réduits à cet état, il est essentiel qu’ils soient connus pour servir d’exemple, et avertir par là ceux qui seraient dans la même voie, du sort qui les attend. Tout ce qu’il serait possible de faire pour eux, c’est que les officiers municipaux, connaissant qu’ils ont des pauvres honteux, pourraient demander à l’assemblée de la commune, si elle veut donner une somme quelconque pour les assister en lui annonçant le nombre qu’il peut en exister dans la municipalité; de laquelle somme on la préviendrait, si elle y consentait, qu’il n’en serait rendu aucun compte. Les officiers municipaux la feraient alors distribuer suivant la connaissance qu’ils auraient de ces pauvres. C’est tout ce qu’il a paru possible de faire en leur faveur, et c’est encore trop. J’insiste donc autant qu’il est en moi sur la forme des publications qui me paraît dans tous les cas indispensable. Je passe aux observations du titre 2. Le premier article de ce titre contient un principe d’obligation à remplir par les municipalités que l’Assemblée m’a paru dans l’intention d’établir. Il consiste à décréter que chaque mu- 53 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.] nicipalité sera tenue de nourrir et entretenir ses pauvres, de nourrir et d’élever les enfants trouvés de leurs arrondissements. Une multitude de raisons en prouve la sagesse; la principale est, dès que cette règle sera établie, il n’est pas un pauvre, à moins qu’il ne soit un vagabond qui puisse demander l’aumône hors de sa municipalité ; car il doit être bien sûr qu’on la lui refusera partout où il se présentera, en lui disant : Votre paroisse vous nourritou doit vous nourrir; si elle ne le fait pas, c’est que vraisemblablement vous y avez des facultés connues ou que vous y avez commis quelques fautes qui vous obligent de vous expatrier : donc si vous mendiez, vous êtes un vagabond qui doit être arrêté et puni. Vraisemblablement il le sera aussitôt ; d’après cela, qui voudra s’y exposer? ce qui contribuera beaucoup à la diminution réelle des pauvres. D’ailleurs, les habitants se connaissent ordinairement entre eux, et ils sauront parfaitement distinguer les vrais pauvres de ceux qui voudraient usurper cette qualité. Ces raisons doivent paraître suffisantes ; d’ailleurs, elles ont paru être le vœu général de l’Assemblée, lorsqu’il a été question de l’entretien des pauvres, pour lesquels on a même objecté qu’il y aurait des municipalités qui ne seraient pas en état de les secourir en totalité. Ce cas sera sûrement rare ; mais comme il est possible qu’il se présente, c’est alors au département à le constater, afin d’en être assuré d’une manière positive, et de prendre les mesures convenables pour y pourvoir. Le choix des moyens pour parvenir à obtenir les secours nécessaires pour l’entretien des pauvres dans chaque municipalité, a été peu facile à faire; car, d’un côté, il faut se prémunir contre la mauvaise volonté ; de l’autre, chercher à ne pas grever les peuples d’une charge nouvelle qui pourrait excéder leurs facultés. Ces deux difficultés seront toujours peu aisées à vaincre; cependant il faut prendre un parti; celui de la persuasion et de la douceur est toujours le meilleur; c’est pourquoi avant d’en venir à un rôle de charité forcée , qui paraît souvent le plus simple, il sera, malgré cela, sûrement jugé plus convenable et plus avantageux de préférer d’abord les mesures qui peuvent tendre à rappeler l’obligation que l’on ne peut se dispenser de remplir envers les pauvres. C’est ce qui a fait l’objet de l’invitation réitérée dont il est question dans le titre 2. Il est présumable qu’elle aura le meilleur effet vis-à-vis la majeure partie des citoyens, qui donneront beaucoup, et avec plaisir sans y être forcés, ce qu’ils feraient peut-être avec plus de difficulté s’ils y étaient d’abord contraints. Mais en employant ces moyens de douceur, on ne peut se dissimuler, malgré cela, qu’il peut exister des hommes dont l’avarice ou l’insensibilité sur le malheur des autres sont à un si haut degré, qu’ils se refuseraient à remplir les obligations les plus sacrées. Ces hommes ne méritent aucun égard , surtout si leur amour-propre qui doit se trouver blessé en voyant leurs noms affichés, comme ayant oublié de donner volontairement, ne les engageait pas à donner des marques d’une plus grande sensibilité. Alors, si toutes les mesures d’invitations réitérées de contribuer à la charité publique, faites à ceux qui seraient lents à remplir ces devoirs, ne faisaient aucun effet, il faut ajouter à la honte qu’ils éprouveront, le blâme général qu’attirera sur eux la publication de leurs noms, comme ayant entièrement refusé de venir au secours de leurs semblables. Ce moyen, quelque dur qu’il puisse paraître , opérera sûrement l’effet salutaire de rappeler par la suite, à tous les citoyens, les devoirs qu’ils ont à remplir vis-à-vis leurs compatriotes et leurs frères, de manière que, l’année d’après, les noms publiés et affichés diminueront insensiblement ; tout le monde, dans cette crainte, courra alors avec empressement au devant des charités que les municipalités inviteront de faire. Malgré tout l’espoir de la réussite, que l’on doit par là obtenir, il peut cependant se faire qu’il y ait encore des individus que rien ne pourrait émouvoir; ce qui rendrait souvent insuffisant la somme des charités volontaires qui auraient été trouvées nécessaires sur cet objet par les délibérations de la commune. Il est donc à propos, dans ce cas-là, d’autoriser les habitants à faire un rôle forcé de charité, dans lequel , par justice, on aurait égard à ceux qui auraient fait des dons volontaires, en faisant entrer en diminution de leurs taxes, et même en ne leur en donnant aucunes si ces dons absorbaient en totalité ce à quoi ils auraient dû être imposés, et faire rejaillir le surplus sur ceux qui n’auraient rien voulu donner. Cet article essentiel a cependant trouvé beaucoup d’improbations par le seul but de ménager l’amour-propre et d’éviter la home d’une telle publication. Mais ce ménagement serait tout à fait nuisible, parce qu’il est intéressant d’éteindre ou réprimer l’insensibilité de quelques hommes à qui les maux d’autrui paraissent des songes, et de leur rappeler l’obligation de remplir des devoirs dont rien ne peut les dispenser. J’insiste donc, autant qu’il peut être en moi, si l’on accepte ce projet de décret, à ce que cet article soit adopté. Ainsi, ce ne sera qu’après avoir épuisé toutes les voies de douceur, que les communautés seront autorisées à faire un rôle forcé de charité, auquel on ne travaillera qu’autant que les habitants y auront consenti. Les aumônes ainsi établies et perçues, il doit paraître nécessaire de leur donner une administration sage. Les bureaux de charité dont la création et le devoir est renfermé dans les articles 12, 13, 14, 15 et 16, sont le meilleur moyen de remplir cet objet ; ils indiquent, entre autres dispositions sur la forme des distributions, une très essentielle qui consiste à accorder toujours les secours en denrées ou effets, et non en argent. Les raisons de cette disposition en seront vraisemblablement assez senties. L’administration des aumônes a toujours fait partie des devoirs des pasteurs ; c’est pourquoi ils doivent (à moins d’une délibération contraire des communes) être membres nés de ces bureaux. Un curé qui est exact à ses devoirs, est bien plus permanent que des officiers municipaux ou tous autres administrateurs qui, avec les affaires publiques, ont leurs affaires particulières. Il doit connaître davantage les facultés et les besoins de ses paroissiens, il doit être par conséquent bien plus à même de régler la distribution des secours, et de veiller à l’emploi que les pauvres en feront. Cette occupation est entièrement analogue à son état, et l’on doit être persuadé qu’elle ne peut être mieux placée qu’entre ses mains. Ce titre renferme aussi un établissement bien désirable de chirurgiens dans les campagnes. Les personnes qui habitent sans cesse la province, dont la demeure est éloignée des villes, 54 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 octobre 479Ô.1 et par conséquent de toutes ressources, ont dû être témoins, ainsi que je l’ai été, de la pdsitld'n vraiment triste des malheureux habitants des campagnes -, ori les voit languit lorig.tethps. dans des maladies par une tardive et insuffisante guérison qu’amène â pas letits (a nàtute ëeUle dans des individus presque toujours épuisés. J’ai vu la mort moissonner dans toutes lei,. saisons de la vie et surtout dans; le .printemps de l’âge, nos habitants, faute du moindre secours de l’art, ou être assassines par l’ignorance des mauvais chirurgiens qui s’établissent dans t’in-iérieur des provinces, lesquels savent à peine saigner, et sont ignorants au delà dé (otite expression sur ce qui concerne la médecine, qu’il3 osent cependant exercer avec, une impudente audace qu’augmente tous les jours ie nombre de leurs victimes. Ce qui a toujours fait ardemment désirer que les réceptions de chirurgiens soient faites avec bien plus de soin, pue l’examen soit exempt de toute faveur, et bien plus scrupuleusement fait; enfin que leurs études soient bien plus suivies, plus approfondies qu’actuëilernent, car elles sont des plus mauvaises ; et je .né Crois pas inutile de m’éloigner un .peu de mon sujet pour tracer en peu de mots la manière dont ceux qui se destinent à cet état le font ; ce qui prdu-vera la nécessité d’améliorer à cet égard le régime des écoles de chirurgie. Les parents des élèves les placent d’abord chez les chirurgiens des villes qui les avoisirient où qu’ils, habitent, lesquels sont souvent àüssi peu instruits que ceux qui restent dans les campagnës. Ces jeunes gens, après y être resté.quelque temps à servir plutôt de domestiques que d’écoliers, sont ensuite envoyés, soit à Paris, soit en d’autres .villes ou les écoles de chirurgie ont le plus de réputation. Ils y arrivent presque toujours dénués de toutes ressources ; obligés d’en chercher, ils s’établissent, en arrivant, dans la boutique d’un perruquier où ils s’occupent à, raser, à se divertir, à perdre le peu de mœurs et dé principes qu’ils peuvent avoir reçus de leurs familles dans leur premier âge, et à les tromper sur l’emploi de leur temps. Leurs études est ce qu’ils négligent le plus; ils vont seulement par forme se montrer trois fois par semaine aux écoles, (.afin d’en obtenir une attestation d’exactitude. D’ailleurs que peuvent-ils apprendte, réunis entre eux dans ces enceintes? Ce que l’on y traite est ordinairement ce qùi est le plus étranger a leur attention, leur esprit est toujours occupé des objets de dissipation et de plaisir qui doivent remplir ie reste de leur journée. Ils s’y entretiennent des mesures qu’ils ont à prendre pour satisfaire aux dépenses dans lesquelles cela les entraîne, mesures et moyens quelquefois fort peu analogues à la probité., cë qui fait alors qu’au lieu d’uiie étude utile à la société, ils en font une qui lui est tout à fait contraire. Après y avoir aitisi passé quelques années, leur mauvaise conduite force leurs parents à les rappeler,, ou bien ils Sont obligés d’abandonner d’eux-mêmes leurs prétendues études, faute de pouvoir s’y soutenir. Ils s’en retournent enlin dans leurs provinces avec des provisions de chirurgien souvent achetées pu presque toujours données sans assez d’examen. C’est un reproche qu’il est liouloureiix de faire aux professeurs de chirurgie; mais il se trouve justifié par la multitude d’élèves, à quelques exceptions près, que l’on voit sortir de leurs mains, presque ou point du tout instruits ; cés jeuneë gens, avec les provisions ou attestations d’étuués qu’ils reçoivent, et quelquefois sans l’une ni l’autre, s’en vont s’établir eri province où àbüs iht d’une réputation anticipée et mal acquise que leur donné un séjoür fait à Paris ou dans les grande! villes, d'où la crédulité vulgaire les juge devoir sortir avec des connaissances uijleé, ils se ré-pandè'nt de ïà dans tes campagnes où ils exercent cë , qu’ils pnt toujours ignoré, et s'embarrassant peti dd succès des rëmèdès qti’ils âdini-nistfent toujours contre le retour de la santé, iis ne songent qu’à se faire payer de, leurs visites et â vendre des drogues dont ils f ne connaissent pas plus la composition que les Vertus; drogues qui sont la plupart du temps aussi mauvaises que la science de ceux qùi les eiii-ploient; car c'est ici le moirient d’ajouter àcettp observation stir l’ignorance des chirurgiens, cell.e d’une autre calamité qui désole également les campagnes à laquelle il est aussi très essentiel de remédier. Il s’est établi des marchands coureurs qui, dëu;x ou trois fois l’année, parcourant les province!, fournissent, à tous lés màuvâis, chirurgiens des villes et de la campagne, pes drbgu.eëqtii hq Sônt souvent que des fonds dé bodtiqùés d'apothicaires des grandes, villes,,, qui renouvellent ainsi leurs provisions pu ven.dfan,t à ces marchands détailleurs celles qu’ils craignent que la pôii.ce hè les oblige de jeter, du ce sont de drogués achetées dans les rebuts dé celles qui. sé ■Vendent datis les ports où elles arrivent.; pu gëi| jsentir parfaitement qu’étant presque tdüjourâ de la plus mauvaise qualité, elles sont plutôt dés poisons que des remèdes salutaires. ... , ... Toutes les personnes qui,, habitent )és Pampa-gne& attesteront bien, sûrement la vérité de cë fait; il est, donqâ désirer que l’adfpin,j§|fâtion générale puisse.prévoir et Corriger dp paréil§ abus. , , Les formes polir la, rë.céptid.n des chirurgiens étant beaucoup plus rigoureuses, obligeront à des études beaucoup piqs suivies et plus étendues, qui, leur donnant plus de connaissance, contribueront beaucoup à corriger aisément une partie de cette calamité. Je reviens, à, l’établissement des chirurgiens; leur rareté réelle et celle des médecins dans les provinces, et surtout dans lés campagnes, fait que ceux qui y sont parsemés, quoique mgUvàtë, se font encore payer fort, cher et se mettent par là trop peu à la portée dés paysans peu â l’âîse, qui, alors ne les appellent pas dans, leurs fqipda-dies, ou ne les appellent, que lorsqu’il n’y a plus de ressources. Les pauvres meurent toujours sans aucun secours, mêro£ daP.s, lés cheis-iipüx des paroisses, où les chirurgiens sdnt établis, parce que ces messieurs, dont Pâme rie .s'attendrit qu’à la vue de l’argent, sont incapables de yisi-tes et de soins charitables. J’en ai ,vu et j’en ai dans le département que j’habije, ,dës exemples très fréquents ; ç’est ce qui m’à fait sentir la nécessité d’v remédjer: pu y parviendra facileü�jjt par l’établissement proposé çjé chirurgien!� qui, se trouvant plus multipliés, seront plus à mèpio d’être utiles à toutes lès classes