[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { fg Novembre ni! 711 Ces deux sentiments se manifestent avec le plus grand enthousiasme; les eris de : Vive la République! redoublent; les bonnets et les cha¬ peaux volent en l’air; le peuple se livre aux cris de la joie la plus pure. La déesse de la Raison est placée au-devant de la barre, en face du Président. Le procureur de la commune de Paris s’exprime en ces termes : « Vous l’avez vu, citoyens législateurs, le fana¬ tisme a lâché prise; il a abandonné la place qu’il occupait, à la raison, à la justice et à la vérité ; ses yeux louches n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière, il s’est enfui. Nous nous sommes empa¬ rés des temples qu’il nous abandonnait; nous les avons régénérés. « Aujourd’hui, tout le peuple de Paris s’est transporté sous les voûtes gothiques frappées si longtemps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenti du cri de la liberté. Là, nous avons sacrifié à la liberté, à l’égalité, à la nature : là nous avons crié : Vive la Montagne ! et la Montagne nous a entendus; car elle venait nous joindre dans le temple de la Raison. Nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées : non; c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons choisi pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs. Un seul vœu, un seul cri s’est fait entendre de toutes parts. Le peuple a dit ; « Plus de prêtres, plus d’autres dieux que ceux que la nature nous offre. « Nous, ses magistrats, nous avons recueilli ce vœu, nous vous l’apportons du temple de la Raison; nous venons dans celui de la Loi, pour fêter encore la liberté. Nous vous demandons que la ci-dèvant métropole de Paris soit consacrée à la Raison et à la Liberté. Le fanatisme l’a aban¬ donnée; les êtres raisonnables s’en sont emparés : consacrez leurs propriétés. » Ce discours a été couvert d’applaudissements. Le Président a répondu : « L’Assemblée voit avec la plus vive satisfac¬ tion le triomphe que la Raison remporte aujour¬ d’hui sur la superstition et le fanatisme; elle allait se rendre en masse au milieu du peuple, dans le temple que vous venez de consacrer à cette déesse, pour célébrer avec lui cette auguste et mémorable fête : ce sont ses travaux et le cri d’une victoire qui l’ont arrêtée. » Un membre [Chabot (1)] convertit en motion la demande des citoyens de Paris, que l’église métropolitaine soit désormais le temple de la Raison. Un membre [Eomme (2)] demande que la déesse de la Raison se place à côté du Président. Le procureur de la commune la conduit au bureau. Le Président et les secrétaires lui don-(1) D’après le Moniteur universel. (2) Ibid . nent le baiser fraternel au milieu des applaudis¬ sements. Elle s’assied à côté du Président. Un membre [Thuriot (1)] demande que la Convention nationale marche en corps au milieu du peuple, au temple de la Raison, pour y chan¬ ter l’hymne de la liberté. Cette proposition est décrété. La Convention marche avec le peuple au temple de la Raison, au milieu des transports et des acclamations d’une joie universelle. Rendue dans le temple de la Raison, on chante l’hymne qui suit, dont les paroles sont de Chénier. représentant du peuple, et la musique de Gossec: Descends, ô Liberté, fille de la Nature : Le Peuple a reconquis son pouvoir immortel; Sur les pompeux débris de l’antique imposture Ses mains relèvent ton autel. Venez, vainqueurs des rois, l’Europe vous contem-Venez, sur les faux dieux étendez vos succès, [pie] ; Toi, sainte Liberté, viens habiter ce temple; Sois la déesse des Français. Ton aspect réjouit le mont le plus sauvage, Au milieu des rochers enfante les moissons : Embelli par tes mains, le plus affreux rivage Rit environné de glaçons. Tu doubles les plaisirs, les vertus, le génie; L’homme est toujours vainqueur sous tes saints Avant de te connaître il ignore la vie ; [étendards] Il est créé par tes regards. Au Peuple souverain tous les rois font la guerre ; Qu’à tes pieds, ô déesse, ils tombent désormais : Bientôt sur le cercueil des tyrans de la terre Les Peuples vont jurer la paix. Guerriers libérateurs, race puissante et brave, Armés d’un glaive humain, sanctifiez l’effroi ; Terrassé par vos coups, que le dernier esclave Suive au tombeau le dernier roi (2). Compte rendu du Moniteur universel (3*. Le Président. La Convention� veut-elle en¬ tendre le département de Paris? La députation est admise. Dufourny, orateur. La race humaine est enfin régénérée, le fanatisme et la superstition ont die paru, la Raison seule a des autels; ainsi le veut l’opinion générale. Vous avez décrété que la ci-devant église métropolitaine de Paris, serait dé¬ sormais consacrée à la Raison. Nous y célébrons une fête en l’honneur de cette divinité, le peuple vous j attend : la présence de la Convention (1) D’après le Moniteur Universel. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 128 à 131. (3) Moniteur universel [n° 53 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 214, col. 1 et 215, col. 1]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 2, p. 722, le compte rendu de la fête de la Raison d’après divers journaux. 712 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ffj brumaire an ir entière y est nécessaire, afin que cette fête ne soit pas un acte partiel, mais le résultat du vœu de la nation. Le Président. L’invitation des autorités cons¬ tituées de Paris est flatteuse, et chacun de nous en particulier se sent entraîné par le désir de vous accompagner; mais la Convention, fidèle à son poste, a besoin de se consulter. Je vous invite à la séance. Charlier. Je convertis en motion la demande des pétitionnaires. La Convention la décrète. Un membre annonce que la cérémonie à la¬ quelle la Convention vient d’être invitée, est finie. Thuriot. Je demande que, malgré cela, la Convention se rende au temple de la Raison, pour y chanter l’hymne de la liberté. Cette démarche est du plus grand intérêt. La Conven¬ tion prouvera par cet acte formel que l’opinion ne l’a point devancée dans la destruction des préjugés. Le peuple y retournera volontiers pour accompagner ses représentants. La proposition de Thuriot est décrétée. Chaumette à la barre. Le peuple vient de faire un sacrifice à la Raison dans la ci-devant église métropolitaine. Il vient en offrir un autre dans le sanctuaire de la loi; je prie la Conven¬ tion de l’admettre. Un groupe de jeunes musiciens ouvre la mar¬ che. Ils exécutent divers morceaux de musique qui sont fort applaudis. Les jeunes orphelins des défenseurs de la patrie viennent ensuite; ils chantent une hymne patrio¬ tique qu’on répète en chœur. Des citoyens couverts du bonnet rouge s’avan¬ cent, en répétant les cris : Vive la République! vive la Montagne! Les membres de la Conven¬ tion mêlent leurs cris à ceux des citoyens. La salle retentit d’applaudissements. Une musique guerrière frappe l’air des airs chéris de la Révolution. Elle précède un cortège de jeunes femmes vêtues de blanc, ceintes d’un ruban tricolore, la tête ornée de fleurs. Après elles s’avance la'j déesse de la Raison; c’est une belle femme portée par quatre hommes dans un fauteuil entouré de guirlandes de chêne; le bonnet de la liberté est placé sur sa tête ; sur ses épaules, flotte un manteau bleu; elle s’appuie sur une pique. Les applaudissements recommencent; les cris Vive la République! redoublent; on agite en l’air les chapeaux et les bonnets ; la musique fait en¬ tendre de nouveaux accords civiques; l’enthou¬ siasme est dans tous les cœurs ; la déesse de la Raison est placée au-devant delà barre, vis-à-vis le Président. Le silence succède aux accla¬ mations. Chaumette. Vous l’avez vu, citoyens légis¬ lateurs, le fanatisme a lâché prise; il a aban¬ donné la place qu’il occupait à la raison, à la justice et à la vérité : ses yeux louches n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Il s’est enfui. Nous nous sommes emparés des temples qu’ils nous abandonnait. Nous lés avons régénérés. Aujourd’hui tout le peuple de Paris s’est trans¬ porté sous les voûtes gothiques, frappées si long¬ temps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenti du cri de la vérité. Là, nous avons sacrifié à la liberté, à l’égalité, à la nature; là, nous avons crié : Vive la Montagne! et la Montagne nous a entendus, car elle venait nous joindre dans le temple de la Raison (1). Nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées. Non, c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons choisi pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs. Un seul vœu, un seul cri s’est fait entendre de toutes parts. Le peuple a dit : Plus de prêtres, plus d’autres dieux que ceux que la nature nous offre (2). Nous, ses magistrats, nous, avons recueilli ce vœu; nous vous l’apportons. Du temple delà Rai¬ son nous venons dans celui de la Loi, pour fêter encore la liberté. Nous vous demandons que la ci-devant métropole de Paris soit consacrée à la raison et à la liberté. Le fanatisme l’a abandon¬ née; les êtres raisonnables s’en sont emparés : consacrez leur propriété: (On applaudit.) Le Président. L’Assemblée voit avec la plus vive satisfaction le triomphe que la Raison rem¬ porte aujourd’hui sur la superstition et le fana¬ tisme. Elle allait se rendre en masse au milieu du peuple, dans le temple que vous venez de con¬ sacrer à cette déesse, pour célébrer avec lui cette auguste et mémorable fête : ce sont ses travaux et le cri d’une victoire qui l’ont arrêtée. Chabot. Je convertis en motion la demande des citoyens de Paris, que l’église métropolitaine soit désormais le temple de la Raison. La proposition est adoptée. Homme demande que la déesse de la Raison se place à côté du Président. Chaumette la conduit au bureau. Le Prési¬ dent et les secrétaires lui donnent le baiser fra¬ ternel. La salle retentit d’applaudissements. La pétition de Chaumette, convertie en mo¬ tion, est décrétée. Thuriot. Je demande que la Convention marche en corps, au milieu du peuple, au temple de la Raison, pour y chanter l’Hymne à la li¬ berté. La proposition est accueillie par des acclama¬ tions. La Convention se mêle avec le peuple, et se met en marche au milieu des transports et des acclamations d’une joie universelle. Il est 4 heures. Etat des dons patriotiques faits à la Convention nationale depuis et compris le 11 brumaire , Van II de la République , jusques et compris le 20 du même mois. Du 11 brumaire. La commune de Saverdun a fait déposer par le citoyen Clauzel, député, 1 médaille d’argent (1) Applaudissements, d’après le Mercure univer¬ sel [21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793