[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 45 M. Fréteau. Il n’est pas possible d’intercaller cet article sans déranger l’ordre des matières ; mais je propose d’ajouter à l’article 2 cette disposition : « Le tout sans préjudice de l’unité de foi et de la communion qui sera entretenue avec le chef visible de l’Eglise, ainsi qu’il sera dit ci-après. L’amendement est adopté et l’article 2 est décrété en ces termes : Art. 2. « 11 est défendu à toutes églises ou paroisses de France, et à tous citoyens français, de reconnaître, en aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, l’autorité d’un évêque ordinaire ou métropolitain, dont le siège serait établi sous la domination d’une puissance étrangère, ni celle de ses délégués résidants en France ou ailleurs ; le tout, sans préjudice de l’unité de foi et de la communion qui sera entretenue avec le chef visible de l’Eglise, ainsi qu’il sera dit ci-après. » M. de Bonnal, évêque de Clermont, demande à faire une déclaration au nom des évêques députés à l’Assemblée nationale et commence ainsi : Je prie l’Assemblée de recevoir la déclaration que nous ne voulons prendre aucune part à la la délibération ............ (Quelques évêques se lèvent.) M. liiicas. Je supplie l’Assemblée de bien observer que M. l’évêque de Clermont n’a fait cette déclaration qu’après que vous avez, par un décret formel, déclaré que vous vouliez conserver l’unité de foi et la communion avec le chef visible de l’Eglise. (La discussion est ouverte sur l’article 3 proposé par M. Fréteau.) M. Camus. Dès les premiers siècles de l’Eglise, il y a eu des métropolitains : pourquoi détruire les métropolitains qui existent pour en faire d’autres? Vous leur ôterez tout ce qu’ils avaient reçu d’un usage abusif, vous ne leur laisserez plus que les objets spirituels. Le recours aux métropolitains a été décidé par l’Eglise : une assemblée tenue par elle ne peut rien changer à cette décision. D’ailleurs, dans l’article présenté, l’organisation n’est pas complète. Je proposerai de décréter que les métropoles qui existent seront conservées. Lorsque l’évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur les matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain. Si la décision de ce synode porte contravention aux lois canoniques ou aux lois du royaume, la partie intéressée s’adressera à la cour de révision. M. Treilhard. Quelque parti que vous preniez, vous ne violerez en rien la juridiction ecclésiastique. Si vous maintenez la juridiction métropolitaine, vous respecterez des institutions anciennes et dignes de respect ; mais, si vous la réformez, vous vous rapprocherez de l’Eglise primitive. Jésus-Christ n’a pas donné aux apôtres de l’autorité les uns sur les autres. (Ces paroles se font entendre du côté droit : Et Saint Pierre?) Saint Pierre a présidé le concile de Jérusalem, mais cette présidence ne lui a donné aucune juridiction sur les apôtres. Je ne connais, dans le premier et dans le second siècle de l’Eglise, aucun exemple d’un évêque qui ait exercé aucune juridiction sur un autre évêque. II y a ici beaucoup de personnes plus instruites que moi, je les prie de s’expliquer si elles connaissent quelques-uns de ces exemples. M. Duval d’Eprémesnll. Je réponds à la question de M. Treilhard que l’Assemblée est transformée en concile, et en concile schismatique et presbytérien. M. le curé M***. On cherche à prouver que l’Eglise n’a pas de juridiction extérieure, c’est une hérésie manifeste. Jésus-Christ dit à saint Pierre : « Je change votre nom de Simon en Pierre, parce que sur cette pierre j’établirai mon église.» Après la faute de saint Pierre, Jésus lui dit : «Pierre, m’aimez-vous?— Oui, Seigneur, je vous aime. — «Paissez mes agneaux», dit Jésus. «Pierre, m’aimez-vous?— Oui, Seigneur, je vous aime.— Paissez mes brebis,» dit Jésus. VoilàPierre pasteur du troupeau, pasteur des pasteurs, et le pasteur a sans doute une juridiction sur le troupeau. C’est à saint Pierre que Jésus-Christ a dit : « Je vous remets les clefs du paradis ; ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel ; ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » — On m’objectera que Jésus-Christ a dit la même chose à tous les apôtres ; mais c’est à saint Pierre seul qu’il a remis les clefs du paradis , comme , dans une maison bien ordonnée , les clefs se remettent tous les jours au chef. Saint Pierre est le premier intendant de la maison de Dieu, il est l'administrateur universel, donc il a une juridiction universelle. Mais ce n’est pas seulement par les paroles de l’Evangile qu’on établit les principes de la foi, il est encore des articles de foi comprit implicitement et obscurément dans l’Evangile. ...... Tout bien considéré, je trouve que vous vous embarrassez beaucoup. Vous avez des manières abrégées de finir un fond de contestation dont vous ne vous tirerez jamais. Vous exposez les évêques à n’être pas évêques , les curés à n’être pas curés, les fidèles à n’être pas absous. Que le pape se réserve certains cas dans l’Eglise, que les évêques se réservent certains cas dans leur diocèse, c’est affaire de discipline. Si vous vous écartez de cette discipline, le fidèle sera-t-il absous de son péché? M. Treilhard. J’avais demandé qu’on citât un fait contre mon assertion, on n’en a cité aucun. J’en citerai un absolument conforme à mon opinion. Dans le troisième siècle, saint Gyprien écrit au pape saint Corneille : « Il ne faut pas que ceux qui nous ont été soumis aillent plaider leur cause ailleurs. » Nous ne voyons pas, dans le concile de Nicée, que l’évêque de Rome eût une juridiction sur les autres évêques ..... M. *** Ce n’est pas là ce que vous avez dit. M. Treilhard. J’ai dit que saint Pierre a présidé le concile de Jérusalem, et que cette qualité de chef du concile ne donnait pas de juridiction sur les autres évêques ..... (M. Treilhard est interrompu par des murmures.) M. Ee Chapelier. Je demande que la discussion soit fermée. M. le Président. Sera-t-il donc impossible de ramener l’Assemblée à l’ordre? Les clameurs ne servent à rien. Deux cents personnes qui parlent à la fois ne peuvent être entendues. Je demande donc que M. Treilhard parle, qu'on l’écoute, et, 46 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â juin 1790J lorsqu’il aura parlé, on le réfutera si l’Assemblée le permet. M. de Youlongeon. On ne veut discuter que pour renouveler les inculpations d’hérésie contre l’Assemblée nationale , afin de jeter le trouble dans le royaume. Je demande que la discussion soit fermée. ( Cette demande est fortement appuyée.) M. ’lVeilhard. 11 s’agit de savoir si vous conserverez la juridiction métropolitaine : elle est de pure police. Nous trouvons ce principe dans les livres les plus élémentaires..., [On demande encore que la discussion soit fermée.) L’impatience de l’Assemblée prouve que j’ai raison. Je n’en dirai pas davantage. Nous sommes Convention nationale. Il a été prouvé, dans une discussion qu’on n’a pas réfutée, que nous pouvons changer tout ce qui est de pure police et de simple discipline. Nous pouvons faire tout ce que nous ferions s’il s’agissait d’admettre la religion dans ie royaume ...... .. (Il s'élève de violents murmures.) Il est très aisé de pousser des rugissements quand je parle , mais il paraît très difficile de me répondre. Je me résume. Nous pouvons réformer l’autorité métropolitaine et revenir aux usages des trois premiers siècles. Il faut surtout épurer le conseil de l’évêque. L’évêque ne faisait alors rien sans consulter son clergé et le peuple. Je réclame cette disposition des premiers siècles, et je demande que, tous les ans, le peuple choisisse trois curés qui formeront le conseil de l’évêque, et sans lequel l’évêque ne pourra rien décider. r M. de iToulongeon. J’ai demandé que la discussion fût fermée. M. le comté de Wlrleu. Permettez-moi de vous rappeler ce que jai dit hier. La difficulté la plus efficace de l’exécution ne vos décrets, celle qui les fera échouer, le plus grand danger que puissent éprouver vos décisions ..... La difficulté la plus efficace ..... Il est de l’intérêt de laisser à chacun le champ libre et le plus étendu... Je dis donc, Messieurs, que le plus grand danger... [Plusieurs voix s'élèvent du côté droit et disent : On vous interrompt, parce que vous l’avez déjà dit, ce n’est pas là la question.) Il faut consulter l’Assemblée pour savoir si elle veut entendre, si elle ne veut pas entendre; elle n’est pas libre. Si elle n’est pas libre, il n’y a pas de décrets. S’il y a des choses vraies dans ce qu’on veut vous dire, il faut les entendre, car sans douté vous cherchez la lumière. Dans Une matière qui touche à la conscience, il faut laisser la plus grande liberté et la plus grande étendue à la discussion. Nous avons besoin d’être éclairés et d’entendre les principes que nous connaissons aussi bien que ceux qui ont l’air d’avoir étudié la matière. (M. Pèvéque de Clermont demande la parole.) M. fWést de jMtasmotiry, curé d'Ussel. Je demande s’il est à propos de fermer la discussion, quand on se présente pour réfuter de grandes erreurs. M. Treilhard a dit que jusqu’au quatrième siècle les éVêqueâ de Rome uâVaient pas eu de juridiction sur les autres évêques. Il paraît étonnant qu’un fait très authentique ait échappé à l’érudition de M. Treilhard. Victor, évêque de Rome, menaça d’excommunication les évêques d’Afrique tombés dans l’erreur de quartâ deçimà : saint iirêhéè, évêque de Lyon, écrivait à saint Victor pour réclamer sa charité. Saint Cy-prien écrivait aussi au pape pour lui demander de séparer de la communion catholique l’évêque Saturnin. Donc saint Gyprien et saint Irénée reconnaissaient la juridiction de Rome. M. de Bonnal, évêque de Clermont.� oUS ne me regardez pas sans doute comme assez inconséquent pour vouloir délibérer sur Cétte matière : mais comme évêque, je dois réclamer contre les hérésies sans cesse présentées dans cette tribune. Il n’est pas un chrétien qui ne sache que le pape a la primatie d’homme et de juridiction sur toute l'Eglise. On a dit hier le contraire. Je dénonce cette assertion.... Vous avez dit que vous respectiez tout ce qui tient à la religion; craignez qu’en attaquant ses dogmes on ne croie pas à cette' profession ..... Quoique je ne doive pas prendre part à la délibération, je relèverai des erreurs dans lesquelles on pourra tomber au sujet de la religion, avec tout le courage de la foi, comme avec toute la modération qui doit m’attirer le respect. M. Fréteau fait lecture de i’ariicle qu’il a proposé. M. le comte de Vlrleii. Je déclare que je m’oppose à Une décision schismatique. M. Duval d’Fprémesnil : C’est un véritable presbytéranisme. M. Fréteau. Comment peut-on?..... M. Diival d’Fprémesnil. Vous donnez aux simples prêtres une juridiction sur les évêques; c’est bien là le véritable presbytéranisme. Je Suis bien étonné qu’un homme aussi instruit que M. Fréteau ignore que dans le synode les curés rendent compte de leur conduite aux evêques, et que les évêques rendent compte de la leur aux conciles provinciaux. M. Bouchotte. Il ne s’agit ici que de discipline extérieure;on ne touche pasaudogme. Je demande donc que la discussion soit fermée. (La discussion est fermée.) On demande la priorité pour la motion de M. Camus. M. Camus. Je n’ai pas entendu conserver plusieurs métropoles dans le même département. Nous sommes d’accord, M. Fréteau et moi, qu’il faut en supprimer. Je conserve l’ancienne juridiction métropolitaine; M. Fréteau en établit une nouvelle; je crois cela très dangereux. Je trouve encore des différences essentielles dans la rédaction. M. Fréteau parle de contestation ; il ne faut pas se servir de ce mot. L’évêque n’a nulle juridiction contentieuse ; parlons des matières de sa compétence, et nous conserverons les véritables idées. L’évêque jugera si les prêtres ont manqué à la discipline, s’ils ont les qualités requises pour être ordonnés. Ne conservons pas tous les métropolitains, mais conservons ceux qui seront nécessaires. M. de ttelly d’Agier. Il faut adopter , la motion de M. Fréteau, ou bien vous serez obligés de créer des métropolitains ; vous avez des sièges qui n’en ont pas. (La priorité est accordée à la motion de M. Camus.) 47 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [2 juin 4790.] M. Defermon. Il n'est pas possible d’envoyer les prêtres d’un département à cent lieues de là. Je propose cet amendement : « Le nombre des métropolitains sera déterminé, et les lieux où ils seront établis fixés selon qu’il sera convenable.» (Cet amendement est adopté.) M. Bouchotte. Je demande que le métropolitain, qui est évêque avant d’être métropolitain, soit soumis, dans un jugement qu’il aura rendu comme évêque, à l’appel à une autre métropole. M. Martineau. Il faut ajourner cet amendement; le comité vous présentera un travail sur la juridiction ecclesiastique. (L’amendement est ajourné.) La motion de M. Camus, amendée parM. Defermon, est décrétée en ces termes : Art. 3. « Il sera conservé tel nombre de métropoles qu’il sera jugé convenable, et les lieux de leurs sièges seront déterminés* Lorsque l’évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur les matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain. » M. le Président annonce que l’Assemblée se réunira demain à 7 heures et demie, pour se rendre à la paroisse de Saint-Germain-l'Auxer-rois, et assister à la grand’messe et à la procession. M. le Président. J’ai reçu de la municipalité de Monlauban une lettre qui m’annonce que la tranquillité est rétablie dans cette ville. J’en donne lecture : « Monsieur le Président, « Nous nous empressons de vous annoncer la plus heureuse nouvelle. La paix et la concorde sont rétablies dans la ville de Montauban ; les prisonniers que le peuple avait faits dans la sanglante journée du 10 mai sont en liberté. C’est ce même peuple qui a demandé leur élargissement, par un transport de générosité qu’aucune expression ne saurait peindre (Il s'élève des murmures). M. Dumas, maréchal général des logis de la garde nationale parisienne, chargé des ordres du roi pour le rétablissement de la tranquillité publique dans notre ville, a su l’intéresser, l’émouvoir et éteindre en lui tout sentiment d’aversion et de haine ; l’éloquence touchante et le caractère de franchise et de loyauté qu’il a déployés, lui ont gagné tous les cœurs. Nous lui devons ces témoignages, qu’il est bien doux pour nous de lui rendrê, en échange de la paix et du bonheur qu’il nous a procurés. (On applaudit .) « Le temps ne nous permet pas de vous donner les détails d'un événement qui nous comble de joie, mais nous ne tarderons pas à vous en envoyer un récit circonstancié; nous espérons qu’il réconciliera tous les Français au peuple de Montauban, qui n’a pas été moins généreux dans le pardon, que modéré dans la colère ( les murmures se reproduisent), et que les calomnies odieuses, répandues de la manière la plus atroce, semblaient devoir rendre moins accessible aux sentiments de l’humanité qu’à ceux de l’aigreur et de la vengeance. Nous espérons surtout que l’auguste Assemblée que vous présidez, éclairée par l’amour de la justice et de la vérité, rendra son estime et sa protection à Une cité malheureuse, que la stagnation du commerce et des pertes de tout genre ont réduite à la plus extrême détresse. Pour nous, qu’üne prévention aveugle a outrageusement in* culpés, nous attendons avec courage et avec sécurité les lumières de l’information que 8a Majesté a ordonnée et nous sommes sûrs, non seulement qu’elle ne donnera lieu à aucune inculpation contre nous, mais qu’elle manifestera} delà manière la plus éclatante, la pureté et la noblesse de notre conduite, et qu’elle nous fera obtenir de tous les hommes sages, et surtout de l’Assemblée nationale, dont le suffrage est le plus précieux à nos cœurs, des applaudissements et des actions de grâces. » (Cette lettre est renvoyée au comité des rapports.) M. lé Président. Je dois informer l’Assemblée que je viens de recevoir une lettre de M. de Saint-Priest , relative à l'affaire de Marseille. Plusieurs membres demandent le renvoi au comité des rapports. Une partie de l’Assemblée insiste pouf que la lettre soit lue* M. le Président lit cette lettre qui est ainsi conçue : « Paris, le 2 juin 1790 <> Monsieur le Président, j’ai lu dans le Moni~ leur en quels termes m’avait dénoncé à l’Assemblée nationale Un député extraordinaire de Marseille, et j’ai été informé que cette affaire était renvoyée au comité des rapports ; je crois devoir vous adresser mes répliques* « Pour suivre l’ordre de l’accusation, je commence par un reproche dont le Moniteur a fait sans doute trop peu de cas poiir le rapporter, mais qui n’a pas moins été articulé contre moi... (Il s'élève de grands murmutes *) (On demande encore le renvoi au comité des rapports.) M. de Folleville. On ne peut refuser d’entendre la lecture de cette lettre. On le doit d’autant plus qu’une partie de l’Assemblée a les mêmes plaintes à former contre le Moniteur : il ne dit jamais que ce qui est contraire à cette partie de l’Assemblée. M. le Président continue la lecture de la lettre de M. de Saint-Priest : « On m’a imputé d’avoir fait une réponse ironique à une demande de la ville de Marseille à Sa Majesté, pour en obtenir des fusils. J’ai rendu compte au roi de cette demande; et d’après l’examen de l’état des arsenaux dans les provinces méridionales, le roi m’a autorisé à faire espérer des armes à la ville de Marseille, si l’on pouvait recouvrer une partie de celles qui avaient été pillées récemment à Lyon, ainsi qu’on y était parvenu quelque temps auparavant à Saint�Etienne-en-Forez, après un semblable désordre. Ce n’était point là de l’ironie, et je respecte trop mes devoirs pour l’employer en pareil cas. « Je vais suivre le Moniteur pour CO qui peut me concerner dans le discours du député de Marseille à l’Assemblée nationale. « Une lettre du ministre est arrivée avec l’ordre à la garde nationale d’évacuer les forts, et au régiment de Vexin d’en Sortir également} pour être remplacé par celui d’Ernest* Ainsi, oü punissait des soldats qui avaient donné une preuve de