[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 1*791.) moyen dont je veux me servir, dan? cette tribune, pour prouver que vous ne devez plus délibérer. Je dis, Messieurs, queM. de Ciermont-Tonncre a été attaqué, insulté, non seulement dans les Tuileries et daDS les rue?, mais « ncore dans sa maison. (Murmures.) Je dis qu'uprès ce fait, il e:-t prouvé à 1 Europe entière, il est prouvé a tout le peuple français que nous ne pouvons pas délibérer dans cette Assemblée en tonte liberté et donner sans crainte nos suffrages. (Murmures.) Un membre : C’est une calomnie atroce! Un grand nombre de membres : L’ordre du jour. M. le Président. Renfermez-vous dans la question, Monsieur l’opinant. M. llalouet. La question est de savoir si nous aurons la vie sauve. A droite : Oui, Messieurs. (Bruit.) M. Càouptl-PréCeln interpelle vivement M. Ma-iouet. (Vives protestations à gauche.) AI. Rewbell, président , reutre dans la salle. Un membre du côté droit (s’adressant à lui) : A bas, Monsieur le Président! M. le Président (s’adressant à ce membre) : Je vous invite à pr non la parole et à rép ter à la tribune ce que vous venez de dire.. . (Ce membre ne répond pas.) ..... Je vous rappelle à l’ordre. scandaleuse que 1’usage qui s’introduit dé demander à tout propros la parole pour faire une motion d’ordte; on ne cherche, par là, la plupart du temps, qu’à renouveler une discussion qui a été fermée <»u qu’a dénaturer un projet de décret qui vient d'être rejeté. Je demande que l’on passe à l’O'dre du jour. ( Vives approbations à gauche.) (L’Acsemblée décrète l’ordre du jour.) M. d'Aubergcon de Hfnrfnais. Je dénonce à l’Assemblée un crime public et l’Assemblée doit m’enten ne (Bruit.)... Le caractère de membre de l'Assemblée natio ale a été v< lé. On a enfoncé les pories de M. de Clermont-Tonnerre... Je demande que l’Assemblée ordonne aux tribunaux de poursuivre... A gauche: L’Assemblée a décidé l’ordre du jour ! M. d’Aiibergeen de Murinats. La punition des crimes est à l’ordre de tous les jours. A gauche: Mais, Monsieur le Président, rappelez noue à l’ordre mou sieur. M. le Président. Monsieur de Muriuais, vous n’avez pas la parule. M. d’Aubergeon de Murinais insiste au milieu du bruit. Plusieurs membres : A l’abbaye! (Q jelques instants se passent au milieu du bruit.) M. Rewbell, président, reprend sa place au fauteuil. M. d’Aubergeon de llnrinnis. Le? opinants qui monteut à cette tribune peuveoi pivudreles moyens qui leur parasse t tes plus piopn s. Les uns font valoir leurs opinions par leur éloquence, d’autres par des tournures o at ire?, d’auties par des s> phismes ; moi, je veux faire valoir ia mienne par des Lits. Un membre à gauche : Et par des bêtises. M-Maloiiet. Tout se: a-t-il donc permis à quelques factieux qui excitent le peuple (Murmures.)... Monsieur u’a-t-il donc pas je droit de parler? (Bruit.) M. d’Aubergeon de Murinais. Je dis que vous ne pouvez délibéier sur eeee atfaire ; il Lut donc la renvoyer ou l'ajournera un autre temps. (Murmures.) M. de Toulon geo n. Jamais les délibérations de i’A�Bemblée ne peuvent être tioumées par -ce qui se passe au dehors (Murmures.) On adeHranoé le renvoi, je demande qu’il soit mis aux voix. M. le Président. On a fait la motion du renvoi de l’affaire d’Avignon aux cornai de Con-ti-tution, diplomatique et d'Avignon ; je mets aux voix eetie motion. (Ge renvoi est décrété.) M. d'Aubergcon é» Mur ta a U. Je demande la parole pour uue motion ü’ordre. Un grand nombre de membres : L’ordre du jour ! M. CruupH-Préfeln. C’est une chose vraiment L’ord-e do jonr est la suite de la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Étienne sur la création des petits assignats (1). M. Rabaud Saint-Etienne (2). J’ai proposé une émission de petits assignats en échange de ceux de 2,000 livies; je les ai fixés à la fraction d 5 livres, laquelle ?e prête à tous les caleuls pardzaine; et j’ai proposé en même temps l'émis-ioi) d’une certaine quantité de menue monnaie. Pour ne point surcharger la discussion, j'ai pro; osé encore que tout ce qui regarde l 'exécution lût renvoyé au comité des finances. lis devaient, ainsi que la monnaie de cuivre, être distribués concurremment, et à la fois dans loue les dé, artements, afin qu’ils ne pussent être accui ar s et vemius à la classe des cnoyens qui en a be oin, atin que leur influence étant uniforme et simultanée, ils ne se prêtassent point à ces calculs qui ont fait devenir les assignats une imtirchand.se sur laquelle les hommes utiles ont leruu, et les hommes inutiles et pernicieux ont gagné. Cependant la discussion s’engagea sur le mode même de l’exécution : on m’a fait deux genres d’oiij ciiuns; ies unes ont pour objet les inconvénients et L dan.er des petits assignats; les autres la ni ficuité et la lenteur de l'exécution ; je cufnme ce par lépondre aux premières. Ou a opposé que ma proiosition séduisante pour les gens aisés, les dénarras.-erait sans doute de l'inconvénient qu’ils éprouvent à perdre sur l’échange des assignats, mais que je ne les défais de cet ertfbanas, que pour le rejeter sur le pau-(1) Voyez ci-dessus, séance dni�mainsiijp. 48«tsuiv. (S) Ce discours est incomplet au Moniteur. [Assemblé* nationale.] ABfiflHK8 PüUlEfTAflUESt [5 mai 1701.] 595 rte ; qne les assignats seront une charge pour lui; que les marchands de denrées ne voudront pas lui rendre la monnaie ou ne le pourront as ; que le chagrin s’emparera de lui ; « que, ans son désespoir, il pourra se livrer à des mouvements dangereux pour la tranquillité publique; et que dans le choix, à ce que le riche ou le pauvre souffre, U n’y a pas à balancer et que •c’est au riche, qui pent perdre, à faire des sacrifices. Je n’hésite pas à dire, comme les préopinants qui ont parlé, que s’il y a des perles passagères a essuyer c’est aux riches à les endurer. 11 n’y a nul mérite à penser ainsi ; mais je vous prie d’observer que l’on n’a pas été assez instruit •quand on a cru que partout et dans tous les ateliers l’ouvrier recevait son salaire en argent; car -dans quelques ateliers on est obligé de payer les ouvriers en assignats, qu’ils se répartissent entre eux : par conséquent dans ces ateliers les ouvriers perdent sur le papier. Messieurs, on ne doit pas tâcher, pour détourner votre att ntion de dessus la question qui vous est soumise, de vous induire en erreur. (Murmures.) Ce n’est pas un moyen pour affaiblir l’émission des petits assignats, que de dire, en Le combattant, que I’od parle pour le pauvre, que c’est la querelle du pauvre contre le riche. Avec de tilles phrases, j’avoue qu’on est sùr d’obtenir des applaudissements; mais avec une doctrine aussi superficielle, on expose l’Etat qu’on laisse se miner et se détruire, et par conséquent on ruine le pauvre dont ou s’est vanté de prendre la défense. En effet, Messieurs, c’est se contenter d’une observation bien superficielle, que regarder comme un mal passager la maladie qui noua consume : ce qu’il faut considérer pour le pauvre, c’est si les choses peuvent durer longtemps ainsi. Votre vigilance ne doit pas se borner à l’objection rapide du moment ; elle doit s’étendre à la considération de l'avenir. 11 faut envisager ce qui arrivera dans quelques mois, lorsque les petits manufacturiers se seront épuisés en sacriüces, lorsqu’ils seront forcés de se réduire à la moitié, au tiers, au quart de leurs entreprises. Les ouvriers sentent déjà la perte des i ntrepreneur-, et s’attendent à ce moment désastreux où ils seront privés d’ouvrage et de pain. Ils désirent les petits assignats, témoin les adresses que j. dépose sur le bureau, il est aisé de comprendre que, quel que soit le zèle des manufacturiers, tous ne peuvent pas faire le sacritice de 7 ou 8 0/0 par semaine; que ceux qui l’ont fait pendant 3 mois ne peuvent pas le continuer pendant 6 mois. 11 est de fait que dans plusieurs manufactures on a renvoyé des ouvriers, faute de moyens pour tes payer. Les courses pour aller chercher de l’argent ont aussi leurs difficultés ; encore avec la meilleure intention est-il possible que souvent le manufacturier ne puisse pas s’en procurer ; il faut alors payer les ouvriers en papier, ou les priver de leurs salaires. Je vous prie d’observer ensuite que quand il n’y aurait que les manufacturiers qui perdraient sur les assignats, ce sacritice constant et réitéré devient une calamité publique; car si les manufacturiers Perdait , le commerce perdra ; la balaace avec étranger tournera à notre désavantage ; notre argent sera employé à solder l'étranger, et tout notre numéraire sortira du royaume. En prenant la plume, on peut calculer combien de temps encore peuvent tenir des fabricants obligés d’échanger à p rte les assignats de 3,000 livres contre des assignats de 1,000 livres et ainsi successivement jusqu’à l’as-sigoat de moindre valeur, qui pt rd à son tour contre l’argent; cal* cal déplorable qui nous annoncerait la perte inévitable de nos manufacturiers. Messieurs, depuis que j’ai fait ma motion,, je n’ai pu recevoir de lettres que des départements l s plus voisins, toutes m'annonceDt que leu petitsassiguats y sont désirés. Dans plusieurs endroits, à Rouen, les grossous, cette chétive monnaie, se vendent 4 0/0; les écug de 6 à 7. Plusieurs membres de cette Assemblée ont reçu de pareils avis et surtout de l’embarras où sont plusieurs agriculteurs pour payer le salaire jounut-lier des ouvriers de la campagne. 11 suit de ces observations que la fabrication do petits assignats contribuera eflica< ementà l’entretien desouvriers; car, entre le choix dans le malheur de n’ôtre payé qu’en assignats de 5 livres ou de 3 livres, toujours échangeables contre de la monnaie et le choix d’ètre sans travail et saos pain, il n’y a pas à balancer. Je dis en troisième lieu que, quand les assignats | erdraient, celte perte en dernier lieu, et si l’on calcule bi n, ne retomberait pas sur 1� pauvre. Qu’on y fasse atte tion et qu’on ne s’arrête pas à ues ob-u rvations superficielles. La subdivision, en petits assignats multipliés, anime la circulation ; si un assignat de &0 livres fait une affaire, et passe i ar deux mains, 10 assignais de 5 livres, qui font la mê ne somme, passent par 30; celui qui a un assignat de 50 livres le garde 2 et 3 jours, et davamage, avant que d’aoh ter ; 10 personnes qui ont des assignats de 5 livres ou u’un écu, les livrent le matin, et le soir les assignats ont couru tout Paris. Ainsi, avec un assignai de 50 livres on ne fait travailler qu’avec peine quelques personnes : 10 assignats de 5 livres en mettent en mouvement un grand nombre, et ils ne sont d’aucune perte pour aucun. GVst, donc en gran i q t’il faut considérer l’émi-sion des petits assignais,. et non da is la main des individus qui les reçoivent. C’est à l’imagmation de les suivre dans la rapidité de leur muivhe, et l’on verra que les gros assignats ne circel ut guère, et q e les petits circuleront b aucoup. Au lieu que les hommes courent aujour l’hui après l’argent, les petits assignats c urrontapiès les hommes. Cré'Z de l’ouvrage et de la monnaie, et le salaire delà journée s’établira de lui-même. Animez la circulation par une granue quantité de monnaie, et vous vivifierez l’Etat et les petits assignats feront la fortune ou pauvre. Je dois ujouier qu’il y a un grand nombre de citoyens, dont les moyens et l'industrie sont bornés, qui vivent d’ m" petit uéguce, et que cependant 1 o:i pay - en assignats. La perie de ces hommes-ci est vraiment douloureuse, car elle tombe sur leur nécessaire. Une monnaie d’.-issi-gnat leurserait donc intimaient utile, et vraiment on i e peut exiger d’eux des sacrifices. Pensez qu’il est i ne mollit* dmde citoyens qui u’onique 800, 1,000, 1,200 livres de rentes; que s’ils perdent un dixième de leurs revenus, ils seront forcés de ré luire d’un dixième leurs dépenses, et qu’en dernière a vmyse, cette perte retombera sur le pauvre, qui aura un dixième moins de travail. Mais je reviens à cette partie tirée d’une objection qu’on a faite, qne l’ouvrier ainsi muni d’un petit assignat auia de la peine à féchuuger et qu’il y peidra. Je réponds qu’il en résulterait seulement que j’ai été trop timide en proposant 506 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 17»!.] des assignats de 5 livres et que j’aurais dû en proposer de 3 livres, et si l’on me poussait et qu’on crût me confondre en disant que j’aurais dû les proposer de 24 sous, je répondrais à cette froide plaisanterie que ceux qui me la font n’ont pas réfléchi sur les vrais principes de la chose appelée monnaie; mais une réponse plus péremptoire, c’est que je n’ai pas proposé de n’émettre que ces petits assignats ; que je déclare que je les regarde comme une mauvaise mesure sans une menue monnaie ; que je souhaite qu’elle paraisse en même temps, afin que les assignats puissent être échangés avec elle, qu’il soit ouvert des bureaux dans tous les départements où chacun puisse aller échanger son assignat de 5 livres contre 100 gros sous, s’il se métie de son assignat, ou contre du papier, lorsque son assignat sera usé ou gâté. Je demande que la monnaie soit très abondante, et par dessus tous les besoins; qu’elle ne puisse pas être exportée, que les étrangers ne soient point tentés de la contrefaire : toutes conditions faciles à remplir. M. Beau me tz se trompe quand il juge que les petits assignats seront inutiles, car on peut aisément s’apercevoir que la distance est immense entre les gros fous, dont M. de Montesquiou et moi proposons d’inonder la France et l’assignat de 50 livres, le dernier et le plus petit des assignats, lequel renferme 1,000 sous; il faut absolument ud intermédiaireentre unsouetl.OOO sous.Etpuis-que le petit assignat n’a rien de dangereux quand il est échangeable contre de la monnaie, il faut établir un intermédiaire si favorableaux échanges et plus portatif qu’un poids énorme de cuivre. t’affirme que lorsque vous aurez décrété une quantité considérable de petite monnaie, chacun la trouvera si embarrassante qu’on vous demandera ces petits assignats dont je vous parle. M. l’abbé Maury ( entrant dans la salle très agité). Monsieur le Président, je vous demande la parole. M. le Président. Vous n’interromprez pas l’opinant. M. l’abbé Maury. Je viens d’apprendre que ce matin... M. Charles de Lameth. On ne peut pas prévoir où peut aller l’impudence de M. l’abbé Maury qui vient pour interrompre un opinant ; depuis le commencement delà Révolution il nous interrompt. M. l’abbé Maury, placé au milieu de la salle, gesticule et parle avec violence au milieu des murmures. M. le Président le rappelle à l’ordre. M. Rabaud Saint-Etienne. M. de Beau-metz a appelé les petits assignats de la charlata-nerie et de l’empirisme ; maison le disait au commencement de tous les assignats et ils ont sauvé la France ( Murmures à droite,)... Je le répète : ils ont sauvé la France. {Applaudissements répétés.) Mais M. Beaumetz vous propose lui-même ce remède, puisqu'il propose des petits assignats créés par les compagnies ; il en reconnaît donc au moins l’utilité; et toute la différence qu’il y a entre lui et moi, c’est qu’il veut des petits assignats libres; et que j’ai demandé des petits assignats forcés ; qu’il les veut avec le crédit des compagnies, et que je les veux avec le crédit de la Dation. M. Beaumetz voudrait qu’on lui donnât une bonne raison, pour lui expliquer comment les assignats de 5 livres ne perdront pas 80/0 comme ceux de 50 livres. Cette question m’étonne, car elle annoncerait des observations faites avec beaucoup de légèreté. Ce n’est pas l’assignat de 50 livres qui perd 8 0/0, c’est celui de 2,000 livres; celui de 50 livres ne perdait hier que 3 1/2 : c’était le taux. Mais pourquoi l’assignat de 100 sous perdra-t-il nécessairement moins que ceux de 50 livres. Cette raison, je l’ai indiquée; c’est que les assignats perdent en raison de leur masse, en raison de ce qu’il3 sont plus ou moins monnayés. Il est temps de nous rapprocher. M. Beaumetz veut aussi de petits assignats, mais il les veut libres. M. de Montesquiou veut aussi des assignats libres, et il demande avec moi, et je demande avec lui, une forte émission de gros sous et de petite monnaie; donc nous avons deux propositions à faire : La première est celle qui ne souffrira pas de difficulté. Que vous décrétiez sur-le-champ une fabrication de gros sous dans tous les hôtels des monnaies du royaume, il ne faudrait pas qu’elle fût moindre que 50 millions; qu’ils soient distribués dans tous les départements selon le mode qui sera déterminé. La deuxième proposition c’est qu’il soit émis de petits assignats en rappelant toujours la condition qui était en commençant, c’est que ce n’est pas une émission en sus des 1,200 millions que vous avez décrétés, mais en échange des gros assignats qui sont un embarras. Maintenant les assignats seront-ils libres ou forcés? C’est la question principale. S’ils sont libres, seront-ils mis aux mains des municipalités, ou laissés à des compagnies, ou aux unes et aux autres ; c’est une question secondaire. Les avantages du papier libre sur le papier forcé sont : 1° qu’il sera peut-être plutôt fabriqué, et nous sommes infiniment pressés ; 2° qu’il sera vraiment l’enfant de la confiance, s’il est accepté, mais seulement faut que durera la confiance ; 3° parce qu’il sera mieux fabriqué, parce que les compagnies seront plus intéressées ; 4° parce que, par la même raison, ils seront mieux surveillés pour la contrefaçon; car chacun surveille la chose à laquelle il a intérêt ; 5° parce que la perte, s’il y en a, ne tombera que sur des particuliers, et ne causera pas de grands ébranlements. Les inconvénients de ces papiers libres sont : 1° qu’ils ne circuleront que dans les villes où ils auront été créés, et qu’ils ne parviendront que difficilement et même point au tout dans les campagnes ; 2° qu’ils n’auront pas cette confiance nationale accordée à tous les autres assignats ; 3° qu’ils n’auront pas la grande circulation uniforme et homogène; car les fabricants qui ont des correspondances en 100 villes, souhaitent une monnaie uniforme qu’ils puissent recevoir avec confiance, qu’ils puissent faire circuler partout ; 4° que cette bigarrure sera gênante pour le voyageur , qui sera obligé de changer tous les jours de monnaie; 5° quils peuvent aisément être décrédités, et occasionner en divers lieux des mouvements populaires dans ces instants où la méfiance s’établit, où tout le monde veut être remboursé, ainsi qu’il est arrivé quelquefois en Angleterre qu’on vous a citée, à [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 mai 1791. | 597 moins que les caisses soient garnies de monnaie, ainsi que je le propose dans mon plan. Il me paraît qu’il résulte de ce que je viens d’exposer, que la monnaie nationale, que le petit assignat est infiniment préférable; il n’y a pas dans un royaume deux hémisphères, deux circulations, il n’y a qu’un signe reconnaissable à tous; et sûrement ce qu’on nous propose pour les petits assignats, on ne nous le proposerait pas pour les petits écus ; personne n’oserait vous proposer de faire des petits écus municipaux, cha-marés de mille différentes écritures, renfermés dans les murs de chaque ville ; c’est qu’on n i sent pas encore que l'assignat est de la monnaie. Or, rAsëemblée les a décrètes comme tels; les assignats sont forcés, et ils sont bons : l’utilité du cours forcé existerait-elle pour tous les assignats moins un? Voici une objection, et c’est la plus forte de toutes celles qui ont été présentées : l’émission de petits assignats ne sera pas prompte pour nos besoins. C’est la seule et la vraie difficulté raisonnable que l’on ait faite à ma proposition; mais il ne s’ensuit pas de là que nous n’en devons pas fabriquer du tout, et qu’il faille renoncer à cette opération ; il s’ensuit uniquement, que nous avons eu tort de ne pas la faire plus tôt, et i’avoue que je ne conçois pas comment, de ce qu’ils ne seront prêts que dans plusieurs mois, il pourrait en résulter qu’ils ne seront plus nécessaires; ils le seront toujours. On m’a objecté encore les frais de fabrication, le dépérissement des billets, la facilité de les contrefaire. Eh bien , il y a un remède à ces inconvéoients ; c’est de fabriquer des assignais métalliques. Je m’explique : l’Angleterre nous avait enlevé un artiste, M. Jacques Dross, qui était établi parmi nous, dont le talent pour l’exécution métallique est reconnu supérieur, dont les machines atteignent à la plus haute perfection, tant pour la beauté que pour la prompti-tude do l’exécution, ce qui fait que le sou d’Angleterre est un chef d’œuvre, et comme une médaille à garder dans les cabinets. Il résulte de ce talent, appliqué à la monnaie, qu’une pièce de cuivre, purgée d’ailleurs par les rocédés qui entrent dans la perfection des com-inaisons de l’artiste, acquiert une valeur idéale supérieure de beaucoup à sa valeur intrinsèque; c’est réaliser cette idéalité, que de donner à des pièces ainsi fabriquées la valeur réelle de l’hypothèque des biens nationaux. Si cotte petite pièce de 2 sous, usée par l’usage, conserve néanmoins une valeur numérique quatre fois supérieure à sa valeur réelle, quelle valeur ne doit fias donner la perfection de l’art et l’impossibi-ité de l’imitation ? La perfection dos machines de M. Dross l’ont conduit à rendre cette monnaie si parfaitement conforme en diamètre et dans toule l’exécution, aï11 est impossible que la centième, que la millième pièce qu’il fabrique ne soit pas parfaitement conforme à la première. Il est impossible qu’un autre artiste, eût-il son talent et son génie, pût les contrefaire, parce qu’il n’aurait pas ses machines et ses procédés ; il est même impossible que lui-même, avec d’autres outils, pût contrefaire son propre ouvrage ; d’où il résulte Su’une seule de ces monnaies peut servir de mo-èle et de pièce de comparaison à toutes les autres. Si quelqu’un essayait de les contrefaire, l’œil, la main exercés reconnaîtraient tout de suite la différence. Je vais m’expliquer d’une manière plus claire, parce que ce qui se dit dans cette tribune est bientôt lu par toutes les clauses de citoyens. Ces monnaies, empilées l’une sur l’autre, sont si parfaitement égales entre elles, qu’elles ne font qu’un tout, sans déborder, sans se dépasser l’une l’autre, et comme ne faisant qu’un corps; les pièces de monnaie du sieur Dross sont telles, que si dans la pile, on en passait une seule qui ne fût pas de lui, elle choquerait sur-le-champ par son inégalité. J’ai donc eu raison de dire que l’une de ces pièces, quelle qu’elle soit, sert de modèle de comparaison aux millions qu’il aurait fait depuis, et par conséquent à toutes celles qu’on pourrait faire pour Limiter. Voilà le talent qu’il nous faut et que je vous présente. Qui peut entendre dire de sang-froid qu’à peine les écus sont battus, que le fondeur les rejette au creuset pour nous les vendre en barre, avec une nouvelle perte de 16 0/0; que le fondeur est invité par nos propres demandes à mettre encore au creuset ces écus nouveaux, et que l’argent passe de la monnaie au creuset, ou du creuset à la monnaie, sans que nous ayons le temps de nous en servir? Le tonneau des Danaïdes est encore une image imparfaite de ces creusets dévorants. Ainsi l’argent fondu, battu, refondu pour être rebattu encore, coûte 64 0/0 par année. Si l’on est obligé Je frapper les mômes écus 14 fois par an, qui ne sera tenté de s’écrier : Je ne veux plus d’argent, il nous ruine; je ne veux que du cuivre et des assignats? ( Applaudissements .) Je ne sais pas à quoi peuvent servir les mystères politiques dans les grandes crises de l’Etat. Il faut tout dire; il faut que les citoyens connaissent le péril, afin qu’ils adoptent les moyens de salut qu’on leur présente pour le réparer. Vous voyez que quand je vous ai donné l’éveil sur les petit? assignats, j’avais de bons avis et que je ne me suis pas décidé à la légère. Oui, il existe une grande conspiration pour nous soustraire tout notre argent, et le succès de ce complot est d’autant plus sûr, qu’au rebours de tous les autres projets de nos ennemis qui les minaient, celui-ci les enrichit, ou du moins ne leur coûte rien. L’ennemi de la Révolution échange ses assignat? contre de l’argent; il y perd 7 ou 8 0/0, mai? il a le plaisir de l’enfermer et de contribuer pour sa part à la disette générale. Nos fugitifs réalisent dans les pays étrangers ; ils font échanger en France leur papier contre de l’argent qu’on leur envoie, et ils nous épuisent d’autant. On enlève les petits écu?, les pièces de 24 sols qui sont de poids. De grandes associations se sont formées au dehors pour acheter l’argent de France, et ces spéculations ont leur avantage, parce que ce n’est pas seulement en France que l’argent a haussé de prix. Cette grande Révolution préparée à l’univers, porte au loin ses incertitudes et ses alarmes. Le signe commun des fortunes devient plus cher à ceux qui sont inquiets pour leur fortune. Les rois de l’Europe amassent en silence, parce qu’ils savent qu’avec l’argent on chasse la liberté, que sans argent on ne peut soutenir le despotisme. Les guerres qui existent, les guerres qu’on prépare, les spéculations et même les incertitudes sur l’Inde, les mouvements sourds de l’Europe et ses vastes inquiétudes, tout contribue à donner un grand mouvement à l’argent et à lui donner partout un prix supérieur à sa valeur : et s’il augmente encore de prix, c’est que chaque individu, s’occupant de soi, se fait, dans sa terreur, un 'et de prudence, qu’il s’occupe à réaliser. e calculons donc pas la disparition de notre (Assemblée nationale.) AKtiHIYÏS PtàâJm»£NTAll£&. (S mai 1791.] MA vmf numéraire sur ]a faible échelle de Paris. Qu’y a-t-il à faire? Créons une monnaie nationale, une monnaie sur laquelle, ni l’agioteur, ni le spéculateur, ni le fondeur, ni l’avare accapareur, puissent exercer leurs coupables talents. Une monnaie qui, circulant parmi nous, et pour nous, suffise auxdits besoins, qui solde notre armée, ui solde nos ateliers et nos comptes respectifs. réons-en pour que tout s'anime et se vivifie, que la circulation en doive êtie rap de et pressée et quYnlin nous De nous apercevions pasae l’absence de l’argent. Elle ira sans duuie fatiguer, en des sens différents, les autres peuples qui l'enlèvent; il fa it créer une monnaie qui ne puisse pas nous être ravie. On veut détruire notre commerce, ruiner nos manufactures et soulever nos ouvriers. Eh bien, alimentons nos manufactures et notre commerce, ouvrons aux citoyens les débouchés de leur fortune et de leur talent. Il est temps que nous comprenions l’avantage d’une monnaie nationale, et qui ne soit pas sujette à l'instabilité d’une monnaie qui coule par mille ruisseaux et en si grande abondance que tous puissent s’y désaltérer. Au milieu de cette grande opération, quelle vue courte serait étonnée d une émission de petits assignats? Que seront-ils dans cette vaste circulation? Gomment pourront-ils perdre, si nous les mettons dans une proportion telle, qu’ils puissent, qu’ils doiveutgagrier? Pourquoi ne saurions-nous pas leur donner un tel avantage, qu’il soit préférable d’avoir des assignats, à Si* surcharger de cuivre? Ne parviendrons-nous jamais à faire comprendre à tout le monde que les assignats sont la vraie monnaie nationale, la monnaie par excellence. (Les murmures de la droite sont couverts par les applaudissements de la gauche.) Les assi-natssontà nous; ils sont la représent bonde nos umaines, ils sont le signe de nos propriétés, ils sonttixes et invariables, ce sont des contrats hypothéqués sur les terres, et dont l’issue est infaillible, puisqu’ils sont, en dernière analyse, le prix ou le moyen d’échange des domaines nationaux. Le pauvre, qui le demande, n’y perdra rien à manier cette monnaie, puisqu’il pourra toujours l’échanger contre la monnaie qui abondera. Telles sont, Messieurs, les raisons que j’ai l’honneur de vous présenter pour appuyer le projet de décret que je vous ai proposé. Je rédigerai mes conclusions; mais elles sont en principe : 1° une émission de forte monnaie; je souhai'e d'être amendé d’une émission de petite monnaie et je la demande au moins de 50 millions ; 2° la création de petits assignats ; quant à la proportion de51ivresque j’ai demandé, j’y tiens. Enfin je demande qu’il soit renvoyé au comité des finances pour présenter à l'Assemblée nationale des vues sur ce qui a été présenté par M. de Montesquiou, savoir : la suppression de tous les assignats de 100 livres. (L’Assemblée décrète l’impression du discours de M. Rabaud Saint-Etienne.) M. Germain (1). Messieurs, je no me suis point dissimulé que l’opinion tendant à contrarier ou 4 retarder l’émission d’assignats plus petits que ceux actuellement décrétés, pourrait éprouver de la défaveur; car on a dit assez haut, on a même imprimé que cette opinion ne pourrait être soutenue que par des agioteurs. 11 faut donc du courage pour ne pas redouter cette qualification surtout quand on est dans le commerce. Mais peut-on la craindre, lorsqu’on a toujours fait profession publique de regarder l'agiotage comme un crime d’Etat, et l’agioteur, comme indigne d’ètre inscrit sur la liste des citoyens. Je ne puis donc résister au devoir qui me presse de vous développer mon opinion. Je serai très court. J’ose solliciter votre attention, à cause de la faiblesse de mon organe. Je pense que l’émission des petits assignats de 5 livres dont il s’agit est très dangereuse. Oui, Messieurs, elle est dangereuse; car elle ne tend à rien moins qu’à faire disparaître tout le numéraire, et à ne laisser en circulation que la petite monnaie ; effet que ne pouvaient produire et que n’ont pas produit les gros assignats; j’en appelle à votre expérience. Lorsque les plus petits assignats étaient de 200 livres on avait de la peine a se procurer de l’argent : on le payait à peu près le même taux qu aujourd’hui, même un peu moins, et on en avait plus abondamment. Vous avez décrété des assignats depuis 100 livres jusqu’à 50 livres. Dès ce moment, le taux de l’argenta diminué, il est vrai; mais, graduellement, il s’est élevé à un taux plus fort que celui où il était avant l’émission des petits assignats, et on a vu moins de numéraire. Qu’en conclure? C’est que si vous décrétez des assignats de 5 livres, comme on le demande, le taux de l’argent diminuera d’abord ; puis il remontera au taux où il est aujourd’hui : et il en coûtera peut-être plus pour se procurer de ces très petits assignats et de la monnaie ; et vous ne verrez plus un écu de 6 livres, je doute même que vous en voyiez beaucoup de 3 livres; car, depuis très longtemps, il en circule très peu. L’auteur de la motion s’est fait cette question: Quelle qualité occulte a donc l’assignat, pour faire disparaître le numéraire? Messieurs, sa qualité n’est pas occulte; elle est très apparente. G’est qu’il est dan3 le cœur de l’homme de préférer une chose quelconque au signe représentatif de cette chose; et je défie au plus z dé partisan des assignats de 5 livres, môme ici présent, de me nier que s’il a à payer, ayant de l’argent et des assignats, il ne préfère donner l'assignat par préférence à l’argent. Qu’en résultera-t-il? G’est que, comme je le répète, on ne verra plus d’argent. On me répondra, je m’y attends, qu’on n’aura plus besoin d’argent. Oui, sans doute; l’homme aisé n’en aura presque plus besoin, parce qu'il achète en pins grande masse. Mais, cet ouvrier, ce pauvre qui ne peut acheter que par petites parties, sera bien obligé d’acheter de la monnaie. Il portera donc seul tous les frais, à moins que vous ne décrétiez encore des assignats de 24 sous, de 12 sous et au-iessous. Si cette motioa vous était faite, vous la rejetteriez, sans doute, avec indignation, et vous auriez raison. Eh bienl Messieurs, vous serz, malgré vous, obligés d’y venir, bî vous décrétez des assignats de 5 livres, paree que la même raison qui vous ferait adopter aujourd’hui ceux de 5 livres, vous déterminerait à adopter ceux de 12 et 24 sous et on ne tarderait pas à vous faire cette demande. Je vous avoue que je ne vois pas de sang-froid que les intérêts du pauvre, qui nous doivent être si précieux, soient sacrifiés par l'émission des assignats de 5 livres ; tandis qu’en n’en décrétant pas au-dessous de 50 livres, le coût de l’échange n’atteignait que l’homme aisé. N’oubliez pas, Messieurs, ce que vous a dit 4 cet égard M. Beaumete, avec autant de vérité que (I) Cf discours est incomplet an Moniteur. [Assemblée aaUonale.j ARCHiVfiS PAJUJUIENTJüLftES. [S mai 1791. j d'énergie, le ne voua le répéterai point, pour ne pas ea affaiblir l'impression : je me bornerai à vous rappeler votre délibération du 21 février dernier. Lorsrpie, à cette époque, M. Camus, sur les 50 millions d’assiguats qui restaient à fabriquer, proposa qu’il en fût fabriqué 30 millions de 100 livres et 20 raillions de 50 livres, un honorable membre lit la motion que ces 50 millions fussent partagés, moitié en assignats de 50 livres, et moitié en assignats de 25 livres. Vous décrétâtes que les 50 millions seraient fabriqués en assignats de 50 livres. Alors, la question fut profondément discutée; et je me rappelle très bien qu’on demanda la lecture du décret du 8 octobre 1790, qui fixe les plu 8 petits assignats à 50 livres. Vous n’avez pas cédé alors, commeon l’aavancé, à une terreur panique; vous avez été entraînés par la conviction intime où vous étiez, q e de plus petits assignats feraient disparaître tout îe numéraire. Comment se peut-il donc qu’aujourd’hui on vous demande des assignats d“ 5 livres ! Cette demande est peu réfléchie. Considérez, Messieurs, à quel instant elle est faite. C’est lorsque l’émission des assignats de 80, de 70 et de 50 livres n’est pas complète; c’est lorsque les 15 misions de petite monnaie sont à la veille de parai re ; c’est enfin lorsque, par la réunion de la circulation, tant de la totalité des petits assignats, que des 15 millions de petite monnaie, le taux de l’argent peut baisser. Attendez-en donc au moins le résultat. Que risqoez-vous de différer à prononcer sur celte motion. Vous ne risquez rien, sans doute; et vous risquez tout à la décréter aujourd’hui. Quand bien même vous décréteriez aujourd’hui ces très petits assignats, vous ne pouvez raisonnablement estimer qu’il y en ait dans le commerce avant deux ou trois mois*. A coup sûr, d’ici là, la petite monnaie et celle de cuivre seront en circulation ; on vous l’a fait espérer. Dans ces circonstances, quel est le parti que la raison vous indique ? Elle vous crie : Ne précipitez rien; attendez. N’hésitez doue pas, Messieurs, à suivre ce conseil , il me paraît sage. L’auteur de la motion, Messieurs, vous a dit que, sans ces petits assigoats, le commerce périssait; qu’il n’y avait pas un instant à perdre pour les décréter; qu’eux seuls pouvaient lui donner la vie. Mais il vous a dit aussi que les commissions étaient abondantes ; que c’était les ouvriers qui manquaieot. Pour moi, je vous avoue que je ne puis concilier l’idée du commerce à l’agonie avec des commissions abondantes. L’unique conséquence que je me permette d’en tirer, c’est q« ’on peut, sans risque, différer de décréter ces très petits assignats. Je sais qu’on m’objectera que le public, le commerce, le tahricant demandent de ces très petits assignats; enfin que, dans quelques villes, on a fait des coupures d’assignats, et qu’on s’eu trouve bien. Je réponds que je ne suis pas étonné que le public, le commerce et le fabricantse plaignent de ce qui leur en coûte nour avoir du uuméraire. Les plaintes sont naturelles. On souffre impatiemment un mal douton croit pouvoir se garantir; maie le remède qu’on prétend y apporter ne sera-t-il pas un plus grand mal encore? N’est-il pas probable qu’il rendra la petite monnaie plus rare? Non, Messieurs, ce n'est plus aujourahui une probabilité : c’est une certitude. Je ne dois pas vous taire que, depuis qu’il est question de petit* assignats de 5 livres, là petite monnaie s’enlève et s’achète à haut prix. Je vous m assure de sa cherté par ma propre expérience. J’en ai fait chercher, car elle est rare : on en a demandé 5 0/0 contre argent; et j’ai su hier que, dans Us marchés, on la ramassait. La crainte d’en ma quer ou le besoin actuel en sont probablement la cause. C’est un motif de plus pour accélérer l'émission des 15 millions que vous avez décrétés ; mais, d’ici au moment où elle sera en circulation, n’est-il pas à craindre (si vous décrétez de ces assignais très petits) que la rareté de la monnaie n’excite des rixes dans les marchés; rixes toujours dangereuses, dont on ne peut calculer les suite'? N’est-il pas à craindre qu’on introduise beaucoup depetites monnaies étrangères? Personne n’ignore, sans doute, que cette petite monnaie étrangère, inférieure à la nôtre, pour le titre et le poids, nous étant donnée pour une valeur égale à la nôtre, ne prépare aux étrangers un gros bénéfice; et ils ne le négligeront pas : qu’ainsi ils emporteront nos écus, au grand désavantage de la nation. Voyez, Messieurs, si, étant les économes de la fortune publique, vous devez risquer la création actuelle de très petits assignats. Je répondrai donc au commerce et au fabricant : Vous avez très certainement aujourd’hui moins besoin d’argent que vous n’eu aviez besoin avant l’émission des assignats de 100 à 50 livres ; il ne vous en faut que pour vos appoints. Voyez donc si vous oréférez que les ouvriers en supportent les frais. Non, Messieurs, leur patriotisme me répond qu’ils préféreront en affranchir les ouvriers; et, en dernière analyse, si cette perte était trop forte, n’ont-ils donc pas la ressource de s’en prévaloir sur le consommateur? A l’égard des chefs d’ateliers, qui vous demandent de petits assignats, hâtez-vous de faire fabriquer de la petite monnaie, et vous verrez que leur vœu sera rempli. Il ne me reste plu3 qu’à détruire l’induction qu’on peut tirer de ce que quelques villes ont fait avec succès des coupures d’assignats. Je réponds que ces coupures municipales sont sans danger, parce que la masse en est petite; parce que les signatures peuvent facilement se vérifier; parce qu’au premier abus, on peut aisément les retirer; parce qu’ils sont payables à présentation; parce qu’enfîn la circulation n’est que locale et volontaire. Les asssignats au contraire, étant papier-monnaie, doivent être forcément reçus. L’homme delà campagne, l’ouvrier ne peuvent les refuser. Perpétuellement dans leurs mains, ils sont sujets à plusieurs inconvénients dont je vous épargne le détail. Et qui sait si, à cause de ces inconvénients (étant une lois eu circulation), ils seraient aussi fêtés, qu’ils paraissent actuellement désirés? N’est-il donc pas beaucoup plus prudent d’ajourner la motion -, de hâter la fabrication de la petite monnaie; d’en décréter même une plus grande quantité; de presser l’émission des assigoats décrétés le 8 octobre 1790 ? Je demande donc que la motion des assignats de 5 livres soit ajournée jusqu’après la fabrication des 15 millions de petite monnaie, et l'émission des assignats décrétés le 8 octobre dernier. Je demande encore que le comité des finances donne son avi3 sur le projet de décret proposé par M. de Montesquiou. Plusieurs membres à droite demandent l'impression du discours de M. Germain. A gauche : La question préalable! L’ordre du jour ! 900 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 mai 1191.) M. le Président. On réclame l’ordre du jour. (Protestations à droite .) M. deFollevllle.il faut, Monsieur le Président, ue cette motion soit faite par quelques membres 'une manière distincte, sinon vous feriez passer toutes les motions que vous voudriez. M. le Président. Monsieur de Folleville, je vous rappelle à l’ordre. (L’ Assemblée décrète l’impre3sion du discours de M. Germain.) M. Bnzot. Je demande également que l’Assemblée décrète l’impression d* la pétition des marchands de Paris sur les assignats, qui vous a été lue dans la séance du 29 avril dernier (1), par M. Pétion. M. Briois Beaumetz. J’appuie cette motion. (La motion de M. Buzot est décrétée.) M. de Moailles. L’exportation du numéraire effectif vous presse de prendre une mesure qui, multipliant les signes représentatifs de la monnaie, vous offre les moyens de venir efficacement au secours du peuple. La motion présentée par M. Rabaud se réduit maintenant à ce point de discussion : La nation fera-t-elle des petits assignats qui doivent entrer en circulation, ou abandonnera-t-elle le soin de cette fabrication à une foule de compagnies particulières? La sage abolition des privilèges exclusifs, et la liberté dont l’industrie doit jouir, ne permettent pas d’interdire à qui que ce soit de fui e circuler des billets sur son propre crédit ; mais quand on prévoit celte circulation, quand on en connaît la seule base qu’elle puisse avoir, quand on en calcule les inconvénients, et quand pour les prévenir la nation n’a besoin que de faire usage de la liberlé qu’elle laisse aux individus, ses représentants sont trop heureux de faire le bien public, san< blesser aucun des principes de la liberté politique et civile. Aucune compa-f;nie, aucun particulier, ne peuvent mettre dans a circulation des billets exigibles à tous instants et payables en argent effectif. Son excessive rareté fend cetn-tentative impossible. Il ne peut doue être question que de billets exigibles à tout instant, mais payables en assignats. Il arrive même que celte exigibilité est illusoire, car puisque les billets, pour être uti'es dans la circulation, doivent représenter des portions d’assignats, il s’ensuit nécessairement qu’ils ne seront exigibles qu’autant qu’on présentera, au bureau d’ou ils sortent, un nombre de fractions équivalant à un assignat. On ne peut donc pas dire, comme je ne sais quelle caisse patriotique l’a fait imprimer, que ces billets seront repris du porteur, à toutes réquisitions, contre des assignats; car l’individu ui n’aura qu'un billet équivalent à une fraction 'assignat, ne pourra jamais l’échang r contre un assignat; il sera forcé de le dépenser auprès de ceux qui consentiront à le recevoir en payement, et celte classe d’individus qui n’auront jamais qu’une ou deux fractions d assignats, sera nécessairement la plus nombreuse, sans quoi il serait faux de dire que les petits assignats sont d’une urgente nécessité. Cette considération prouve déjà l’erreur de ceux qui prétendent qu’il vaut mieux laisser aux (1) Yoy. ci-dessus, p. 426 et suiv. articuliers le soin de l’entreprise des petits illets, que d’en charger la nation. Un petit assignat est une monnaie que personne ne pourra refuser, qui ne pourra inquiéter personne, tandis qu’un billet uni luement payable en assignats, obtiendra une grande défaveur. Ordonnera-t-on, pour y remédier, que ces billets soient reçus dans les caisses publiques et en payement des biens nationaux? Mais alors ou en mit des assignats; et pourquoi s’exposer à voir dans la circulation des assignats d’une multitude de fabriques différentes? Car ce que l’oa accordera à l’une, on ne pourra le refuser à l’autre, si les sûretés sont égales. M. Beaumetz, ne pouvant contester que les petits assignats sont devenus absolument nécessaires, renvoie le public aux billets qui seront fournis par des établissements particuliers. Il s’étonne que la capitale n’ait pas imité l’exemple de quelques villes du royaume, et même qu’elle ne l’ait pas donné : mais M. Beaumeiz s’est répondu à lui-même. 11 craint dans les petits assignats la mauvaise humeur du pauvre, qui sera obligé de donner à perte l’unique fruit de son labeur. Mais en sera-t-il différemment d’un billet créé par une société particulière, et remboursable enas.-ignats? Le pauvre, dira-t-on, sera libre de refuser ce billet. Mais le refusera-t-il quand le chef d’atelier dont il dépend, ne lui présentera pas autre chose? M. de Beaumetz n’a pas senti que les établissements qu’il loue, n’ont de médite qu’autanl que les ouvriers peuvent y trouver de l’argent; or cela est devenu ou impossible, ou trop coûteux pour des compagnies pirticulières. Les sacrifices qu’elles auraient à faire seraient trop longs, et par cela môme trop considérables. B trdeaux vous en offre l’exemple. On ne peut plus s’engager qu’à fournir des billets payables en assignats; dès lors ces billets ne so t plus que des intermédiaires inférieurs à l’assignat ; dès lois le petit assignat a sur ces billets l’avantage de l’assignat même, tandis que le petit as-ignat n’a pas un seul inconvénient qu’on ne puisse reprocher aux billets des établissements particuliers. Aussi ne trouvera-t-on pas un seul homme instruit et sincèrement attaché à la chose publique, qui n’ait été affligé de l’annonce de cette caisse, dont on parle dans la capitale, sous le nom de patriotique. Les auteurs de cette nouvelle caisse vous disent « que nar des motifs pesés dans votre sagesse, vous vous ôtes déterminés à ne pas émettre des assignats au-dessous de 50 livres, et cependant l’entreprise d’y suppléer par de petits billets, ils l’appellent louable et vraimeot patriotique. » Et pourquoi? « à cause de l’embarras dans lequel se trouvent les ouvriers, Us débitants de comestibles et les marchands, par le manque de numéraire ou de valeurs au-dessous des petits assignats. « Or, seriez -vous sages, si tous vous étiez interdit un moyen absolument nécessaire pour suppléer au manque du numéraire dans la classe la plus importante de la société, les ouvriers, les débitants de comestibles et les marchands en détail? Non, vous ne ferez pas cette faute grave, vous êies toujours en état de satis� faire aux besoins du peuple; et la mauière qui vous sera démontrée la plus avantageuse, sera celle que vous préférerez. Or, sousaucun rapport, les billets de cette caisse prétendue patriotique, ne sauraient valoir mieux que de petits assignats. Lss auteurs du projet ajoutent encore qu’il importe de mettre dans la circulation des effets libres qui puissent suppléer les papiers forcés. [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 1791.] Mais quVntendent-ils par effets libres qui ne peuvent être payés qu’en papiers forcés? Veulent-ils donc après qu’on a prouvé que notre papier territorial avait autant et plus de droit d’étre forcé que la monnaie métallique, renouveler les préjugés que nous avons détruits? Mais alors qu’ils impriment donc à leurs insignifiants billets, une valeur plus recherchable que celle de nos assignats. Je reviens à M. Beaurnetz et à ses arguments pour éloigner les petits assignats. M. Beau-metz nous dit que l’Angleterre a interdit à la banque de mettre en émission de petits billets, Jtu’aussi les jetons qu’on voit en Angleterre sont ondés sur le crédit particulier des maisons de commerce; que chaque entrepreneur a ses jetons, ses marques, avec lesquelles il paye ses ouvriers, etc. M. de Beaurnetz oublie que nous avons une monnaie inconnue aux Anglais, notre monnaie territoriale; qu’elle ne peut entrer en nulle comparaison avec leurs billets exigibles en argent. Notre monnaie territoriale est exigible en terre, c’est-à-dire en un genre de valeur qui précède toutes les autres, en une richesse essentielle et sans laquelle tout autre objet serait sans valeur. M. Beaurnetz prétend que si les assignats de 200 livres perdent 6, 7 et 8 0/0, les assignats de 5 livres perdront 6, 7 et 8 sous, et que cette différence sera supportée par le pauvre; mais l’assignat de 200 livres perd plus que celui de 100 livres; celui-ci plus que celui de 50 livres. En suivant ces proportions, il résulte que l’assignat de 5 livres ne perdra presque rien, s’il est échangé contre de la monnaie métallique, et ne perdra rien du tout, s’il est échangé coutre des denrées. D'ailleurs nous avons des coupons en circulation. Que sont ces coupons, si ce n’est en effet de pe ps os-ignats? Eh bien, les coupons circulent, personne ne les refuse, et ils ne souffrent aucune espèce d<- perte. M. Beaurnetz a encore avancé que ce qui rendait difficile l’échange des petits assignats, c’est que notre monnaie de billon n’est pas dans une proportion égale avec celle de nos écus. M. Rabaud a répondu à cette objection, en vous proposant une nouvelle émission de monnaie de billon, en vous demandant d’en hâter la fabrication. Ii me semble donc que M. Beau-metz ne fait qu’écarter le véritable état de la question par ses comparaisons et ses aperçus. Il s’agit essentiellement de savoir si nous devons subdiviser notre monnaie territoriale, comme en a subdivisé la monnaie métallique ; si nous devons, pour ainsi dire, couper nos biens naiio-naux, mis en circulation, en divisions qui nous rendent, pour l’usage de l’intérieur du royaume, l’or et l’argent absolument inutiles. C’est la terre qui, en dernière analyse, donne le prix à l’or et à l’argent; et, dès lors, si nous pouvons représenter la terre par des billets, qu’avons-nous besoin de l’or et de l’argent? Il en faut, sans doute, pour le commerce étranger. Mais sous ce point de vu1, l’or et l’argent ne sont qu’une marchandise qui, comme toute autre, s’échange contre des marchandises; et remarquez que dans ce dernier rapport l’intérêt de la classe pauvre n’est point compromis par nos dispositions; elle n’a point de payement à faire dans l’étranger ; elle ne vous demande qu’un signe commode et suffisant pour faire ses échanges de tous les jours; elle ne vous demande que d> s équivalents dont la valeur ne soit pas idéale. Tels sont les assignats. Et comme il faut de toute nécessité admettre une monnaie métallique, pour les dernières divisions, qui n’ait presque d’autre prix que celui de la nécessité, la classe pauvre vous demande que la monnaie territoriale puisse joindre cette autre monnaie fictive qu’on peut faire avec de bons métaux, et qui tire tout son prix de la nécessité. Cette demande nous conduit à faire des assignats de la plus petite somme possible, afin que ccs assignats paissent s’échanger facilement avec une monnaie qui, par sa nature, n'entre point dans nos rapports commerciaux avec l’étranger; monnaie que, par cela môme, on peut appeler nationale, de même que les assignats; monnaie qu’on nous invite, avec raison, à multiplier incessamment, en nous servant des plus habiles altistes, qui au moyen de la perfection, peuvent la rendre inimitable; monnaie enfin, dont nous avons ordonné la fabrication il y a plusieurs mois. On objecte que les petits assignats dispenseront les riches, les gros marchands, les chefs d’ateliers, de chercher de l’argent pour payer les pauvres et que, dès lors, ceux-ci supporteront la perte sur les assignats qui, jusqu’à présent, s’était éloignée d’eux. D’abord ce fait est faux ; il y a trop d’égoïsme chez les riches, chez les gros marchands et chez les chefs d’ateliers pour croire qu’ils n’aient pas trouvé les moyens de faire supporter aux pauvres plus que leur part des pénuries actuelles; et à moins qu’on ne veuille s’entêter ridicu'ement contre l’évidence, on est forcé de convenir qu’un homme qui vi!, du jour au jour, du salaire de son labeur, souffrira beaucoup moins en possédant un assignat de 5 livres qu’on n’aura aucun prétexte de lui refuser, qu’il ne souffre du crédit qu’il est obligé de solliciter ou du travail dont on le prive, par la seule raison de la difficulté à se procurer du numéraire, ou de la dépense qu’il faut faire en pure p rte pour l’acheter. Pourquoi d’ailleurs veut-on qu’un assignat de 5 livre s perde contre le prix des choses ? N’a-t-il pas son placement assuré dans les biens nationaux? et le vendeur des subsistances fera-t-il moins de crédit lorsque de petits assignats faciliteront davantage le payement du salaire, que dans l’état actuel où la rareté toujours croissante rend le sort des pauvres consommateurs tout à fait incertain ? M. de Monlesquiou, dont l’opinion parait favorable aux petits as-ignats, et qui, cependant, conclut contre leur émission, propose de changer, à bureau ouvert, des assignats de grosse valeur contre des assignats de moindre somme et de créer une monnaie de département. M. de Monlesquiou. Je n’ai jamais eu cette idée. M. de Mouilles. Il me semblait que, dans la dernière opinion de M. de Montesquiou, il avait dit qu’il serait possible de faire une monnaie de département. Quand ce serait une autre qui l’aurait dit, c’est la même chose. L’auteur de cette idée ne prétend pas que ces échanges soient faits gratuitement et, dans ce cas, le gouvernement doit supporter les pertes ou jouir des bénéfices. La monnaie de département serait d'autant plus inconvenante qu’elle donnerait à chacune des sections du royaume une manière de se passer du reste, et de former un système fédératif qui serait le malheur de la France. Notre Constitution doit avoir pour objet de lier toutes les parties de l’Empire, et tout ce [Assemblée nationale.] ARCHIVES BARLKMENTAUfcES. [5 mai 1791.) MS qui tend à les séparer esl contraire à la liberté et à la prospérité oationale. La pétition sur les petits assignats, qui a été lue à l’Assemblée par ML. Pétion, annonce qu’on u’a pas embrassé crasses bonne heure la mesure des assiguals dans l'étendue auelle doit avoir et dans les détails que la nature des choses exigeait. Le ministre des finances occui é de trop d’objets ne peut pas observer les besoins de la circulation et suivre avec une attention journalière les mouvements de notre numéraire et en prévenir l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas pu examiner cette multitude de causes qui se prêtent secours les unes aux autres, et qui déjouent toutes les spéculations par lesquelles nous voudrions fixer dans le royaume, au service de la circulation, quelques portions d’or ou d’argent. Nous aurions appris que, s’il est un moyen de faire naître quelque abondance dans l’or et l’argent, c'est de nous en passer, et toutes nos mesures se seraient depuis longtemps dirigées vers ce moyeu; puisque au fond, il ne s’agissait que de suppléer au numéraire réel par un numéraire plus réel encore. Et qu’on ne nous dise pas que notre Constitution achevée, et les contributions des citoyens mises en pleine recette, nous verrons subitement les métaux rentrer dans la circulation. Ces promesses ne reposent que sur des notions vagues; elles ressemblent à ces espérances toujours trompées et toujours renaissantes d’un ministre qui n’a pas pu s’élever à la hauteur des circonstances dès l’instant qu’il a fallu sortir des routes où nos linances se sont perdues. Voici ce qui seul étant certain doit nous diriger. Nous avons des biens nationaux que nulle force ne peut nous ravir, ou bien elle nous ravirait toute autre source, quelle qu’elle soit, d’où nous pourrons tirer les sommes nécessaires aux besoins publics. La confiance dans la possession de ces biens est assurée; nous voyons par ceux qui les recherchent et par le prix que Ton y met, u’on ne redoute contre la possession actuelle e ces biens aucun événement, fùt-il même contraire à la liberté ; car enfin le despotisme aurait ses besoins, pour le moins, aussi considérables que les nôtres. De ces vérités il en résulte une autre non moins évidente, c’est que nous avons incontestablement une monnaie territoriale, et que cette monnaie ne peut souffrir de discrédit que par notre propre faute ou par de mauvaises intentions. Pour prévenir le premier inconvénient et pour combattre les mauvaises intentions avec plus de de succès qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, il est nécessaire de créer une commission composée de membres qui n’aient point à défendre les opinions et les procédés par lesquels l’Assemblée a été dirigée jusqu’à présent, et que cette commission appelle dans son sein les personnes qui sur les assignats et sur les monnaies ont montré une instruction et une prévoyance auxquelles nous sommes forcés aujourd’hui de rendre justice. La commission que je propose d’établir serait chargée de diriger et de surveiller l’exéccrtion et la meilleure distribution des petits assignats ; elle ferait exécuter une fabrication de monnaie nationale en quantité suffisante pour concourir avec les petits assignats. Il lui serait enjoint de veiller 4 la perfection des assignats et à celle de la monnaie nationale, de prendre de telles mesures qu’on ne vît plus le scandale dont nous avons été témoins. 11 est incroyable qu’on n’ait pas pourvu 4 ce que les citoyens, sans distinction, pussent obtenir de petits assignats contre des gros jusqu’à ce que les petits aient été entièrement épuisés; il ne l’est pas moins que la même précaution n’ait pas été prise pour les principale? villes dm royaume. La commission dont j’ai parlé se ferait rendre un compte exact et détaillé de toutes les opérations faites depuis le départ de M. Necker, pour se procurer du numéraire effectif, afin de faire à l’Assemblée nationale le3 rapports nécessaires pour l’éclairer sur une opération, devenue aujourd’hui si importante. Ainsi regardant notre monnaie territoriale comme ne pouvant pas nous être ravie, comme étant la seule qui puisse résister à cette multitude de causes et d’effets dans lesquels l’esprit le plue exercé s’embarrasse ; je conclus à tous les moyens qui rendront les assignats plus immédiatement utiles à la classe pauvre et laborieuse ; en conséquence, j’adopte les quatre premiers articles du décret présenté par M. Rabaud, en observant. 1° Que des assignats de 20 et de 10 livres présentant un secours plus prompt, il sera incessamment formé des assignats de 20, de 10 et 5 livre?, en exigeant que ces derniers soient au moins dans une quantité égale à celle des deux autres prises ensemble, cvest-à-dire que pour deux assignat?, l’un de 20 et l’autre de 10 livres, il y en ait six de 5 livres. 2° Je propose par amendement qu’il soit nommé une commission de quatre personnes chargée de surveiller l’exécution du décret, et d’instruire l’Assemblée de tout ce qui concerne l’état actuel des métaux précieux, et de lui soumettre une opinion sur le système qu’il convient d’embrasser sur cet important objet. 3° Je demande enfin que l’Assemblée ne cesse de presser la fabrication d’une monnaie de billon, qui, destinée à secourir le pauvre, puisse subvenir à tous ses besoins. (Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires. Monsieur le Président me charge Messieurs, de vous donner lecture d’une lettre du ministre de l'intérieur ; la voici : « Monsieur le Président, « Les motifs exprimés dans la lettre que M. Huber a écrite au comité des finances de l’Assemblée nationale, l’ayant déterminé à remettre au roi sa démission de la place de commissaire de la trésorerie (1), Sa Majesté m’a chargé de (i) Lettre adressée par M. Huber, à M. le président du comité des finances, motivant sa démission de la place de commissaire de la trésorerie. Paris, le 5 mai 1791. « Monsieur le Président, « Appelé, sans aucune sollicitation, et par le choix libre du ministre du roi, à remplir une des six places de commissaire de la trésorerie, il fallait, pour accepter un poste de celte importance, que j’eusse, comme il l’avait lui -même, la parfaite conscience de ma pureté; il fallait, sans prévoir que j’en serais requis, être prêt à en donner des preuves ; et quelles preuves pins fortes pouvais-je présenter que celles qui résultent do cours ae la grande moitié de ma vie, employée i mériter, obtenir et conserver l’estime publique dans te lieu où j’ai vécu? Fort de cette armure, je n’ai balancé à me livrer au travail imposant qui m’était offert, qu 'autant de temps qu’il fallait pour en apercevoir la vaste étendue, et j'ai eu le courage de quitter pou une tâche effrayante, le bonheur tranquille d’une situation ignorée. « A peine placé sur le grand théâtre de la nation, j’ai été attaqué avec toute la violence de la passion la plus «die u se, celle de L’intérêt personnel nui déguùw