374 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.1 M. Defermon. Des citoyens réunis de toutes les parties du monde viennent vous offrir le plus bel hommage que vous puissiez jamais recevoir pour prix de vos travaux ; je fais la motion que leur demande soit accueillie par acclamation, et leur discours imprimé avec la réponse du président. — Cette proposition est adoptée à l’unanimité. M. Alexandre de Laineth. J’appuie, Messieurs, la proposition qui vous est faite en faveur de ces généreux étrangers, et qui, sans doute, n’éprouvera pas de difficulté. Mais j’ai à vous présenter une autre idée ; le jour où les députés de toutes les provinces se rassembleront pour jurer cette Constitution, qui promet à tous les Français la liberté et l’égalité, ne doit pas rappeler à quelques-unes d’elles des idées d’humiliation et de servitude. Les figures représentant quatre provinces, dont les députés ont toujours été comptés dans cette Assemblée parmi les plus fermes appuis des droits de la nation, sont enchaînées, comme les images de peuples tributaires, aux pieds delà statue de Louis XIV : souffrirons-nous, Messieurs, que les citoyens qui viendront jurer la Constitution pour cès généreuses provinces aient les yeux frappés d’un spectacle que des hommes libres ne peuvent supporter ? Ces monuments de l’orgueil ne peuvent subsister sous le règne de l’égalité. Elevez des statues aux princes qui ont bien mérité de leur pays ; con-sacrez-en une à la mémoire du restaurateur de la liberté; mais empressez-vous de détruire des emblèmes qui dégradent la dignité de l’homme et qui doivent blesser des concitoyens que nous honorons et que nous chérissons.” Je fais la motion que les quatre figures enchaînées qui sont au bas de la statue de Louis XIV, à la place des Victoires, soient enlevées avant le 14 de juillet. M. Gourdan. J’adhère à cette motion comme Franc-Comtois ; depuis longtemps elle était écrite dans mon cœur et dans celui de tous mes compatriotes, qui ont toujours abhorré l’esclavage. Plusieurs membres de la partie droite demandent l’ajournement. M. Lambcl, député de Villefrânche-de-Rouergue. C’est aujourd’hui le tombeau de la vanité. Je demande qu'il soit fait défense à toutes personnes de prendre les qualités de comte, baron, marquis, etc. M. Charles de Lameth. J’appuie la première proposition du préopinant ; les titres qu’il vous invite à détruire blessent l’égalité qui forme la base de notre Constitution ; ils dérivent du régime féodal que vous avez anéanti; ils ne sauraient donc subsister sans une absurde inconséquence : il doit être défendu à tous les citoyens de prendre, dans leurs actes, les titres de pair, duc, comte, marquis, etc. J’appuie également sa seconde proposition; la noblesse héréditaire choque la raison et blesse la véritable liberté ; il n’est point d’égalité politique, il n’est point d’émulation pour la vertu là où des citoyens ont une autre dignité que celle qui est attachée aux fonctions qui leur sont confiées, une autre gloire que celle qu’ils doivent à leurs actions. Il doit donc être également défendu de prendre, dans les actes, le titre de noble. Quant à ceux qui, dans le langage, ou dans leurs lettres, affecteraient de conserver encore ces distinctions puériles, l’opinion les en punira en les notant parmi ceux qui méconnaissent encore notre heureuse révolution. M. de Lafayette. Cette motion est tellement nécessaire, que je ne crois pas qu’elle ait besoin d’être appuyée ; mais si elle en a besoin, j’annonce que je m’y joins de tout mon cœur. M. le marquis de Foucault. Je ne sais ce qui résultera de la délibération ; mais ma mission est de m’y opposer de tout mon pouvoir. Le jour où notre patriotisme a été le plus spécialement consacré, à la fameuse époque du 4 août, cette motion fut présentée. On nous a dit qu’on était trop heureux de pouvoir établir des récompenses de cette nature. Comment récompenser quelqu’un dont le nom peu connu obtint des lettres en ces termes? « Un tel fait noble et comte pour avoir sauvé l’État, à telle heure. « Il resta avec ce titre, qui a servi de fortune à toute sa famille. M. de Lafayette. Au lieu de dire : « a été fait noble » , on dira, « a sauvé l’État, à telle heure». M. Goupil de Préfeln. Qu’il me soit permis de dire que j’étais depuis longtemps tellement pénétré de toutes ces idées, que j’avais tracé d’avance des articles qui comprennent les divers objets qui vous occupent. Je vous demande permission, Messieurs, de vous en faire la lecture : « Les titres de duc et pair, comte, vicomte, baron, marquis, chevalier, et tout autre titre attaché aux terres ci-devant féodales et seigneuriales, sont abolis et ne pourront jamais être rétablis. — Tous titres honorifiques héréditaires sont abolis, et toutes lois qui ont pour objet les distinctions héréditaires sont abrogées. — Ceux qui, contrevenant aux dispositions ci-dessus énoncées, prendront, en quelque acte public ou privé, des titres abolis, seront condamnés à 1,000 livres d’amende, et seront rayés, pendant un an, de la liste des citoyens actifs. — Toute loi, ordonnance, titre, règlement, charte defondation, en un mot, toutes dispositions suivantjlesquelles des’associa-tions et congrégations qui étaient réservées à certaines personnes et à certains titres, sont abolis. — Toute qualification de nosseigneurs et mes-seigneurs sont abolis, sauf l’exception qui sera déterminée ci-après. — Ceux qui adresseront, soit à l’Assemblée nationale, au conseil du roi, soit à quelque tribunal ou assemblée administrative, ne pourrontleur donner d’autre appellation que celle de messieurs. — Le titre de monseigneur ne pourra être donné à personne, de quelque état et de quelque rang qu’elle soit, saut l’exception des princes du sang. » M. de Lafayette. Je demande à faire une observation sur cette exception. Dans un pays libre, il n’y a que des citoyens et des officiers publics. Je sais qu’il faut une grande énergie à la magistrature héréditaire du roi. Mais pourquoi vouloir donner le titre de prince à des hommes qui ne sont, à mes yeux, que des citoyens actifs, lorsqu’ils se trouvent avoir les conditions prescrites à cet égard ? M. le comte de Fauclgny. J’ai toujours été dans ces sentiments; je fais un grand cas de Légalité ; mais pour traiter une aussi grande question, il faut une séance du matin. Je demande