Q2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790. motions au comité de liquidation pour en rendre compte incessamment. (Ce renvoi est ordonné.) (L’Assemblée reste quelque temps dans l’inaction parce que le rapporteur sur l’affaire de Brest n’est pas encore prêt). M. La Réveillère de Lépeaux fait lecture d’une adresse de la commune d’Angers en faveur de l’émission des assignats et annonce de nombreuses signatures. M. Riche. Je demande la lecture du nom des signataires. M. La Réveillère. L’adresse, en réalité, n’est pas signée, mais on doit m’envoyer une longue liste des adhérents. M. le Président. Les comités réunis chargés d’examiner l'affaire de Brest sont prêts à vous rendre compte de leur travail. Le rapporteur a la parole. M. de Curt, au nom des comités de marine, des colonies et des recherches. Vous avez entendu ce matin la lecture de la lettre du ministre de la marine, qui vous rend compte d'un événement arrivé à Brest. Vos comités se sont retirés, conformément à votre décret, pour examiner cette affaire, et, après avoir lu avec attention les pièces, ils ont décidé de vous présenter le projet de décret que je suis chargé de vous lire. Ils ont cru nécessaire avant tout devous donner lecture de la lettre de M. d’Albert à M. de La Luzerne. Extrait de cette lettre. Brest , le 16 septembre 1790. — » Hier, à 7 heures du soir, un officier vint m’annoncer qu’un matelot du Léopard avait tenu des propos séditieux et avait insulté le major du vaisseau. Je demandai s’il était ivre, et sur l’affirmative j’ordonnai qu’on le conduisît à bord. Un autre officier, bientôt après, m’annonça que l’arrestation de ce matelot avait excité dé la fermentation sur le vaisseau le Patriote , où elle avait été faite. Le patron du canot du vaisseau avait montré le plus de chaleur. Je le fis venir dans la chambre du conseil, où il me déclara que le matelot n’était point coupable, et qu’il ne devait pas être puni. J’eus la force de me contenir. Je lui demandai pourquoi il prenait pour une punition l’ordre que j’avais donné ; que lui seul était coupable, et que je me contenterais de le renvoyer à son bord. J’avoue cependant que je pensai perdre patience, lorsqu’il me demanda si j’assurerais ce que je viens de dire. Je lui ordonnai de se retirer promptement, ce qu’il fit, en me disant que c’était au plus fort à faire la loi, çju’il l’était, et que lematelotne serait point puni. — Le désordre durait toujours à bord du Patriote. M. Dentrecasteaux cria aux séditieux que si cela continuait il serait forcé de quitter le commandement : Tant mieux, s’écrièrent-ils, vive la nation! les aristocrates à la lanterne! M.Dentrecaste aux sortit alors du vaisseau, et je lui permis de venir à terre en le chargeant d’informer la municipalité de ce qui s’était passé. — Ce matin à huit heures, je me suis transporté à bord du Patriote, j’ai ordonné que tous les officiers se tinssent sur le gaillard d’arrière ; j’ai fait venir l’équipage et j’ai demandé quelle était la cause du trouble. On a gardé le plus profond silence. Je me suis alors adressé au patron du canot ; il m’a répondu qu’on avait craint que le matelot du Léopard-ne fût trop sévèrement puni. J’ai fait venir l’officier que j’avais chargé decette commission; il a rapporté les faits que je viens de vous raconter. Vous voyez, ai-je dit à l’équipage, que vos craintes étaient mal fondées. Votre faute, ai-je ajouté au patron du canot, est bien plus grave ; vous avez manqué à votre capitaine, vous m’avez manqué, je ne puis m’empêcher de vous envoyer en prison et vais y envoyer. Plusieurs voix se sont écriées : Il n'ira pas. — Vous allez donc me désobéir? — Il n'ira pas. — Que ceux qui sont disposés à obéir se montrent et lèvent la main. — Personne ne s’est montré. J’ai dit que j’allais faire part de leur désobéissance à la cour. J’ai voulu auparavant m’informer s’ils avaient à se plaindre de leur capitaine? — Non. — S’ils se plaignaient de moi? — Non. — S’ils avaient des plaintes à faire contre leurs officiers? — Non. — Je suis entré dans la chambre du conseil où j’ai fait entrer les sergents ; je leur ai fait observer que l’équipage les déshonorait en se déshonorant lui-même. Ils ont répondu qu’ils n’étaient pour rien là dedans. Je leur ai dit qu’ils ne remplissaient pas tout leur devoir en observant l’ordre, s’ils ne le faisaient pas observer. « Je rejoins mon bord, ai-je continué, afin de donner le temps de revenir sur ce qui s’est passé. A mon départ j’ai entendu beaucoup de cris de vive la nation ! sans rien distinguer de malhonnête pour moi. L’heure s’écoulait et j’attendais en vain; je me suis embarqué dans mon canot pour aller conférer avec M. d’Hector. Plusieurs voix ont crié au patron : Fais chavirer le canot. Je n’ai pu distinguer ceux qui se sont rendus coupables de cette insolence, qui sera, sans doute, suivie de bien d’autres. — A bord du Majestueux , plusieurs soldats ont refusé de faire le service de la manœuvre, sans être punis... En vain je voudrais persuader aux officiers que la subordination règne encore ; ma bouche leur persuaderait mal ce que je ne crois pas moi-même ; il n’y a d’espoir absolument que dans une commission composée de membres de l’Assemblée nationale. Les décrets ne ramèneraient point, on s’en moquerait. » (On lit ensuite plusieurs pièces qui constatent ces faits.) M. de Curt. Plusieurs officiers sont prêts à donner leur démission, moins découragés des dangers qu’ils courent que de l’impossibilité de rétablir la discipline. M. de Marigny, major général de la marine, a éprouvé des traitements dont je dois vous rendre compte. Le bruit s’étant répandu que des lettres interceptées annonçaient que si on l’envoyait à Saint-Domingue avec des vaisseaux, il saurait bien faire rentrer dans l’ordre ceux qui en sont sortis, des attroupements considérables se sont formés, et l’on a planté la potence à sa porte. Il n’était pas chez lui. Il a quitté son uniforme, en demandant qu’on le jugeât, et en donnant sa démission que M. d’Albert n’a pu s’en empêcher d’accepter jusqu’à ce qu’il soit intervenu un jugement. Une lettre de M. d’Hector confirme ces détails. M. dé Montcalm. Il y a une liaison intime entre l’affaire de Saint-Domingue et celle de Brest. Les ci-devant membres de l’Assemblée générale sont en ce moment en rade, à bord du