722 JAfsemLkf nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1791.J n’entre des fonds que pour payer les dettes de 1 Etat. S’il y a à payer pour le rachat des droits seigneuriaux, comme pour des réparations et autres objets, c’est toujours au Trésor public à faire ces dépôüses. Je demande donc qu’il soit mis et sur les fonds qui y sont destinés. (L’amendement de M. Camus est adopté.) L’article 2 est décrété comme suit : « Les ci-devant seigneurs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l’article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, et sur les tonds qui y seront destinés, le montant du rachat desdits droits, sans pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en vertu desdites ventes. » (Les articles 3 et 4 sont ensuite adoptés.) M. de Folleville. Je m’oppose à l’article 5. Il me semble que le comité féodal ne sait jamais mettre une mesure égale entre les individus et la nation traitant avec un particulier ; car quand elle traite avec un particulier, elle n’est elle-même qu’un particulier. Je demande donc qu’en cas de débat entre les deux experts, ce soit les deux experts qui en nomment un tiers et non le directoire du département qui est votre représentant. M. Merlin, rapporteur . J’observe que la mesure que vous propose le comité féodal pour la nomination çui a été faite, est celle que l’Assemblée a déjà décrétée. M.de Folleville. Je ne pense pas que jamais la nation puisse établir innovation contre les principes de tout droit et de toute justice ; or, ces principes sont que les particuliers traitant entre eux traitent toujours à droits égaux et non pas avec l’air de supériorité et de souveraineté. On voit que c’est sur un principe de justice que j’appuie mon amendement. M. Bouttevïlle-Dnmetï. J’appuie l’amendement de M. de Folleville; il paraît de toute justice. M. Christln. Il paraît, selon l’amendement de M. de Folleville, que si les deux experts ont été contraires, ils peuvent différer sur le choix du tiers expert; et, dans ce cas, qui est-ce qui débarrera? C’est donc mettre des entraves. D’un autre côté, Monsieur, je ne sais pas pourquoi vous avez des doutes sur l’administration des départements. Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. de Folleville. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angôly). Vous avez voulu, Messieurs, que la nation, lorsqu’elle aurait une contestation, plaidât comme un individu, qu’elle suivît les formes ordinaires des contestations. Et ces formes, quelles sont-elles? C’est que, lorsqu’il s’élève une contestation, chaque partie nomme un expert et que ces deux experts, lorsqu’ils ne s’accordent pas, en prennent un troisième... ( Murmures ) Il est peut-être injuste déjuger avant d’avoir entendu. ..... Ou le magistrat préposé par la loi pour juger nomme lui-même l’expert ; ici vos administrateurs de département et de district ne sont pas le magistrat préposé pour juger. La nation a des propriétés; elle prépose à leur administration les directoires de département et du district. Dès lors cette masse d’administrateurs compose un individu qui représente le propriétaire. L’acquéreur, l’individu qui veut amortir les droits est un autre particulier. Voilà les deux parties, elles sont reconnues.!,S’il y a partage d’opinions entre les deux experts, pourquoi donner une prépondérance aux administrateurs en leur accordant le droit d’avoir deux experts contre un? Je propose donc, par amendement, que ce soit le juge de district qui nomme le tiers. M. Rewbell. Je demande la question préalable sur tous les amendements. Vous avez posé la base pour la vente des biens nationaux, pour le dessèchement des marais; on vous demande les mêmes bases pour le rachat des droits de mutation. Vous devez les adopter. M. Tuant de la Bouverie. Il s’agit de savoir si cette fonction est judiciaire ou non; si elle est judiciaire, c’est une sanction judiciaire. Donc elle ne peut jamais appartenir à aucun administrateur. M. Lanjuinats. Messieurs, si vous adoptez une pareille forme, vous allez introduire une procédure devant les juges pour une affaire d’administration. Il faudra donc appeler les parties. Je demanderais que ce fût sur simple requête de la partie la plus diligente et sans frais. M. Prieur. Je demande, pour l’intérêt de la nation, que la discussion soit fermée. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) (Les divers amendements sont écartés par la question préalable et l’article 5 est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet du décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur. L’Assemblée s’est arrêtée hier à l’article 24 du titre VII. Get article est ainsi conçu : Art. 24. < Chaque juré passera d’abord sa déclaration sur le fait pour décider s’il y a délit constant, ou non. Si cette pure déclaration est affirmative, il fera immédiatement après sa déclaration sur l’accusé, pour décider s’il est convaincu ou non ; si cette seconde déclaration est affirmative, il sera immédiatement prononcé, après sa déclaration, sur les circonstances d’atténuation ou d’excuse qui auraient pu être indiquées par le président.» (Adopté.) Art. 25. « Ceux des jurés qui auront déclaré qu’il n’y a pas de délit constant, n’auront pas d’autre déclaration à faire; et ceux qui n’auront pas trouvé l’accusé convaincu, n’auront pas à s’expliquer sur l’objet de la troisième déclaration; leurs voix seront toujours comptées à la décharge de l’accusé sur la seconde et la troisième déclaration.» (Adopté.) (1) Nous empruntons cette discussion au Journal logographique, t. XXI, p. 56. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [3 février 1791.) Art. 26. « Chaque juré prononcera les diverses déclarations ci-dessus dans la forme suivante ; il mettra la main sur son cœur, et dira : Sur mon honneur et ma conscience , le délit est constant ; l'accusé est convaincu , ou bien, l'accusé ne me paraît pas convaincu, La même forme sera observée lorsqu’il y aura lieu à la troisième déclaration. » M. Merlin. Je crois nécessaire de faire une observation sur cet article : est-ce l’honneur tant prôné par Montesquieu, est-ce l’honneur féodal, est-ce en un mot l’honneur dont les spadassins parlent tous les jours : Je jure sur mon honneur de faire cette chose? Il faut, Messieurs, proscrire du nouveau régime cette formule trop consacrée par d’anciens préjugés, cette formule gothique, et mettre simplement : je jure sur ma conscience parce que certainement si l’honneur n’est pas synonyme de la conscience, l’honneur n’est rien. M. Duport, rapporteur. Nous avons pensé effectivement que la conscience... ( Interruption .) Plusieurs membres : Aux voix l’amendement ! M. de Follcvllle. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que le gros de la nation n’est pas arrivé au même degré de philosophie que M. Merlin. Je pense donc qu’il n’y a qu’un seul moyen de voiler le ridicule (Messieurs, l'expression est ménagée), dont cet amendement pourrait paraître susceptible au gros de la nation, c’est de l'étendre, de retrancher en même temps : Je jure sur ma conscience. Mon opinion, Messieurs, je la fonde sur ce livre dont M. Didot se propose de faire l’impression et dont vous avez accepté la dédicace. Le divin auteur de ce livre vous dit : Ge sont les païens qui jurent sur différentes choses. Mais un chrétien doit dire oui ou non ; voilà le seul jurement qui soit permis, voilà le seul jurement d’un peuple libre et régénéré ; il ne doit pas dire: je jure sur ma conscience, mais : le délit est constaté ou non. M. Tuant de la Bouverie. J’ai l’honneur d’observer à l’Assembleé que l’énonciation : l'accusé ne me paraît pas convaincu , me paraît du style de consultation et non pas du style de jugement; il faut que l’accusé soit convaincu ou ne 1e soit pas ; en couséquence, je demande qu’on prononce coupable ou non coupable. M. Boutteville-Dumet*. Vous voyez qu’on vient de vous proposer deux amendements, et il paraît très important de les diviser ; le premier frappait sur le mot d'honneur , je vous avouerai que cet amendement m’a paru extrêmement sensé et doit être admis. Un autre a été à l’instant présenté ..... M. le Président, Monsieur üumetz, si vous ne proposez pas un amendement, vous faites mon office. M. Boutie vîlIe-Dnmetz. Je ne sais pas si je fais l’oflice de M. le président, mais je crois faire l’oftice de tout représentant de la nation donnant son avis. Je crois, Messieurs, qu’il serait plus conforme à la dignité du serment de n’y insérer ni le mot d’honneur, ni celui de conscience ; j’ai encore trouvé très sage celui qui a dit : « Le mot je jure est celui qui se joint le mieux à la dignité 723 du serment, » et je crois en effet qu’il suffira de dire : je jure. M. Martin. Je ne sais pas pourquoi vous n’aimez pas mieux deux liens qu’on, l’honneur et la conscience sont deux choses; l’honneur une partie des motifs ( Murmures .), la conscience est relative à des idées religieuses, la conscience seule peut faire agir sans l’honneur; je dis ce qui est dans la bouche de tous les hommes, et particulièrement de tous les législateurs. Vous avez deux liens, Messieurs, je "vous le répète; mais sous quelque rapport que vous considériez l’honneur, il ne sert point la conscience; il y a des hommes qui sont gouvernés par la conscience et qui n’ont aucune idée de l’honneur. Je crois que l’article doit subsister tel qu’il est. Je demande la question préalable sur les amendements. M. Duport, rapporteur. Je ne demande qu’à dire un mot. Que faut-il ici ? Ge n’est point la religion universelle qui peut régler chacun, c’est le but particulier de chacun des jurés. Ainsi, l’homme, comme l’a bien dit le préopinant, qui est conduit par l’honneur, je le fais jurer par le culte qu’il professe, je le fais jurer par sa conscience; n’oubliez jamais la religion de celui dont vous demandez l’opinion, parce que c’est d’après cela qu’il parlera. C’est la religion du juré seul qu’il nous faut, et non la religion universelle; il est évident qu’il faut trouver tous les moyens de lier tous les hommes par la loi.... (Bruit.) M. le Président. En honneur, Messieurs, puisqu’il est parmi vous question de l’honneur, vous ne pouvez pas délibérer avant que vous ayez fait silence. M. d’André. Je demande la question préalable. M. Merlin nous a proposé un amendement qui tend à retrancher le mot d 'honneur. Il a produit un grand effet sur l’Assemblée parce qu’il a rappelé l’honneur cité par Montesquieu; parce qu’il a rappelé l’honneur qui produit la rage des duels, et qu’en présentant ainsi ce mot d’honneur sous une définition vague, sous une acceptation philosophique et sur une signification qu’on ne peut plus accepter, il a pu entraîner un instant l’Assemblée ; mais j’observe ici que ce n’est pas en philosophant parmi nous que nous ferons de très bonnes choses, il faut prendre les hommes comme ils sont. Il n’y a aucun homme de bon sens qui pense que parce que nous retrancherons le mot honneur de l’article nous allions détruire les duels sur-le-champ. Que dit l’article ? De jurer sur son honneur et sa conscience. Que signifie vulgairement le mot conscience ? il signifie religion. Et le mot honneur dans l’acception vraie, je ne parle pas de celle des spadassins? il signifie probité. Voilà donc deux sens bien différents. L’un de religion attaché au mot conscience ; l’autre, de probité, attaché au mot honneur. Il est donc nécessaire que ceux qui prononcent sur la vie des citoyens, sur ce qu’il a de plus cher, affirment leur conviction sur les deux rapports principaux de la société; c’est-à-dire sur la religion et sur la probité personnelle. Voilà pourquoi il est indispensable de vous conserver l’affirmation sur l’une et sur l’autre, parce que vous liez le citoyen qui affirme par les deux motifs les plus puissants des principes moraux.