[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1791,] 662 chargé de vous présenter une autre disposition relative aux maréchaux de France et aux principaux cvimmandements de troupes. Vous vous rappelez que lorsque nous vous présentâmes les lois sur l’avancement, le comité n’était pas encore convenu du nombre des maréchaux de France qu’il croyait utile d’employer; vous ajournâtes alors cette question. Au moment delà dernière promotion le nombre des maréchaux était de 18; il a été quelquefois plus considérable : le comité propose de le fixer à 6. Leur traitement était plus ou moins fort suivant la nature des grâces qu’ils avaient obtenues ; plusieurs avaient plus de 200,000 francs, et aucun n’en avait moins de 100. Le comité a ensé que ce traitement pourrait être fixé à 0,000 francs, et il s’est déterminé à celte somme sur ces deux considérations, d’une part, qu’il vous proposait de restreindre le nombre des lieutenants généraux de quatre, ce qui diminue la dépense de 80,000 livres; et de l’autre, il a cru que vos décrets appelant tous les citoyens, suivant leurs services et leur mérite, aux premiers grades militaires, il devait mettre à portée ceux qui n’avaient plus de fortune personnelle de remplir honorableme t le poste éminent auquel ils seraient appelés. C’est surtout c tte dernière i b-ervation qui a fixé l’opinion de votre comité. Quant aux quatre principaux commandements, le comité propose qu’ils puissent è re confiés par le roi soit aux maréchaux de France, soit aux lieutenants généraux. Nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant : « L’Assamblée nationale décrète : 1° Qu’à l’avenir le nombre des maréchaux de France ne pourra excéder celui de 6, et que leur traitement sera fixé à 40,000 livres. Quant aux maréchaux de France actuellement existants, qui ne seront pas conservés en activité, ils conserveront ce même traitement ; 2° Que les lieutenants généraux en activité seront réduits à 30, et que les quatre principaux commandements de troupes auxquels il a été affecté un traitement particulier de 20,000 livres pourront être confiés par le roi, soit à des maréchaux de France, soit à des lieutenants généraux en activité. » M. de Crillon, le jeune. J’observe à l’Assemblée que le grade de maréchal de France est si éminent que je ne crois pas que l’on doive faire une loi d’avoir toujours 6 maréchaux de France. Ce grade, pendant la paix, peut ne pas être nécessaire. Le roi de Prusse n’a jamais eu p'us de 2 feld-maréchaux. Je demande donc qu’il ne soit as dit qu’il y aura toujours 6 maréchaux de rance, parce que je crois que pendant la paix il est plus utile que ce grade ne soit pas renouvelé. M. Lanjuinais. Permettez-moi de vous faire observer que vous avez décrété qu’aucune pension ou traitement n’excéderait jamais 12,000 livres. Qu’est-ce que c’est que le traitement d’un maréchal de France en temps de paix? Certes, c’est une pension, c’est un honoraire sans fonctions, Divers membres : Oui! oui! Non! non! M. Lanjiiinais. Pourquoi donc tant de distinction? Est-ce que dans tous les Etats on ne sacrifie pas son sang et sa vie pour la patrie? Je demande que les appointements de 40,000 livres soient réduits à 25,000 livres en temps de paix,, et que l’amendement de M. de Grillon soit adopté. Un membre demande la question préalable. M. de lllral»«a«.Sans doute, on ne verra plus ce qu’on a vu, un bâton de maréchal de France donné pour un assassinat; sans doute, on ne verra pas davantage les bâtons de maréchaux de France donnés pour des assiduités d’anùchambre, à un courtisan. Mais, Messieurs., s’il est convenu, et je crois qu’on ne le niera pas, que le grade de maréchal de France ne sera accordé : l*qu’à un mérite Irès éminent; 2° qu’à des services très mémorables, il suit de là incontestablement que l'on ne peut pas fixer le nombre des maréchaux de France qu’on aura. Assurément nous ne sommes pas assez heureux pour combiner que dans l’espèce humaine en général, dans quelque pays qu’on la prenne, il y aura par lustres tant d’hommes d’un mérite très éminent; et nous ne sommes pas assez malheureux pour que l’on puisse assurer qu’il y aura des occasions de rendre des services militaires très mémorables. Je crois donc tout à fait avec M. de Grillon, qu’il est impossible de fixer le nombre des maréchaux de France, et j’appuie son amendement. M. d’André. 11 serait injuste de suspendre en temps de paix la nomination des maréchaux de Fra nce. Par exemple vous avez dans le moment actuel des gens qui' ont très bien servi, M. de Rochambeau et M. de Bouillé ( Murmures et applaudissements ), et par conséquent ils doivent avancer tant qu’il y a place pour eux; car si nous avions le bonheur de vivre en paix pendant 50 ans, tous ceux qui ont bien servi ne pourraient parvenir à cegrade-Ià. Je demande en outre que le traitement soit réduit à 25,000 livres en temps de paix. M. Einmery. Je pense, comme M. d’André, que la paix ne doit pas empêcher de donner le grade de maréchal de France à un officier qui a bien servi pendant la guerre. J’ajouie que dans notre ancien droit politique l’état de maréchal de France était véritablement un état; les maréchaux remplissaient des fonctions purement civiles. Je propose en conséquence de dire qu’il y aura six maréchaux de France qui ne seront considérés que commepremier grade militaire seulement, n’ayant aucune des autres attributions incompatibles avec le régime militaire. M. d’Estourmel. C’est sans doute assez de six maréchaux de France m temps de paix; mais je crois qu il doit y avoir une exception en temps de guerre. Je supplie l’Assemblée de ne pas perdre de vue que la perte d’un maréchal de France, du grand Turennc, mit Louis XIV dans la nécessité de faire une promotion de huit maréchaux pour le remplacer, ce que Mme de Cornuel appelait la monnaie de M. de Turenne. (L’Assemblée fixe le nombre des maréchaux à six et décrète l’amendement de M. Eramery, relatif à l’incompatibilité de leur grade avec les fonctions civiles.) M. Eanjuinais . Souvenez-vous, Messieurs, que les grandes places largement récompensées sont la plus grande source de la destruction des Constitutions libres. On a pris pour baee le trai- [4 mars 1791.1 <363 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Assemblée nationale.] tement des ministres, qui est porté à 100,000 livres. Avez-vous pris cette base pour vos .juges, pour vos évêques? Je persiste à demander l’adoption de l’amendement de 25,000 livres en temps de paix. M. Martineau. Le comité militaire vous apporte une foi le de décrets particuliers pour fixer la dépense de l’armée; vous ne savez pas encore à quelle somme va s'élever cette dépense de la guerre. On vous a toujours annoncé qu’elle serait réduite avec une sévère économie, et je vois qu’elle s’élèvera au moins à 100 ou 110 millions. Certain' ment quand un maréchal de France aura 20,000 livres de traitement pendant la paix, ceseia bien honnête. Il faut, pour le rétablissement des mœurs, ramener l’économie et la frugalité dans le royaume. Or, un homme qui aura 20,000 livres de rente, pourra vivre fort honnêtement. M. Alexandre de Lameth, rapporteur . Pour répondre à M. Martineau, je dis que le comité est certain que les dépenses de la guerre ne passeront pas 90,000 millions; sur quoi il y a des dépenses qui ont été fixées par l’Assemblée elle-même, lorsqu’elle a arrêté l’organisation de l’oru ée. Quant au traitement des maréchaux de France, l’Assemblée peut le réduire si elle le veut; mais il est impossible qu’ils ne reçoivent pas chez eux les offici'TS qui leur apportent des nouvelles d'-s diverses parties de leur commandement. Le comité avait pensé que ce n’était pas le moment d’ôter à cet état leiustre qu’il pouvait avoir, et à ceux qui l’obtiendraient, les moyens de vivre honorablement. M. l’abbé Thibault. Je demande que le traitement des maréchaux de France soit réduit à 10,000 livras. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.) M. Goupil de Préfeln. Je propose de fixer le traitement des maréchaux à 30,000 livres. M. Taujuînais. li faut adopter cet amendement. M. Prieur. Je demande la priorité pour l’amendement de 25,000 livres. (L’Assemblée rejette le chiffre de 25,000 livres et adopte celui de 30,000.) M. Tanjuinais. Le décret est imparfait : avant d’obtenir 30,000 livres pour être en activité en temps de paix, je demande combien ils auront en temps de paix lorsqu’ils ne seront pas en activité. M. Alexandre de Lamelli, rapporteur. La ■difficulté de i\l. Lânjuinais consiste en ce qu’il y a actuellement neuf maréchaux de France, dont vous venez de décréter que six seront en activité. Vous pouvez, si vous le voulez, renvoyer celle question au comité des pensions, pour voir ce qu’il vous proposera. (Celte motion est décrétée.) M. Alexandre de Lameth, rapporteur. Voici, 4ivec les amendements adoptés, la rédaction du rojet de décret. I/Àssemblée nationale décrète : 1° Qu’à l’avenir le nombre des maréchaux de France ne pourra excéder celui de 6; qu’ils ne pourront avoir d’autres fonctions que des fonctions militaires, et que leur traitement sera fixé à 30,000 livres. Quant aux traitements des maréchaux de France, actuellement existants, qui ne seront pas conservés en activité, il y sera statué, après avoir entendu le comité des pensions; 2° Que les lieutenants généraux en activité seront réduit s à 30, et que les quatre principaux commandements de troupes, auxquels il a été affecté un traitement particulier de 20,000 livres, pourront être confiés par le roi, soit à des maréchaux de France, soit à des lieutenants généraux en activité. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur les dispositions qui doivent compléter V organisation des corps administratifs (1). M. Démeunier, rapporteur, rappelle à l’Assemblée qu’elle s’est arrêtée hier à l’article 9 et en donne lecture. M. Buzot. 11 me semble que les derniers mots de l’article présentent un sens trop vague. Je voudrais qu’au lieu de : « ou manquant au respect dû à l’administration supérieure », on mît : « ou manquant à la subordination prescrite par la loi, à l’égard de l’administration supérieure. » M. Démeunier, rapporteur. J’adopte la proposition de M. Buzot et je rédige ainsi l’article : Art. 9. « Aucun directoire ou conseil de district, ni aucune municipalité, ne pourront, sous la même peine, publier, faire afficher, ou persister à faire exécuter un arrêté contraire à c< lui du département ou du district, ou manquant à la subordination prescrite par la loi, à l’égard de l’administration supérieure. » (Adopté.) ' M. Déineanier, rapporteur , donne lecture de l’article 10. M. de Mirabeau. Je voudrais que dans la disposition ; « en ce qui concerne les objets relatifs à la guerre et à la marine », on ajoutât : « et à l’ordre judiciaire. » M. Démeunier, rapporteur . J’adopte l’amendement. Un membre : Je demande qu’on retranche de l’article les mots : « contrarier, suspendre, gêner », qui me paraissent inutiles. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte aussi cet amendement. M. Taxie. Je fais part d’un amendement relatif à la défense aux corps administratifs de recevoir des envoyés. Le département de la Moselle — je dénonce ce fait à l’Assemblée — a eu l’audace de recevoir un envoyé du prince de Nassau, malgré la réquisition contraire de son procureur général syndic. (1) Voyez ci-dessus, séance du 2 mars 1791, page 630, le rapport do M. Démeunier et le projet de décrot du comité de Constitution