708 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ib J EbrTnOS Substance que le vent d’est qui souffle depuis quelque temps, a poussé dans le port de Cette un vaisseau anglais. Le capitaine de ce navire a déposé qu’il allait, au moment où les vents l’ont contrarié, porter des bœufs et des mou¬ tons à Toulon; il était aussi porteur d’une cor-[ Livourne], où il avait embarqué 54 moutons, 20 bœufs et 5 soldats du régiment ci-devant Ver-mandois. Dès son arrivée, nous nous sommes trans¬ portés à son bord dans des chaloupes. Le capitaine, se voyant perdu, a jeté ses dépêches à la mer. Nous les en avons retirées. Le citoyen qui vous les remettra vous donnera d’autres explications de vive voix. Dans ces dépêches, une lettre de Calonne est la seule qui ait été lue. « Mon cher général, dit-il au commandant anglais qui est à Toulon, je me suis acquitté de la commission que vous m’aviez donnée Aour Mme de... Je me félicite de votre entrée à Toulon et de vos succès. Le plaisir en sera d’autant plus vif que le salut de notre patrie, si je puis encore la nommer ainsi, ne pouvait venir que du côté du Midi. C’est l’Angleterre, réunie à l’Espagne, qui peuvent (sic) nous la rendre. La conduite de lord Hood est d’autant plus louable que, Toulon étant pris, la Provence ne peut résister, surtout si. comme on l’assure, 40,000 hommes peuvent y débarquer. Alors il est bien sûr que rien ne leur résistera i mais je crois qu’il serait à propos qu’il y ait un prince français à portée de se montrer en cas de succès. Je vous communique cette idée i vous verrez à la reproduire, car je désire ne rien faire ui puisse plaire [déplaire]. Il y aurait un moyen sûr e soumettre la Provence, ce serait de la menacer, en cas de résistance, de brûler tous ses oliviers. III. Compte rendu de l 'Auditeur national. Un membre du comité de sûreté générale a donné connaissance d’une lettre du comité de surveillance de la commune de Cette annonçant qu’un événe¬ ment extraordinaire a fait découvrir un nouveau complot des ennemis de la République. Le vent de Sud-Est, qui souffle depuis quelque temps contre les traîtres de Toulon, a fait entrer de force, dans le port de Cette, un vaisseau anglais. Le capitaine, se voyant pris, a jeté ses dépêches à la mer. On est parvenu à îles en retirer et l’on y a trouvé une lettre de Calonne au général anglais, commandant à Toulon. « Je me suis acquitté, mon cher général, dit l’ex-ministre, de la commission que vous m’aviez donnée. J’ai vu M me’ de Talleyrand et de Chabannes. Soyez persuadé qu’elles prennent le plus grand intérêt à vos succès. Je vous félicite de votre entrée à Toulon. Le salut de la patrie, si je puis encore la nommer ainsi, ne pouvait venir que par le côté du Midi. C’est de l’Angleterre, réunie à l'Espagne et à Naples, que je l’attends. La conduite de l’amiral Hood est admirable, car, ayant pris Toulon, la Provence sera bientôt au pouvoir des puissances alliées, surtout, si comme on l’assure, 40,000 hommes à notre disposition peuvent y débarquer. Je crois qu’il serait à propos qu’il y eût un prince français à portée de se montrer dans un temps convenable. Je voudrais que ce fût celui que vous savez, que J’affectionne le plus, et qui pourrait remplir sa mission avec un succès dont les suites ne seraient Ças douteuses. Les nombreux catholiques du ïvarais et du Bas-Languedoc nous offrent de nou¬ velles ressources. Au surplus, il ÿ aurait un moyen sûr de soumettre la Provence; c’est de la menacer, en cas de résistance, de brûler tous ses oliviers, qui forment ses moyens d’existence. Moyse Bayle atteste que ce que dit Calonne de ce projet affreux a été tenté à Marseille, et que Laurent Granet l’a heureusement déjoué par sa respondance qu’il a jetée à la mer aussitôt qu’il s’est vu pris. Les matelots français Be sont empressés d’aller la chercher dans les eaux, l’ont remise au comité de surveillance qui l’adresse à la Convention. Cette correspondance est une lettre de Calonne. Dans cette lettre, datée de Gibraltar et adres¬ sée au général qui est dans Toulon, Calonne dit qu’il a toujours cru que la contre-révolution se ferait par le Midi. Il demande s’il ne serait pas nécessaire de faire approcher un prince français prêt à se montrer dans une circonstance favo¬ rable. Il propose ensuite comme un moyen sûr de mettre à la disposition de l’étranger les habi¬ tants du Midi, et surtout ceux de la ci-devant Provence, la menace de brûler tous leurs oli¬ viers. Moyse Bayle. Le projet dont il est question dans la lettre de Calonne a réellement existé; des malveillants cherchaient à persuader aux citoyens de Marseille qu’ils seraient infaillible¬ ment désolés par la famine s’ils n’allaient promptement arracher les vignes et les oliviers. Le frère de notre collègue, Granet, parvint avec beaucoup de peine à déjouer ces intrigues; mais, citoyens, vous voyez que les conspirateurs n’ont pas abandonné leur projet, Pour éclairer le peuple sur leurs manœuvres, je demande l’insertion au Bulletin de la lettre du scélérat Calonne. Cambon. J’atteste à la Convention que le même projet a existé dans le département de l’Hérault, et je vous observe que notre pays serait perdu, si on arrachait les oliviers, les oran¬ gers et les vignes. Le terrain n’est propre qu’à la culture des arbres. J’appuie la proposition de Bayle. La proposition de Bayle est adoptée, et la Con¬ vention décrète la mention honorable du zèle du comité de surveillance de la commune de Cette. Suit le texte de la lettre de Galonné et de la lettre du comité du canton de Cette d'après le Bulletin de la Convention du 6e jour de la 2e dé¬ cade du 3e mois de Van II. Le comité du canton de Cette au comité de sû¬ reté générale de la Convention nationale. « Cette, 4 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Citoyens législateurs, « Nous ne devons pas vous laisser ignorer un événement extraordinaire qui vient d’ar¬ river chez nous; il est trop intéressant pour le bien de la République, pour que vous n’en fus¬ siez vite instruits. En conséquence le comité pfudence. L’opinant demande, ainsi que Cambon, que la lettre soit imprimée et répandue dans le Midi, afin de faire connaître à ses habitants les moyens infâmes et atroces que les ennemis de l’intérieur, d’accord avec les Anglais, mettent en usage pour les détacher de la cause de la liberté. Cette impression a été décrétée, ainsi que la mention honorable de la conduite du comité de surveillance de Cette. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 70$ tous dépêche un de ses membres, le citoyen Groudal aîné, qui vient en poste et qui vous re¬ mettra sous ce pli toutes les pièoes que nous avons trouvées. « Il y a quelque temps que le vent d’est souf¬ fle; il a desservi les traîtres de Toulon, et le génie des sans-culottes qui veille nous a fait arriver ce matin, par force, dans notre port, un bâtiment anglais. Le capitaine a déposé que le bâtiment qu’il commande avait été pris en der¬ nier lieu par un vaisseau anglais de 74; que ce bâtiment venait de Bastia en Corse, chargé de nos braves défenseurs malades; qu’il fut con¬ duit à Livourne où il a pris le commandement. Là on débarqua les malades; il fut chargé de 53 moutons et 20 bœufs pour porter à l’infâme ville de Toulon. On lui remit aussi cinq soldats du bataillon ci-devant Vermandois, qui avaient été pris, les seuls qui n’étaient point malades. Il partit, et par un événement que le ciel qui tient pour nous fit naître, ce bâtiment a été forcé d’entrer dans notre port. Nous u’avons pas manqué alors, malgré la pluie et la mer en cour¬ roux, de nous transporter à bord de ce bâtiment, partie dans des chaloupes, courant le port ou dans les vagues. Nous avons trouvé les lettres que ce paquet contient et que le capitaine, quand il s’est vu perdu, avait jetées à la mer. Vous jugerez de leur importance, et si la surveillance que nous portons et avons portée dans cette occasion est utile à la République. « Le citoyen Coudai vous donnera, de vive voix d’autres renseignements. Nous sommes tous de véritables sans-culottes, sans fortune, et portés nuit et jour à tout ce qu’il faudra faire pour aider à terrasser nos ennemis et à faire triompher cette République qui était dans nos cœurs avant la Révolution et que nous défendrons jusqu’à la mort. « Nous ne vous laisserons pas ignorer qu’il est arrivé plusieurs bâtiments dans notre port, venant de Toulon. Notre surveillance n’a ja¬ mais été en défaut, et si nous nous sommes tus, c’est que l’ancien comité de surveillance géné¬ rale du département doit vous en avoir fait part. « Nous ne vous laisserons pas ignorer encore que, depuis le mois d’août (vieux style) que nous sommes formés en comité, nous n’avons cessé de faire des dépenses, soit pour voyages et frais de bureau assez conséquents, toujours à nos frais. Nous venons encore de nous cotiser pour faire une somme à notre député. Nos moyens sont petits; nous nous sommes adressés au district pour lui demander qui doit supporter ces frais. Il nous a répondu que ce que la loi accorde pour indemnitif n’est que pour les comités de surveillance générale du département; quant aux frais de bureau, que c’était à la commune à les supporter. - « Nous sacrifierons bien tout ce qui nous reste; mais nous vous le répétons, nos moyens sont petits et de véritables sans-culottes; ils seront bientôt épuisés. Vive la République. « Signé : Doumet, F.-St-Marat Maillit; F. Paget, Peyronnet, François Jour¬ dan, Pierre Rey. « Pour copie conforme. « Signé : Voulland, député, membre du comité de sûreté générale de la Convention. » Copie textuelle d’une lettre du sieur Ccdonnem sans lieu de départ et sans date . Mon cher général, je me suis acquitté de la commission que vous m’aviez donnée à Gibraltar pour les Talleyrand et pour Mme de Chabannes, avec qui j’ai présentement la satisfaction d’être réuni. Votre souvenir leur a fait grand plaisir, et je leur ai trouvé les mêmes sentiments que vous . m’aviez inspirés. Ils se joignent à moi dans ce moment, pour vous féliciter sur votre arrivée à Toulon, et sur la mission que vous avez remplie. Honorable en elle-même, elle le sera encore plus par la manière dont vous vous en acquittez.; Soyez, je vous prie, bien persuadé de l’in¬ térêt que nous prendrons à vos lumières ; il est d’autant plus utile, qu’il est réuni à l’intérêt général, à celui de tout ce qu’il y a encore de Français amis des bons sentiments. J’ai toujours pensé que le salut de notre pauvre patrie, s’il est encore permis d’avouer pour tel un pays souillé de tant de crimes, ne pouvait venir que du côté du Midi; je le pense plus que jamais. C’est de l’Angleterre, réunie à l’Espagne et à Naples, que je l’attends; et l’idée que vous pourrez y contribuer, ajoute, mon cher général, à l’attachement que je vous ai voué. « Tout le monde rend justice à la conduite de lord Hood. Cet amiral s’est couvert de gloire, et c’est à lui que l’on doit le succès le plus mar¬ quant, et peut-être le seul vraiment décisif de toute cette campagne. Je la regarde comme finie partout ailleurs ; mais il y a lieu de se flat¬ ter qu’elle ne l’est pas en Provence, et que bientôt toute cette province sera au pouvoir des troupes alliées. « Les nouvelles publiques font présumer que leur nombre va s'augmenter de plus en plus ; et s’il s’élève, comme on le présume, jusqu’à environ 40,000 hommes, rien n’y résistera. Il y a même lieu de croire qu’on trouvera dans plu¬ sieurs parties de l’intérieur des dispositions favo¬ rables. « Peut-être serait -il avantageux, pour les faire éclore et en tirer un grand parti, qu’il y eût un prince français à portée de se montrer au moment qu’on le jugerait convenable. Celui auquel vous savez combien je suis dévoué, pourrait mieux que personne remplir cette vue avec un succès dont les suites seraient inappré¬ ciables ; et il se conformerait à toutes les mesures qui pourraient être nécessaires pour se concerter avec le plan de votre gouvernement. Je ne puis pas développer davantage cette idée, et je me borne à vous en faire entrevoir les avantages, qui s’accroîtraient infiniment par les disposi¬ tions où nous savons que sont les nombreux catholiques du Vivarais et du Bas-Languedoc. « Vous me feriez un grand plaisir, mon cher général, si, après en avoir causé avec les ami¬ raux, vous me faisiez apercevoir quelles peuvent être sur cela les façons de penser; et sans citer ni compromettre, je pourrais laisser espérer qu’en cas que l’on voulût tourner ses pas vers cette partie ou ses environs, on n’aurait point. à craindre de contrarier ou déplaire. Vous m’en¬ tendez assez, et sûrement vous ne trouverez pas. qu’il y ait de l’indiscrétion à vouloir avant tout sonder le terrain. Au reste, je ne vous demande aucune démarche, et je n’ai moi -même aucune