[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 août 1791.J au pouvoir exécutif, et en rendant les autres à leur vertueuse obscurité, il conviendrait mal qu’une Révolution qui a ruiné tant de citoyens fît la fortune de quelques députés ; et à l’égard du roi, n’est-il pas d’une souveraine importance que la conduite de l’Assemblée nationale à son égard depuis le 21 juin, que celle qu’elle tiendra à la suite ne puissent être suspectes aux yeux d’aucun Français, qu’on ne puisse regarder aucun acte de son autorité, même aucune proposition énoncée à sa tribune, comme le résultat de quelque traité particulier fait avec lui, comme le prix de quelque promesse de sa part, ou la vengeance de quelque refus ? ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du lundi 15 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture procès-verbal de la séance du samedi 13 août au matin, qui est adopté. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Cellier, accusateur public près le quatrième tribunal criminel établi à Paris, qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Instruit par les feuilles d’hier qu’on avait répandu la nouvelle que les siours Champclos et Grandmaison, accusés du crime de fabrication de fausses lettres de change s’étaient évadés des prisons de l’Abbaye, je m’empresse de démentir ce fait qui pourrait préjudicier à la confiance publique et d’assurer à l'Assemblée que ces particuliers sont détenus dans les prisons de l’Hôtel de la Force et que le rapport de leur procès sera fait incessamment. « Je suis, etc. « Signé : CELLIER, v Accusateur public, près le quatrième tribunal criminel de Paris. » M. Fricaud. Messieurs, il est infiniment intéressant que vous vous occupiez des prêtres réfractaires; un fait vous le prouvera. Dans le pays du Beaujolais, des prêtres réfractaires ont persuadé aux mères que leurs enfants seraient damnés s’ils étaient enterrés par les prêtres constitutionnels. Ges mères trompées ont fait enterrer leurs en-fanîs dans les bois; les loups les ont déterrés et depuis ils ont pris goût pour la chair humaine ; de sorte que, répandus dans la campagne, ils ont dévoré 17 enfants vivants, et cela devient véritablement un fléau effroyable. M. Ganltier-Biauzat. Messieurs, il faut absolument prendre des mesures promptes contre ces prêtres réfractaires qui, dans plusieurs dé-Êartements et notamment dans celui du Puy-de-ôme, ne cessent de troubler l’ordre et la tranquillité publique. Il est temps de prendre un parti (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. vigoureux et une résolution ferme pour empêcher les malheurs que ces forcenés et ces atroces fanatiques cherchent à produire ; il faut presser les comités pour qu’ils vous présentent un projet pour réprimer l’audace de ces ennemis, de ces perturbateurs du repos public. Je demande que le rapport soit présenté demain à la séance du soir et si les comités ne sont pas prêts, je présenterai un projet sur lequel vous voudrez bien statuer. M. Lanjuinaig. Il n’y a pas de jours où le comité ne reçoive des plaintes contre ces prêtres. Le comité a un décret à ce sujet : je crois qu’il serait bon qu’il vous le présente. Plusieurs membres : Demain soir. (L’Assemblée, consultée, décrète que le rapport sur les mesures à prendre à l’égard des prêtres réfractaires lui sera fait à la séance de demain soir.) M. Roger, au nom du comité des domaines. Votre comité des domaines, jusqu’à ce jour, ne vous a fait des rapports sur des échanges, que pour en provoquer la révocation, parce que le dol, la fraude, la surprise, et tous les moyens de ce genre avaient été mis en usage, pour enlever à la nation ses propriétés les plus précieuses ; l’échange dont je viens vous parler et dont le comité vous demande la confirmation est encore le seul qui lui ait paru la mériter, il porte le caractère de la franchise, et de l’exacte observation des règles. Il s’agit de V échange passé en 1786 entre le roi et M. Oriot d' Aspremont, maréchal des camps : le comité a consulté sur cet échange l’administration des domaines qui a reconnu qu’il n’y avait aucune lésion pour la nation. Voici, en conséquence, le projet de décret que votre comité vous propose : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, confirme le contrat d’échange passé, le 3 juillet 1786, entre le roi et le sieur Charles Oriot d’Aspremont, maréchal des camps et armées, en vertu d’un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 17 août 1785 ; et attendu qu’il résulte des procès-verbaux des 22 décembre 1787, et 15 janvier 1788, contenant les mesurage, estimation et évaluation des bois donnés en échange et contre échange, une soulte de 1,520 l. 9. s. 4 d. en faveur du sieur d’Aspremont, décrète que ladite somme de 1,520 1. 9 s. 4 d. sera payée audit sieur d’Aspremont par le Trésor public, à la charge par lui de se conformer aux dispositions du décret du 25 juin dernier. » (Le décret est mis aux voix et adopté.) Un membre du comité d'aliénation fait un rapport succinct sur une erreur commise dans l’état des domaines nationaux adjugés à la municipalité par un décret en date du 12 janvier dernier, et propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité d’aliénation, et d’après les instructions qui lui ont été adressées parle directoire du district de Verneuil, avec la confirmation du directoire du département de l’Eure, lesquelles constatent que la ferme nommée la Métairie, située paroisse de La Selles, comprise dans la vente faite à la municipalité de Rugles par le décret du 12 janvier dernier, ne fait point partie des domaines nationaux, décrète que ladite ferme nommée la Métairie, portée à 6,853 livres, sera dis- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 août 1791.] 441 traite de la vente faite à la municipalité de Rugles ; qu’en conséquence, le montant total de ladite vente, porté par le décret du 12 janvier à la somme de 129,674 1. 14 s. 9 d. sera réduit à celle de 122,821 1. 14 s. 9 d. » (Le décret est rais aux voix et adopté.) M. de Cernon, au nom du comité des finances. Messieurs, vous avez décrété au mois d’avril dernier que la nouvelle église de Sainte-Geneviève serait consacrée àla sépulture des grands hommes, et vous avez chargé le département de Paris de pourvoir le plus promptement possible à la mise en état de cet édifice. Pour pourvoir aux frais de construction, on avait, en 1786, ouvert un emprunt qui n’a pas été rempli ; maintenant que vous avez proscrit tout emprunt, il est impossible que le bâtiment de Sainte-Geneviève soit continué, si vous n’accordez pas une somme à cet effet. Le déparlement n’a pu encore avoir un état certain des dépenses oui restent à faire; cependant la grande quantité d’ouvriers employés à cet édifice nécessite absolument la continuation des travaux. C’est en conséquence que le comité vous propose d’ordonner une distribution de fonds par mois, sous la surveillance du département. On a témoigné, d’un autre côté, la crainte que les dépenses ne s’élevassent trop haut ; mais les commissaires que le département a chargé de tous les détails relatifs à l’achèvement des travaux ont présenté un rapport duquel il résulte que les dépenses nécessaires seront inférieures de 860,000 livres au projet de dépense de l’ancienne administration, mais qu’il est nécessaire que le Trésor public avance les fonds nécessaires à la réalisation de l’entreprise. Le comité, désirant continuer les travaux et assurer la construction d’un monument qui honorera les arts et la nation, vous propose donc d’ordonner qu’il sera accordé au département de Paris 50,000 livres par mois, pour trois mois seulement. Voici notre projet de décret : « L’assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit : « Les commissaires de la trésorerie nationale feront verser, à compter du 1er juillet, dans la caisse du receveur désigné par le département de Paris, la somme de 50,000 livres par mois et, ce, pendant l’espace de 3 mois, pour être employée, sur les ordonnances du directoire du département de Paris, aux travaux d’achèvement du monument des grands hommes. « Le département de Paris sera tenu de présenter incessamment les projets et devis d’achèvement de ce monument. » M. l’abbé Gouttes. Sans m’élever contre le projet de décret du comité, j’observerai à l’Assemblée, à l’occasion dece décret, la réapparition d’une foule d’abus dans l’administration des bâtiments. En vain a-t-on voulu arrêter toutes les fraudes et les malversations qui se commettaient dans la construction du nouvel édifice de Sainte-Geneviève : les architectes refusent du travail aux ouvriers pour profiter d’une partie de leur gain qu’ils ne veulent plus porter qu’à 30 sols pur jour ; il en est de même pour les fournitures et pour les autres travaux qu’ils se font adjuger au plus haut prix et qu’ils payent au plus bas. Le comité de liquidation, indigné de cette déprédation, avait arrêté de proposer à l’Assemblée nationale des moyens d’empêcher enfin que les biens de la nation ne fussent ainsi dilapidés ; il faut faire cesser de si détestables abus et économiser nos finances du royaume que tant de mains avides se disputent. M. Anson. Le directoire de Paris s’est occupé de rechercher les moyens les plus économiques pour mener à bien l’entreprise, et je puis assurer l’Assemblée que depuis le mois de juillet il n’y a plus de malversations dans le maniement des deniers. J’invite d’ailleurs M. Gouttes à dénoncer au département de Paris les divers abus dont il se plaint et dont il a connaissance, afin qu’ils puissent être promptement réprimés. M. de Cnstine. Les dispositions de sûreté pour tout le royaume exigent de grandes dépenses; je fais la motion expresse, que nulle dépense ne soit à l'avenir proposée à l’Assemblée sans l’indication de la source où seront pris les fonds nécessaires à cette dépense, car nous finirions par manger les domaines nationaux sans avoir fait le nécessaire. M. Anson. 11 s’agit ici d’une dépense vraiment nationale et pour laquelle le département de Paris ne fait qu’exécuter un décret rendu par l’Assemblée. J’observerai d’ailleurs, qu’il y avait un fonds destiné ci-devant à cet objet; lors de la formation des ateliers, ces fonds ont été réunis; les ateliers étant supprimés, il faut rétablir les fonds ou les suppléer de quelque manière. Plusieurs membres proposent divers amendements tendant : Le premier a réduire à 25,000 livres par mois le montant de la somme proposée par le comité ; Le deuxième, à ce que la somme nécessaire à l’achèvement des travaux soit prise sur le million accordé depuis quelques mois au département de Paris pour être employé aux travaux publics; Le troisième enfin, à ce qu’il ne soit accordé aucune somme pour les travaux de Sainte-Geneviève qu’au préalable les projets et devis des ouvrages restant à faire n’aient été présentés à l’Assemblée. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces amendements. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte le décret du comité sans changement.) M. de lia Rochefoucauld, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, le district deGonesse, calomnié dans plusieurs feuilles pu-bliquesa désiré faireconnaîtreàl’Assemblée nationale sa situation relativement au payement des contributions publiques. Par une lettre adressée au comité d’impositions en daledu 12 de ce mois, le directoire de ce district annonce que la ville de Gonesse, sur 12,920 livres qu’elle avait à ayer pour la tôt alité de son acompte dans les termes des 31 juillet, 31 août et 30 septembre, a payé, le 1er de ce mois, 10,015 livres; que le trésorier du district a versé, le 11, à la trésorerie nationale 50,030 livres et fera, sous peu de jours, un nouveau payement; que, sur 75 rôles que comprend ce district, 62 sont en recouvrement, et que le surplus y sera mis avant la fin de la semaine prochaine. Le directoire rappelle qu’il a été le premier à verser des fonds à la caisse de l’extraordinaire, sur la vente des domaines nationaux.