[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 septembre 1789.] m la corruption de ses membres, et alors leur remplacement est un bien; ou un doute sur l’opinion publique, et alors le meilleur moyen de l’éclairer est sans doute une élection de nouveaux membres. Je me résume en un seul mot, Messieurs : annualité de l’Assemblée nationale; annualité de l’armée; annualité de l’impôt; responsabilité des ministres, et la sanction royale sans restriction écrite, mais parfaitement limitée de fait, sera le palladium de la liberté nationale, et le plus précieux exercice de la liberté du peuple. L’on ordonne l’impression des discours. M. le Président indique la séance pour ce soir à sept heures et demie et lève la séance du matin. Séance du soir, Un membre du comité de vérification des pouvoirs rend compte de l’examen des pouvoirs de M. de Ghâteauneut-Randon, suppléant de M. le marquis d’Apchiér, député de Mende, en Gévaudan , qui a donné sa démission, et de ceux de M. le comte de Bremond d’Ars, suppléant de M. le comte de la Tour-Dupin-Paulin, ministre de la guerre, député de Saintonge; et ces pouvoirs ayant été trouvés en bonne forme, MM. de Ghâteauneuf-Randon et de Bremond d’Ars ont été admis. Après quelques discussions sur les offres de la province de Touraine, mentionnées dans le procès-verbal du 29 août, il a été arrêté que l’examen de ces offres sera renvoyé au comité des finances, pour en conférer avec le ministre des finances, et en faire ensuite rapport à l’Assemblée. Sur le rapport qui a été fait par l’un des membres du comité de vérification, des réclamations des dix villes impériales d’Alsace, tendant à demander la révocation de l’un de leurs députés, l’Assemblée a unanimement délibéré qu’il n’y avait lieu à faire droit sur cette demande, qui n’est fondée que sur des allégations, et qu’elle se réservait de prendre en considération les plaintes et doléances qui lui ont été présentées, relativement à l’office du prêteur royal de la ville d’Hagueneau, lorsqu’elle statuera sur la composition des municipalités. Le même comité ayant rendu compte des réclamations du clergé, et de quelques membres des communes du bailliage secondaire de Bon-zouville, contre la nomination des députés du bailliage de Sarreguemines, l’Assemblée a prononcé qu’il n’y avait lieu de statuer sur la demande en nullité des élections de Bonzouvitle et de Sarreguemines, et a néanmoins autorisé les réclamants à envoyer à l’Assemblée nationale les additions qu’ils désireront joindre aux cahiers remis aux députés. Un de MM. les députés d'Alsace , et un de ceux de Vermandois, ayant proposéd’ajouter différentes dispositions prohibitives au décret de l’Assemblée nationale relatif à la circulation et à la vente des grains, l’Assemblée en a renvoyé l’examen au comité des subsistances, pour en être rendu compte incessamment. Un membre de l’Assemblée a demandé une séance particulière pour y traiter de l’état des juifs en France; cette séance a été accordée. M. le Président a annoncé que l’Assemblée se réunirait demain à huit heures du matin. ASSEMBLÉS NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE LA LUZERNE, ÉVÊQUE DE CHARTRES. Séance du mercredi 2 septembre 1789, au matin (1). À l’ouverture de la séance, il a été fait lecture des procès-verbaux de la séance du lundi au soir 31 août, et de celles du matin et du soir du mardi premier septembre. Il a été ensuite rendu compte des différentes adresses de félicitations, remerciements, et adhésion aux arrêtés et décrets de l’Assemblée, de la part de la ville de Laigle en Normandie; delà ville de Toulon, des officiers de la sénéchaussée et siège présidial de Dax, de la ville de Sablé dans le bas-Maine, représentée par un comité militaire et de subsistance; de la ville et comté de Garaman en Languedoc, de la juridiction consulaire de Ghâteilerault en Poitou, des sous-lieutenants des vaisseaux de Rochefort, avec adhésion aux réclamations des sou s-lieutenants des vaisseaux de Brest, en date du 10 août, de la municipalité de Châtillon-snr-Sèvre en Poitou, de la ville de Pont-de-Vaux en Bresse, de celle de Saint-Jean-de-Luz. de celle de Saulieu en Bourgogne, de celle de Givray en Poitou, de la ville et paroisse de Queslembert, de la ville de Beaupréau, de la communauté d’Auriol en Provence, de la municipalité de Riancourt en Champagne, du comité permanent et des jeunes citoyens de Port-Louis en Bretagne, avec un projet pour l’établissement d’une caisse patriotique; de la ville de Saint-Fargeau, et de la communauté de Peyrat eu Languedoc, sur la formation de leur milice bourgeoise; de la ville de Lodève sur l’établissement provisoire d’un comité pour remplacer ses officiers municipaux; de la principauté de Soubize, portant renonciation à l’abonnement dont elle jouit depuis plusieurs siècles; des électeurs de la sénéchaussée d’Auray en Bretagne, contenant une pareille renonciation à leurs privilèges. Il a été successivement rendu compte de la requête de la presqu’île de Quiberon en Bretagne, par laquelle, en considération de l’aridité de son territoire, elle demande une fixation particulière et modérée sur le taux du rachat des droits seigneuriaux, de cens et champarts; de la délibération de la vallée de Barèges, contenant dix-sept communautés; ladite délibération tendant à obtenir la permission d’user de ses revenus patrimoniaux en moins imposés; de la sentence de la sénéchaussée de Quimperlé en Bretagne, qui donne acte de la publication du décret de l’Assemblée nationale en date du 10 août, et des arrêtés par elle pris depuis le quatre jusqu’au onze du même mois; d’un extrait des registres de l’hôtel de ville de Vitry-le-François, portant acte de l’affiche des arrêtés de l’Asssemblée des 4, 6, 7, 8 et 11 août, et de ce que lesdits arrêtés ont été envoyés à toutes les municipalités de son département. Un de MM. les secrétaires a mis sur le bureau un ouvrage intitulé : Les nouveaux patrons de l'usure réfutés , etc. dont son auteur, le sieur Rougan, ancien curé d’Auvergne, fait hommage à l’Assemblée. (1) Cette séance est iucomplète au Moniteur, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ["2 septembre 1789.] 543 Le même secrétaires fait lecture d’une lettre adressée à l'Assemblée parle sieur Miger, graveur, et destinée à accompagner l’envoi qu’il lui fait du portrait gravé de M. Bailly. L’Assemblée a ordonné que l’ouvrage du sieur Rougan, et le portrait de M. Bailly, offerts par le sieur Miger, seraient déposés dans ses archives. Le comité des linances a rapporté la liste des douze de ses membres qu’il a choisis hier au scrutin pour le comité particulier de correspondance avec le ministre des linances. Cette liste a été à l’instant proclamée ainsi qu’il suit : MM. MM. D’Ailly. Le Couteulx de Canteleu. Ile Boisgelin, évêque d’Aix. L’abbé de Villaret. Lebrun. Le marquis de Montesquiou. Naurissart. Anson. Le comte de La Blache. Le duc d’ Aiguillon. Dulau, archevêque d’Arles. Mathieu de Rondeville. M. le Président fait donner lecture d’un arrêté de la commune de Paris destiné à rassurer l’Assemblée sur les troubles qui ont eu lieu dans la capitale, le 30 août. La discussion est ensuite reprise sur la question de la sanction royale. M. le comte d’Antraigues (1), Messieurs, avant de fixer quelle doit être l’influence du pouvoir exécutif dans la législation, il m’a paru nécessaire de définir ce que je crois qu’on doit entendre par le mot de sanction royale. La sanction royale, telle que je la conçois, est le pouvoir accordé au Roi par la nation, d’intervenir comme partie essentielle et intégrante dans l’exercice du pouvoir législatif, de telle manière que son consentement aux actes du pouvoir législatif convertisse ces actes en lois, et que son opposition rende ces actes de nulle valeur. Telle est, suivant moi, l’acception qu’on doit donner à la sanction royale. Ce principe exposé, je me con forme à l’ordre dû jour, et je cherche 'si cette sanction royale peut être ravie au pouvoir exécutif, ou si la liberté du peuple, son intérêt, exigent qu’elle lui soit conservée. 11 est un principe essentiel qui doit servir de guide dans toutes les discussions de ce genre. Ce principe existait avant vos décrets; mais vos décrets ont rendu un hommage solennel à ce principe. Toute autorité réside dans le peuple ; toute autorité vient du peuple; tout pouvoir légitime émane du peuple : voilà le principe. Il dépend du peuple de faire la distribution des différents pouvoirs qui constituent et maintiennent la société, ainsi qu’il le juge utile à ses intérêts; mais celte répartition des pouvoirs opérée, il ne dépend d’aucun de ces pouvoirs d’eu-vahir les droits d’un autre pouvoir, de se les attribuer; et à l’instant qu’un des pouvoirs émanés du peuple envahit, sans son aveu, l’autorité d’un autre genre de pouvoir, il n’existe plus, au milieu de la nation, de pouvoir légitime; il n’existe plus d’obligation d’obéir aux actes d’un pouvoir que son infraction aux volontés du peuple a rendu tyrannique. C’est donc du peuple qu’émanent tous les pouvoirs légitimes, ceux aux actes desquels l’obéissance est due. (1) Le Moniteur reproduit incomplètement les deux premiers alinéas du discours de M. Je comte d’Antrai-gues. La manière dont le peuple distribue tous les pouvoirs constitue les diverses sortes de gouvernement. Si l’étendue de la société permet au peuple de retenir et d’exercer tous les genres de pouvoirs, s’il fait ses lois, s’il les fait exécuter, s’il juge ceux qui les enfreignent, alors le peuple a constitué le gouvernement démocratique. Et sans entrer dans la manière dont il peut établir toutes les Constitutions, je me borne à dire que, lorsque l’étendue de l’empire et son immense population nécessitent que le peuple donne au pouvoir exécutif toute l’énergie dont il peut être susceptible, alors sa volonté élève des trônes; alors sa volonté confie à celui qu’il plaît au peuple d’v faire asseoir la plénitude du pouvoir exécutif, sans partage et sans autre limite que celle dont la loi elle-même doit l’environner. Mais au moment où le peuple n’exerce plus par lui-même immédiatement tous les genres de pouvoirs, il est obligé de répartir et de distribuer séparément tous les genres de pouvoirs. Leur réunion dans le peuple constitue la démocratie. Leur réunion partout ailleurs constitue la tyrannie. Aussi il remet le pouvoir exécutif à un roi. Mais dans quelque Etat que les hommes vivent, il est un droit dont ils ne peuvent se dépouiller, celui de faire des lois; la loi n’étant que l’expression de la volonté de tous, on ne peut s’assurer qu’un homme ou qu’une réunion d’hommes voudra toujours ce que tous auraient voulu. De cette nécessité de réserver au peuple le pouvoir législatif, et de l’impossibilité d’exercer ce pouvoir, parla réunion d’un peuple immense, est née la représentation du peuple, et ce droit inaliénable qu’il a conservé, d’élire ceux qui doivent le représenter, de les guider, de les instruire, de les juger, de les mettre à même enfin d’étre les organes de la volonté publique, et dans l’impossibilité de jamais dominer cette volonté. Au moment où un pouvoir que nous ne pouvons exercer par nous-mêmes nous échappe, à l’instant où nous sommes forcés de le confier, une salutaire défiance se place à côté de la confiance, et la surveillance du peuple se partage entre les divers genres de pouvoirs émanés de lui. IL n’oublie jamais cette terrible vérité : Que la liberté de tout peuple qui n’exerce pas par lui-même tous les pouvoirs n’existe que par la séparation des pouvoirs. Le souvenir de cette vérité l’oblige à se rappeler qu’il est de la nature des pouvoirs d’aimer à s’accroître, comme il est de la nature de l’homme d’aimer la puissance. Dans les Etats monarchiques, il sait qu’il a deux risques à courir. Réunion des pouvoirs dans le Corps législatif, qui constitue la tyrannie de plusieurs. Réunion des pouvoirs dans le pouvoir exécutif, qui constitue la tyrannie d’un seul. Pour conserver sa liberté entre ces deux écueils, il voulut les armer l’un contre l’autre d’une égale surveillance, et faire tourner au profit de tous ce même sentiment de jalousie et de pouvoir qui semblait les rendre rivaux. C'est du résultat de ces sages, idées qu’est née la sanction royale; c’est en elle que le peuple trouve le rempart de la liberté publique et l’assurance que nous, qui sommes ses représentants nous ne deviendrons jamais ses maîtres. Si le peuple réuni faisait la loi, nul doute que