[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 1791.] souviennent (les dilapidations do l’ancien régime, ceux qui ont appris que de prétendus créanciers, repoussés autrefois par des ministres bien faciles, se présentent aujourd’hui à votre comité de liquidation, sentiront combien il est important de confier la surveillance des liquidations à un grand nombre d’individus étrangers Ülix intérêts qu’ils doivent surveiller. La rigileiif des principes du comité a effrayé les banquiers, une ligue s’est formée ; elle avait pour but d’ehgàger l’Assemblée à priver ce comité de sà confiance, et à lui ôter une surveillance trop active, pour ne pas effrayer le génie spéculateur de ces Messieurs. Voici les moyens qu’on a employés pour parvenir à ce but : On vous a proposé de créer un bureau de liquidation, et vous avez accepté celte proposition. On vous a proposé de créef une commission composée de deux membres pris dans chaque comité, etvous avez accepté cette proposition. Ou a chargé cette commission de l’organisation du bureau du liquidation. Uneseclicn entière de ce comité s’est glissée dans ceite commission et s’est emparée de la majorité. (Applaudissements .) Plusieurs membres. Voilà le fait. M. de Cazalès. Quand le bureau de liquidation a été organisé, la commission devait finir, puisqu’elle avait rempli son objet. Mais on a propose de l’investir de nouveaux pouvoirs : cette commission est devenue un comité central de direction de liquidation, et ainsi le comité d’organisation est parvenu à son but, en empêchant la surveillance du comité de liquidation, et sans doute M. Camus avait prévu que cela serait ainsi, lorsqu’un jour, après la lecture du procès-verbal, il vous présenta une réclamation au moins très équivoque de Monsieur d’Orléans, en vous disant qu’elle n’était pas même litigieuse. L’Assemblée nationale, par un instinct de probité qui l'a rarement trompée (On applaudit), a renvoyé cette réclamation au comité de liquidation; et quand on vous fera le rapport de cette affaire, vous verrez que l’extrême rigorisme de M. Camus s’était extrêmement refroidi. (Bruit.) M. Cavie. C’est un honnête homme, quoi que vous en disiez. MM. Camus et de Cazalès s’interpellent avec violence au milieu du bruit. M. de Cazalès. Monsieur le Président, je vous dénonce M. Camus qui a l’insolence de m’insulter à la tribune. (Le silence se rétablit peu à peu.) M. de Cazalès. On vous a donné pour motif de la décision du 3 mars, la nécessité d’accélérer les liquidations; mais deux sortes d’affaires seront portées au comité central. Celles qui pourront être liquidées sans difficultés et celles qui seront jugées susceptibles de difficultés. Il faudra donc o’abord que ie comité les examine toutes; c’est après ce premier examen qu’il renverra au comité pour examiner de nouveau ; ainsi il faudra faire un double travail, et ce double travail n’accélérera rien; d’ailleurs, ôn ne persuadera point à l’Assemblée que 20 personnes iront plus vite que 150, surtout si ces 150 sont divisées en plusieurs comités auxquels le travail sera distribué divisement et dans la partie qui les concerne respectivement. Il n’y aurait donc qu’une seule hypothèse 739 qui pourrait pbésenter plus de rapidité, c’est dans le cas où le comité central serait très facile à regarder comme liquides sans difficulté des objets qui donneraient lieu à dé grandes contestations. 11 suit de tout ce que je viens de vous présëh-ter, qu’urie section du comité des finances a manoeuvre avec habileté, pour se saisir de la liquidation que l’Assemblée lui refusait, cjüe par ce nouveau mode les liquidations seront retardées ; que les autres comités connaîtront uniquement les affairés que le comité d’organisation daignera leur rënvoyer. Enfin, que vous restreindrez à peu d’individus une surveillance qui ne saurait être trop étendue, quand le Trésor public est attaqué de toutes parts. L’Assemblée croira sans doute devoir faire participer le plus grand nombre de ses membres à Ses mystères financiers, sinon il est aisé de prévoir que les anciennes dilapidations se renouvelleront, et que l’Assemblée aura la douleur et la honte de voir le Trésor public devenir la "proie de ces harpies financières qui semblent déjà se l’être partagé. Je finirai en rappelant la maxime d’un dès plus grands hommes d’Etat, de Machiavel: Peu sont corrompus par peu . Je conclus donc à ce que la surveillance et l’examen de la liquidation de la dette publique soient renvoyés aux divers comités, chacun dans la partie qui ie concerne. (Applaudissements.) M. Camus. Je défendrai la décision du 3 mars avec tranquillité, parce que les imputations du préopinant ne peuvent atteindre certains membres de cette Assemblée. (Pares à droite ; applaudissements à gauche.) Je la défendrai avec courage, parce que je l'ai présentée avec confiance, non comme mon ouvrage, mais comme celui de tous les comités réunis, j’en dois excepter le comiié de liquidation. Il y a quatorze mois qu’il est établi, et il ne vous" a fait d’autre rapport que celui des eaux Perrier ; et il y a au procès-verbal un décret qui renvoie ce rapport au comité des rapports, a tic qu’on vous fasse connaître comment un comité & pu exiger du ministre un arrêt du conseil* séance tenante, pour faire arrêter toutes les cautions de la compagnie des eaux. C’est sur mon amendement qu’on a repoussé Ja prise à partie du comité de liquidation, et qu’on lui a permis de se réunir à celui dus rapports. Vous avez vu les assignats se créer, la caisse de l’extraordinaire se remplir, et des gens qu’on ne payait pas élever de tontes parts des réclamations. Vous avez préposé un homme responsable pour véritier les faits, et accélérer ainsi le travail, en obtenant une responsabilité que vos co nités ne pouvaient vous offrir. Voilà le premier lait qu’on a appelé le premier anneau d’une chaîne de manœuvres. Je ne doute pas que vous n’établissiez aujourd’hui la liquidation générale, si elle n’était pas établie. Alors plusieurs liquidations vous ont été présentées, celle des brevets de retenue, celle des charges de judicature... On s’est plaint que des fournisseurs, que des ouvriers ne pouvaient être payés. On a demandé un projet de décret au comité de liquidation. Eli bien, il ne vous a point encore fait de rapport, et vous laissez 170 millions dans la caisse de l’extraordinaire, sans les employer, et vous perdez 700,000 livres d’intérêts par mois. Tels sont les motifs de la décision que j’ai du vous proposer le 3 de ce mois., et qu’il était impossible que L’Assemblée n’accueillît point. Vous avez senti qu’il était convenable de distinguer les objets 19 mars 1791.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 740 lAssemblée nationale.] qui ne demandaient qu’une simple vérification de ceux qui demandaient un lom> examen. Vous avez chargé de ce travail un comité composé de 24 personnes prises dans les autres comités. Nous avons toujours admis à délibérer avec nous tous ceux de nos collègues qui ont voulu s’unir à nous. Ainsi l’intention du comité n’a jamais été de cacher ses opérations. Vous savez que le salut public dépend de l’aliénation des domaines nationaux; il dépend également de la baisse de l’intérêt de l’argent. En effet, quand l’intérêt aura baissé, on remboursera avec un très grand avantage une multitude de dettes qui portent des intérêts très grevants. Voilà ce qu’on a parfaitement senti: voilà ce qui avait d’abord déterminé certaines personnes à s’opposer à l’émission des assignats; voilà ce qui les a portées, après celte émission décrétée, à rechercher toutes les mesures propres à faire écouler lentement les assignats, à retarder la vente des biens nationaux, à reporter à un temps fort éloigné la baisse de l’intérêt. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Voilà le fin mot. M. Camus. Je ne présente que des faits. Il y a 170 millions dans la caisse de l’extraordinaire, et dans l’espace de 14 mois le comité de liquidation ne vous a pas fait un seul rapport sur l’arriéré des départements. Voilà comment ou entassera assignats sur assignats, voilà comment on fera manquer l’aliénation des domaines nationaux. ( Applaudissements .) J’ajoute un fait. Il y a cinq mois que je vous présentai le rapport des reprises à faire par le Trésor public, ces reprises s’élèvent à 80 millions ; la rentrée de la moitié au moins de cette somme est certaine. Sur une proposition, vous avez ordonné le renvoi au comité de liquidation. Je demande combien, depuis cinq mois, les soins de ce comité ont fait rentrer, non de millions mais de cent pistoles. C’est dans cette position que les différents comités réunis ont arrêté la mesure que vous avez adoptée. Nous avons écrit au liquidateur général pour lui demander pourquoi rien de l’arriéré des départements n’est payé à la caisse de l’extracrdinaire : il a répondu que rien ne se faisait au comité, qu’il avait envoyé des étais pour 16 millions, que deux jours après on lui eu avait renvoyé la plus grande partie eu lui disant que ces objets ne regardaient pas le comité. Cette réponse seule devait déterminer la disposition qu’on attaque et dont l’utilité est incontestable. Nous avons voulu empêcher les assignats de s’entasser dans la caisse de l’extraordinaire. Nous avons voulu que leur sortie pût devenir prompte et rapide, afin d’assurer la vente des biens nationaux. Voilà notre but : il est évident, il se remplit, et le succès de notre travail justifiera nos intentions. Mais ont-elles besoin d’être justifiées quand c’est M. de Gazalès qui les attaque? ( Applaudissements .) Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. de Batz. Il est impossible... (L’Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres: Aux voix la question préalable! membres du comité de liquidation qui m’entourent demandeut eux-mêmes la question préalable. M. de Batz. Il est impossible qu’un comité inculpé ne puisse pas se justifier. (L’Assemblée décrète qu’il c’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. de Batz.) M. Pétion de Villeneuve fait lecture d’une lettre des administrateurs du département des Vosges : Il y est dit : « M. Chaumont, évêque de Saint-üié, disent les administrateurs, ayant refusé de prêter le serment prescrit par la loi, les électeurs du département des Vosges se sont rassemblés pour procéder à son remplacement ; l’esprit de concorde, des sentiments patriotiques et l’amour de la religion ont dirigé leurs suffrages; leur choix s’est fixé sur Jean-Antoine Maudru, curé de la paroisse d’Aydoiles, dans le district de Bruyères. « Cet ecclésiastique, membre de l’Assemblée nationale, joint à des vertus qui l’honorent, des lumières suffisante i pour remplir les obligations que lui impose la dignité épiscopale; mais ce qui le distingue surtout, c’est un attachement inaltérable aux principes de la Constitution, dont il s’est constamment montré le défenseur. Sa nomination a généralement été applaudie, et il y a lieu de croire qu’il inspirera la confiance que l’on doit attendre d’un évêque, appelé, par la voix du peuple, au gouvernement spirituel du département. « Le directoire du département a vu le choix avec beaucoup de satisfaction ; mais il a été particulièrement touché du patriotisme qui anime tous les électeurs de ce département, où l’amour de la Constitution fait chaque jour ue nouveaux progrès. Nous protestons de ne négliger aucun des moyens propres à environner cet évêque constitutionnel de la considération et de l’autorité qui doivent accompagner si s premiers pas dans une carrière où l’on ne manquera pas de lui opposer beaucoup d’obstacles. » (Applaudissements.) La même lettre annonce que les sept-huitièmes des ecclésiastiques fonctionnaires publics du département des Vosges ont prêté le serment. (Ap-plaudissemen ts . ) M. le Président lève la séance à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOAILLES. Séance du mercredi 9 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. l’abbé Massieu, évêque de Beauvais. La députation que vous avez chargée de se rendre auprès du roi, pour s’informer de l'état de sa santé, y est allée à 6 heures; elle n’a pu voir le roi, parce qu’il reposait ; mais un officier In châ-M. Poulain de Boutancourt. Plusieurs (1) Celle séance est incomplète au Moniteur.