SÉANCE DU 6 BRUMAIRE AN III (27 OCTOBRE 1794) - N°B 16-17 125 16 Un membre du comité de Législation [BAR] présente un projet de décret sur la pétition de Jean David (50), marchand à Bordeaux [Bec-d'Ambès], qui est adopté en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition du citoyen Jean David, marchand à Bordeaux, par laquelle il demande l'annulation du jugement de la commission militaire établie à Bordeaux, du premier germinal, qui le condamne en une amende de 150000 L, par forme de leçon fraternelle et néanmoins le met en liberté, annulle ledit jugement ; décrète que ce qui peut avoir été perçu de ladite amende, sera restitué au citoyen Jean David ; charge le comité de Législation de se faire rendre compte de la conduite de la commission militaire de Bordeaux et d'en faire un rapport à la Convention nationale. Le présent décret ne sera publié que par la voie du bulletin de correspondance (51). 17 Sur la proposition du même membre [BAR], les décrets suivans sont adoptés. a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BAR, au nom de] son comité de Législation sur la pétition des citoyens Bazille et Midy président et accusateur public du tribunal criminel du département de la Mayenne, rapporte son décret du 16 messidor, par lequel elle avoit destitué les membres de ce tribunal et décrète qu'ils reprendront leurs fonctions. Le présent décret ne sera pas imprimé (52). BAR, organe du comité de Législation, après avoir exposé que les renseignemens pris par le comité de Sûreté générale, prouvent que le tribunal criminel du département de la Mayenne (50) Mess. Soir, n° 801, indique qu'il est âgé de 70 ans. J. Fr., n° 762 et J. Perlet, n° 765, précisent qu'il a deux enfants sous les drapeaux. (51) P.-V., XL VIII, 77-78. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Bar selon C* II 21, p. 18. Bull., 6 brum. (suppl.). J. Paris, n° 37. J. Fr., n° 762; Mess. Soir, n° 801 ; J. Perlet, n° 765 ; F. de la Républ., n° 37 ; M. U., XLV, 107. (52) P.-V., XL VIII, 78. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Crassous selon C* II 21, p. 18. n'a violé la loi que par erreur, et qu'il est composé de vrais patriotes qui ont toujours suivi la ligne des principes, propose le décret suivant : La Convention après avoir entendu le rapport de son comité sur la pétition du président et de l'accusateur public près le tribunal criminel du département de la Mayenne, rapporte son décret qui les avoit suspendus et décrète qu'ils reprendront sur le champ leurs fonctions. Ce décret est adopté (53). b BAR, a fait au nom du comité de Législation, un rapport très intéressant et très détaillé sur une concurrence malheureuse pour la place d’exécuteur des jugemens criminels du département de Seine-et-Oise. Voici les faits : La place d'exécuteur des jugemens criminels étant devenue vacante, les autorités constituées s'adresseront à la commission des administrations civiles, police et tribunaux, pour nommer promptement à cette place importante. La commission se hâta d'investir, le citoyen Dupuis dont la famille a de tout tems exercé cette profession de père en fils, mais qui, dans ce moment se trouvoit sans emploi. Le citoyen Dupuis ne fut pas plutôt muni de son diplôme, qu'il prit la diligence pour se rendre à Versailles, et prendre possession de sa place ; mais hélas ! elle étoit prise, un intrus, nommé Boursier, avoit si bien fait auprès du tribunal criminel et du représentant du peuple Crassous en mission dans ce département, que celui-ci frappé des inconvéniens qui pouvoient résulter de l'absence d'un exécuteur des jugemens criminels, n'avoit pas cru attendre le citoyen Dupuis et s'étoit hâté de nommer à sa place. Le comité de Législation n'a pas hésité à penser que la nomination du citoyen Dupuis étoit la seule légale, il n'auroit donc pas balancé à le faire introniser dans son siège, si son concurrent n'avoit été nommé en vertu d'un arrêté d'un représentant du peuple; en conséquence il a proposé et la Convention a décrété que l'arrêté du représentant du peuple Crassous qui nomme le citoyen Boursier à la place d'exécuteur des jugemens criminels du département de Seine-et-Oise est cassé et annullé, et que la nomination du citoyen Dupuis, à cette place, par la commission des administrations civiles, police et tribunaux est confirmée (54). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BAR, au nom de] son comité de Législation sur la pétition du citoyen Louis Dupuis, nommé exécuteur des jugemens criminels pour le département de Seine-et-Oise, annulle la nomination faite par le représentant du peuple Crassous, du citoyen Boursier aux mêmes (53) J. Paris, n° 37. Rép., n° 37 ; J. Perlet, n° 765 ; F. de la Républ., n° 37; M. U., XLV, 107. (54) Mess. Soir, n° 801. J. Perlet, n° 765. 126 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE fonctions, confirme celle faite du citoyen Dupuis par la commission des administrations civiles, police et tribunaux, conformément aux lois des 13 juin 1793 (vieux style), et 22 floréal; charge la commission des administrations civiles, police et tribunaux, de faire exécuter le présent décret incessamment. Il ne sera point imprimé, mais seulement envoyé manuscrit au tribunal criminel du département de Seine-et-Oise (55). 18 Un membre du comité de Salut public [DELMAS] lit les dépêches arrivées des différentes armées de la République, qui annoncent la confirmation de la victoire remportée sur les Hollandais et les Anglais, près Nimègue, la prise de Coblentz et de Clèves et divers avantages remportés par les armées orientales et occidentales et sur sa proposition, la Convention rend le décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète que le représentant du peuple Merlin (de Thionville) se rendra sans délai aux armées du Rhin et de la Moselle, avec les mêmes pouvoirs qui sont donnés aux représentans du peuple envoyés près les armées (56). Delmas, au nom du comité de Salut public, a annoncé les nouvelles suivantes (57) : Le général en chef, au comité de Salut public. Quartier général de l'Algullana, le 21 vendémiaire, Van troisième de la République une et indivisible (58). Citoyens Représentans, D'après le rapport de tous les déserteurs, il paroissoit que l'on cachoit à l'armée ennemie la reddition de Bellegarde : je crois qu' aujourd'hui personne n'en ignore. J'ai fait faire un immense pavillon tricolor que nous venons d'inaugurer avec éclat; vint-cinq coups de canon tirés en salut au moment où il s'élevoit pour attester le triomphe des républicains, ont dû réveiller l'attention des Espagnols et porter leurs regards (55) P.-V., XL VIII, 78. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Bar selon C* II 21, p. 18. (56) P.-V., XL VIII, 78-79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Delmas selon C* II 21, p. 18. (57) Bull., 6 brum. Nous suivons cette gazette pour l'ensemble des nouvelles militaires. (58) Moniteur, XXII, 358 ; Débats, n° 764, 521-522 ; J. Paris, n° 37 ; Rép., n° 37 ; J. Mont., n° 14 ; Ann. Patr., n° 665 ; Ann. R. F., n° 36; J. Perlet, n° 764; J. Fr., n° 762; Mess. Soir, n° 801; F. de la Républ., n° 37; M. U., XLV, 107. sur cette forteresse, qui n'est et ne sera plus souillée par l’esclavage. Au sortir du Sud Libre, nous nous sommes rendus avec le représentant du peuple Delbrel, au centre de l'armée : un local convenable étoit préparé pour lui présenter le drapeau par excellence ; chaque bataillon, chaque arme avoit ses députés. Les deux braves frères d'armes, chargés de nous transmettre le gage de la recon-noissance nationale, sont rentrés aussitôt dans le cercle, et se sont approchés de l'autel destiné à l'offrande. Ils la présentent au représentant du peuple qui nous développe l'intention et les sentimens de la Convention lorsqu'elle décréta l'envoi d'un drapeau à chaque armée. Voilà celui des Pyrénées-Orientales, voilà le vôtre... Il est interrompu par une explosion patriotique qui sortoit du fond des coeurs. Le silence renaît, et il remet le drapeau au général en chef : « Camarades, s'écrie-t-il, voici le plus beau jour de l'armée des Pyrénées-Orientale. Si la victoire est douce, la reconnoissance de la patrie l'est bien davantage : vous l'éprouvez en ce moment; nous l'éprouvons tous en voyant ce témoignage glorieux et sacré de la Convention nationale. C'est le fruit de votre courage, de votre constance, de tous les travaux que vous avez si glorieusement fournis pendant cette campagne. Nous n'avons pas besoin de jurer de le défendre ; jurons de verser le reste de notre sang, pour augmenter son triomphe : Vive la Convention nationale! vive la République ! » Ces cris cent fois répétés avec l'enthousiasme de la liberté, d'une joie bien pure, bien unanime, mêlée de fanfares analogues, ont accompagné le drapeau de l'armée dans tous les rangs, pour y recevoir l'hommage de tous les coeurs. Citoyens-Représentans, cette journée sera complètement agréable pour nous, si vous pouvez nous acquitter envers les deux braves citoyens qui y ont contribué avec tant de zèle et de fraternité. Nous vous prions de prendre en considération l'intérêt si bien mérité que nous devons à leur sort. Salut et fraternité. Signé, le général Dugommier. Bulletin télégraphique du 5 brumaire. Transmission de Lille, composée sur le grand vocabulaire, une heure 20 minutes. Continuation des nouvelles d'hier. L'ennemi avoit commencé à évacuer les places et n'y avoit laissé que de foibles garnisons, qui ont été faites prisonnières de guerre. Fini à 2 heures 5 minutes. Signé, Chappe, ingénieur-télégraphe. Chappe, ingénieur-télégraphe au comité de Salut public. Paris le 6 brumaire an III (59). (59) Débats, n° 764, 519; Rép., n° 37; J. Mont., n° 14; Ann. Patr., n° 665; Ann. R. F., n° 36; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; Mess. Soir, n° 801; J. Fr., n° 762; M. U., XLV, 107.