160 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 mars 1790.] maintenir de tout son pouvoir; elle annonce aue sa contribution patriotique s’élève à plus de 4,000 livres, et elle demande, enfin, avec beaucoup d’instance, d’être le siège d’une justice royale, attendu sa grande population. Adresse des habitants de la ville de Louviers ; ils font le don patriotique de la somme de 2,625 livres et supplient l’Assemblée d’intercéder auprès de Sa Majesté pour diminuer la durée des deuils de cour. Adresse des citoyens de la ville d’Anse en Lyonnais; ils font le don patriotique de la somme de 2,300 livres provenant de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la communauté de Carantoir en Bretagne; elle demande une décision sur la Trêve - de-la-Garilly, pour savoir si elle formera une municipalité séparée. Adresses de la communauté de Criquelet-Len-neval en Caux, de la ville du Bourg en Guyenne, de la paroisse de Segonzac en Angoumois; cette dernière offre à la patrie le produit du moins imposé en faveur des anciens taillables. M. Gaultier de Biauzat, après avoir terminé la lecture des adresses, ajoute: Je propose d’auto? riser M. le président à écrire à la nouvelle municipalité et à la garde nationale de Versailles pour leur exprimer la satisfaction de l’Assemblée nationale du patriotisme manifesté par leur conduite. Cette proposition est adoptée. M. Regnaold-d’Epercy. Je demande, à mon :our, à l’Assemblée d’autoriser M. le président à écrire une semblable lettre aux gardes nationales de Franche-Comté et des parties d’Alsace et de Champagne qui se sont réunies à Dôle, le 21 février dernier, pour y prêter le serment civique. M. Alexandre de Lameth. Messieurs, le régiment de Royal-Etrangerétait réuni aux gardes nationales qui* se sont assemblées à Dôle ; je demande qu’il soit également félicité par M. le président. La lettre que cette armée patriotique de 150,000 hommes a eu l’honneur d’écrire au roi et qui se trouve jointe à l’adresse envoyée à l’Assemblée nationale, contient ces attendrissantes et rassurantes expressions: « Quand le cœur de Votre Majesté s’afflige au souvenir des malheurs que nous avons ressentis comme elle, qu’elle se dise que partout ils furent arrêtés ou prévenus par la crainte de lui déplaire ; que jamais cette pensée ne fut vainement offerte, même à l’égarement et dans les troubles les plus effrayants. Si, au milieu de l’effervescence de l’anarchie, les vertus de Votre Majesté, et le respect au’elle inspire à son peuple, ont com-mandé à l'exaltation des passions les plus violentes, que ne pouvez-vous pas, Sire, pour la prospérité et le bonheur du royaume, lorsque ayant porté à un degré inexprimable l’amour des Français, vous ne vous offrirez à eux qu’environné des lois les plus justes et qui sont l’expression du vœu de la nation entière. # Les motions de MM. Regnauld-d’Epercy et Alexandre de Lameth sont mises aux voix et adoptées. Le collège de chirurgie de Paris présente en don patriotique une somme de 6,169 livres, et dix volumes in-4°, dont cinq volumes des mémoires de cette académie, et cinq des ouvrages qui ont remporté des prix. Cette offrande civique est accompagnée d'un compliment respectueux et de félicitations pour l’Assemblée nationale. M. le Président témoigne à cette société la satisfaction de l'Assemblée, et invite les députés à assister à la séance. x M. Guilleminot fait hommage à l’Assemblée nationale d’une médaille qu’il a gravée, avec des allégories patriotiques, à la gloire du roi des Français ; il déclare qu’il associe la patrie pour les deux tiers du bénéfice qu’il pourra retirer de la distribution de cette médaille. M. le Président répond à cet artiste sensible et généreux, par le discours qui suit : « Le monument que votre zèle consacre à la gloire du roi, vous assure une considération particulière auprès de tous les cœurs français ; tout ce qui annonce le dévouement des citoyens pour le prince qui les appelle à la liberté et au bonheur, ne peut être reçu par l’Assemblée nationale qu’avec une véritable satisfaction. » M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour l’ élection du 'président. Sur 647 votants, M. Rabaud de Saint-Etienne a réuni 323 voix et M. de Lachèze 317. En conséquence, il y a lieu de procéder à un second scrutin. M. Eavie, député d’ Alsace, présente au nom des vallées haute et basse de Sainl-Amarin, 11,965 livres 9 sols, en don patriotique. M. Deeretot, député de Rouen. Je fais la motion de supplier le roi de diminuer le temps des deuils de cour, en considération du préjudice qu’ils portent au commerce. M. le marquis d’Estonrmel. La motion de l’opinant ne peut être l’objet d’un décret et n’est pas de la compétence de l’Assemblée nationale. M. Deeretot. Messieurs, ce n’est pas un décret que les manufactures sollicitent ; c’est une invitation au roi qui ne demande qu’à être averti de ce qui peut faire le bonheur de la nation. Déjà on assure que la prévoyante sollicitude de Sa Majesté pour le bien du commerce, l’a décidée à défendre l’annonce du deuil dans les papiers publics; mais l’incertitude de cette décision suspend les ventes dans un moment où le renouvellement de la saison devrait les faire reprendre avec une nouvelle activité. En conséquence, je demande, Messieurs, que l’Assemblée autorise son président à se retirer vers le roi, pour le supplier de réduire les deuils de sa cour à une très courte durée. Plusieurs membres demandent le renvoi de la motion au comité de commcree. Le renvoi est prononcé. M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour et à la discussion du projet de décret sur les lettres de cachet. M. le comte de Castellane, rapporteur , expose les divers motifs qui ont déterminé le comité à proposer le projet de décret qui est en discussion. M. l’abbé Maury. Nous sommes placés entre deux grands intérêts, celui de la liberté, qui doit [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 mars 1790.] s'étendre également sur tout ; celui de la société, qui ne doit jamais être troublé. Le premier article qui est soumis à notre discussion ne regarde, ne parle que des condamnés, des décrétés et des fous. Il est évident que ce premier article, qui semble d’abord mettre à couvert la liberté publique, ne serait très souvent qu’illusoire ; car il accorde la liberté à des hommes coupables peut-être des plus grands forfaits. — Nous commençons nos opérations par où nous devrions les finir. Organisons d’abord le pouvoir judiciaire et les tribunaux ; il sera beau ensuite d’appeler à la liberté tous ceux qui pourront en jouir sans blesser les intérêts de la société. Quand bien même leur détention actuelle serait injuste, c’est un sacrilice qu'ils doivent faire à la société. S’il existe des innocents dans les prisons d’Etat, n’y a-t-il pas aussi un bien plus grand nombre de personnes accusées sans preuves? A la vérité, ce sont des maris qui ont empoisonné leurs femmes, des fils qui ont empoisonné leurs pères. 11 n’existe aucune accusation légale contre ces personnes ; les rendrez-vous pour cela à la société? Je ne conclus pas cependant que leur captivité doive être éternelle, mais seulement qu’il ne faut s’occuper de ces individus qu’après avoir réglé l’intérêt général ; et il ne peut exister dans la nation de volonté générale s’il n’existe pas de loi. Touché du malheur d’être privé de la liberté, j’opine avec douleur, mais pénétré du sentiment profond de l’intérêt public, à ce que nous nous occupions d’abord de lacontèction des lois. Aussitôt qu’elles seront faites, qu’il soit permis aux prisonniers d’invoquer la justice ordinaire. Celui qui ne l’invoquera pas doit rester dans les prisons ; son silence prouvera qu’on peut L’y laisser sans injustice. M. de Robespierre. En me bornant au premier article soumis à votre discussion, j’observe que c’est sur le sort des personnes qui ne sont accusées d’aucun crime que nous avons à prononcer. Nous ne favoriserons pas, sans doute, ces actes de despotisme ; des législateurs n’ont autre chose à faire que d’anéantir ces abus. Comment les anéantir, s’ils laissent gémir ceux qui sont dans l’oppression. En vertu de quoi ont-ils été privés de leur liberté? En vertu d’un acte illégal. Ne serait-ce pas consacrer cet acte illégal que d’ordonner des délais ? Si quelque chose peut nous affecter, c’est le regret de siéger depuis sir mois sans avoir encore prononcé la' liberté de ces malheureux, victimes d’un pouvoir arbitraire. L’Assemblée sera sans doute étonnée de voir que, lorsqu’il est question de la cause de l’innocence, on lui parle sans cesse, non pas de ces infortunés détenus, souvent pour leurs vertus, pour avoir laissé échapper quelques preuves d’énergie et de patriotisme ; mais qu’on fixe son attention suides hommes emprisonnés à la sollicitation des familles.. Vous n’avez pas, sans doute, oublié celte maxime: Il vaut mieux faire grâce à cent coupables que punir un seul innocent. Je propose, pour amendement au premier article, que tous ceux qui seront détenus seront mis en liberté le jour même de la publication du présent décret, et que dans huit jours, volredéerel sera publié. M. de Castellane. Je demande que l’on ajoute que l’Assemblée leur accorde tous les recours contre les auteurs de leur détention. M. Pison du Galand. Je propose en amendement d’excepter du nombre ue ceux qui seront lre Série, T. XIÎ. loi remis en liberté les personnes contre lesquelles il y aurait eu plaintes rendues en justice emportant peine afflictive. M. le duc de LcrU appuie cet amendement. M. le comte de Croix. Nul homme ne peut être retenu prisonnier qu’en vertu d’un décret, et non sur une plainte accusatoire. Des considérations de famille ne sont pas suffisantes pour arrêter le cours des lois; et cependant, sous le règne du despotisme, ces mêmes considérations déterminaient presque toujours la conduite des agents du pouvoir exécutif. Un semblable exemple ne doit pas prévaloir dans le temple de la liberté. M. Goupil de Préfeln appuie les observations M. de Croix. M. Garat l’alné. J’appuie l’amendement. La plainte fait toujours présumer le crime. Le despotisme a aussi souvent protégé le crime que poursuivi l’innocence. M. Duval d’Eprémesnll. Je distingue quatre classes parmi les détenus. On doit élargir tous ceux qui ont été arrêtés en vertu des ordres arbitraires du propre mouvement ou des comités permanents et des comités des recherches. Votre comité doit examiner la cause de ceux qui ont été détenus sur les poursuites particulières des familles ; il faut laisser à ceuxqui sont condamnés ou décrétés, et qui forment les deux dernières classes, la liberté de choisir entre un jugement dôtinitifou une prison continue. Dans le cas où ils voudraient se faire juger, ils pourront être exécutés sans en avoir référé au roi, qui pourra commuer la peine. Telle est mon opinion. Dans tous les cas, je crois nécessaire de mettre üd aux recherches inquisitoriales des comités, à leurs arrestationsarbitraires. M. Augeard... (Unmurmure s’élève dans l’ Assemblée.) Eh bien ! oui, M. Augeard; est-ce qu’il n’est pas Français ? M. Augeard a été détenu plus de deux mois, et sans avoir été interrogé, en vertu des ordres du seul comité des recherches; et celte femme malheureuse (madame de Favras)u’a-t-eIlepasétémoralementencbainée? n’a-t-elle pas été réduite à l’impossibilité de solliciter ses juges pour son mari, dont vous avez su la tin tragique?... ( Les murmures redoublent .] Je persiste à dire, Messieurs, qu’il est uu grand nombre de citoyens enfermés qu’on ne pense pas même à interroger ; je dis encore que les comités ont ordonné plus de détentions que le despotisme; et je conclus à ce que les comités des recherches soient détruits. M. Lioys. Je propose, en amendement à cette motion, que le comité soit conservé, mais qu’il soit tenu de remettre dans les 24 heures les arrêtés par le même ordre entre les mains des tribunaux. M. Chapelier. Je demande la conservation du comité des recherches; je le crois plus nécessaire que jamais pour le maintien de la constitution, je le regarde comme un moyen sûr de répandre parmi les malintentionnés une salutaire terreur; et j’observe, à l’appui de mon opinion, que par ce comité on est parvenu à arrêter des manœuvres qui pouvaient devenir funestes à la liberté publique. M. Guillaume .Je demande que la motion de M. Duval d’Eprémesnil soit ajournée après la constitution. il