[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] que nous parviendrons à donner un centre à la force publique, que nous lui donnerons un bras pour agir comme nous avons une tête pour penser. Or, Messieurs, ce n’est point en faisant des recherches qui répandraient des soupçons que nous parviendrons à ce but. M. de La Fayette, depuis le commencement de la Révolution, a montré les vues, les intentions, la conduite d’un bon citoyen, M. de La Fayette mérite toute notre confiance; il importe à la nation qu’il la conserve, nous devons la lui marquer hautement. (Applaudissements dans les tribunes.) Un membre à gauche : Monsieur le Président, empêchez donc ces batteurs de mains 1 M. le Président. Je répète à tous les bons citoyens qui environnent l’Assemblée nationale, que jamais l’Assemblée n’a eu plus besoiu de silence. M. Barnave. Je rappelle à tous les bons citoyens que ce qui importe surtout dans les circonstances actuelles, c’est qu’au lieu où la puissance publique peut parler, peut agir, elle puisse le faire librement, qu’elle jouisse du plus grand calme, de la plus ferme union et que tous ses mouvements livrés à la seule prudence des représentants de la nation ne soient pas influencés par des causes qui, quelque populaires qu’elles puissent paraître, ne seraient véritablement que le résultat d’influences étrangères. ( C’est bien vrai!) Messieurs, il faut de la force dans Paris, mais il y faut de la tranquillité. Il faut de la force, mais il faut que cette force soit mue par une seule volonté et celte volonté-là doit être la vôtre. Du moment qu’on croirait pouvoir l’influencer, on mettrait dès lors en péril la chose publique dont vous êtes seuls les dépositaires et de laquelle seule vous pouvez répondre. Le véritable danger du moment est dans ces circonstances extraordinaires où l’effervescence est excitée par des personnes dont le patriotisme serait loin d’être le sentiment, dont le salut public serait loin d’êire l’objet. Il importe actuellement que tous les hommes véritablement amis de la patrie, que tous ceux qui ont un intérêt commun avec elle, que ceux qui sont devenus les sauveurs de la France et de Paris dans cette journée du 14 juillet qui a fait la Révolution se réunissent encore et se tiennent prêts à marcher. Vous vous rappellerez qu’alors le premier mouvement fut donné par une classe peu réfléchie, facilement entraînée, et que des désordres en furent l’effet. Le lendemain, les hommes pensants, les propriétaires, les citoyens véritablement attachés à la patrie s’armèrent; les désordres cessèrent : les actes véritablement civiques leur succédèrent, et la France fut sauvée. Telle est la marche que nous devons prendre. Je demande donc que l’Assemblée nationale prenne une résolution pour laquelle elle ordonne a tous les citoyens de Paris de se tenir armés et prêts, mais dese tenir dans le plusprofond silence, dans une attente immobile jusqu’au moment où les représentants de la nation auront besoin de les mettre en mouvement pour le maintien de l’ordre public ou pour la défense de la patrie. Une marche contraire finirait par introduire l’anarchie, et ôter toute espérance du retour de la tranquillité publique. Je demande, en conséquence, que l’Assemblée nationale passe à l’ordre du jour sur la proposition qui vient de lui être faite. M. Rewbell. Messieurs... (Murmures prolongés.) Un grand nombre de membres : Taisez-vous ! M. d’André. J’ai l’honneur de représenter à l’Assembiée que tous les moments sont précieux; que, comme vient de le dire M.Rarnave, avec de l’ordre, avec delà tranquillité, le vaisseau de l’Etat se sauveramalgré ses ennemis, et les pilotes n’abandonneront le gouvernail qu’avec la vie. (Applau~ dissements.) J’ai déjà dit, Messieurs, et je le répète aujourd’hui, c’est le moment d’agir et non de discourir. Ainsi, Messieurs, ne perdons pas le temps en vains discours; délibérons avec ordre et ne nous livrons pas à 6 ou 8 propositions à la fois; et, puisque chacun s’accorde à vouloir une proclamation, je demande que la proclamation proposée par M. Rar-nave, c’est-à-dire que les propres termes dont il s’est seryi soient la proclamation avec laquelle on fera connaître à tout Paris et à tout le royaume les mesures que nous avons prises. Après avoir rendu ce décret, nous passerons à une autre délibération. (La motion de M. Barnave est mise aux voix et décrétée à l’unanimité.) M. lie Chapelier. J’ai une rédaction à lire, c’est celle de la proposition de M. Rarnave et de la mienne par la raison que ces deux motions se raccordent : « L’Assemblée nationale déclare aux citoyens de Paris et à tous les habitants de l’Empire, que la même fermeté qu’elle a portée au milieu de toutes les difficultés qui ont accompagné ses travaux, va diriger ses délibérations à l’occasion de l’enlèvement du roi et d’une partie de la famille royale. « Qu’elle a pris les mesures les plus actives pour suivre la trace de ceux qui se sont rendus coupables de cet attentat ; « Qu’elle va, sans aucune interruption, dans ses séances, employer tous les moyens pour que la chose publique ne souffre pas de cet événement; « Que tous les citoyens doivent se reposer entièrement sur elle, des soins qu’exige le salut public; « Qu’elle les avertit que le salut public n’a jamais demandé plus impérieusement la conservation de l’ordre, et que tout ce qui exciterait le trouble, attaquerait les personnes, menacerait les propriétés, serait d’autant plus coupable, que par là seraient compromises et la liberté et la Constitution. « Elle ordonne que les citoyens se tiendront prêts à agir pour le maintien de l’ordre public et la défense de la patrie, suivant les ordres qui leur seront donnés d’après les décrets de l’Assemblée nalionale. « Elle ordonne aux administrateurs des départements et aux officiers municipaux, dans toute l’étendue du royaume, de faire publier sur-le-champ le présent décret, et de veiller avec soin à la tranquillité publique. » (Cette rédaction est décrétée.) M. Thévenard, ministre de la marine, est introduit dans l’Assemblée. M. liegrand entre dans la salle et va entretenir le président au fauteuil. M. le Président. On m’annonce qu’un de nos 363 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] collègues, M. de Cazalès, est arrêté par le peuple et que sa vie neut être en danger. L’Assemblée m’autorise-t-elle à envoyer des commissaires pour veiller à sa sûreté? (Oui! oui!) Je nomme MM. de Liancourt, Grégoire, Rabaud, Pétion, Boissy-d’Ànglas et Camus. M. de Crillon jeune. Dans les circonstances où nous sommes! il est certain que nous ne devons pas borner nos mesures au seul département de Paris, mais qu’elles doivent comprendre l’universalité des départements. Il est certain qu’il y a maintenant des précautions à prendre; par exemple, de faire partir des courriers. Plusieurs membres : Gela est fait. M. de Crillon. J’apprends avec plaisir que l’Assemblée a déjà pris ce matin cette mesure; mais il en est une multitude d'autres que la prudence vous commande. Il est impossible qu’une Assemblée de 800 ou de 1,000 personnes agisse avec la promptitude qui convient aux circonstances. Je demande que vous nommiez 5 personnes, ou même un plus petit nombre, auxquelles vous confierez le pouvoir nécessaire. Plusieurs membres : Cela est rejeté. M. de Crillon. Je ne sais pas sous quelle forme une mesure aussi sage a été proposée pour qu’elle ait pu être rejetée. Si l’on veut, je consens à ce que cette commission ne puisse faire à elle seule aucun acte d’administration ; mais je demande qu’elle s’adjoigne à cet effet aux ministres, et qu’elle vous rende compte tous les jours des mesures qu’elle aura prises dans la journée. M. le Président. Ce que propose M. Grillon, ayant été rejeté par l’Assemblée, je ne puis plus le soumettre à la délibération. M. Fréteau-Saint-Jnst. Monsieur le Président, je demande à dire un mot pour une mesure instante. Vous connaissez les funestes effets qu’ont produits pendant le cours de la Révolution les faux décrets répandus dans les départements. Je demande que M. le Président ordonne à l’instant de rassembler dans les différents comités tout ce qui existe de cachets particuliers, et qu’il soit enjoint aux directoires de département de vérifier avec la plus grande attention la fidélité des signatures sur les expéditions qui leur seront envoyées, afin d’éviter toute méprise et toute confusion; cela est instant. M. le Président. Personne ne s’opposant à cette motion, je la mets avec voix. (La motion de M. Fréteau est adoptée.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, voulant prévenir les maux qui pourraient résulter de l’envoi dans les départements et districts, de décrets, avis et autres expéditions qu’on y ferait circuler au nom de l’Assemblée, déclare que les seuls sceaux authentiques de ses décrets et expéditions, sont: celui qui est appliqué aux décrets, lequel porte les mots : la loi et le roi. Assemblée nationale 1789 ; et le sceau de ses archives pour les expéditions qui y sont délivrées, portant les mots : la nation , la loi et le roi. Archives nationales. Elle avertit les assemblées adiministratives et les fonctionnaires publics, de veiller avec le ])lus grand soin sur les exemplaires de décrets qui pourraient se répandre parmi le peuple, afin d’en constater l’authenticité, ainsi que la vérité des signatures et des sceaux; et pour prévenir l’abus du sceau portant les mots: Assemblée nationale 1789, la loi et le roi , décrète que tous les cachets portant lesdits mots seuls, seront, pas les soins de l’archiviste, déposés en un même lieu, et confiés aux commissaires des décrets, pour veiller à l’apposition dudit sceau sur les décrets. » M. Camus. Conformément aux ordres de l’Assemblée nationale, la députation nommée par le président s’est rendue dans les Tuileries pour protéger M. de Cazalès. Ce n’était pas M. de Cazalès qui avait été arrêté, mais un particulier qui est en sûreté à l’heure actuelle. Le peuple a paru affligé, mais animé des meilleurs sentiments et disposé à respecter les lois ; dous avons rendu compte au peuple des mesures que l’Assemblée avait déjà prises ; notre récit a été fréquemment interrompu par des applaudissements. Nous avons recommandé à tous le calme et la tranquillité. Ils ont tous juré d’empêcher qu’il ne se commît aucun désordre. Nous les avons invités à se retirer, chacun dans sa section pour y communiquer ce qu’ils venaient d’apprendre, pour instruire leurs concitoyens des mesures prises par l’Assemblée nationale et les exhorter à la tranquillité. Ils se sont aussitôt rendus à notre invitation. M. l'abbé Grégoire. Je dois ajouter au compte rendu par le préopinant, que nous avons rencontré partout le peuple dans les mêmes dispositions. Nous l’avons vu partout disposé à obéir à tous les décrets de l’Assemblée et plaçant toute sa confiance en vous. (Applaudissements dans les tribunes.) Oui, Messieurs, soutenons sa cause avec courage, rappelons les événements du 14 juillet 1789 et nos, si totus illabatur orbis , impavidos ferient ruinæ. Nous mourrons s’il le faut pour sauver la chose publique. M. Delessart, ministre l’intérieur , est intro* duit dans l’Assemblée. M. Charles de Cameth. La proposition qui vient d’été faite par M. de Crillon a déjà été repoussée. Je crois cependant que l’Assemblée ayant dans son sein des comités diplomatique, militaire, des finances, et, en un mot, de toutes les parties de l’administration, il lui sera facile d’être promptement instruite en ordonnant à ses comités de travailler avec les ministres, chacun en la partie qui le concerne, de rendre compte à l’Assemblée de toutes les mesures qu’ils croiront devoir prendre et de les lui soumettre toutes les fois qu’un décret de l’Assemblée nationale sera nécessaire. Ce décret est nécessaire pour faire marcher le gouvernement en l’absence du pouvoir exécutif. Je crois qu’il serait utile aussi que l’Assemblée nationale autorisât, dans ce moment de crise, les ministres à venir eux-mêmes à l’Assemblée quand ils croiront que la chose publique l’exige. (Oui ! oui !) Par ce moyen, nous pourrions nous éviter la mesure toujours inquiétante de remettre à un comité unique une aussi grande autorité. Messieurs, il s’est commis un grand forfait, un crime de lèse-nation au premier chef, s’il en fut jamais. C’est pourquoi je demande que vous adjoigniez 6 ou 12 membres au comité des