[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mai 1791.] M. de Mfontcsquiou, au nam du comité des finances, fait un rapport sur les besoins du Trésor public et s’exprime ainsi : Messieurs, Vous avez décrété, le 17 avril, qu’à la fin de chaque trimestre le Trésor public rendrait compte des recettes qu’il aurait faites dans les trois mois précédents, et qu’au cas où elles auraient été inférieures à la somme décrétée pour être employée aux dépenses publiques, l’Assemblée pourvoirait à remplacer au Trésor le déficit qui se serait trouvé dans la recette. Cette disposition d’ordre vous a paru importante : 1° pour que le service public n’éprouve jamais de suspension; 2° pour que l’état effectif des recettes fut constaté souvent, et que les retards des contribuables, ou la négligence des administrateurs, bien connue, déterminassent aux mesures convenables pour les faire cesser. Vous aviez jugé que le fonds de caisse de 36 millions qui existait au lw janvier de cette année, et que ces dispositions conservaient dans son intégrité, devait suffire pour entretenir l’abondance au Trésor national et suppléer au vide momentané de quelques recettes. Nous n’insistâmes peut-être pas assez alors sur l’observation que nous fîmes que les impôts indirects des douanes, des patentes, du timbre et de l'enregistrement ne faisaient que naître, qu’on s’était prémuni pour quelque temps contre ces deux derniers en pressant, dans le mois qui les a précédés, l’expédition d’une foule de transactions, et que le début de tous les établissements de ce genre éprouvait toujours une sorte de laogueur. Nous avions pensé d’ailleurs que les impositions directes seraient beaucoup plus tôt réparties entre les départements, que les rôles seraient incessamment faits, mis en recouvrement et les recettes généralement établies. Vous savez à quel Êoint nous sommes éloignés encore de cette eureuse position, et vous comprenez qu’avant tous les préliminaires dont je viens de parler, vous ne pouvez compter sur les nouvelles perceptions; dès lors, le fonds de caisse du Trésor public ne peut pas, sans autre secours, fournir pendant trois mois aux dépenses que voua avez décrétées. La recette d’avril qui aurait dû monter à 48,558,333 livres, somme des dépenses de chaque mois, suivant le décret du 19 février, si vos nouveaux revenus étaient en recette, ne s’est élevée qu’à 24,295,928 livres ; ainsi le déficit d’avril est de 24,262,405 livres. La recette de mai sera vraisemblablement inférieure encore à celle du mois précédent. Les deux premières semaines, dont le compte a pa ssé sous nos yeux, nous le font présumer. jDans cet état de choses, le comité des finances a pensé que vous ne pouviez assurer le service du Trésor public qu’en lui faisant rendre compte mois par mois, au lieu de quartier par quartier, de ses recettes, et eu lui restituant mois par mois la somme de son déficit. Le jour où, ayant établi des revenus égaux à vos dépenses, ces revenus rentreront régulièrement, où vous n’aurez plus à vous occuper de ces fâcheuses comparaisons, vous jouirez alors de la prospérité générale, fruit d’une juste confiance et du rétablissement entier de l’ordre dans les finances ; votre comité ne peut trop fixer l’attention de l’Assemblée sur cet important objet. Les détracteurs des opérations de l’Assemblée nationale et des travaux de ses comités voudraient bien tirer avantage de ces avis répétés que le zèle nous commande. En faveur de nos alarmes, ils nous pardonnent notre vigilance; ils affectent de publier qu’exercés à vous présenter des tableaux flatteurs, il faut que tout soit désespéré, puisque nous vous avertissons de quelque danger. La manière dont nous avons rempli ce devoir n’est, disent-ils, qu’une rétractation forcée des comptes satisfaisants que plus d’une fois nous vous avons rendus. Certes, nous sommes loin d’avoir à nous rétracter ; nous le déclarons solennellement. Lorque, par l’effet d’une sage hardiesse et d’un courage soutenu, vous avez adopté et suivi un pian régénérateur, mais immense, que mille intérêts particuliers devaient combattre, nous n’avons jamais pensé, nous n’avons jamais dit que vous arriveriez au terme sans avoir, ou des pièges à éviter, ou des résistances à vaincre. Placés par vous en sentinelle, vous avertir est notre devoir et nous le remplirons toujours; votre sagesse fera le reste. Déjà vous venez de prendre un parti décisif, un parti qui vous assure le rétablissement prochain de la circulation. Quelques jours encore, et vous aurez mis la dernière main au grand travail des contributions publiques, à la consolidation des revenus de: l’Etat. De grands sacrifices auront marqué, sans doute, la transition de l’ordre ancien a un système neuf et complet d’impositions. Ils étaient inévitables, mais vous n’en remplirez pas moins l’engagement, que vous avez pris, d’acquitter toute la dette non constituée. Ainsi elles seront encore trompées, les espérances de ceux qui jouissent des moments d’embarras et d’inquiétudes inséparables de la plus étonnante révolution. Puissent-ils avoir bientôt à se consoler du bonheur public, à y participer eux-mêmes, et vous faire recueillir ce dernier prix de vos travaux 1 Voici le décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit : Art. lor. Avant le 15 de chaque mois, l’ordonnateur du Trésor public rendra compte, à l’Assemblée, des recettes effectives du mois précédent; et ce qui pourrait manquer auxdites recettes; pour compléter la somme de 48,558,333 livres, montant de la dépense de chaque mois, conformément au décret du 18 février dernier, sera versé au Trésor public par la caisse de l'extraordinaire. Art. 2. « La recette du mois d’avril n’ayant monté qu’à la somme de 24,295,928 livres, la caisse de l’extraordinaire versera au Trésor public celle de 24,262,405 livres. » (Ce décret est adopté.) M. Bonnegens, qui avait obtenu un congé d’un mois, en remet l’expédition sur le bureau et déclare qu’il n’en fera pas usage. M. Defermon, au nom du comité des contributions publiques. Il y a déjà quelque temps, Messieurs, qu’on vous a proposé, au nom du comité des contributions publiques, un projet de décret tendant à abolir les procès pour fraudes et contraventions entre les anciennes compagnies des fermes la régie générale et les citoyens.