436 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [31 août 1790.] « Art. 3. La fixatioD du prix des travaux à la tâche ou à la journée, sera toujours inférieure au prix courant du pays pour les travaux du même geme, et sera déterminée par les corps administratifs des lieux où les ateliers seront ouverts. Les règlements pour la police desdits ateliers seront également faits par ces mêmes corps administratifs. « Art. 4. Ceux des ouvriers qui contreviendront aux règlements qui seront faits, soit pour la police des ateliers, soit pour la fixation du prix des ouvrages, seront jugés comme pour faits de police, par les officiers municipaux des lieux, et punis ainsi qo’il appartiendra ; et en cas d’attroupement séditieux, d’insubordination ou autres faits graves, iis seront arrêtés, poursuivis dans les tribunaux ordinaires, comme perturbateurs du repos public, et punis comme tels, suivant l’exigence des cas. « Art. 5. A compter du jour de la publication du présent décret, toute personne non actuellement domiciliée à Paris, ou qui n'y serait pas née, et qui se présenterait pour avoir de l’ouvrage, ne sera pas admise aux ateliers de secours qui seront ouverts, conformément à l’article premier ; et, pour le surplus, l’Assemblée nationale renvoie aux dispositions du décret du 30 mai dernier, concernant la mendicité de Paris. » M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M. le cardinal de Rohan dont on va vous donner lecture. Extrait de la lettre. — Des affaires pressantes m’ont forcé de m’absenter pour me rendre dans mon diocèse. Il s’agissait de rétablir l’ordre de l’autre côté du Rhin. Les environs de mes possessions ont été le théâtre de dévastations de tout genre ; on est venu à Saverne avec des projets destructeurs, de plusieurs endroits qui en étaient éloignés de 15 heures. J’ai choisi pour ma résidence momentanée 1 endioit de mon diocèse où je pouvais me procuier une tranquillité que j’aurais dû trouver partout. J’étais engagé parle double motif de l’intérêt personnel et du rétablissement de l’ordre que j’ai eu le bonheur d’obtenir. J’ai appris avec une extrême sensibilité qu’une conduite aussi simple avait été tiavestie et qu’on avait tâché d’en tirer des inductions défavorables. Je désirerais que ma santé me permît de venir en personne rendre compte de ma conduite; mais ne le pouvant pas, je m’empresse d’adresser à l’As-emblée ce précis justificatif, que je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien lui communiquer. J’ai droit d’espérer qu’elle marquera son mécontentement à ceux qui ont cherché à l’induire en erreur. En ma qualité d’évêque de Strasbourg, je n’ai pu me reluser aux réclamations de la noblesse et du clergé d’Alsace pour soutenir l’effet des traités et des capitulations. J’ai dù soutenir mes prérogatives de prince u’Empire; en imprimant mon mémoire, j’ai invoqué la justice du roi et les bons offices de la diète de Ralbbonne, conservatrice des droits de l’Empire, je n’y ai point envoyé d’émissaires; mes démarches ont éié franches, publiques et légales : n’étant qu’usu-fruitier, je dois, dans les règles de la délicatesse, défendre des droits dont je ne puis faire le sacii-fice spontané. Depuis mon retour en Alsace, je défie qu’on puisse citer aucun écrit, aucune démarche, aucun discours contraires à ma soumission à la loi, et à mon respect pour le roi. On m’u cité le propos de M. üeMontmorin; s’il est tel qu’on le rapporte, je ne puis que l’accuser s d’avoir manqué à l’Assemblée, à lui et à moi, par une assertion qui vio e toutes les bienséances. Je ne parlerai point du déeret qui ordonne l’inventaire de mes meubles; je respecte trop les moments de l’Assemblée pour l’occuper de pareils détails. Aux motifs de nia santé qui ne me permettent pas de retourner dans ce moment-ci à Paris, je dois joindre zelui de ne point compromettre la dignité de ma qualité de député, en m’exposant aux plaintes qui pourraient m’être faites par mes créanciers; n’étant plus en état de les satisfaire depuis la perte des revenus que je leur avais abandonnés, jf n’ai nul embarras à avouer l’extrémité à laquelle je suis réduit, puisqu’il n’y a nullement de ma faute, et qu’elle n’est l’effet d’aucune dissipation. J’ai possédé légalement des revenus, je les avais légalement légués à mes créanciers. Je suis à couvert de tout reproche ; puisque l’Assemblée prend en considération tous les malheureux, j’espère qu'elle trouvera quelques moyens pour acquitter mes dettes. — Je prie i’Assemblee d’accepter ma démission de député. (Des membres demandent le renvoi de cette lettre au comité des rapports, d’autres au comité de liquidation, et quelques-uns au comité de mendicité.) M. Goupil. Je demande le renvoi au comité de S Constitution, afin qu’il s’occupe de l’examen de la question de savoir si un membre de l’Assemblée nationale, tombé en faillite, peut rester député. M. Charles de Lameth. L’Assemblée ne peut recevoir la démission de M. de Rohan, tant que son suppléant ne sera pas présenté. M. l’abhé d’Eymar. Je puis donner l’assurance que M. le cardinal de Rohan a un suppléant qui se présentera dès que la démission aura été acceptée. M. Rewbell. La qualité du suppléant me semble fort contestable. M. Frétean. Je demande le renvoi au comité des rapports et que l’on passe à l’ordre du jour. (Cette motion est adoptée.) M. le Président fait lecture d’une lettre en date de ce jour, à lui écrite par le président du comité des rapports, par laquelle il lui marque que ce comité a achevé hier l’examen de l'affaire du 6 octobre ; mais qu’il a cru qu’il était de son devoir, avant que de présent -r son rapport, de demander l’impression de la procédure, pour éclairer et abréger les discussions, mettre tous les membres de l’Assemblée en état de prononcer en connaissance de cause , et d’apprécier ou combatire l’avis qui sera proposé. Le comité des rapports prie, en conséquence, M. le président, de présenter sa demande a l’Assemblée , et de lui demander ses ordres à cet égard. M. de Mirabeau l'aîné. Personne ne rend plus que moi justice aux motifs d’honneur et d’équité qui ont purté le comité à écrire cette lettre; mais j’ai l’honneur d’observer que douze cents rôles de procédure seront fort longs à imprimer; que cette affaire demande la plus grande célérité , c’est pourquoi je pense que le comité doit faire son rapport aussitôt qu’il sera en état de vous le soumettre. Il veut éclairer l’opinion publique et 437 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1790.] donner les pièces justificatives de son rapport ; mais son intention ne peut être de laisser, pendant plusieurs semaines, les accusés, je ne dis pas dans les angoisses, mais dans les soupçons odieux dont on cherche à les environner. Je sais que l’on cherchera des motifs secrets dans cette publication ; mais tout m’est égal, puisque tout sera connu. Je dis tout m’est égal, car je ne suis pas assez modeste pour ne pas savoir que, dans le procès fait à la Révolution, je devais tenir une place. (On applaudit à deux reprises différentes.) Sans doute, cetie affaire sera le monumeut le plus honorable de l’équité de cette Assemblée. Il est de notoriété publique que le rapporteur est prêt , que le comité a fixé son avis. L’intérêt des accusés doit toujours passer avant celui des juges. L’intérêt des accusés est la plus prompte expédition; c’est de vous que je la sollicite. M. Madier de llontjau. Je demande qu’avant que le rapport soit fait à l’Assemblée, le procureur du roi soit interrogé pour savoir s'il a rais à exécution les décrets rendus contre diverses personnes. M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. J’appuie l’observai ion de M. Madier; l’Assemblée doit désirer que les crimes des 5 et 6 octobre soient punis comme ils le méritent, l’impression de la procédure dévoilerait les coupables et favoriserait leur évasion. M. de Mirabeau l'aîné. L’évasion des témoins est aussi probable que celles des accusés. (On applaudit à plusieurs reprises dans toute la partie gauche et dans les tribunes .) Je vais répéter. Le préopioant paraît craindre que la divulgation de la procédure ne facilite l’évasion des coupables; je réponds que l’évasion des témoins est aussi probable que celles des accusés, et cependant les accusés ne prennent pas de mesures contre l’évasion des témoins. (On applaudit de nouveau.) M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. M. de Mirabeau fait entendre qu’il n’a rien à se reprocher comme accusé ; moi je n’ai rien à me reprocher comme témoin, car je ne l’ai pas été, et je ne veux laisser aucun prétexte aux murmures. M. de Mirabeau prétend qu’on a vouiu faire le procès de la Révolution; s’il entend par la Révolution l’affaire du 6 octobre, je dis qu’on a eu raison, car elle est aussi éloignée du cœur des Français que celle que le roi nous a donnée leur est chère. M. Goupil de Préfeln. Il faut mettre un terme aux insolences que l’on se permet contre les honorables membres de cette Assemblée. M. Raynaud, ci-devant de Montlosier. Je demande que M. Goupil soit tenu de garder la prison pendant huit jours. M. Madler de Montjau. Je demande qu’on suive les règles ordinaires, et que la procédure ne soit publique qu’après l’interrogatoire. M. de Mirabeau l’aîné. Gomme le danger de M. Goupil n’est pas très urgent, je prie qu’on veuille bien écouti r mon observation. Si ma motion n’était pas décrétée, cette affaire éprouverait un très grand retara. Le comité ne peut pas se dessaisir des pièces ; il ne peut livrer que des copies, et ce travail exigerait beaucoup de temps. On a supposé que l’Assemblée, dans cette affaire, était juge, et qu’elle devait suivre les formes. L’Assemblée ne juge pas, elle n’est un tribunal que pour son membre; elle déclare seulement s’il y a lieu à accusation. J’ai démontré les inconvénients du délai, qu’on démontre les inconvénients de ma proposition. M. Alquier. Il y a une question très importante et préliminaire, c’est celle de savoir si les membres del’Assemb’éequi ont été entendus dans celte affaire comme témoins s’abstiendront ou ne s’abstiendront pas de voter; elle est jugée dans tous les cœurs délicats; mais j’avoue que j’ai vu avec indignation des membres, que je sais avoir servi de témoins, parler de cette affaire à la tribune, et lorsque vous rapprocherez ce qu’ils ont dit avec leurs dépositions, vous verrez quelle confiance on doit y avoir. M. Malouel. Le jour où le Châtelet a paru à la barre, cette question a été une de celles que j’ai présentées; mon opinion personnelle et mon parti pris sont de ne point opiner, quoique je n’aie déposé contre aucun membre. Plusieurs jurisconsultes prétendent que l’on peut opiner, excepté conlre la personne que l’on a accusée; je suis convaincu que ceux qui, comme moi, ont été assignés, ont résolu de rester muets : du reste, je suis parfaitement de l’avis de M. de Mirabeau, et je demande qu’on aille aux voix. M. Alquler. C�tte déclaration n’est pas suffisante, il faut consacrer le principe; rappelez-vous de quelle manière un membre a parlé de l’affaire du 6 octobre dans celle de M. de Barmond. Ce membre, M. l’abbé Maury, avait été entendu comme témoin. (L’Assemblée décrète que les membres entendus dans l’information s’abstiendront de voter lors du rapport et du jugement de cette affaire.) M. Gaultier de Riauzat fait lecture de la motion principale. « L’Assemblée nationale autorise son comité des rapports à faire imprimer l’expédition de toute la procédure criminelle que le Châtelet a déposée sur le bureau le 7 de ce mois, sans que néanmoins le rapport de l’affaire puisse en être retardé; ordonne à son imprimeur de prendre les précautions convenables pour éviter la contre-faction. » M. Rarnave fait lecture de la proclamation que le comité militaire avait été chargé de rédiger dans la séance du matin, relativement aux troubles de la garnison de Nancy. M. Du Châtelet. Je rappelle que le commandant de la garnison de Nancy et plusieurs officiers sont prisonniers des rebelles. Je demande que le premier soin des commissaires soit de les faire mettre en liberté. M. Dupont (de Nemours). On doit prévoir dans la proclamation le cas où M. de Bouidé aurait déjà été obligé de déployer toute l’autorité qu’il tmni du roi en vertu du décret de l’Assemblée nationale. M. Malouet. Je doute beaucoup de l’effet de la proclamation qui vient d’être lue parce qu’elle a la forme d’uQ projet de conciliation ou de négociation. Le décret du 16 août laisse aux rebelles qui voudront revenir à résipiscence une assez grande latitude. Le moment est aux actes, non