SÉANCE DU 28 BRUMAIRE AN III (18 NOVEMBRE 1794) - N08 34-35 365 Citoyen, J’apprends qu’on a distribué hier toutes les pièces relatives a mon affaire avec le raport fait a la Convention nationale par la commission des 21. Je n’ai point encore reçu le raport, il faut pourtant que j’y réponde dans l’ordre que les faits y sont présentés, il faut que je réponde a toutes les pièces dont la rage aristocratique a cherché a grossir le nombre, ma défense sera nécessairement longue, ma santé déjà altérée ne me permet pas d’y employer tout le repos de la nuit, elle seroit dans le meilleur état qu’il me seroit impossible de terminer mon travail primidi prochain, je t’invite donc au nom de la justice a démander a la Convention nationale, 1° le délai d’une décade pour travailler a ma défense. 2° Qu’elle me fasse distribuer un exemplaire du raport. 3° Qu’elle ordonne a l’accusateur public prés le tribunal révolutionnaire de me renvoyer dans le jour en originaux ou en copies certifiées de lui les deux lettres que phi-lippe Tronjoly m’a adressé de Nantes et que j’ai remises dans les tems a l’accusateur public suivant son reçu dont je suis nanti. Ces lettres sont nécessaires a ma défense. Salut et fraternité. Carrier. [On invoque l’ordre du jour, motivé sur ce que Carrier a reçu de la commission des 21 communication de toutes les pièces à sa charge. Un membre observe que la lettre renferme plusieurs demandes, et propose de les diviser pour qu’il soit statué sur chacunes d’entre elles en particulier. La division est ordonnée, et la Convention, en accédant aux deux dernières demandes relatives à la communication du rapport de la commission et de deux lettres de Tronjoly, passe à l’ordre du jour sur celle d’un délai d’une décade pour l’ouverture de la commission.] (98) La Convention nationale, après avoir entendu lecture d’une lettre du représentant du peuple Carrier, passe à l’ordre du jour sur la demande tendante à obtenir le délai d’une décade, pour travailler à sa défense. Sur le surplus des demandes, décrète, 1° qu’il sera remis au représentant du peuple Carrier un exemplaire du rapport fait sur son affaire par la commission des Vingt-Un, 2° que l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire enverra dans le jour au représentant du peuple Carrier, des copies certifiées des deux lettres adressées par Philippe Tron-jolly à ce représentant et remises par celui-ci à l’accusateur public, suivant son récépissé (99). (98) Rép., n° 59. (99) P.-V., XLIX, 265. Moniteur, XXII, 535; Débats, n° 786, 828 ; C. Eg., n° 822 ; Mess. Soir, n° 823 ; J. Perlet, n° 786. Rapporteur Crassous selon C* II, 21. 34 GUYTON-MORVEAU, au nom du comité de Salut public, fait un rapport sur la pétition présentée hier par les ouvriers de l’atelier d’armes de l’île de la Fraternité. Sur la demande de ces citoyens à la journée de n’entrer qu’à sept heures dans leur atelier, le comité a pris un arrêté qui acquiescera à cette demande. Sur leurs plaintes, relativement à une administration qui les vexe, le comité a vu en effet que cette administration était mauvaise, puisqu’elle était dirigée par des hommes placés par les triumvirs. Il propose à ce sujet de décréter que l’atelier de l’île de la Fraternité sera mis sous l’inspection de la commission des poudres et salpêtres. Une troisième réclamation de ces ouvriers était une augmentation de paye. Le rapporteur observe que cette réclamation ne peut regarder les ouvriers à la journée, dont le moindre, fût-ce un enfant de quatorze ans, reçoit jusqu’à 4 livres par jour. Il considère que les victoires de la République étant aussi considérables, il n’est pas essentiel que le gouvernement continue à faire des dépenses aussi énormes que celles qu’il a faites; que si plusieurs ouvriers de cet atelier, amenés des armées pour ce travail, ne peuvent se borner au prix qui leur est donné par journée, il leur est libre de retourner à leur bataillon, avec lequel ils étaient si généreusement partis pour la défense de la patrie. Le rapporteur conclut en demandant qu’il soit décrété qu’il n’y aura pas lieu à délibérer sur la demande en augmentation de paye. Toutes ces propositions sont adoptées (100). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [GUYTON-MORVEAU au nom de] son comité de Salut public sur la pétition des ouvriers de l’atelier de l’Isle de la Fraternité [Paris], décrète : le comité de Salut public prendra incessamment des mesures pour mettre la manufacture d’armes de Paris sous la direction immédiate de la commission des Armes et poudres. Sur la demande en augmentation de prix, il n’y a lieu quant à présent à délibérer (101). 35 La Convention accorde un congé de cinq décades au représentant du peuple Ferroux, pour rétablir sa santé (102). (100) Moniteur, XXII, 538. Débats, n° 786, 819; J. Paris, n° 59. Voir Arch. Pari., 27 brum., n° 19. (101) P.-V., XLIX, 265-266. Moniteur, XXII, 538; Débats, n° 786, 819; Bull., 28 brum. Rapporteur Guyton [-Morveau] selon C* II, 21. (102) P.-V., XLEX, 266. Rapporteur Guimberteau selon C*II, 21. 366 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Le représentant du peuple Ferroux à la Convention nationale, Paris le 28 brumaire an III] (103) Citoyens collègues, Ma santé extrêmement délabrée exigeant que j’aille prendre l’air natal, je vous prie de vouloir bien m’accorder un congé de cinq décades. Ferroux, député. 36 Monnel propose, au nom du comité des Décrets et archives, la nomination des citoyens qui doivent composer l’agence temporaire des titres, à Paris, pour faire le triage de toutes les archives domaniales ou judiciaires qui existent. Ce décret est adopté en ces termes (104). La Convention nationale, après avoir entendu [MONNEL, au nom de] son comité des Décrets, procès-verbaux et archives, sur l’exécution des articles XVI et XVII de la loi du 7 messidor dernier décrète : Article premier. - L’agence temporaire des titres, à Paris, sera formée des citoyens ci-après nommés : Lieble, âgé de 60 ans, ancien bibliothécaire de l’abbaye de Saint-Germain, rue Taranne, n° 38, section de l’Unité. Villiers-Terrage, âgé de 50 ans, ancien premier commis des Finances, puis chez le ministre de l’intérieur, ensuite à l’agence des lois, rue et section du Mont-Blanc, numéro... Blondel, âgé de 50 ans, ancien avocat, rue des Vieilles Tuileries, n° 220. Marcel Reboul, âgé de 48 ans, ancien archiviste du collège de l’Egalité, ci-devant Louis-le-Grand, depuis 1769, rue Saint-Jacques, au collège, section du Panthéon. Mallet, âgé de 48 ans, ex-dépositaire de la section judiciaire, au Louvre, section du Muséum. Bouyn, âgé de 40 ans, employé aux archives du ministre de l’intérieur depuis 1783, rue Croix-Chaussée-d’Antin, n° 967. Rousseau, homme de loi, rue Antoine, maison du miroitier, près le corps de garde. Danthonay, âgé de 45 ans, ci-devant exerçant le ministère public à la Conné-tablie, rue Guénéguaud, n° 20. Temple, du département de l’Aveyron, ancien secrétaire de légation de Suède en France. Art. II. - L’agence temporaire des titres, à Paris, sera divisée en trois sections. (103) C 323, pl. 1383, p. 16. (104) Moniteur, XXII, 538. Mentionné par Débats, n° 786, 819. Art. III. - Elle entrera en activité le premier frimaire prochain (105). 37 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [CHAZAL au nom de] son comité de Législation sur la procédure instruite et le jugement rendu le 24 floréal, par le tribunal criminel du département de l’Yonne, dans les formes des lois des 7 et 30 frimaire, contre Pierrette Morot, accusée de falsification de quittances, de déclarations infidèles, de recelés et divertissemen de titres, dans l’intention d’établir qu’elle a payé de ses seuls deniers des fonds acquis en commun avec Jacques Morot, son frère, émigré et contre Barthélémy Finot, accusé de complicité. Considérant qu’il ne peut être procédé dans les formes de la loi du 7 frimaire, (suivant l’article premier) que contre les membres ou commissaires des corps administratifs, les préposés aux séquestres ou ventes et les gardiens ou dépositaires, prévenus de malversations dans les biens nationaux, que le tribunal criminel du département de l’Yonne a mal à propos regardé Pierrette Morot (attendu sa propriété indivise avec son frère, émigré) comme dépositaire et régisseur de biens communs, puisqu’elle étoit dépouillée de tout dépôt et régie par la main-mise de la nation, à l’époque où les faux ont, dit-on, été pratiqués, et où elle a fait usage des quittances arguées pour obtenir la mainlevée, et que d’ailleurs il est évident que la loi du 7 frimaire, qui concerne les seuls fonctionnaires publics, en nommant les dépositaires, a entendu les dépositaires publics, qualité que n’eut jamais l’accusée. Considérant que si l’on n’a pu ainsi procéder extraordinairement contre elle et Barthélémy Finot, en vertu de la loi du 7 frimaire, sans une interprétation et une extension forcée de la même loi, on ne l’a pas pû non plus en vertu de celle du 30 frimaire relative aux complices des émigrés, les altérations, les fausses affirmations, les divertissemens et recelés prétendus n’ayant été commis que dans l’intention étrangère à Jacques Morot, émigré, d’établir la propriété exclusive de sa soeur sur les biens communs, saisis au préjudice de la République saisissante, comme l’énoncent et l’acte d’accusation et la déclaration du juré spécial. Décrète que la procédure et le jugement dont s’agit sont annulles, et renvoie les (105) P.-V., XLIX, 266-267. Moniteur,, XXII, 538; Bull., 28 bruni, (suppl.) ; M. Univ., n° 1347. Monnel rapporteur selon C* II, 21.