(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1“90]. 664 ser au comité, afin qu’il en soit tenu compte dans la rédaction définitive que nous vous soumettrons avant peu. {Voyez ce projet d'instruction annexé à la séance de ce jour , p. 675.) M. 1© Président. L’ordre du jour est maintenant la suite de La discussion du projet de décret sur l'organisation du pouvoir judiciaire . L’Assemblée avait ajourné le titre VII, concernant le ministère public. La discussion va s’ouvrir de nouveau sur cet objet. M. Brioisde Beaumetz. Je propose de poser ainsi la question : Comment seront exercées les accusations publiques ? M. de IKenonville. Il vaudrait mieux poser la question en ces termes : Par qui les poursuites des délits publics seront-elles intentées et dirigées ? M. Thouret.il me semble qu’il faut laisser aux orateurs la faculté de traiter la question d’une manière plus générale. M. Goupil. Messieurs, je commence d’abord par m’élever contre la qualification odieuse du commissaire du roi, donnée aux procureurs du roi. Pourquoi ne pas leur conserver une appellation, qui de tout temps, a été la leur et qu’ils continueront certainement à honorer, comme l’ont fait leurs devanciers ? Les partisans des actions populaires conviennent que le corps social étant blessé seul dans les crimes publics, c’est à lui seul qu’en appartient la poursuite et la vengeance. Cette objection aurait une grande force si l’on pouvait concevoir le roi existant hors du corps social et étranger en quelque sorte à ce qui intéresse sa sûreté. Je conviens cependant qu’un des grands inconvénients pour la liberté serait de laisser, à la seule volonté des officiers du ministère public, le fond de l’accusation publique, si l’on conservait une ordonnance criminelle aussi barbare que celle de 1670; mais l’institution des jurés nous rassure sur le danger de donner ce pouvoir aux officiers du roi. Quant à la négligence de la poursuite des crimes, qui compromettrait la tranquillité des citoyens, vous pouvez rendre ce danger moins grand en ordonnant que, si le procureur du roi retardait ou négligeait la poursuite des crimes, chaque citoyen aura le droit de dénoncer et de stimuler les officiers du ministère public. (L’orateur, après avoir examiné la question sous divers points de vue, termine en proposant les dispositions suivantes) : Art. Ier. Il y aura en chaque tribunal de district un procureur du roi chargé des fonctions du ministère public. Art. 2. Le procureur du roi sera entendu dans toutes les causes des mineurs, des interdits, des femmes mariées et dans celles où les propriétés et droits, soit de la nation, soit d’une commune, seront intéressés; il sera, en outre, chargé de veiller pour les absents indéfendus. Art. 3. Il pourra intenter de son chef toutes accusations pour crimes auxquels il écherra peine capitlae ou afflictive, ou qui auront troublé directement l’ordre public ; mais il sera pourvu, par les lois qui seront rédigées sur la procédure criminelle, à ce que, par la négligence ou l’inaction du procureur du roi, aucun crime dont l’ordre public exigera la punition, ne demeure sans poursuites. M. Mongins {ci-devant de Roquefort). Le corps social, blessé par l’impunité des crimes, vous demande un homme chargé d’en poursuivre la vengeance et d’en découvrir les preuves. Cet homme doit-il être l’homme du peuple ou l’homme du roi ? Ce doit être l’homme du peuple, parce que l’accusation publique est le droit le plus sacré, et que, d’après tous les principes, il émane des droits du peuple, qui dès lors a incontestablement le pouvoir d’en déléguer l’exercice. Pour démontrer cette vérité, il suffit d’invoquer les maximes consacrées à la nature, dictées par l’humanité et adoptées par les lois de tous les peuples. Le droit naturel investit de la poursuite des crimes l’offensé ou la famille de l’offensé... Cependant, si l’offensé néglige de poursuivre son injure, le crime ne doit pas pour cela rester impuni; c’est cette considération importante qui a fait créer le magistrat chargé de veiller à la punition des méchants. Il le fut d’abord par le peuple; c’est donc le peuple qui doit l’instituer encore aujourd’hui ; c’est donc au nom du peuple, et non à celui du roi, qu’il doit exercer son ministère... Le mode que votre comité de Constitution vous propose, n’est donc qu’un retour à cette institution première que la Constitution que vous donnez à l’E m-pire français ne vous permet pas d’abandonner ••• Il est clair que ce n’était que par la confusion de tous les pouvoirs et de tous les droits nationaux, que le roi exerçait autrefois, que l’accusation publique lui était dévolue. Aujourd’hui que l’on connaît la source et la distinction des pouvoirs, il m’est démontré que l’accusation publique appartient au peuple, et qu’il a seul le droit d’en déléguer l’exercice... Je conclus à l’adoption des articles proposés par votre comité de Constitution. M. Brevet, député de Maine-et-Loire (1). Messieurs, la question qui vous occupe a cela de commun avec toutes les grandes questions que vous avez agitées jusqu’à ce jour, qu’elle renferme un assez grand nombre de questions secondaires, qui d’abord semblent devoir compliquer et embarrasser la discussion. Si cependant on réfléchissait qu’il s’agit uniquement de porter ici une loi générale, et que presque tout le reste appartient à des détails et à des formes de procédure criminelle, également applicables à tous les systèmes, et dont il est possible de différer l'examen, peut-être simplifierait-on beaucoup l'objet actuel de notre travail. C’est du moins la marche que je me suis prescrite à moi-même, convaincu, d’ailleurs, que la question, ainsi limitée, ouvrait encore un assez vaste champ à nos méditations. Une autre pensée, Messieurs, m’a dirigé dans mes recherches. J’ai cru que cette cause, qui est véritablement la cause de l’honneur, de la vie et de tous les droits du citoyen, devait être discutée devant vous, non d’après des lois mobiles et de gothiques usages, mais d’après les règles immuables et de la nature et de la raison; et qu’enfin, ce n’était pas surtout dans cette circonstance solennelle qu’il convenait de faire revivre, au milieu de l’Assemblée nationale, ces jurisconsultes des temps passés, qui, ne voyant et ne (1) Nous donnons le discours de M. Brevet, tel qu’il a été imprimé par ordre de l'Assemblée nationale. Cette version diffère, sur plusieurs points, de celle du Moniteur.