749 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1790.] vier 1791, et par la voie du sort, les assignats qui seront mis en circulation. Divers membres demandent la clôture de la dis cussion. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que la discussion est fermée. M. Chasset, rapporteur , demande, au nom du comité des dîmes, à présenter une nouvelle rédaction des quatre articles qui sont en discussion. Il en donne lecture ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’administration des biens, déclarés par le décret du 2 novembre dernier être à la disposition de la nation, sera et demeurera, dès la présente année, confiée aux administrations de départements et de districts, ou à leurs directoires, sous les règles, les exceptions et les modifications qui seront expliquées. Art. 2. Dorénavant, et à compter du l*r janvier de la présente année, le traitement de tous les ecclésiastiques sera payé en argent, aux termes et sur le pied qui seront incessamment fixés. Néanmoins les curés des campagnes continueront d’administrer provisoirement les fonds territoriaux attachés à leurs bénéfices, à la charge d’en compenser les fruits avec leurs traitements, et de faire raison du surplus, s’il y a lieu. Art. 3. Les dîmes de toutes espèces, abolies par l’article 5 du décret du 4 août dernier et jours suivants, ensemble les droits et redevances qui en tiennent lieu, mentionnés audit décret, comme aussi les dîmes inféodées appartenant aux laïcs, à raison desquelles il sera accordé une indemnité aux propriétaires, sur le Trésor public, cesseront toutes d’être perçues, à compter du 1er janvier 1791; et cependant les redevables seront tenus de les payer à qui de droit, exactement, la présente année, comme par le passé, à défaut de quoi ils y seront contraints. Art. 4. Dans l’état des dépenses publiques de chaque année, il sera porté une somme suffisante pour fournir aux frais du culte, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, et aux pensions des ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, de manière que les biens mentionnés au premier article puissent être dégagés de toutes charges, et employés par le Corps législatif aux plus grands et aux plus pressants besoins de l’Etat. La somme nécessaire au service de l’année 1791 sera incessamment déterminée. » M. le Président donne lecture de divers amendements. Ils sont mis en discussion. M. de Cazalès. Quel que soit le danger qu’il y ait à dire la vérité dans une assemblée législative, qui refuse de protéger ses membres ..... avec toute la franchise ..... (On crie : à l’ordre !) M. de Cazalès veut continuer. M. Guillaume. Monsieur le président, si vous ne voulez pas vous rendre complice des propos incendiaires de l’opinant, vous devez le mettre à l’ordre. M. de Cazalès. Votre comité des dîmes vous propose d’ores et déjà de dépouiller le clergé de ses biens ; votre comité a donc oublié que les propriétés... ÏOn observe que la discussion est fermée, et qu'on ne peut proposer que des amendements.) M. de Cazalès. Je croyais que la discussion était ouverte séparément sur chaque article. M. le Président appuie et développe l’opinion de M. de Cazalès. Après une légère discussion, M. de Cazalès annonce que son amendement consiste à décréter que les titulaires actuels doivent être exceptés de la discussion des biens du clergé. M. de Cazalès. Votre comité des dîmes a-t-il donc oublié que l’administration des biens est la partie la plus précieuse de la propriété? A-t-il oublié qu’il parle à des hommes chargés de maintenir toutes les propriétés? J’ai peine à. reconnaître un peuple jadis célèbre par sa loyauté; c’est cependant à vous qu’il appartient de défendre la religion contre cette opinion publique, toujours flottante d’erreur en erreur..... (On demande à M. de Cazalès de poser son amendement.) M. le Président. 11 n’y a pas de décret qui l’ordonne. M. de Cazalès. Vous prétendez mettre vos décrets à l’abri de la loi; vous les décorez du prétexte de l’utilité publique..... Qu’ils sont insensés, ces capitalistes qui pressent vos opérations par tant de mauœuvres! Qu’ils pensent donc que toutes les propriétés se touchent, et que quand on en viole une, on est prêt à les violer toutes. Certes, on ne les eût jamais violées, si l’Assemblée n’eût jamais siégé à Paris ..... (On crie à la sédition, au mensonge.) M. de Cazalès continue. La dette publique sera payée par les offres du clergé, par les contributions des peuples... Voilà les seuls moyens dont il vous soit permis de vous servir si vous ne voulez pas vous déshonorer à la face de l’Europe. (On rappelle M. de Cazalès à l’ordre.) M. Ic Président. J’ai beau développé mon impartialité, je n’ose écouter ce que dit une partie de l’Assemblée, quand l’autre est prête à réclamer. M. Guillaume. Ce n’est pas là la question. M. le Président. Je demande qu’un membre se lève et pose cette question. (Beaucoup de personnes se lèvent.) M. Guillaume. La question est de savoir si M. de Cazalès, sous prétexte d’un amendement, peut insulter la nation entière, en disant : cette nation jadis loyale. La question est de savoir si M. de Cazalès ne doit pas être rappelé à l’ordre et inscrit dans le procès-verbal, quand il prêche des maximes incendiaires? (M. le président ne bouge pas.) Vous avez demandé qu’un membre se levât pour poser la question; il s’en est levé vingt ; j’ai pris la parole et j’ai posé cette question. (L’Assemblée, consultée, décide de repasser à l’ordre du jour.) M. le Président. Je prie l’opinant de se renfermer dans son amendement, pour ne pas re- 750 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1790.] nouveler un tumulte dont tous les bons citoyens gémissent. M. deCazolès. Il n’est pas juste de dépouiller les titulaires actuels de Durs propriétés. L’Assemblée ne souillera pas ses décrets d’une injustice ; j’en suis sûr par l’estime que je m’obstine à avoir pour la majorité de ses membres. Je demande donc que l’Assemblée déclare que toutes ses dispositions n’ont point d’application aux titulaires actuels. Voici mon amendement : « L’Assemblée nationale regardant l’administration des bénéfices comme une partie précieuse de la propriété usufruitière, décrète que toutes les dispositions qu’elle pourra prendre relativement à cette administration n’auront d’effet qu’après l’extinction des titulaires actuels. » M. de Bonnal, évêque de Clermont. Je ne viens pas apporter un amendement; je suis assez patient pour tout supporter, assez généreux pour ne pas me plaindre, assez ami de l’Etat pour lui faire toute sorte de sacrifices: mais je dois à l’Eglise de Clermont, à l’Eglise gallicane, à l’Eglise entière, à mcn honneur, à ma conscience, de déclaier que je regarde ce plan comme funeste à l’Empire, et désastreux pour la religion ; que je m’y oppose, et que je m’y opposerai toujours, dussé-je avoir mille glaives suspendus sur ma tête. Je déclare donc que je ne peux participer à la délibération. (Un tiers de l’Assemblée se lève pour adhérer à celte déclaration.) M. Frétean. J’ai deux amendements à présenter; ils sont appuyés sur deux considérations louchantes, relatives à l’intérêt public et à l’intérêt des créanciers de l’Etat. Le premier consiste à restreindre le premier article à 200 miilionsau-dessus des quatre cents auxquels doit s’élever la vente ordonnée. Vous imposez une charge considérable aux municipalités, aux départements et aux districts qui n’existent pas encore; vous leur avez déjà confié les soins les plus importants ; ces administrations doivent concourir à l’exécution des formes à prendre pour la réformation de l’ordre judiciaire; il faudra qu’elles correspondent avec vous pour l’assiette des nouveaux impôts. J’ai à ajouter une considération qui regarde les créanciers de l’Etat, qui m’intéresse personnellement. Je suis créancier de l’Etat; j’ai trouvé à me défaire avec avantage de 100,000 écus d’effets sur le roi : j’ai cru qu’il était d’un bon citoyen d'attacher sa fortune à la fortune publique. Dans les circonstances difficiles et qui peuvent se présenter il est important d’avoir conservé des gages sûrs. Par l’aliénation soudaine qu’on propose, il ne resterait plus de gages. Mon autre amendement porte sur l’instantanéité des mesures qui vous sont proposées. L’efficacité de ces mesures, dans l’instant présent, n’est pas certaine : il serait peut-être plus sage, pour que le service fût fait exactement, de laisser l'administration des biens ecclésiastiques aux titulaires, en exigeant que tous les bénéficiers de toutes les classes comptent chaque année de leur revenu aux administrations de départements et de districts. Voici les termes de mon amendement : Art. 1er. Il sera déiivré aux assemblées de départements nour 2U0 millions de bmns-fonds au delà des 400 millions dont l’aliénation a été décrétée les 19 et 21 décembre dernier (et ces fonds seront vendus et le prix délivré aux créanciers du clergé qui demanderont le remboursement de leur contrat de conetilution). Ces 200 raillions seront pris de préférence sur les dotations des abbayes eu commande. Art. 2. Les bénéficiers qui resteront en jouissance des fonds composant la dotation de leurs bénéfices seront tenus de compter de cette jouissance à leurs districts respectifs; et ce qui excédera le montant du traitement qui leur sera assigné par le présent décret, sera par eux remis aux receveurs et versé dans la caisse des districts, pour faire face aux dépenses du culte et autres, dont l’Etat est chargé par le présent décret et par les précédents. Art. 3. A la mort de chaque titulaire, l’administration des fonds composant son bénéfice, passera aux directoires de districts et la perception des fruits, à compter du jour de son décès, appartiendra au receveur du district. M. l’abbé Demandée propose d’ajouter à l’article 1er : « Due les biens dépendant des monastères de filles seront exceptés des dispositions de cet article. » M. Rœderer demande qu’on introduise dans l’article ces mots : « que les Jàaux existants seront exécutés. « M. le eornte de La Roque-Mous demande ; « Que le décret assure aux bénéficiers septuagénaires un traitement égal au revenu net dont ils justifieront qu’ils jouissent lors de la publication de ce même decret. » M. le comte de Grezolleo demande « que les bénéfices de colatiou laïque soient exceptés de l’article premier, » L’Assemblée ajourne les amendements de MM. Demamire, Ræderer, de La Roque et de Gre-zolles et en ordonne le renvoi au comité des dîmes. L’article 1er du projet de décret est ensuite mis aux voix et adopté sans changement, Divers amendements sont proposés sur l’article 2. M. le due de La Rochefoucauld propose d’ajouter ce qui suit à l’article : « Mais dans les paroisses de campagne oû les curés jouissent de fonds territoriaux, il en sera réservé une portion équivalente à un revenu de 600 livres, qui sera donnée au curé pour partie de son traitement. « Les évêques conserveront la raaigon de campagne de l’évêché, et un jardin dont l’étendue sera fixée dans le rapport du comité ecclesiastique. « Les autres titulaires actuels de bénéfices conserveront la maison d’habitatiun d’un seul de leurs bénéfices seulement, et le jardin dont l’étendue sera fixée dans le rapport du comité ecclésiastique. » M. Dupont (de Nemours ) propose un autre amendement ; Après les mots : curés de campagne, ajouter ceux-ci : « et aux curés des villes qui contiennent moins de 2,000 âmes. » M. l’abbé ïliolf demande qu’a près les mots biens dépendant des cures , on ajoute : et autres