[Assemblée nationale.] ARCHIVES P mémoire, dans lequel il rendait compte de ce qui avait été arrêté par les membres du département. Il eut l’hon neur de le présen ter, le 28 d u mois de janvier à M. Gussin, rapporteur du comité, qui, excédé de travail, ne put en faire qu’une lecture rapide, et lui dit de le remettre au secrétariat, et qu’il s’en occuperait lorsqu'il travaillerait audit département. Par quel événement inconcevable, et comment a-t-il pu se faire que le premier février, avant qu’il s’agît de la distribution des districts du département, et même de la fixation de leur nombre, on ait rapporté une prétendue difficulté existant entre Forcalquier et Manosque? C’est cependant ce qui a été fait; et l’Assemblée nationale, ignorant la détermination des députés du département, prononça en faveur de Forcalquier. On peut juger, par là, jusqu’à quel point on a osé surprendre la religion de M. le rapporteur, et par là même, celle de l’Assemblée nationale. En vain, M. Pochet, député d’Aix, s’empressa, sur ce rapport imprévu, de faire valoir les justes raisons de la ville de Manosque; M. le rapporteur répondit qu’il n’était question, dans le moment que de fixer à Forcalqu ier le chef-lieu du directoire, et que cela n’empêchait pas que le tribunal de district ne fût établi à Manosque ; ce fut à la faveur de cette déclaration faite à l’Assemblée que le décret fut rendu. A cette nouvelle, aussi cruelle qu’inattendue, le sieur député de Manosque en porta ses plaintes à M. Gossin, qui lui avoua avoir été induit à erreur, mais qu'on réservait à Manosque la concurrence pour tous les établissements qui seraient fixés dans le district de Forcalquier, et que ce serait un droit de plus pour avoir l’établissement du tribunal de justice. En effet, dans le rapportdu procès-verbal général, il fut dit par M. le rapporteur que l'établissement du tribunal de justice serait fixé à Manosque : cet énoncé essuya des difficultés de la part d’un député de la sénéchaussée de Forcalquier qui observa que cet article n’avait pas été convenu, sans vouloir reconnaître que tout au moins l’alternat avait été unanimement délibéré. M. le président prononça qu’on s’en tiendrait au décret qui porte que la ville de Manosque pourra concourir pour tous les établissements qui seront fixés dans le district. Cette ville, qui réunit les trois principes de la population, de la contribution, du territoire et de la plus belle localilé, n’a pas, comme celle de Forcalquier, la prétention de se taire attribuer la préférence sur tous les objets, de tout accaparer, de tout envahir ; elle se borne seulement à de-ûiander à partager les établissements du district, et puisque Forcalquier a eu le moyen de se faire attribuer celui du directoire exclusivement, contre la décision et le vœu des députés du département, il est du bon ordre, de toute justice, et dans les Srincipes de l’Assemblée nationale, que la ville de anosque ait la tribunal de justice. Le décret de l’Assemblée nationale, qui admetau concours la ville de Manosque pour tous les établissements, ne peut avoir été rendu en vain ; il doit avoir son effet. Et que pourrait-on lui accorder, si elle n’obtenait le tribunal de justice? il s’ensuivrait que la ville la plus considérable, non-seulement du district, mais du département même, serait entièrement oubliée dans la distribution des établissements, et traitée à l’instar du pluschétif village. Un pareil exemple serait unique dans le royaume, et contraire aux principes qui ont déterminé la division en départements, en districts. � La ville de Manosque n’est ■ 1 dirigée par LEMENTA1RES. [25 février 1790.] 693 l’ambition, mais par les motifs de la plus exacte équité ; sa demande ne peut être que favorablement accueillie ; elle est fondée sur les principes qui guident l’Assemblée nationale, et une suite nécessaire de son décret. Comment pourrait-elle s’y refuser? ou ne peut présumer une pareille contradiction ; et les sentiments de respect et de dévouement envers l’Assemblée nationale, que la ville de Manosque a consignés dans une délibération, ci-après imprimée, et prise depuis l’installation de sa nouvelle municipalité, ne laissent aucun doute sur la pleine et entière confiance qu’elle a dans sa justice; le décret favorable, qui lui attribuera le tribunal de justice qu’elle sollicite, pénétrera ses habitants de ce sentiment consolant qui doit dominer dans tous les cœurs, et fera cesser celui du désespoir qui s’était emparé de tous les esprits; et ils diront alors : « La faveur n’a plus de pou-« voir, la protection plus d’influence, l’arbitraire « plus d’empire : l’équité, la raison, l’intérêt * général, décidant de tout, le règne des in-« justices est passé. » Signé : Raffin, député-suppléant et député extraordinaire de la ville de Manosque. Délibération de la ville de Manosque. Extrait des registres des délibérations de la commune de la ville de Manosque. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, et le vingt-deux février, le conseil général de la commune de cette ville de Manosque, assemblé dans la maison de ville, ont été présents : M. JOSEPH Eyriez, avocat-maire ; MM. les officiers municipaux ; MM. les notables ; M. Richard, notaire royal, procureur de la commune. M. le maire a dit que la nouvelle municipalité, entrant en fonctions, doit principalement s’occuper des objets majeurs qui intéressent la communauté, et rendre hommage aux décrets de l’Assemblée nationale. La communauté a déjà donné son adhésion à tous lies décrets; nous avons prêté un serment solennel de les maintenir, et nous devons par acclamation adhérer à tous les décrets qui ont été antérieurement envoyés et reçus. En entrant dans nos fondions, nous trouvons les déclarations du don patriotique et du quart des revenus, arrêtées depuis quelque temps : le zèle des habitants de cette ville a été ralenti par les assurances qui ont été données que Manosque n’avait point eu de district, quoique, d’après les principes consacrés dans les décrets de l’auguste Assemblée nationale, tout concoure à en placer un dans cette ville. Son point central, relatil aux populations qui l’entourent; la commodité des abords de la ville, et des ressources pour les personnes qui s’y rendent; sa population; l’importance des impôts qu’elle paye; tout concourt à réclamer un district pour la ville de Manosque. Ges considérations ne doivent point arrêter les effets de notre zèle; si la religion de l’auguste Assemblée de la nation a été surprise, nous devons espérer, avec confiance, qu’elle nous rendra justice lorsqu’elle aura connaissance de notre bon droit; lorsqu’elle saura que la principale ville du département du nord de la Provence est traitée b94 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 février 1790.] comme le plus chétif village de cette contrée ; que Forcalquier, Sisteron, Digne, Castellane et la vallée de Barcelonnette, cités peu commodes, qui n’ont pas la moitié de la population de Ma-nosque, qui ne payent pas la moitié des impôts que paye Munosque, ont obtenu des districts et que Manosque n’a rien obtenu. En vain objecte-t-on que Manosque peut se soutenir par ses propres avantages : cette raison, si elle était exacte, serait combattue par les décrets de la nation ; mais dans le fait, malgré les ressources de son territoire, la communauté de Manosque est écrasée sous le fardeau d’environ trois cent mille livres de dettes, sans le fardeau des impositions annuelles, et l’habitant n’a que de faibles ressources et peu de moyens; au lieu que des cités moins considérables, vivent dans l’aisance par une espèce d’aristocratie âu’elles avaient coutume d’exercer sur la ville de anosque. Il est donc bien affligeant, Messieurs, dépenser que,parcertaines influences, de petites cités soient honorées d’avoir des districts, et que la ville la plus importante du département n'ait rien eu, absolument rien; nous devons donc espérer avec confiance que justice nous sera enfin rendue; mais si nous 11e devons jamais cesser de la réclamer, nous devons, en l’attendant, redoubler de zèle pour l’exécution des décrets de la nation; nous dëvons nous hâter de terminer les déclarations du quart et des dons patriotiques ; nous devons redoubler d’efforts pour engager tous les citoyens qui n’ont pas encore satisfait à ce devoir de s’empresser à le remplir. Sur quoi, le conseil général de la nouvelle municipalité, ouï le procureur de la commune, a unanimement délibéré, et par acclamation, d’adhérer à tous les décrets sanctionnés de l’Assemblée nationale, de les observer et exécuter suivant leur forme et teneur, et de les maintenir de toutes ses forces et de tout son pouvoir. Il a encore unanimement délibéré, et par acclamation, de faire publier, dès le soir même, que tous les citoyens qui n’ont pas encore fait leur déclaration patriotique, s’empressent de venir remplir ce devoir, sans perte de temps, et de les gagner par tous les motifs de l’honneur, de zèle du bien public, et de bon patriotisme, d’y satisfaire sans délai ; d’envoyer extrait de la présente délibération à M. Baffin, député de celte communauté à Paris, pour la représenter aux augustes représentants de la nation; de mettre sous leurs yeux la justice de la réclamation d’un district en faveur de cette communauté; de représenter à cette respectable Assemblée que la ville de Manosque ne peut supporter l’affligeante idée d’être réduite à la classe des plus modiques villages, tandis que toutes les villes de la province, qui lui sont bien inférieures, en ont obtenu; que cette idée désespérante a tellement navré le cœur du peuple, a tellement réveillé la jalousie et la rivalité, qui, de tous les temps, ont subsisté entre les habitants de Manosque et ceux de Forcalquier, qu’il serait à craindre qu’il n’en résultât quelque trouble : la tranquillité publique de la contrée, et tous les motifs de justice et de convenance exigeraient qu’en laissant subsister un district à Forcalquier, il y en eût un à Manosque qui aurait un arrondissement du côté du Midi, ou qu’en fin Manosque eût le tribunal de ;ustice, parce que, faisant partie de la nation, rayant une contribution importante, elle payait e quart de ce que payait la viguerie, étant la première ville de sou département. Sa localité centrale, relative à la population, renferme les commodités quelles voyageurs qui l’abordent désirent. Signé: Eyriez, maire ; Rkyne, notaire; Astouin, Chabran, d’Antoine, Alic, Tassy, huissier royal, officiers municipaux et MM. les notables ici présents. Collationné par nous : Desorgues, greffier. Adresse de la ville de Thiviers ainsi conçue : Messieurs, lorsque toutes les provinces retentissent des applaudissements qu’excitent chaque jour dans la capitale vos brillants travaux, nous nous portons à regret à vous faire entendre nos respectueuses réclamations. Cependant une réflexion nous y détermine : si les félicitations que vous recevez attestent vos bienfaits, les représentations qu’on vous adresse peuvent seules, en éclairant votre justice, en préparer de nouveaux. Et pourquoi, Messieurs, garderions-nous le silence sur un décret qui a jeté la consternation parmi nous ? Vous dissimuler nos peines, ce serait trahir vos intentions. Le temps n’est plus où l’autorité obligeait à se taire les malheureux qu’elle faisait; quand toutes les espèces de liberté sont rendues à l’homme, du moins celle de se plaindre, la dernière qui doit lui rester, ne lui sera pas interdite. Nous réclamons contre le décret de l’Assemblée nationale du 26 janvier dernier, sur la division du Périgord, qui établit à Excideuil le chef-lieu du district dans lequel cette ville et celle de Thiviers sont situées. Nous prétendons que cette dernière méritait la préférence. Daignez, Messieurs, prendre en considération nos moyens. Le district, dont l’étendue embrasse les villes de Thiviers et d’Excideuil, est borné au nord par le Limousin, au levant par le district de Montignac, au midi, par celui de Périgueux, au couchant par celui de Nontron. Thiviers est à cinq lieues de la frontière du Limousin, huit lieues de Périgueux, dix lieues de Montignac, cinq lieues et demie de Nontron. Les paroisses les plus reculées du côté du nord, quoiqu’à cinq lieues de Thiviers, sont encore plus près de cette ville que d’aucune autre de la province. Au midi, la distance de Thiviers à Périgueux laisse un espace suffisant pour les deux districts. Au couchant, le rayon du district ne peut avoir que trois petites lieues; mais il doit en avoir cinq au levant, ce qui rend les deux diamètres à peu près égaux. On objecte à la ville de Thiviers qu’elle est trop près de Nontron et trop -loin de Montignac. Elle peut objecter de même à celle d’Excideuil qu’elle est trop près de Montignac et trop loin de Nontron. Le point central de l’espace qui sépare Montignac de Nontron, est entre Thiviers et Excideuil. Or, il convient à la distribution générale de la province, que le centre du district qu’il s’agit de former soit plus rapproché de Nontron que de Montignac ; 1° afin que le district de Nontron, qui s’étend beaucoup au couchant, n’étant borné que par le Poitou et l’Angoumois, soit un peu resserré du côté de Thiviers qui est à l’opposite Sarlat ; 2° Afin que celui de Montignac, qui se trouve resserré par celui de Sarlat, puisse s’étendre davantage vers Thiviers. Si, au contraire, le centre du district est àExci-