[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 373 tionnée aux biens et fortunes, ainsi que cela se pratique pour les officiers militaires. Ils représenteront qu’en vertu de lettres patentes de septembre 1785, le prix du sel en Roussillon a été porté à un taux excessif ; qu’il en est résulté un dommage évident pour l’agriculture, et un nouveau genre de fraude inconnue dans cette province; et comme la ferme générale paraît trouver déjà, dans l’introduction de la douane de Lyon, une compensation suffisante des sacrifices qu’elle a pu faire , ils demanderont que les Etats provinciaux soient autorisés à soumettre à un nouvel examen un traité condamné par l’opinion publique, et que provisoirement le prix du sel soit modéré. Ils représenteront encore que le droit odieux de pied-fourché, et celui qu’on perçoit sur les huiles et leur fabrication, occasionnent des frais énormes et une gêne perpétuelle destructive de toute industrie et d’une liberté raisonnable ; que l’intérêt du fisc se réunit donc à celui du citoyen pour en demander la suppression ; et si la situation des finances ne permet pas à l’Etat des sacrifices de cette nature, les députés pourront solliciter le rachat de ces droits par des abonnements proportionnés, non aux produits forcés d'une régie sévère, mais à la consommation modérée du pays. Ils relèveront aussi les inconvénients de l’établissement d’une messagerie royale en Roussillon; ils feront connaître les entraves que ce privilège exclusif met au commerce, et la gêne qu’il impose au voyageur. Le cri public en réclame la suppression. Enfin, les députés mettront sous les yeux du Roi et de la nation la position de la province. Ils observeront que, bornée dans sa population, sans numéraire, sans industrie, sans manufactures, et presque sans commerce, elle est réduite au produit de son sol ; qu’exposée tour à tour aux funestes effets de la sécheresse ou aux ravages des inondations, elle 11e peut compter que sur un revenu précaire; que déjà elle a été soumise successivement à divers droits onéreux, notamment à l’introduction du papier timbré et du parchemin de formule, impôt qui n’est pas général pour toutes les provinces, et duquel ses capitulations semblaient devoir la garantir ; que, dans cet état, le plus léger accroissement d’impositions serait au-dessus de ses forces ; leur épuisement seul peut mettre des bornes aux sacrifices que l’ordre de la noblesse, en particulier, serait toujours prêt à faire pour la prospérité de l’Etat et le bonheur de son Roi. (Il a été mis sous les yeux des commissaires , par Vun deux , un mémoire appuyé d’un tableau qui démontre qu’en proportion de la population , le Roussillon paye plus que toute autre province du royaume .) En désirant de prêter une main secourable au tiers-état de la ville de Perpignan, que les dispositions suivies dans l’assemblée particulière de la viguerie de Roussillon et Vallespir ont privés de l’influence que, d’après les vues de Sa Majesté, cette ville devait avoir dans une délibération à laquelle sa population lui donnait le plus grand intérêt ; L’ordre de la noblesse, qui, de concert avec celui du clergé, s’est efforcé d’amener cette affaire à une conciliation désirable, charge spécialement ses députés de représenter à Sa Majesté les inconvénients desdites dispositions qui ont donné lieu à des protestations et informations, sur lesquelles elle seule peut prononcer ; et attendu que la ville de Perpignan n’a point eu de part à la rédaction des cahiers, que ses représentants n’ont point signé, et qu’ils ont même soutenu ne pas être l’expression fidèle du vœu des communes, mais plutôt celui de quelques volontés particulières ; que dès lors la ville de Perpignan n’a point été représentée à l’assemblée générale des trois viguenes, et par conséquent n’a point influé sur la nomination des députés aux Etats généraux; Sa Majesté sera suppliée de ne point envisager les députés du tiers-état de la province comme mandataires de la ville de Perpignan, ni les cahiers dont ils sont chargés comme contenant le vœu Je cette capitale, qu’il ne lui a pas été même permis d’exprimer, à cause du refus de recevoir ses protestations ; de permettre en conséquence à la ville de Perpignan de lui faire connaître ses doléances générales et ses griefs particuliers sur ce fait, dans un cahier qui lui sera présenté par tel nombre de députés que le Roi voudra bien l’autoriser à envoyer à l’assemblée nationale, mais qui n’auront qu’une seule voix, laquelle se confondra dans celle des autres députés du tiers-état de la province. Avant la clôture des Etats généraux, les députés de l’ordre se concerteront avec ceux des autres provinces pour supplier Sa Majesté de consacrer l’événement le plus mémorable, l’époque la plus glorieuse de son règne, par un de ces actes de bienfaisance qui ne coûtent rien à son cœur, par une amnistie générale en faveur des déserteurs et de ces malheureux qui, coupables uniquement envers le fisc, par le seul fait de contrebande, sont poursuivis ou punis par le glaive d’une justice trop rigoureuse. Sa Majesté, en accordant au vœu de l’assemblée cette double grâce, dont l’une intéresse toute la nation, et l’autre plus particulièrement les provinces frontières, rendra des enfants à leurs pères, des pères à leurs familles, des sujets à l’Etat, et acquerra de nouveaux droits à l’amour et à lare-connaissance des peuples. Fait et arrêté dans l’assemblée générale de l’ordre et signé par MM. les commissaires et tous les membres présents. A Perpignan, le 28 avril 1789. Collationné conforme à l’original Signé : De LeüCIA, secrétaire de l’ordre de la noblesse. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état de la province du Roussillon (1). Le tiers-état de la province du Roussillon remercie très-humblement Sa Majesté de ce qu’elle a bien voulu convoquer les Etats généraux du royaume, en une forme vraiment nationale et constitutionnelle, et y appeler ses fidèles sujets de la province du Roussillon, en donnant à l’ordre du tiers une représentation égale à celle des deux autres ordres réunis. 11 demande que les distinctions humiliantes qui avilirent les communes du royaume, lors des derniers Etats généraux tenus à Blois et à Paris, soient abolies. Qu’à l’assemblée nationale, les voix soient comptées par tête et non par ordre. Que la constitution française soit établie sur (1) Nous p blions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . 374 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] des fondements inébranlables, de manière que les droits du monarque et du peuple soient si certains, qu’il soit impossible de les enfreindre. Que nulle loi ne soit faite, nul impôt établi ni prorogé sans le consentement de la nation. Qu’à toutes les assemblées qui intéresseront les trois ordres, celui du tiers soit toujours librement représenté, au moins en nombre égal à celui du clergé et de la noblesse réunis; qu’en conséquence, la nation sera périodiquement assemblée en la personne de ses représentants à des époques fixes, c'est-à-dire chaque année pendant les quatre premières années, et dans la suite, au moins tous les cinq ans. Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables dès le moment qu’ils auront été élus députés, et que, dans aucun cas, ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Que tout citoyen appelé dans les assemblées graduelles des députés, y compris celles des députés aux Etats généraux, ne puisse être tenu de rendre compte, ou de répondre de ce qu’il aura dit ou fait dans les assemblées, qu’aux officiers qui les présideront, et par appel aux Etats généraux. Que les lois générales, portées par Sa Majesté, dans l’assemblée des Etats généraux, et consenties par la nation, soient adressées aux Etats provinciaux pour y être inscrites et observées, ainsi qu’à tous les tribunaux supérieurs et inférieurs, directement pour servir de règle à leurs jugements et à leurs arrêts, sans que ni ces assemblées ni ces tribunaux puissent y mettre aucune modification, ni en arrêter la publication et exécution, sous auucn prétexte. Que tous les citoyens, sans distinction d’état ni de condition, soient également soumis aux mêmes lois. Que la liberté et la propriété de chaque individu du royaume soient également respectées et mises sous la sauvegarde des lois. Que les lettres de cachet, et autres ordres arbitraires, soient désormais abolis; que tout citoyen arrêté sera remis à l’instant à son juge compétent, et sera interrogé dans les vingt-quatre heures de sa capture. Que chaque roi, lors de son sacre, jure l’observation des lois constitutionnelles de l’Etat, en présence des députés choisis dans tous les ordres dans les diverses provinces du royaume. Que tout ministre, tout membre du conseil du Roi, tout officier public, soit militaire, soit civil, prête serment à l’ingrès de sa charge d’observer inviolablement la constitution de l’Etat, sous peine d’être puni comme traître à la patrie et d’être condamné aux peines qui seront déterminées par les Etats généraux. Que tout citoyen soit déclaré libre de dire, écrire et imprimer tout ce qu’il jugera à propos, sauf à punir les auteurs des propos et écrits, que la loi aura déclarés criminels, en évitant autant qu’il sera possible des décisions arbitraires et en défendant d’imprimer aucun ouvrage qui ne portera pas le nom de l’auteur et de l’imprimeur. Que toutes les lettres, écrits de confiance, soient déclarés sacrés et inviolables, et qu’il soit pris toutes les mesures nécessaires afin qu’elles ne soient point adultérées dans les bureaux des postes. Que la vie et l’honneur des hommes soient placés sous la sauvegarde des lois, de manière que les attentats des méchants ou les excès des dépositaires de l’autorité qui seront coupables de voies de fait et de calomnies graves, ne puissent demeurer impunis. Que la vie et l’honneur des hommes soient ga rantis de l’erreur et de l’injustice des jugements par un code pénal, qui soit aussi doux et aussi précis qu’il soit possible, par une composition des tribunaux telle, que les juges soient éclairés, et non suspects, sans que l’autorité puisse jamais donner des juges de son choix, ni établir aucune commission, enfin par une forme de procéder telle, que le crime ne puisse que rarement se cacher, et que l’innocence puisse toujours se faire connaître. Que le tiers-état ne soit point exclu des dignités de l’Eglise, des grades militaires, des charges de justice et autres, puisque la vertu et les talents sont indépendants du hasard et de la naissance ; que l’excellence du gouvernement français consiste, à ne priver aucun citoyen de l’espérance de parvenir à tout ; par ce moyen les membres de la classe la plus nombreuse pourront devenir, par le choix du monarque, ce que les autres naissent; ils ne seront plus humiliés de ne pouvoir s’élever au niveau de leurs concitoyens par la vertu et le talent ; et la grandeur de ceux-ci, loin d’être une occasion de murmure, ne sera à l’avenir qu’un aiguillon très-puissant pour l’en rendre digne ; elle fera naître et entretiendra dans tous les cœurs l’esprit public , l’amour de la gloire, de la patrie, et fera briller sur la tête du meilleur et du plus juste-des rois l’une des plus belles prérogatives de la royauté, le droit attaché à la couronne de dispenser les grâces, de dispenser des places, dro.it qui, s’il n’existait pas, devrait être confié à la royauté par la nation en faveur du Père du peuple. Que les régents des villes et communautés des campagnes puissent y enseigner la langue latine. Que Sa Majesté soit suppliée de n’accorder aucun honneur, dignité, place ou office, soit dans sa maison, dans les fonctions du ministère, dans celles de la politique, soit dans le service militaire, dans l’Eglise, dans la magistrature ou dans la finance, qu’après avoir consulté l’opinion publique, de consentir à l’établissement des moyens les plus propres, pour qu’elle parvienne sûrement jusqu’au trône ; que, particulièrement pour les charges de justice, il n’y soit pourvu par Sa Majesté que sur la présentation des trois sujets choisis par les Etats provinciaux. Que les coups de plat de sabre et de verges soient supprimés comme destructeurs de l’honneur qui fait le caractère du soldat français ; que tout soldat du tiers-état, pourra être retiré du service, ainsi que le peuvent les nobles; que la paye du soldat soit augmentée, et qu’on l’oc-cujoe à des travaux publics, pendant la paix; qu’on réduise le nombre des officiers généraux et des autres chefs, qui est vraiment excessif. Que les Etats généraux ne puissent s’occuper de ce qui concerne l'impôt, qu’après que le déficit sera constaté et que la constitution de l’Etat, la liberté individuelle et la propriété de chaque citoyen auront été fixées et établies d’une manière invariable. Que les différentes natures d’impôts soient examinées, corrigées et refondues, dans un genre de contribution le plus favorable à l’amélioration du territoire, aux progrès de l’industrie et à la tranquillité des redevables, sans qu’aucun privilège personnel ou local puisse être opposé à cette réformation. [États géu. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Sénéchaussée de Perpignan.] 375 Que tous les citoyens de tout ordre, rang et dignité supportent la totalité des charges et contributions, de quelque nature qu’elles soient, proportionnellement à leur fortune; qu’en conséquence, il soit ordonné que les gages, appointements, bienfaits du Roi ou des Etats provinciaux, les biens fonds, les capitalistes, le commerce, l’indus-trie, les droits seigneuriaux et tous autres droits réels, soient soumis à l’impôt et taxés dans le rôle de la communauté où ils sont assis. Que la somme à payer par chaque province soit fixée par les Etats généraux, eu égard à ses ressources et à son importance; que le payement en soit fait directement dans les coffres du Roi, par un seul receveur ou payeur aux gages des provinces respectives, les Etats provinciaux, étant seuls chargés de faire la répartition de la manière la plus conforme à leurs localités, sans exception ni privilège quelconque. Que tout receveur ou préposé à la perception des impôts soit déclaré coupable de crime capital, s’il en continue la perception, passé le jour indiqué pour l’assemblée suivante des Etats généraux, avant que lesdits Etats généraux en aient autrement ordonné. Que les offices, charges, commissions, places, appointements, rétributions et pensions inutiles ou excessives soient supprimés ou modérés ; que les pensions, gratifications soient fixées et réduites à 12 millions de livres, ou à telle autre somme que les Etats généraux estimeront plus juste, en diminuant proportionnellement celles qui excèdent 1,200 livres ; qu’il n’en pourra être accordé de nouvelles, en cas de vacance, qu’à la charge que le brevet contenant les motifs de la commission sera enregistré au greffe des Etats provinciaux dans le ressort desquels le pourvu aura son domicile et que le tableau des pensions sera enregistré à chaque tenue d’Etats. Que les Etats généraux, après avoir fixé la dette légitime de l’Etat, prennent sur l’administration et la disposition des domaines du Roi et de la couronne, le parti qu’ils jugeront le plus convenable à l’accroissement des profits nationaux, à l’extension de la culture, à l’amélioration des revenus publics et à la libération de la dette; qu’on fasse le retrait de ceux qui ont été engagés en remboursant le prix ; qu’on y réunisse tous ceux qui auront été aliénés ou dembrés sans juste cause, et qu’on procède, s’il est jugé plus utile, à l’aliénation perpétuelle des biens domaniaux, aux conditions et pour les destinations qui leur paraîtront plus avantageuses, en réservant le droit de dépaissance aux communautés auxquelles il est dû, ainsi que le droit de préférence dans le cas de vente, en faveur desdites communautés. Que la nomination aux abbayes, prieurés et autres bénéfices auxquels le Roi a droit de nommer, et qui ne sont pasà charge d’âmes, soit suspendue pendant le temps qu’il sera jugé convenable ; qu’il soit même procédé, si besoin est, à la vente des biens dépendants desdits bénéfices, et que le produit et le revenu en soient versés dans la caisse d’amortissement qui sera établie pour la libération de l’Etat , ce moyen paraissant le moins onéreux à la nation pour la liquidation de la dette ; que si ces moyens sont insuffisants pour payer la dette de l’Etat, il soit établi un impôt sur les objets de luxe, tels qu’équipages et valets autres que ceux de labourage. Que la gabelle et fermes générales soient supprimées; en conséquence, le sel rendu marchand, avec la faciti'té à la province de faire valoir les marais salants. Que la régie, messageries, péages et landes soient supprimées. Que le commerce soit entièrement libre dans le royaume ; que les barrières et entraves qui le gênent soient portées aux frontières. Que la mine de fer ne puisse être exportée hors clu royaume, et qu’au contraire l’exportation du liège soit entièrement libre. Que les droits de contrôle, centième denier, insinuation, formule et autres droits qui en dépendent soient modérés, réduits et classés dans un tarif clair et précis, qui écarte tout arbitraire, de manière qu’un habitant de la campagne puisse aisément connaître le droit qu’il devra payer en contractant, et que nui droit ne puisse être relevé après l’an de la perception. Qu’aucune autorité ni aucune force ne puissent enlever, même au plus faible des citoyens, sa propriété mobilière ou immobilière, à moins que le besoin de l’Etat ou le bien public ne l’exigent, à la charge d’estimer en ce cas, au plus haut prix, et de payer comptant au propriétaire la chose dont il faudra qu’il se prive. Qu’il soit accordé à la province de Roussillon des Etats provinciaux à l’instar de ceux du Dauphiné, organisés comme les Etats généraux, de manière que les représentants du tiers-état y soient du moins en nombre égal à celui des deux autres ordres réunis ; que ces assemblées soient seules chargées, sous l’autorité du Roi, de l’exécution des lois d’administration et des établissements ordonnés par l’assemblée nationale pour les matières relatives à l’économie politique, à la culture, au commerce, aux arts, à la communication, à la salubrité, à la subsistance, aux dépenses locales, à l’amélioration et à la prospérité de chaque province, sans que dans aucun cas lesdites administrations puissent faire pour leurs provinces aucun traité, stipulation, convention, octrois et concessions quelconques sans y être autorisées par les Etats généraux. Que les municipalités de cette province, étant vicieuses, soient supprimées, et qu’il en soit établi de nouvelles, auxquelles il sera donné organisation facile et aisée, telles que les Etats provinciaux jugeront convenables, desquelles municipalités qui seront sous l’unique dépendance des Etats provinciaux, nul habitant de quelque état et condition qu’il soit, ne puisse s’exempter, en attribuant aux officiers municipaux le droit de juger sommairement, sans frais et sans appel, tous objets personnels n’excédant pas la somme de 30 livres. Que le Code civil soit refondu, et ne contienne des formes que celles qui sont nécessaires, pour assurer à chaque citoyen la conservation de ses droits. Que les Etats généraux prennent des moyens pour que la justice soit bien administrée dans chaque province ou ressort de la manière la plus digne de la confiance de la nation, en conservant aux habitants de la province de Roussillon les avantages de la première instance dans chaque viguerie respective, et de l’appel par-devant le conseil souverain ; comme aussi le droit bien juste de ne pouvoir être traduits hors les limites de la province, et qu’on rende tout tribunal chargé de l’administration de la justice, un corps vraiment national, en le faisant comptable à la nation elle-même. ’ Que tous les citoyens, sans distinction d’état ni de condition, soient jugés par les mêmes tribunaux, et que les tribunaux d’exception et d’attribution , qui ne doivent leur création qu’aux 376 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] agents du fisc, ou à des intérêts particuliers, que l’homme le plus instruit en connaît à peine les noms, et qui font naître des conflits ruineux pour les parties, et retardent la décision de leurs différends, soient supprimés, qu’ils soient réunis aux tribunaux ordinaires dont ils sont des démembrements, sauf à pourvoir au remboursement des officiers supprimés, ainsi qu’il appartiendra. Que le tribunal des experts estimateurs établis dans la ville de Perpignan, afin que ses habitants puissent faire estimer les dommages occasionnés aux fruits des terres qu’ils possèdent dans les différents terroirs de cette viguerie, soit pareillement supprimé, lors même que les Etats généraux jugeraient à propos de laisser subsister d’autres tribunaux d’exception et d’attribution, comme étant ladite attribution abusive, odieuse et vexa-toire, et que dans aucun cas nul habitant de Perpignan ne puisse charger les consuls dans les territoires desquels ilstont des biens-fonds, de découvrir celui qui a occasionné des dommages à leursdits fonds, et qu’ils ne puissent faire estimer les dommages que par les experts estimateurs des lieux et territoires où leurs biens sont situés. La justice de laquelle suppression est reconnue par les trois vigueries réunies, quoique ce privilège ne s’étende que sur la viguerie du Roussillon et Vallespir. Que la bourse de Perpignan soit établie à l’instar de celle de Montpellier, composée uniquement de négociants, qui ne prendront point d’épices, et ûe l’ordonnance du commerce, ainsi que l’édit e 1701 concernant les juridictions consulaires, soient exécutées en Roussillon. Que les tribunaux ecclésiastiques soient conservés, à la charge cependant qu’ils ne puissent prendre connaissance que des matières purement spirituelles, la connaissance de toutes les autres matières devant leur être interdites, même entre les ecclésiastiques. Que le droit de committimus, l’usage des commissions extraordinaires et des évocations soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties, ou par l’une d’elles, lorsque la partie contraire sera membre du tribunal devant lequel la cause devrait être portée, auquel cas, l'affaire sera dévolue au tribunal le plus voisin de la même nature de celui dans lequel on aurait dû être jugé. Que la justice soit administrée promptement et gratuitement à tous, et particulièrement aux pauvres, par juges compétents et non suspects, auquel effet il sera attribué et fixé par la province, aux officiers chargés de la rendre, des gages ou appointements convenables. Que l’imprescriptibilité du domaine direct et des droits féodaux soit abrogée comme exposant les possesseurs de bonne foi à des recherches vexa-loires et ruineuses dont aucun laps de temps ne peut les garantir, cette imprescriptibilité devant d’autant moins avoir lieu dans le Roussillon, puisqu’on matière de droits régaliens, la maxime de la prescriptibilité y est consacrée par la jurisprudence, et que la prescription de cinq ans, pour les pensions des rentes constituées, y a été établie, l’intérêt public exigeant que cette prescription soit établie par une loi générale, tant pour les pensions des rentes constituées que pour les pensions des censives seigneuriales ou autres. Que l’académie et école des haras, la maison de force, dite de Charité, connue sous la dénomination d 'Espitalet, chaire de médecine, chimie, botanique et pépinières établies dans la ville de Perpignan, soient supprimées ; que les habitants des villes et communautés de la campagne ne soient plus tenus de faire aucun service à l’occasion de la désertion des soldats, service désigné et connu sous le nom de la boëte et du canon, à moins qu’ils ne fussent payés des deniers de la province. Qu’il soit accordé une protection générale aux curés et vicaires, quoique plusieurs dans une même paroisse, à cette classe d’hommes si utiles à l’Etat, à l’Eglise et surtout aux habitants de la campagne; que leur congrue soit donc augmentée et leur sort amélioré. Que tous les évêques et bénéficiers à charge d’âmes soient obligés à la résidence, conformément aux lois de l’Eglise, et qu’en cas d’infraction, les Etats provinciaux soient autorisés à faire saisir leurs revenus, et en appliquer le produit à des œuvres de bienfaisance et de bien public, et par ce moyen ces fonds reviendront à leur première destination. Que tout évêque ou archevêque ne puisse avoir d’aubre bénéfice ni pension, à moins que ce ne soit à titre de retraite, qui ne devra point excéder la moitié du revenu du bénéfice dont il se sera dépouillé. Que tout ecclésiastique ayant 2,000 livres de rente en bénéfices, ou pensions, ne puisse obtenir d’autres bénéfices ou pensions sans se dépouiller de ce qu’il possède. Que la province continuera d’être exempte de tirer à la milice et classes, attendu sa position et l’obligation où elle se trouve de se garder elle-même ; de conserver en conséquence Je droit qu’ont ses habitants du port d’armes ; que le tirage des gardes-côtes soit suspendu en temps de paix, et que les appointements des officiers y attachés soient supprimés. Que tous les droits quelconques qui ont été imposés, surtout ce qui est blé, pain ou farines, soient abolis comme contraires à l’intention du Roi et à sa justice, puisqu’ils pèsent principalement sur la classe indigente. Que toutes les exemptions des droits des villes soient supprimées, puisque le produit de ses droits est affecté à la chose utile et publique de la généralité des habitants. Que le tiers-état de cette province ait une représentation permanente, un syndic et la faculté de tenir des assemblées périodiques, afin qu’il puisse s’occuper efficacement des moyens les plus paisibles, les plus prompts et les plus’ convenables pour corriger les abus sans nombre qui pèsent sur lui et pour empêcher qu’ils ne se renouvellent. Que la police actuellement établie sur les bois de la province étant vicieuse et peu propre à en maintenir la conservation, Sa Majesté, sera suppliée de vouloir bien la réformer, et d’en confier la surveillance aux communautés intéressées, sous l’autorité des Etats provinciaux, à la charge que les délits quelconques commis dans lesdits bois seront jugés par les juges royaux de chaque viguerie, à la requête de la partie publique, sur la dénonciation qui en sera faite par les officiers desdites communautés ou par les procureurs-syndics des départements. Le tiers-état demande que la jouissance des privilèges généraux de la province rappelle sans cesse à son souvenir cette époque heureuse où elle fut réunie à l’empire français, laissant pourtant à ses députés le pouvoir de les modifier, relativement au bien général, en exceptant de cette modification et modération le port d’armes, le [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 377 droit de chasse, des milices et classes auxquelles il n’est pas sujet, privilège dont il ne saurait consentir à être jamais dépouillé. Fait et arrêté en l’assemblée 'générale du tiers-état de la province du Roussillon, tenu à Perpignan le 26 avril 1789. Signé Terrats, président; Graffan; Berge fils aîné; Le Raynalt-Triquère; Vila; F. Gastelnon; In. Moynier ; Cantaloup; Anglada; Rayros ; Xinxet-Lanquine; Gardas ; Bigosse; B. Vilars-Tixedor; Fabre; Marie; J. Escanyé; Grives; Lord Trilles; Grau; Roca. Collationné. Bon, commis principal au greffe de la viguerie de Roussillon et Vallespir.