[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juillet 1791.] 415 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du mardi 10 juillet 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Chasles «le Lauicili occupe le fauteuil de la présidence. M. Bouche. Messieurs, dans la séance du 23 juin dernier, l’Assemblée a rendu le décret suivant : « L’Assemblée nationale, éprouvant la plus vive satisfaction de l'ordre et de la tranquillité qui ont régné dans la ville de Paris, invite les citoyens de cette ville à persister dans des sentiments si conformes au patriotisme qui les a toujours animés; enjoint au département de Paris, à la municipalité et au commandant de la garde nationale de [ rendre toutes les précautions nécessaires à la sûreté de la personne du roi et de sa famille. » Ce démet a été imprimé, exécuté et revêtu des formes prescrites pour les lois françaises; il se trouve cependant omis dans le procès-verbal du 23 juin : il est important qu’il soit inséré dans le procès-verbal d’aujourd’hui et j’en fais la motion. (Cette motion est adoptée.) M. Bouche fait part à l’Assemblée de la soumission patriotique faite par M. de LaCroix, l’un des juges du tributial de cassation, de fournir, pendant le temps qu’il sera attaché audit tribunal, la solde d’un garde national, qui marchera pour la défense de la nation. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du 18 juillet, qui est adopté. Un membre demande qu’il soit fait mention dan-le procès-verbal de ce jour du serment de M. Guichard-Lalinière, député du département du Gard, absent pour cause de maladie, lequel serment a été lu dans une des séances précédentes. (L’Assemblée adopte cette proposition.) M. ¥erny, député du département de l'Hérault , que son âge et l’éloignement de Montpellier, où il était depuis 2 mois par congé, avaient empêché d’arriver avant le 12 juillet, en exécution du décret qui prescrivait le retour des absents, se présente à la séance et demande acte de son retour. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du 17 juillet, qui est adopté. M. Charles de Lameth, président. Messieurs, le second scrutin pour la nomination du président a donné les résultats suivants : sur 308 votants, M. Defermon a obtenu 224 voix. En conséquence, je lui cède le fauteuil. M. Defermon prend place au fauteuil. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre de M. Garran , président du tribunal de cassation , qui annonce que M. Bail lot, membre de l’Assemblée nationale, et l’un des juges élus de ce tribunal, s’est joint aux membres dudit tribunal, qui avaient pris l’engagement d’entretenir chacun un garde national pour la défense des frontières. M. Prngnon, au nom du comité d'emplacement, propose 3 projets de décrets : Le premier, relatif au logement du corps administratif et du tribunal du district de Clamecy , est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapp rt de son comité d’emplacement, considérant qu’il n’existe d’autres édifices nationaux dans la ville de Clamecy, que la maison des Récollets, jugée nécessaire pour y transférer l’Hôtel-Dieu, autorise le directoire du district de Clamecy, département de la Nièvre, à acquérir, aux frais des administrés, de M. de Nivernois, moyennant la somme de 15,000 livres, prix convenu entre lui et le directoire, l’ancien auditoire de la ci-devant justice seigneuriale de Clamecy, et bâtiments en dépendant, pour y placer le corps administratif au district et le tribunal. « L’autorise pareillement à faire procéder à l’adjudication, au rabais, des ouvrages et arrangements intérieurs néci ssai res à ces établissements, sur les devis estimatifs qui en ont été dre-sés par le sieur Paillard, h-s 13 et 18 février dernier; pour le montant de ladite adjudication être aussi supporté par lesdits administrés. » (de décret est adopté.) Le deuxième, relatif au logement du corps administratif , du tribunal et du bureau de conciliation du district de Louhans , est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport, de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Louhans, département de Saône-et-Loire, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites, la partie du jardin de l’hôpital de cette ville, énoncée dans l’avis du directoire du district, du 30 juin dernier, pour y faire les constructions nécessaires à l’établissement du corps administratif du district, du tribunal et du bureau de conciliation. « L’autorise également à employer aux frais de cette construction les deniers provenant de la contribution volontaire des citoyens du district de Louhans, dont l’Assemblée nationale loue le zèle et le patriotisme. » (Ce décret est adopté.) Le troisième, relatif au logement du corps administratif, du tribunal, des prisons, du bureau de conciliation et de la gendarmerie nationale du district de Reims , est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Reims, département de la Marne, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites, la maison de l’abbaye de Saint-Denis et terrains en dépendant, renfermés dans les limites figurées sur le tracé du local, qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer le corps administratif du district, le tribunal, les prisons, le bureau de conciliation et la gendarmerie nationale. « L’autorise pareillement à faire faire auxdits bâtiments toutes les réparations et arrangements 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. intérieurs nécessaires, à l’adjudication au rabais desquels il sera procédé sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Hurault, inspecteur des ponts et chaussées ; pour être le moulant de l’adjudication, supporté par lesdits administrés. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur les offices de receveurs des consignations et des commissaires aux saisies réelles. M. Chapelier, rapporteur. Messieurs (1), le comité de Constitution a déjà présenté à l’Assemblée nationale le projet d ; décret qu’il remet sous ses yeux. L’Assemblée a désiré qu’il fût imprimé : il est peut être utile de le faire précéder par quelques réflexions, et d’examiner en peu de mots, et le mode provisoire que le comité propose, et un amendement qui a été fait lors de la première discussion. C’est en 1578 que les receveurs des consignations ont été établis. L’édit de leur création atteste que c’était pour rémédier aux abus qui naissaient de la disposition des fonds séquesirés, laissés aux tribunaux qui nommaient des dépositaires souvent très mal choisis. Les fonctions des receveurs des consignations consistent à poursuivre et à recevoir le dépôt des sommes dont la distribution se fait par jugement, et à les payer d’après les sentences des tribunaux. Leurs droits sont généralement de 18 deniers pour livre sur le prix des ventes forcées, de 9 deniers pour livre sur le prix des ventes volontaires, et de 3 deniers pour livre sur les deniers mobiliers. L"S commissaires aux saisies réelles n’ont été établis en titre d’office qu’en 1626 ; mais leur institution remonte aussi loin que la formalité de la saisie réelle : avant eux les huissiers qui apposaient les saisies, établissaient des commissaires à leur choix, à peu près comme ils éta-b issent aujourd’hui des gardiens pour la sûreté des meubles qu’ils saisissent. Les commissaires enregistrent les saisies réelles, font convertir les baux volontaires des biens saisis en baux judiciaires, en perçoivent les produits, veillent à l’entretien des bâtiments, et fout faire les réparations qui s >nt ordonnées. Leurs droits sont de 3 sols pour livre du prix des baux, mais ils sont responsables de la solvabilité des adjudicataires. Les uns et les autres, dépositaires au nom de la justice, sont à la fois officiers ministériels et comptable-’. Ils ont toujours fait partie des tribunaux; il en existait p:ès les parlements, les bailliages et sénéchaussées. Ceux qui étaient établis près les parlements, sont supprimés avec eux; il ne peut maintenant s’agir à leur égard que de liquider leurs offices, et de les leur rembourser. Il ne doit être question ni de leur remplacement, ni de leur conservation provisoire : ils n’ont plus ni fonctions, ni territoire, ni attache quelconque. Ceux qui existaient auprès des sénéchaussées et bailliages, remplacés par des juges établis sur des arrondissements déterminés par la loi, sont dune seuls l’objet de notre rapport. Sous l’ancien régime, si des vues d’utilité pu-119 juillet 1791.] blique présidaient à quelques institutions, l’esprit de fiscalité s’en emparait bientôt : aussi vit-on le gouvernement chercher dans lus charges des receveurs des consignations, et des commissaires aux saisies réelles, des moyens de se procurer de l’argent. Les titulaires tu ent mis à contribution de toutes les manières, sous le prétexte d’assurer davantage les dépôts qui leur avaient été confiés. Leurs offices furent créés ou changés en alternatifs triennaux ou quatrien-naux. On les considérait comme domaniaux; et sur ce motif, ils furent plusieurs fois remis en vente. On exigea des titulaires, des taxes, des suppléments de finance. On se dispensa de payer leurs gages. Pour prix de ces sacrifices, leurs droits furent successivement augmentés. On voulut ensuite les réduire; et de là cette foule d’édits, déclarations, arrêts, qui forment le code des consignations et des commissaires aux saisies réelles; en sorte que ces offices ne pèsent pas moins par la quotité des droits qui leur sont attachés, que par la difficulté d’en faire l’application aux différentes espèces, et par les procès sa :s nombre qui en sont la suite. Ainsi, outre le principe constitutionnel qui, en supprimant partout la vénalité et l’hérédité des offices, commande la suppression de ceux-ci, elie est encore appelée par des motifs puissants d’utilité publique, et par la justice que l’on doit aux titulaires. 11 faut délivrer le public de ces droits exorbitants, et de ces difficultés sans cesse renaissantes, qui sont la suite des anciennes lois fiscales. 11 faut que des titulaires qui, par la nouvelle division du royaume et par le placement des tribunaux, ne savent plus où est leur arrondissement, ni à quelle juridiction ils sont attachés, soient remboursés d’offices qui ne sont plus qu’onéreux pour eux. Il est nécessaire au si qu’une loi au moins provisoire fixe d’une manière certaine quels seront les dépositaires des deniers distribués par jugement, et les administrateurs de; biens mis sous la main de la justice. Gela est d’autant plus pressant, que déjà, dans plusieurs parties de la France, bus tribunaux ont ordonné de faire des dépôts judiciaires ailleurs que dans la caisse des officiers désignés p m la loi. Ici se présente la question de savoir si, tandis que la procédure civile n’est pas réformée, tandis que les formalités des saisies réel: es ne sont pas simplifiées, on peut faire une institution tout à fait nouvelle, ou plutôt si on ne doit pas se borner à décréter une loi provisoire qui, en supprimant tous les abus de l’ancien régime, en conserve les avantages. Nous opinons pour ce dernier parti. Il nous semble que les receveurs des consignations ayant des comptes à rendre, présentant dans le prix de leurs offices un fonds de responsabilité capable, autant et plus que les cautionnements qui seraient exigés d’hommes nouveaux, de répondre des dépôts qui leur seront faits, doivent être provisoirement conservé?, jusqu’à ce que le Corps législatif ait pu porter ses regards sur toute la procédure civile. Il nous paraît qu’il serait plus difficile encore de substituer de nouvelles personnes aux commissaires aux saisies réelles. Ceux-ci sont chargés de l’administration des biens saisis : ils en ont passé les baux; ils sont responsables des fermiers qu’ils ont établis; en les éloignant subitement de l’administration de ces biens, il ne (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur.