408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.1 DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 24 MAI 1791, AU SOIR. RÉSUMÉ des MOTIFS qui établissent l'importance DES PLACES DE GUERRE ET POSTES MILITAIRES, ainsi que leur division en trois classes. (Annexe au rapport de M. de Bureaux de Pusy) (l). Ce serait un travail immense que l’exposition raisonnée des motifs qui ont déterminé le classement de nos forteresses dans l’ordre du tableau ci-après. Ce développement exigerait l’examen d’une multitude d’hypothèses de guerre, celui de toutes les attaques probables auxquelles nos frontières peuvent être exposées, il mènerait à (1) Voy. ci-dessus, séance du 24 mai 1791, au soir, page 385. discuter en détail les propriétés diverses de nos places, à analyser le mérite intrinsèque de chacune d’elles ; il obligerait à mettre en évidence la force, la faiblesse, les ressources de nos moyens défensifs ; et l’on sent que la publicité d’un pareil ouvrage aurait autan t d’inconvenance que de danger. On a donc dû se borner ici à une courte notice des principales propriétés de nos forteresses et indiquer sommairement, plutôt que démontrer avec rigueur, les motifs qui leuiyont fait assigner tel ou tel degré d’importance ; mais, pour dissiper le doute que pourrait faire naître la réserve dans laquelle on a cru devoir se renfermer, on ajoutera que le tableau ci-joint n’est autre chose que l’analyse des avis de plus de 200 militaires éclairés, ci-devant commandants des provinces, officiers généraux et particuliers, directeurs des fortifications, ingénieurs en chef, et surtout des opinions consignées dans les écrits, tant publics que secrets, du maréchal de Vauban. PREMIÈRE CLASSE. Calais et dépendances. Cette place, importante par sa position maritime, le devient encore davantage par sa propriété d’être le débouché d’une partie des eaux du pays. Les écluses peuvent soutenir une inondation très étendue, formée par les eaux de l’intérieur, ou par celles de la mer, et cette inondation serait un des appuis principaux de la seconde ligne de frontière après la perte de la première. Gravelines. Ses écluses lui donnent les memes propriétés que Calais, relativement aux eaux de l’intérieur. Si, Comme place maritime, elle n’a pas encore l’importance de Calais, elle est mieux située pour la défense de la frontière, et réunit la double faculté de pouvoir secourir Dunkerque, et d’appuyer la ligne défensive de l’Aa, dirigée vers Saint-Omer. Dunkerque et dépendances. Il est temps que les moyens défensifs de cette forteresse répondent à l’importance et aux avantages de sa position. Ils résulteront tout naturellement du jeu de ses écluses, qui, combiné dans des vues militaires, aura la double utilité d’approfondir et d’entretenir le chenal DEUXIÈME CLASSE. Montreuil (' Citadelle de). Montreuil, comme poste maritime, ne peut être abandonné; mais son utilité, qui n’est que secondaire, permet de négliger la place, et d’économiser la dépense en la concentrant dans la seule citadelle, qui est entretenue pour protéger et faire valoir la place au besoin. Boulogne et dépendances. Son commerce mérite d’être protégé : c’est le rendez-vous des troupes du pays, et le dépôt pour la défense de cette partie de la côte. Ardres. N’est qu’à 3 lieues de Calais, et à portée de protéger efficacement le canal, qui forme la ligne de défense entre Calais et Saint-Omer. TROISIÈME CLASSE. Abbeville. Cette place, qui renferme une population assez considérable, et de riches manufactures, doit conserver les moyens d’être mise à l’abri d’une expédition de corsaires ; d’ailleurs, elle peut servir de dépôt militaire pour les côtes, et devenir un point d’appui pour la défense de la Somme, dernière barrière du royaume . Montreuil ( Ville de). Plus rapprochée de la mer que la précédente, cette place doit pouvoir être garantie contre un coup de main, et d’ailleurs elle peut devenir utile à la défense de la frontière de terre. Mardick {Fort). Ce poste ne fixe plus l’attention depuis les projets sur le rétablissement du port de Dunkerque. [Assemblée nationale.] PREMIÈRE CLASSE. et le port, et de rendre les dehors de cette place susceptibles du plus grand degré de résistance, eu ne formant, pour ainsi dire, qu’une seule forteresse de Dunkerque, le Fort-Louis, Bergues et le Fort-Français. Bergues et dépendances. Tète de frontière essentiellement liée et nécessaire au système défensif de Dunkerque, qui, réciproquement, fassure son inondation. Saint-Omer. Cette place, très forte par les eaux qui l’entourent, est le point d’appui principal de la ligne défensive entre la Lys et l’Aa; elle doit être considérée comme un dépôt très important par la facilité et la sûreté de ses communications avec les places voisines. Lille. Nommer cette place, c’est rappeler l’idée d’une des colonnes de l’État. Douai et dépendances. C’est le dépôt général et l’arsenal de cette frontière. Celte place mérite d’autant plus d’attention, qu’il n’existe en avant d’elle aucun poste capable de protéger l’angle rentrant, que forment les lignes défensives de la frontière entre Lille et Valenciennes. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. DEUXIÈME CLASSE. Aire et dépendances . Cette place est le second point d’appui de la ligne de défense entre la Lys et l’Aa; elle offre un obstacle imposant entre Saint-Omer et Béthune, et protège une navigation très utile. Le fort Saint-François couvre la tête du canal et sert à la défense de la place. Saint-V enant . Les eaux forment la principale défense de ce poste, qui éclaire la forêt de Nieppe, couvre Aire et Béthune, et garde un passage sur la Lys. Béthune. Cette place, couverte par Saint-Venant, le protège à son tour. Elle en imposerait à l’ennemi qui se serait rendu maître de la Lys; d’ailleurs elle défend, entre la Lys et le canal de la Bassée, un passage qui pourrait être fermé plus utilement encore par un canal de la Gorgue à la Bassée. Arras . Après la prise de Douai, les fortifications d’Arras et la position que choisit le maréchal de Villars pour couvrir cette dernière place, empêchèrent les alliés de tourner les défenses de la Canche et de la Sensée, et les obligèrent à essayer de pénétrer dans le royaume par Landrecies. Arras, quoique reculé, fait respecter l’intervalle entre Béthune et Douai, et peut protéger puissamment cette dernière place : il renferme, d’ailleurs, de grands établissements militaires, et domine un pays assez fertile pour suffire aux subsistances d’une armée. Bouchain. Cette place oocupe un passage sur l’Escaut et la Sensée, protège la [24 mai 1791.] 409 TROISIÈME CLASSE. Hesdin, Doullens. Ces places protègent la défense de la Canche et de l’Authie : ce sont des ressources prévues pour des temps malheureux. Bapaume . Est en mesure de protéger, au besoin, Arras et Cambrai. Cette place renferme, d’ailleurs, de très beaux établissements militaires. Amiens, Péronne, Ham, Saint-Quentin. Ces places ferment les principaux passages de la Somme, rivière susceptible d’une bonne défense par la nature marécageuse de ses bords, et que l’on peut regarder comme la dernière barrière qui, de ce côté, couvre la capitale. La Fère. Cette place défend, conjointement avec Saint-Quentin, le passage entre la Somme et l’Oise. Sa position, et les grands établissements d’artillerie qu’elle renferme, la rendent propre à devenir un dépôt principal pour la défense de ces deux rivières. 410 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. Valenciennes. Cette place, susceptible d’une très grande résistance par ses inondations et par l’étendue de circonvallation qu’elle exige, aurait pu occuper un point plus important. Néanmoins elle remplit sa destination. Elle appuie, de la manière la plus respectable, la droite de la grande ligne de défense de ce pays fertile, qui, sur un espace de plus de 25 lieues, de l’Escaut à Dunkerque, offre aux armées la facilité des accès et l’abondance des subsistances. La nature n’a rien fait pour la protection de cette belle frontière, que ses richesses agricoles et commerciales exposeraient à toutes les entreprises de l’ambition et de la cupidité, si l’industrie militaire, qui semble y avoir épuisé ses combinaisons, n’avait suppléé à la nature par toutes les ressources de l’art. Mais ce qui, surtout, est bien digne d’attention, c’est l’intelligence avec laquelle ont été organisées les ressources militaires de ce pays; ces écluses, ces sas, ces canaux, qui assurent sa défense pendant la guerre, favorisent l’agriculture et le commerce, et deviennent de nouvelles sources de prospérité publique pendant la paix. Condé et dépendances. Occupe, sur la frontière, le confluent de la Haine et de l’Escaut, protège la navigation, et se lie intimement à la défense de Valenciennes, dont il n’est, en quelque sorte, qu’un poste avancé. Maubeuge . Cette place n’a peut-être pas assez de force et de capacité pour la position qu’elle occupe sur la frontière. Elle est destinée à protéger le grand intervalle qui existe entre elle et Philippeville, et à dominer sur la basse Sambre, ce qui est devenu plus praticable par la démolition de Charleroi. Ici le pays comporte un autre genre de guerre : des subsistances plus rares, des accès et des communications plus difficiles, des forêts étendues, retarderaient les progrès de l’ennemi, et donneraient à notre armée la faculté de multiplier et de faire respecter ses positions par des abatis, des retenues sur les ruisseaux et autres ressources de l’art qui se présentent en foule dans un pays coupé et protégé par des forteresses. navigation de ces rivières, couvre Cambrai, et fortifie l’intervalle entre Douai et Valenciennes : elle deviendrait le point d’appui d’un poste reconnu nécessaire à Arleux ou à Pallué, pour se rendre maître des eaux. Cambrai . Il n’est peut-être pas impossible à une armée considérable et entreprenante d’assiéger Douai, sans être maîtresse de Lille et de Valenciennes ; du moins l’on conçoit qu’elle pourra le faire après la conquête de l’une de ces deux places : alors Combrai acquiert la même importance qu’Arras, dont elle a les propriétés quant aux établissements et au fertile pays que celte place protège. D’ailleurs, c’est un grand dépôt, très capable de fournir à tous les besoins de la défense de la frontière , depuis l’Escaut jusqu’à Maubeuge. Ce Quesnoy. Placé dans un grand rentrant, entre Valenciennes et Maubeuge, il couvre Cambrai et Landrecies, et éclaire la gauche de la forêt de Mormal. Bavai. Est un poste très important en avant de la forêt, de Mormal. Les principales routes du pays s’y réunissent. Il est indispensable de l’occuper en temps de guerre, et la nature du local permet de le fortifier à peu de frais. Landrecies . Cette place a sauvé deux fois la France, en 1543 et 1712. Ces grandes leçons de l’histoire forment la vraie théorie d’après laquelle on doit juger l’importance des forteresses de seconde et troisième ligne. Landrecies , situé à la naissance de la navigation de la Sambre , et à portée d’un pays très fertile, serait un dépôt pour approvisionner une armée vers la basse Sambre, et formerait un centre de réunion très intéressant, si l’on exécutait vers l’Oise et l’Escaut des communications navigables aussi utiles au commerce qu’à la défense du pays. Cette place s’oppose, d’ailleurs, aux incursions que l’ennemi pourrait tenter à la faveur de la forêt de Mormal. On avait percé depuis peu, dans cette forêt, des routes perpendiculaires à la frontière. Le vice de cette disposition a été heureusement senti et corrigé. On ne saurait trop répéter qu’aucuns travaux de ce genre sur les frontières ne sont indifférents à leur défense. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.J 411 412 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. protège les positions d’armée à prendre successivement derrière ces rivières. Sedan acquiert plus d’importance encore par la faiblesse des places et postes qui sont en avant. Sa proximité de Mézières la rend susceptible de lui donner, comme d’en recevoir, des secours. Cette propriété est renforcée par la chaussée qui, en suivant la rive gauche delà Meuse, établit derrière cette rivière la communication de ces deux places. On n’en peut dire autant de la route de Sedan à Montmédy, par Carignan, ni de celle qui, s’étendant de droite et de gauche de Verdun, vient aboutir, d’un côté, à Stenay, et de l’autre à Saint-Mihiel . Toutes considérations militaires ont été mises à l’écart dans la construction de ces deux routes, et l’on dirait qu’en les dirigeant l’une et l’autre sur les rives droites du Chiers et de la Meuse, on ait voulu interdire à nos armées toute communication derrière ces deux rivières, tandis qu’on facilitait et qu’on assurait les mouvements qu’un ennemi pourrait faire pour nous attaquer clans cette partie. Cette faute très grave dans le système défensif de cette frontière , aurait pu être évitée sans s’écarter du but de l’utilité civile. Montmédy. Malgré le vice de sa disposition et le peu de capacité de son intérieur, cette place forme une tète de frontière très importante à conserver en bon état. I.ongwy . Jusqu’à ce que les moyens défensifs de cette frontière aient été rectifiés, Longwy, qui en occupe la tête, mérite d’autant plus d’attention et de soins, qu’opposée à Luxembourg elle n’en est qu’une bien faible rivale. Thionville. Cette place, qui présente un appareil de fortifications très imposant, est d’autant plus nécessaire, qu’elle est située dans la partie la plus accessible de cette frontière. Trêves et Luxembourg sont deux points d’appui, deux grands dépôts capables de fournir tous les secours, tous les besoins d’une armée qui tenterait une invasion par l’une des deux rives de la Moselle. La direction de cette rivière, qui coule perpendiculairement à la frontière, offrirait à l’ennemi qui suivrait l’une quelconque de ses rives, l’appui toujours certain de l’un des flancs éclairer l’avenue la plus accessible de cette place. Carignan. Ce poste intéressant, et qui fait l’appui de la communication de Sedan à Montmédy, eût été situé plus avantageusement sur la gauche du Chiers, considéré comme ligne défensive. Stenay. On regrette que cette ville ne soit qu’un poste sur la Meuse. Ses fortifications et sa citadelle, rasées, reconstruites et démolies de nouveau, attestent son importance, fondée sur le besoin d’un point d’appui entre Sedan et Thionville. Situé dans un pays abondant en subsistances, ce poste, susceptible d’une grande étendue, pourrait devenir une place d’entrepôt très utile ; et Montmédy, qui serait son corps-de-garde avancé, en deviendraitplus respectable. Verdun. Grande place dont la conservation est précieuse par la faiblesse de la première ligne; c’est le seul point véritablement résistant sur un es-ace déplus de vingt lieues, depuis edan jusqu'à la Moselle. Elle peut servir d’entrepôt pour approvisionner toutes les places inférieures de la Meuse. Elle protège, avec Metz, tout le pays entre la Meuse et la Moselle. M. de Vauban ne proposa [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791. | 413 PREMIÈRE CLASSE. de sa position; mais il ne conserverait cet avantage que jusqu'à Thionville, parce que cette place, qui maîtrise la Moselle, donnerait à nos troupes, supposées sur la défensive, la faculté de se tenir sur la rive de cette rivière, opposée à celle qu’occuperait l’ennemi, de la passer et de la repasser à leur gré, pour le prendre en flanc, pour attaquer ses derrières, ou pour intercepter ses convois. Il serait donc forcé de faire le siège de cette place ; et c’est comme premier centre de force, destiné à protéger la défensive ou à faciliter l’action de notre armée sur celle de l’ennemi, que Thionville mérite toute l’attention du gouvernement. Metz. Cette place est un centre de force et d’approvisionnement pour toute la frontière, depuis les Vosges jusqu’à Givet. Destinée au même objet que Thionville, elle a sur celle-ci davantage d’une force bien plus imposante. D’ailleurs, elle protège, conjointement avec Verdun, une {>osition d'armée derrière l’Orne, es rivières qui y affluent et les bois qui s’étendent jusqu’à la Meuse. Personne ne doute de l’importance de Metz; mais ce que tout le monde ne sait peut-être pas assez, c’est que les grandes places de ce genre sont détestables, lorsqu’elles ne sont pas excellentes; qu’elles ne supportent pas la médiocrité; et que la destinée de ces étaies colossales de la force publique est, lorsqu’elles viennent à se rompre, d’ébranler, par leur chute, les États qu’elles devaient affermir par leur résistance. Metz, par sa position, par son importance militaire, justifie les grands moyens de défense qu’on y a réunis; mais il suffirait d’en avoir négligé quelques parties pour rompre l’équilibre des forces de cette place et pour en rendre l’appareil inutile et même dangereux. Sa perfection doit être un des premiers objets de l’attention de l’administration de la guerre. DEUXIÈME CLASSE. jamais d’abandonner cette place, même lorsque nous étions maîtres de Luxembourg; cependant elle s’est trouvée comprise dans une liste de proscription publiée par le conseil de la guerre, en 1788, et appuyée sur de prétendus fragments du maréchal. Pour montrer avec quelle circonspection on doit s’autoriser de l’autorité d’un grand homme, il suffit de dire en quoi consistait la méprise du conseil de guerre; c’est que tout simplement il prenait Verdun-sur-Meuse pour Verdun-sur-Saône. Rodemaken. Corps de garde avancé de Thionville, destiné à surveiller la rive gauche de la Moselle et les partis détachés de la garnison de Luxembourg. Sierck. Ce poste, qui a le même objet que Rodemaken, le remplit avec moins d’avantage, étant situé sur la rive droite de la Moselle : il occupe la communication de Thionville à Trêves Sarrelouis . Point d’appui important sur la Saare, qui forme la ligne de défense du pays vis-à-vis le Palatinat. TROISIÈME CLASSE. Toul et Nancy. L’importance de ces deux places est devenue presque nulle, militairement parlant, depuis la réunion de la Lorraine à la couronne. Il est à désirer qu’elles soient longtemps inutiles; mais la seule possibilité du contraire suffit pour ne pas détruire des masses de fortifications qui ne nuisent à personne, et qui, dans des temps malheureux, peuvent devenir des ressources précieuses. Marsal. Cette place, entre Metz et Phals-bourg, ne présente qu’une utilité probablement très éloignée, mais suffisante pour ne pas la détruire. 414 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] PREMIERE CLASSE. Cette place, située à dix lieues de Thionville et à quinze de Bitche, serait insuffisante pour en imposer sur une aussi grande distance, si l’on ne comptait avec raison sur les obstacles naturels très multipliés sur cette frontière. Cette place est essentiellement nécessaire à la communication des places de la Moselle, à celles du Bas-Rhin, telles que Wissembourg, Lauter-bourg et Landau. En cas de guerre, sa liaison avec Bitche serait d’autant plus assurée, que l’on occuperait le poste de Sarreguemines, situé sur la Saare, au point où cette rivière se replie pour longer la frontière. Bitche. Son château , quoique très fort, est insuffisant pour faire respecter une position aussi importante ; on pourrait, sans de grandes dépenses, réaliser les projets relatifs à cette place, en occupant et fermant d’abord une enceinte spacieuse, et se réservant les moyens de la perfectionner avec le temps. Cette place, 3ui termine la défense du pays, epuis la Moselle aux Vosges, a des rapports essentiels avec Landau et nos autres places du Bas-Rhin ; elle couvre un débouché qui conduit à la première par la vallée d’Anneveillers, et deux chaussées construites à travers les Vosges, vers Wissembourg et Haguenau. Ces communications sont , sans doute, très utiles au commerce ; mais, comme elles rompent l’équilibre de la défense, il est nécessaire de le rétablir en renforçant le point d’appui, qui est Bitche; il protégerait alors l’excellente position d’Aspelcheit, qui domine sur ces trois communications. Landau et dépendances . La plaine fertile entre les Vosges et le Rhin n’offrant qu’une largeur de 5 à 6 lieues, l’idée de fermer par des lignes l’entrée de ce pays abondant a dû se présenter d’autant plus naturellement, qu’indé-pendamment de la faculté d’assurer les flancs de ces lignes avec solidité, elles devaient encore jouir de l’avantage d’être protégées par une place capable de ia plus grande résistance. C’est ce que l’on a fait; et l’on doit avouer que les lignes de la Queiche, fortifiées par des villages retranchés, par des marais en avant d’elles, par les inondations de la rivière, sont aussi parfaites que puissent l’être des retranchements continus de 5 lieues d’étendue dont il faut garder tout le pourtour, en s’affaiblissant par DEUXIÈME CLASSE. Wissembourg; et dépendances. Cette place, qui occupe avantageusement une communication vers Bitche, à travers les Vosges, appuie la gauche des lignes de la Lauter, qu’il serait difficile de tourner par la montagne; elle ferme en même temps celle des communications de Landau à Strasbourg, qui serait la plus favorable à la marche d’une armée. Les lignes de la Lauter, défendues par Wis-sembourg dans leur partie la plus accessible, occupent jusqu’à Lau-terbourg, sur le Rhin, la sommité du ravin dans lequel coule la rivière de Lauter; elles ont tous les inconvénients que j’ai reprochés aux lignes en général, sans avoir les avantages qui distinguent celles de la Queiche. TROISIÈME CLASSE. [Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [24 mai 1791.J 415 PREMIÈRE CLASSE. un développement immense, et qui finissent toujours par être percés, parce que l’ennemi, maître de son secret et de ses mouvements, simule, s’il le faut, vingt attaques; et, réunissant réellement tous ses efforts sur des points déterminés que lui seul connaît, il est impossible qu’il n’en emporte pas quelques-uns ; car l’obligation où sont les défenseurs de faire face partout les met dans la nécessité de n’être en force nulle part. Je pense donc que ce n’est point sur ce grand appareil des lignes de la Queiche, qu’il faut fonder la défense de cette partie de notre frontière, mais bien sur l’excellente position que peut prendre notre armée entre Landau et la montagne ; c’est là que, concentrant ses forces dans un petit espace, appuyée à la montagne et à la forteresse, couverte par la gauche des lignes, conservant la communication avec Bitche par la gorge d’Albersveiller, et n’ayant à défendre qu’un front de peu d’étendue sous la protection d’une grande place; par le fait seul de sa position, elle réduirait l’ennemi à l'inaction, ou le forcerait à l’entreprise dangereuse d’attaquer une armée retranchée dans l’état le plus redoutable. C’est en cela que consiste la principale importance de Landau; telle est la véritable utilité des forteresses ; et c’est sous ces rapports trop méconnus, qu’elles doivent toujours être considérées dans l’étude de l’art de la guerre. Au surplus, Landau réunit à la propriété de couvrir les places du Rhin et les passages des Vosges celle d’occuper une position très favorable à l’offensive, moyen précieux à la guerre lorsqu’on peut agir en force, et que n’exclut point le système conservateur. Strasbourg. Grand dépôt, arsenal immense, parfaitement situé pour la défense de toutes les places du Rhin, et pour agir offensivement sur la rive opposée. Ce fleuve, ainsique les rivières d’Ill et de Brusch, rendent les approches c!e cette place très resserrées, lui forment un excellent camp retranché, et procurent des eaux abondantes pour la défense de presque toutes les parties attaquables. Si, malgré sa haute importance , et tous les moyens défensifs, Strasbourg n’a-yait pas encore acquis le degré de DEUXIÈME CLASSE. Lauterbourg . Cette place, très bien située auprès du Rhin pour appuyer la droite des lignes de la Lauter, n’est, dans ce moment, qu’un poste fort dégradé, et qu’il convient de rétablir ; c’est, d’ailleurs, un appui fiour les troupes destinées à dé-endre ou à surveiller le passage du Rhin. TROISIÈME CLASSE. Fort-Louis du Rhin. Le caractère particulier qui distingue cette place, c’est de réunir éminemment les propriétés offensives ; c’est un énorme magasin, capable de contenir en sûreté tous les besoins possibles d’une armée, et qui, menaçant sans cesse l’ennemi, l’oblige à partager ses forces et son attention entre ce point et Strasbourg, d’où il arrive qu’il est faible partout. En occupant cet emplacement, nous eu privons l’ennemi, qui pourrait s’y établir et en tirer les plus grands avantages pour passer le Rhin; ce qu’il ne eut faire avec la même facilité, à eaucoup près, dans tous les points intermédiaires à Strasbourg et Lau-terbourg. Cet exposé suffit, je pense, pour répondre aux doutes de quelques militaires qui sont tentés de nier l’utilité du Fort-Louis, et pour prouver qu’il serait également impoli tique et imprudent d’abandonner cette place. La Petite-Pierre. Ce poste se lie avec le château de Lichtemberg et avec Phalsbourg, pour la défense de cette partie des Vosges dans laquelle tous les trois ils sont situés. 11 occupe le nœud de 5 routes, dont une se dirige sur Phalsbourg, une sur Strasbourg , une surHaguenau, une sur Bitche, et la cinquième sur Bouquenom et Sarreguemines ; mais sa destination particulière est de couvrir un passage de la gorge d’ingweiller. Phalsbourg. Cette place qui, vers le centre des Vosges, occupe le principal passage qui conduit de Strasbourg à Metz et à Nancy, est très propre à arrêter l’ennemi qui voudrait traverser les Vosges, soit après s’être rendu maître de la plaine du Rhin, soit après avoir franchi la Saare. Magnenau. On regrette les principaux moyens de défense de cette place, dont l’objet est de protéger, derrière la Motter, une armée sur la défensive, que sa faiblesse force à se replier et à prendre successivement différentes positions rétro-rades. En pareil cas, il serait in-ispensable d’occuper et de renforcer Haguenau , ainsi que le poste de Drusenheim, à l’embouchure de la Motter, dans le Rhin. Lichtemberg . Depuis l’ouverture d’une route d’Haguenau à Bitche, Lichtemberg, qui fermait un passage des Vosges, est devenu à peu près inutile. Cependant , si en temps de guerre l’on parvenait à masquer ou à détruire cette première communication, alors Lichtemberg, reprenant sa valeur, remplirait très bien sa destination. Scfaclestaclt. Cette place, située sur l’IU, et occupant un point intermédiaire à Strasbourg et Neuf-Brisach, pourrait 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.J PREMIÈRE CLASSE. perfection qui lui est nécessaire et dont il est susceptible, nous ne pourrions que répéter ici ce qu’à l’occasion de Metz nous avons dit des grandes places, et retracer les motifs pressants qui doivent engager le gouvernement à les couvrir de toute sa surveillance. NI euf-Brisacli . Cette place est le point d’appui de la plaine entre 1T1I et le Rhin, depuis Huningue jusqu’à Strasbourg. Située en face du vieux Brisach, à une demi-lieue du Rhin, c’est une sentinelle chargée de veiller sur les mouvements de l’ennemi qui tenterait de passer ce fleuve par sa droite ou par sa gauche, ou en avant d’elle. Huningue. Cette place tient, avec Belfort, la tète du pays compris entre le Rhin et les Vosges; elle occupe un passage de ce fleuve, qui a servi plusieurs fois aux Impériaux avant l’établissement de cette forteresse, et qui, depuis sa construction, nous donne la faculté d’entrer d’autorité dans l’Empire; elle se lie avec Neuf-Brisach pour soutenir les détachements destinés à surveiller le passage du fleuve entre ces deux places. Huningue nous offre encore un grand exemple de l’utilité des forteresses dans l’offensive. Ce fut sous la protection du canon de celle-ci, et en présence de l’armée ennemie, que le maréchal de Villars passa le Rhin pour aller battre les Impériaux à Frede-lingue. DEUXIÈME CLASSE. rendre inutile le passage du Rhin entre ces deux places ; mais la pro-E ri été la plus avantageuse de chelestadt , c’est d’appuyer l’importante position de Chatenoi, qui couvre deux grandes communications dans l’intérieur du royaume à travers les Vosges, l’une par la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, l’autre par le Val-de-Villé. Landskroon. Poste avancé, dont l’objet est de garder les débouchés qui mènent sur les derrières de la position de la Birsen. Cette position, entre le Rhin et les gorges des extrémités des Juras, sur la rive gauche de la Birsen, est la meilleure que nous pourrions prendre, dans l’hypothèse qu’une armée d’impériaux eût passé le Rhin au-dessus de Bâle par les villes forestières, et cherchât à pénétrer dans le royaume, soit à travers la montagne, par Porentruy, soit par la plaine, en suivant la gauche du Rhin; mais, dans ce dernier cas, il faudrait qu’elle commençât par le siège d’Huningue. Belfort. Cette place peut, à toute rigueur, soutenir le premier effort de l’ennemi ; car si, après s’être emparé de la position de la Birsen pour assurer ses derrières, il s’avançait par le chemin de Bâle à Porentruy, arrivé à ce dernier point, il pourrait se porter de là, ou vers le Doubs, ou dans la plaine au pied des Vosges; mais, dans ces deux suppositions, il serait obligé d’assiéger Belfort, qu’il n’oserait pas laisser ni derrière lui ni sur ses flancs ; d’où l'on voit que l’attaque de cette place peut avoir lieu, sans exiger de la part de l’ennemi aucun siège préliminaire, si ce n’est tout au plus le blocus d’Huningue. L’étendue de Belfort, et ses moyens défensifs, ne répondent pas à son importance dans l’hypothèse que nous venons de faire; mais cette place comporte l’établissement d’un camp retranché, peu étendu, facile à défendre; et, dans cet état, elle serait un point très respectable. D’ailleurs, si l’on vient à réaliser le TROISIÈME CLASSE. Mortier {Fort). C’était la tête de l’ancien pont qui communiquait au vieux Brisach. Sa destination ayant changé, on l’a retranché par la gorge, pour s’opposer au passage du fleuve. Ce retranchement est tout ce qu’il y a d’utile dans ce poste; et encore cette utilité ne dédommage pas la dépense qu’on y fait, pour le garantir des ravages du Rhin. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.) 417 PREMIÈRE CLASSE. Besançon. Cette place, quoique éloignée de 10 lieues de la frontière, est l’entrepôt et le magasin des forces à répartir pour la défense des Juras, et la seule ressource après la perte des postes de ces montagnes; elle est le centre des communications avec la Suisse, le Neuf-Châtel et les places du Haut-Rhin. Un ennemi qui voudrait pénétrer plus avant ne pourrait se dispenser d’en faire le siège, afin de s’assurer ses subsistances; et comme ce siège ne pourrait commencer que fort tard, il convient que cette place soit en état de résister jusqu’à la fin de la campagne. Il est même possible qu’elle soit attaquée avant toute autre, car l’ennemi, maître du plateau du Rangier, ainsi que du Po-rentru, dont il tirerait ses subsistances, pourrait passer le Doubs à Sainte-Ursanne ; et de là, suivant les plateaux de la Franche-Mon-tagne, entre les directions du Doubs et du Dessoubre, laissant à sa droite Blamont, qui ne pourrait lui nuire, il pénétrerait, comme le duc de Weimar, jusqu’à Mortau, d’où une route est ouverte sur Besançon. C’est aussi par Mortau que cette place communique avec Neuf-Ghâ-tel, sans aucun poste intermédiaire, mais par un chemin difficile sur les montagnes. L’Écluse (Fort). C’est à ce point que se termine la chaîne du Jura, barrière imposante, et dont les débouchés peuvent être facilement gardés par des postes. Depuis la gorge de Jougne, il existe deux passages accessibles et nullement protégés : l’un est celui de Morey et des Rousses, l’autre est dans la vallée de Mi-joux; tous deux aboutissent à Genève par le pays de Gex. Ces deux DEUXIÈME CLASSE. projet également grand, utile et beau, d’unir les navigations du Rhin et du Rhône par le moyen des rivières qui y affluent, le canal qui, selon ce projet, serait destiné à communiquer de l’Ill au Doubs, formerait, en avant de Belfort, un obstacle qui ajouterait beaucoup à l’influence que j’ai dit que celte place pouvait avoir sur la défense de cette partie de la frontière. Blamont (Château de). Ce poste, qui occupe un grand rentrant du Doubs, à portée des débouchés des pays de Monlbeil-lard et de Porentru, est situé pour remplir un objet important dont son peu de capacité ne le rend pas susceptible ; mais il appuierait très bien un camp retranché auquel l’industrie militaire pourrait donner, à peu de frais, toute la valeur d’une place de guerre, et qui, dans cet état, serait capable de soutenir et d’approvisionner nos positions dans le pays de Porentru, et protégeant la défense du Doubs en avant du Pont-de-Roide, forcerait l’ennemi à se rejeter sur Belfort. Joux (Château de). Depuis Morteau, les Juras ne sont accessibles que par la vallée de Verrière, vers le Neuf-Châtel , et par la gorge de Jougne, qui, depuis longtemps, est la route de la Suisse. Ces communications se réunissent au château de Joux, qui les découvre très bien, et masque ainsi le chemin vers Pontarlier et Besançon. Cette destination fait désirer un poste plus étendu ; et peut-être serait-il plus convenable d’en établir un autre à Jougne, origine du débouché; d’autant mieux que celui-ci couvrirait en même temps une route ouverte depuis quarante ans, qui, partant de ce point, et laissant sur sa droite, le château de Joux, se dirige sur Salins et autres villes des environs. TROISIÈME CLASSE. Auxonne. Cette place, qui, dans ce moment, n’a rien de recommandable que l’école et l’établissement d’artillerie qu’elle renferme, ns serait même pour l’avenir, et après de grands revers, qu’une ressource bien faible. Salins et dépendances . Cette place ne couvrant pas des communications nécessaires est de peu d’importance, mais elle n’est qu’à 8 lieues de la frontière, et cette considération doit suffire pour empêcher sa démolition. lre Série. T. XXYI. 27 413 { Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. roules peuvent être aisément rompues et devenir incommunicables. Tant qu elles seront bien défendues, ou lorsqu’elles seront détruites, au point qu’il devienne impossible d’en faire usage, il ne restera sur cette frontière qu’un accès praticable : c’est celui de la grande route de Genève à Lyon. Le fort l’Écluse, dont l’objet est de découvrir et de garder ce passage, remplit faiblement celte seconde destination, parce que ce petit poste, plaqué contre la croupe du Crédo, dernière montagne du Jura, manque de capacité, et n’est pas susceptible d’en acquérir, et parce qu’on peut avec facilité passer le Rhône au-dessous de lui, surtout vers le point où ce fleuve se perd ; ce qui fait désirer de voir dans cette partie un poste plus respectable en conservant néanmoins le fort l’Ecluse qui communiquerait avec celui dont je viens de parler. Pierre-Châtel . Depuis le fort l'Écluse, le Rhône fait la limite du royaume sur un développement de 15 lieues : c’est sans doute une forte barrière, surtout eu égard aux difficultés du pays sur ses deux rives; mais il existe des ponts et des passages faciles sur le Rhône, et la nature n’a pas assez fait pour la défense d’une aussi grande étendue de frontière. La sûreté du pays, et particulièrement celle de Lyon, exigent un entrepôt, un point d’appui imposant pour soutenir les postes à établir sur les principaux débouchés. La chartreuse de Pierre-Châtel est le seul établissement existant susceptible de quelque défense ; elle a toujours été considérée comme poste militaire; et avec peu de dé pense, elle remplirait très bien cette destination, si elle se trouvait sous la protection d’une place principale qu’il conviendrait peut-être d’établir vers le débouché de Seissel, pour soutenir tous les postes de cette frontière. Barraux {Fort). Entre cette place et le point où le Rhône, se joignant au Guiers, entre dans le royaume , la frontière forme un grand rentrant irrégulier d’environ 10 lieues de développement, dont le fort Barraux occupe la partie la plus avancée vers la droite. Cet espace est entièrement dépourvu de moyens de défense, quoiqu’il y existe deux communications très ouvertes de la Savoie en France, savoir : celle du pont de Beauvoisin et celle des Échelles. Il conviendrait de couvrir cha-[24 mai 1791.) TROISIÈME CLASSE. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] 419 PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. cun de ces débouchés par des établissements capables d’en imposer, et de soutenir la défense intermédiaire de la frontière. Le fort Barraux a peu de capacité; mais il est susceptible d’augmentation : sa position, à la tête de la vallée du Grésivaudan, lui donne une grande importance; et quoiqu’il eût pu mieux masquer la route sur la rive droite de l’Isère, la manière dont il remplit cette destination fait regretter qu’aucuns établissements militaires ne protègent ni la communication qui longe la rive gauche de celte rivière, ni un autre débouché par lequel on pourrait éviter la vallée et la défense de Grenoble. Grenoble. Place essentielle qui occupe la vallée du Grésivaudan, pays fertile et rempli d’un grand nombre de communications dont Grenoble est le centre. Cette place est l’arsenal et le dépôt des forces de cette frontière. Un site ingrat empêche que les moyens défensifs de cette forteresse soient proportionnés à son importance; mais l’on peut et l’on doit y suppléer, soit par des postes sur la montagne, soit par des opérations sur le cours de l’Isère, qui seraient aussi profitables à l’agriculture qu’à la défense de la place. Ce dernier moyen est d’autant plus précieux qu’il est rare de pouvoir l’employer dans des pays de montagnes . Briançon. Depuis le fort Barraux jusqu’au mont Genève, sur les confins de la Savoie et du Piémont, et en avant de Briançon, la limite de la frontière suit la sommité des Hautes-Alpes. Deux gorges donnent des débouchés praticables vers le bourg d’Oisans, l’un par la vallée de l’Olle, et l’autre par le col des Perches. Il est facile et d’autant plus nécessaire de les intercepter, que tous deux ils aboutissent à la petite route qui conduit de Grenoble à Briançon par la vallée de Romanche, et par celle du Monestier. L’objet de Briançon est non seulement de masquer cette dernière, mais encore celle de la Durance, qui est bien plus importante, parce qu’elle renferme la grande route de Turin et du Piémont. Ce débouché est bien occupé, au moyen dos ouvrages qui existent sur les hauteurs accessibles près de Briançon. Cette place, très essentielle, réunit les principales propriétés qui doivent caractériser les forteresses dans les hautes montagnes; savoir : de Valence. Cette place, quoique trèsi eculée de la frontière, et n’offrant qu’une utilité militaire très éloignée, peut être un lieu commode de dépôt en temps de guerre, et renfermer alors de grands établissements d’artillerie qu’il convient d’assurer. Ces considérations suffisent pour empêcher de la détruire. 420 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. maîtriser un passage nécessaire, et d’être capable de résister au moins pendant trois mois, intervalle ordinaire entre la fonte des neiges et leur reproduction. Queiras . Ce n’est pas la partie la plus élevée des Alpes françaises qui est la plus dépourvue de débouchés praticables ; mais ils sont tous déterminés et inévitables. Le fort de Queiras ferme deux vallées, dans l’une desquelles existe une autre communication qui, le long du Guil, et par le col de la Croix, conduit en Piémont. Mont-Dauphin . dette place, très bien défendue dans sa partie accessible, masque les vallées do la Durance et du Guil, ainsi qu’un chemin venant du haut de la vallée de Barcelonnette par Mélezen et Saint-Marcelin. G’est par celui-ci que l’on pourrait arriver sur Mont-Dauphin, en évitant Queiras et Briançon. La route de cette dernière place à Mont-Dauphin est très favorable à toutes deux, elle a surtout pour Briançon l’avantage de lui assurer ses approvisionnements dans le cas où sa communication avec Grenoble serait interceptée. Mont-Dauphin est une place très forte et très importante qui maîtrise supérieurement les deux principales communications de la France avec le Piémont; savoir : celle par le mont Genève, et celle par le col de la Croix. Une spéculation anti-militaire a failli lui faire perdre tous ces avantages : sans la fermeté de quelques bons esprits, et surtout sans des événements q_ui, en attirant l’attention universelle, ont dérangé les combinaisons particulières des hommes à projets, cette faute impardonnable serait peut-être consommée. (V. ci-après l’art. Barcelonnette.) Embrun . Sur la Durance, au-dessous du Mont-Dauphin ; cette place, dépôt central pour toute cette frontière, remplit l’objet particulier de très bien défendre la vallée de Crevaux, par laquelle l’ennemi pourrait, à toute rigueur, depuis la vallée de Barcelonnette, joindre la Durance en évitant Saint-Vincent. Saint-Vincent et vallée de Barcelonnette. Ce poste, qui garde le bas de la vallée de Barcelonnette, se trou- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] m PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. vait à la tête de la frontière avant l’acquisition de ce petit pays, qui, n’ayant que des défenses de position, laisse au fort Saint-Vincent sa destination première. Elle n’a jamais été parfaitement remplie, puisque vers le hautet à lagauche de la vallée, il existe des passages par lesquels on peut se porter sur la Durance à Mont-Dauphin, à Embrun, même au-dessous, d’où résulte la nécessité de défendre la vallée en occupant des positions. Le maréchal de Berwick nous a fait connaître la valeur de celle de Tournoux, au-dessus de Barcelonnette et derrière l’Uhaye; c’est un camp excellent, capable de défendre en même temps tous les débouchés sur la Durance , mais qui, pour bien remplir cette destination, a besoin d’une certaine étendue, et d’être protégé par des ouvrages permanenis. Il sera d’autant plus imposant et plus sûr, que le chemin de la vallée qui, le long de Lubayette, et par le col de l’Argentière , conduit en Italie , offrira plus de difficultés à l’ennemi pour le passage d’un corps de troupes et le transport de ses besoins. Il est donc très désirable que ce chemin, qui, dans son état actuel, n’est propre qu’à des bêtes de charge, ne devienne ni plus aisé ni plus praticable. C’était cependant ce même chemin que l’on voulait transformer en une grande route qui nous ouvrirait l’accès sur Démont et les autres places du comté de Nice, et qui faciliterait notre commerce avec l’Italie; comme si nous pouvions nous ménager la faculté de pénétrer dans un pays étranger, sans donner réciproquement le même avantage contre nous; comme s’il importait tellement au commerce de la Provence, dont les débouchés sont si multipliés, de s’en procurer un de plus ; que pour y parvenir, il fût nécessaire d’anéantir la valeur défensive de deux de nos principales forteresses, Briançon et Mont-Dauphin, et" de nous jeter dansla dépense delà construction d’une place nouvelle à Tournoux. Quelles combinaisons ! Seine . En cas de guerre, et dans l’état où se trouve la vallée de Barcelonnette, elle aurait besoin de Seine pour protéger ses approvisionnements. Cette vue, quoique éloignée, suffit pour ne pas détruire le peu de moyens militaires qui existent dans Seine. SIsteroir . Cette place est très propre à contenir les dépôts militaires pour la défense des Hautes-Alpes, ainsi que pour protéger les communications sur les deux rives de la Durance. Colmar. Ce poste, qui protège plusieurs débouchés du comté de Nice, servirait très utilement de point d’appui aux différents détachements qui défendraient ce pays très difficile, tant du côté de Barcelonnette que dans la fertile vallée du Verdon. Il aurait besoin d’être soutenu par un poste qu’il convient d’établir à Allos, pour masquer le débouché du col de Ses-trières. 422 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.) PREMIÈRE CLASSE. Antibes . Cette place est un asile sur la côte; elle se présente en première ligne sur la frontière de terre ; elle est l’entrepôt pour la défense des débouchés du Var; et, en les supposant franchis, elle devient un appui de position dans un pays très difficile, entre les montagnes et la mer. Toulon et dépendances. Grand dépôt infiniment précieux pour la guerre, la marine et le commerce, qui ne saurait être protégé par des moyens trop puissants. Les différents forts sont destinés à intercepter toutes ses avenues. Il est possible, il est même nécessaire, d’en étendre les propriétés, de manière que cette place se trouve de tous côtés à l’abri du bombardement. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. Entre vaux. Depuis Colmar jusqu’à Entrevaux, le pays est extrêmement difficile, et présente d’ailleurs de bons moyens de défense derrière la Yaire et le Verdon; mais Entrevaux sur le Var occupe un débouché très important. Il serait à désirer que, pour mieux remplir sa destination, cette place eût assez de capacité pour devenir l’entrepôt de cette partie de frontière, qui présente toujours les mêmes difficultés le long de l’Esteron et du Var. Ce n’est que vers l’embouchure de cette dernière rivière que plusieurs passages, et notamment celui de Saint-Laurens, offrant à des armées un accès plus facile, nécessiteraient un état de dépense plus respectable que celui qui existe. Sainte-Marguerite {Les îles/. Ces îles, à l’entrée de l’anse ou golfe Jean, derrière Antibes, sont intéressantes à occuper pour protéger la navigation contre les corsaires, et pour ôter à un ennemi plus puissant la facilité d’agir sur nos côtes. Celle dite particulièrement Sainte -Marguerite est inculte ; mais elle a, sous la protection de son fort, un petit port capable de recevoir les plus gros vaisseaux; l’île Saint-Honorat, qui est productive et cultivée, a une très haute tour pour la protection de ses habitants ; mais elle n’est abordable que pour des bateaux. Salnt-Tropès . C’est une pépinière de pêcheurs et de matelots qu’il est bon d’entretenir pour la conserver à l’abri d’insulte. Hyères {Les îles d’). Celle de Portcros, en avant de la place d’Hyères, dont elle défend les approches, offre un bon asile aux vaisseaux marchands sous la protection d’un château ; trois autres tours sont placées sur différents points de son circuit. L’ile Porquerolles occupe la droite delà plage d’Hyères, à 7 lieues en avant de Toulon, ce qui rend son mouillage important ; il est défendu par un fort et trois autres tours protègent ses anses, qui peuvent servir de refuge» Le fort de Brégançon, situé sur un roc isolé de la terre ferme, défend le côté gauche de la plage. Toute cette utile disposition doit être entretenue. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] 423 PREMIÈRE CLASSE. Marseille ( Les forts de). Deux forts qui défendent l’entrée du port, et un troisième assis sur une position élevée qu’il serait dangereux de laisser occuper à l’ennemi, présentent des moyens plutôt faibles que suffisants pour protéger une ville aussi importante par sa population que par ses richesses et ses relations commerciales. L’insurrection qui a failli les détruire ne doit donc être considérée que comme l’élan d’une liberté naissante, inquiète et peu éclairée sur ses véritables intérêts, et ne doit point influer sur le rang que nous assignons à ces remparts tutélaires d’une des plus belles et des plus précieuses de nos cités. Son mur d’enceinte, extrêmement dégradé dans plusieurs de ses parties, serait à peu près nul, comme moyen défensif, et l’on doit ajouter que l’utilité de son rétablissement n’équivaudrait pas à la dépense qu’il occasionnerait. Userait peut-être plus simple de travailler à interdire toute idée de débarquement à portée de la ville ; car la descente effectuée à une certaine distance serait, pour l’ennemi, une entreprise dangereuse par la multiplicité des obstacles naturels qu’il aurait ensuite à franchir, et par la facilité de défendre les approches, au moyen des clôtures de chaque propriété particulière. Trois petites îles, occupées par des forts, couvrent le port et le mettent à l’abri d’un bombardement par mer. Ces îles servent aussi de refuge aux navires qui ne seraient point en sûreté dans la rade par de gros temps. DEUXIÈME CLASSE. Saint-Esprit (i Citadelle du). La construction légère et hardie d’un pont de 4S0 toises de longueur, qui forme une des principales et des plus importantes communications de l’intérieur, exige impérieusement des précautions de police qui pourraient n’être pas toujours observées sans une force capable de les faire respecter. La citadelle, du Saint-Esprit peut être le dépôt de la garnison destinée à cet objet ; et si ce motif de conservation n’était pas jugé suffisant, on observera que de Lyon aux Bouches-du-Rhône, il n’existe pas un seul fleuve que celui du Saint-Esprit; et que quelque improbable que puisse être l’hypothèse d’une invasion dans le sud-est du royaume, il suffit qu’elle soit dans l’ordre des possibilités, pour conserver une forteresse d’un modique entretien, et dont la suppression pourrait nous réduire à la désastreuse alternative ou d’ouvrir l’entrée des provinces méridionales à une armée ennemie, ou de détruire un des plus utiles monuments des arts. Aigues-Mortes. De Marseille aux embouchures du Rhône, et jusqu’à Aigues-Mortes, la côte ne présente aucun point important, si ce n’est le port de Bouc, défendu par un fort à l’entrée de l’étang de Berre ou de Mar-tigue. En détournant une des embouchures du Rhône, qui ensable ce port, il pourrait devenir très utile à la navigation. Aigues-Mortes, port célèbre dans notre histoire, n’est aujourd’hui qu’un poste très bien fermé, rendez-vous des gardes-côtes, et dépôt militaire de cette partie de la frontière. Ce port, actuellement à TROISIÈME CLASSE. Alais ( Fort d’). Ce poste n’a point d’utilité militaire; mais on a pensé qu’il pourrait, au besoin, devenir le point d’appui d’une garnison destinée à protéger le dépôt et le marché très fréquenté des soies du pays, ainsi que la tranquillité publique dans ces cantons voisins des Cévennes. C’est à quoi Ton réduit la force in-rieure dans cette partie du royaume, en abandonnant entièrement tous les autres postes qui n’ont aucun rapport à la défense de la frontière. La liste en est à la suite de ce résumé , et Ton pourra y ajouter le fort d’Alais, pour peu que Ton désapprouve les motifs assignés à sa conservation. Peccais. Poste très malsain, mais qui protège près de la mer les marais salants dont il est entouré. 424 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. Cette (Les forts de). Leur objet est de défendre la plage, le port, et d’empêcher de tourner la montagne qui couvre la ville. Ce port, qui est le seul débouché maritime pour les denrées d’un très grand pays, et dont la prise entraînerait celle de Montpellier, mérite beaucoup d’attention ; et peut-être conviendrait-il de rendre ses moyens de défense plus respectables. Son bassin communique à l’étang de Thau, où se termine le canal Royal . Perpignan. C’est la seule grande place sur cette frontière. Appui nécessaire pour la défensive, entrepôt bien situé pour tous les postes des Pyrénées-Orientales, même pour ceux de la côte, dont elle n’est éloignée que de trois lieues, ses communications à travers les montagnes de la Catalogne la rendent également propre à favoriser des dispositions offensives. Ces avan-DEUXIÈME CLASSE. 3,200 toises de la mer, y communique par un chenal de 12 pieds de profondeur. Ce point doit devenir très intéressant, lorsqu’on aura exécuté les projets de communications navigables, d’un côté avec Beaucaire, le marché commun des nations commerçantes, et de l’autre avec le canal royal par les canaux des étangs et le bassin de Cette. Aigues-Mortes ferait alors respecter sur cette partie la liaison intérieure du Rhône à la Garonne. Brescou (Fort). Ce fort, qui occupe un rocher isolé à 700 toises de la plage, près le cap d’Agde, est un bon poste pour défendre le mouillage, et pour protéger cette partie des côtes. On voit encore les restes d’une digue qu’on avaitcommencée sous le règne de Louis XIII, pour joindre le fort Brescou au continent. Ce ne fut qu’après y avoir dépensé 1 ,800,000 livres qu’on s’aperçut que les sables du Rhône, apportés par les vents d’est, produisaient sur la rade l’effet contraire à celui qu’on s’était proposé. A une lieue de ce port est l’embouchure de l’Hérault ou du canal d’Agde, qui remonte par cette ville jusqu’au canal Royal. Son extrémité sur la plage, souvent obstruée par une barre, est défendue par quelques batteries. L.yon (Côtes du golfe de) . La partie du golfe de Lyon, comprise entre les Bouches-du-Rhône et le cap d’Agde, est naturellement défendue par une suite d’étangs qui ont depuis 600 jusqu’à 2,000 toises de largeur et qui sont séparés de la mer par une plage extrêmement plate. Quantité de batteries et de redoutes sont placées sur cette étendue de côtes dans les parties les plus accessibles principalement aux graux ou petits canaux qui font communiquer les étangs à la mer : la plupart servent aussi pour la correspondance des signaux. Il y a plus de variété dans le reste de la côte sur la partie occidentale du golfe de Lyon : on y voit quelques escarpements, des dunes et des parties plates derrière lesquelles sont des étangs; des batteries et des redoutes y sont placées à différentes distances. En général on doit peu craindre les attaques dans le fond du golfe de Lyon, à cause des dangers de la navigation, du défaut d’asiles pour les vaisseaux qui s’y laisseraient affaler, et de la rareté des mouillages où ils puissent s’embosser TROISIÈME CLASSE. Montpellier ( Citadelle de ) . Une grande ville commerçante et très riche ne peut se passer d’un point d’appui du côté de la mer, dont elle n’est qu’à une lieue; mais comme il ne s’agit que de résister à un parti qui aurait surpris la côte, et non de soutenir un siège, il suffit de conserver en masse ce poste dont les remparts n’ont jamais été achevés, et qu'il serait aussi inutile que dispendieux de perfectionner aujourd’hui. Béziers. Il ne faut point détruire l’enceinte de cette ville, située sur une hauteur, à deux lieues et demie de la mer, et qui peut former un bon poste pour l’entrepôt des troupes destinées à la défense de la côte. Narbonne . Place maritime et en même temps de réserve pour la gauche de la frontière d’Espagne, communiquant par l’Aude au canal Royal et à la mer dont elle n’est éloignée que de deux lieues, et comme elle est susceptible aussi de communiquer aux places des Pyrénées-Orientales par un canal le long des étangs, elle peut, au besoin, former un bon dépôt militaire. {Assemblée nationale»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] m 426 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. Bayonne. Place très importante, comme entrepôt de commerce maritime, comme tête de frontière, comme centre de force, destiné à couvrir conjointement avec Saint-Jean-Pied-de-Port, tout le pays derrière la Nive, et qui, par toutes ces raisons, ne peut être maintenue sur un pied respectable. Rayonne, à une lieue de la mer, occupe le confluent de la Nive et de l’Adour. Les eaux de ces deux rivières n’ont, à leur réunion, qu’une faible pente qui ne leur donne pas la vitesse nécessaire pour entraîner les sables que la mer pousse dans le chenal et qui se déposant aux points où ces deux actions se contrebalancent, forment une barre souvent très dangereuse. Les travaux qu’on y a exécutés à diverses reprises, depuis cinquante ans, sans avoir atteint toute l’utilité qu’on en espérait, ont néanmoins éloigné et rabaissé la barre dont la formation est inévitable, mais dont le danger peut encore être diminué. DEUXIÈME CLASSE. une position qui couvrirait le siège de Saint-Jean-Pied -de-Port, soit après la perte de cette dernière place. Au moyen d’un camp retranché que la nature indique, on protégerait tout le pays jusqu’à l’Adour, en assurant les convois destinés à secourir Bayonne. Redoute d’Hendaye. Ce petit poste, près de la mer, et sur la rive droite de la Bidassoa, qui forme la limite entre la France et l’Espagne, protège contre les corsaires le bourg dont il porte le nom, et s’oppose aux incursions que pourrait tenter la garnison de Fontarabie, qui n’en est qu’à 700 toises. La conservation est d’autant plus intéressante, que la rivière guéable, à mer basse, ne saurait être considérée comme un obstacle; d’ailleurs cette redoute forme une excellente vedette pour une armée campée entre Bayonne et la frontière. Fort de Socoa. Ce fort, situé sur un rocher séparé de la côte à haute mer, défend la rade de Saint-Jean de Luz et de Siboure. Ces deux bourgs, qui fournissent quantité de matelots, exercés à la pêche de la morue et à celle de la baleine, méritent d’êtro soigneusement protégés. TROISIÈME CLASSE. pagne n’a point de places depuis Puicerda jusqu’à Pampelune; nous n’en n’avons nous-mêmes aucune sur les montagnes depuis Mont-Louis jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il n’y a sur le revers que Lourdes et Navarreins. Lourdes est un poste sur le gave de Pau, et à portée de plusieurs autres gorges. Cette petite forteresse suffirait pour contenir les partis qui auraient pénétré dans le pays. Le Château-Trompette. Une ville telle que Bordeaux ne saurait être trop en sûreté, malgré les moyens de défense qui s’opposent au passage entre Blaye et le fort Médoc ; le Château Trompette bien situé sur la rivière, en très bon état, ne devait point être considéré comme une surabondance inutile, et sa valeur très réelle s’accroissait encore de celle qu’il acquérait par l’opinion. Les militaires n’ont vu qu’avec peine cette forteresse protectrice sacrifiée à une spéculation de finance. Il est encore temps, il est peut-être nécessaire de tout rétablir : il est même permis de conjecturer que cette restauration serait praticable Dax. Ce • poste, situé sur la rive gauche de l’Adour, au-dessus de Bayonne, peut servir à la défense de la rivière entre ces deux laces, et formerait alors une onne tète de pont. Cette utilité éventuelle, quelque éloignée qu’elle puisse paraître, ne permet pas de détruire le peu de moyens défensifs que présente ce poste, qui, d’ailleurs, n’a rien à redouter du côté des Landes, par la nature même du pays. La côte des Landes et de Médoc, entre Bayonne et l’embouchure de la Gironde, exposée aux vents régnant d’Ouest, n’offrant ni motif à une incursion, ni dédommagement, ni refuge à ceux qui en tenteraient l’entreprise, est assez défendue naturellement, et par la quantité d’étangs qui se trouvent derrière la plage, et surtout par la stérilité du pays. L’entrée du bassin d’Arcachon est le seul point qui mérite d’être [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES; [24 mai 1791.] 4-27 PREMIÈRE CLASSE. Ile d’Oléron. Une population considérable, un sol fécond et bien cultivé, donnent à cetto île une valeur très réelle indépendante du mérite militaire de couvrir les approches de Ro-chefort. En comparant son utilité sous ces divers rapports, avec l’état des fortifications de la ville et du château, qui sont l’appui de la communication à la terre ferme, on trouvera peut-être que ces fortifications sont insuffisantes pour rassurer contre une invasion, ainsi que pour fournir un abri aux propriétés mobilières des habitants; et que, par conséquent, il conviendrait de renforcer les moyens de défense de cette île, non seulement en considération de sa propre valeur, mais surtout pour priver l’ennemi qui s’en serait emparé des grands avantages que lui donnerait sa position. Cette dernière remarque est applicable à toutes les îles dont il sera question ci-après. DEUXIÈME CLASSE. sans qu’il en coûtât aucun déboursé à l’Etat, en vendant les emplacements et les matériaux des forts de Haa et de Sainte-Croix qui, n’étant point sur la rivière, ne peuvent, sous aucun rapport, être utiles à la défense de ville. Fort Médoc. Ce poste, à sept lieues et demie au-dessous de Bordeaux, est destiné à défendre la passe sur la rive gauche de la Gironde. Blaye. La citadelle et le château de Blaye ont sur la rive droite de la Gironde, une destination pareille à celle que le fort Médoc vis-à-vis duquel ils sont situés remplit sur la rive gauche de ce fleuve. Les feux de ces deux postes, opposés et éloignés de 1,800 toises, se croisent avec ceux du fort de l’île de Blaye, formée par les sables, depuis euviron 180 ans, presque au milieu de la Gironde. On sent combien est importante la conservation de cette île interposée au milieu d’un passage qui, sans elle serait trop large pour être bien défendu. -On sent surtout que Blaye, son île et le fort Médoc demandent à être entretenus avec d’autant plus de soins, que la suppression du Château-Trompette serait irrévocablement prononcée. Fort Chapus. Son principal objet est de défendre les approches de la côte et de faciliter la communication avec l’île d’Oléron. Rochefort . L’art et la persévérance ont vaincu les obstacles naturels qui semblaient rendre impraticable un grand établissement militaire à Rochefort. Tel qu’existe ce port, il est nécessaire de le protéger; mais quand même les fortifications de la place seraient moins défectueuses, elles seraient encore insuffisantes, puisque plusieurs parties de l’établissement sont situées sur le bord de la Charente, extérieurement à la forteresse : d’où il suit que, pour procurer la sûreté de ce port, il est moins intéressant d’en perfectionner les remparts que d’en empêcher les approches. Le camp de Vergerou, à une demi-lieue en avant de la place, la gauche appuyée à la Charente, sa droite à des marais, est une position très importante à occuper en force, et qui maîtriserait en même temps, et la commu-TROISIÈME CLASSE. observé; parce qu’il est celui de toute cette côte, qui se trouve le plus rapproché do Bordeaux, mais comme il en est encore éloigné de douze lieues, qu'il ne peut donner d’asile qu’à de petits bâtiments, et que, par conséquent, il ne facilite qu’une faible entreprise, avec de la vigilance, on sera toujours en mesure de s’opposer à toute expédition que l’ennemi tenterait de ce côté. Brouage. Ce poste acquerrait de l’importance, s’il s’agissait de défendre les approches de Rochefort, par la gauche de la Charente; mais ses fortifications en mauvais état, son port comblé, et l’insalubrité de l’air qu’on y respire, ne permettent pas au gouvernement d’y faire aucune dépense pendant la paix, et la guerre seule pouvant le rendre susceptible de quelque utilité, c’est pour ce temps seulement et suivant les circonstances que l’on pourra se décider à y employer des fonds. 428 [24 mai 1791. J [Assemblée nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. PREMIÈRE CLASSE. Aix (Ile cl’). Cette île, plate et d’une fort petite superlicie, est très importante à occuper pour défendre les approches de la Charente, et principalement la rade où l’on est obligé d’armer et de désarmer les vaisseaux de Rochefort. Une forte batterie couverte, qui eût permis l’usage des bombes et des boulets rouges, eût suffi pour faire respecter ees parages; elle n’eût pas coûté 100,000 écus; elle eût pu durer deux cents ans ..... Qu’a-t-on mis à sa place ? Un fort provisionnel, un château de bois, monument de l’impéritie et de l’abus du crédit de son inventeur, et que les batteries de deux ou trois vaisseaux réduiront en poudre en un instant, si la ourriture qui le mine lui permet e durer assez longtemps pour être attaqué. On a relevé avec justice le titre de fort provisionnel, cette dénomination n’est que ridicule, et l’on peut l’oublier; mais comment excusera-t-on la déplorable facilité avec laquelle on a sacrifié en pure perte 800,000 livres à celte œuvre anti - militaire, dont l’entretien, pour la faire durer soixante ans, coûtera plus (si l’on en juge par l’état où elle se trouve après treize ans de construction), que n’aurait coûté un ouvrage solide, durable, imposant, et capable de remplir complètement son objet. Au surplus, cette faute est commise; il faut la réparer et en tirer une leçon pour l’avenir. DEUXIÈME CLASSE. nication par la rivière, et celle par le seul chemin qui soit praticable sur sa rive droite. Fouras et dépendances ( Château de). Ce poste, qui défend les approches par terre de la rive droite de la Charente, en défend aussi l’embouchure, en croisant ses feux, quoique d’un peu loin, avec ceux de la redoute de l’île Madame. A une demi-lieue de Fouras çst la batterie de la pointe, qui pi’otège le passage des vaisseaux sur la rive droite de la Charente, comme fait le fort Lupin sur la rive gauche. Au reste, comme cette rivière n’est point navigable pour les vaisseaux armés, il paraît que l’on doit principalement s attacher à défendre Rochefort contre les approches que l’ennemi pourrait tenter par terre, après avoir effectué un débarquement hors de la portée des batteries dont nous venons de parler et de celle de l’ile d’Aix. La descente dont on fut menacé en 1757, à Cha-telaillon, indique la nécessité de mieux occuper ce point que par une simple batterie telle que celle qui y existe, et de ia rendre susceptible d’une résistance assez longue pour donner le temps de rassembler les troupes nécessaires au camp de Vergerou. TROISIÈME CLASSE. La Rochelle. L’importance de ce port de commerce mérite que ses fortifications, dont la moitié n’est qu’en terre, soient perfectionnées, ce qui peut se faire sans beaucoup de dépenses ; car la haute mer, remplissant les fossés de la place et ceux dont le terrain environnant est coupé, en rendrait le siège très difficile, et dispense d’y déployer un grand appareil de fortification. fie de Ré. Les fortifications de Saint-Martin, chef-lieu de l’île de Ré, sont bien entendues; en même temps qu’elles assurent un abri aux habitants elles protègent une bonne rade. Les postes établis sur les différents points de la côte, tels que ceux de Samblançay, de la Prée, des Portes et de Martrai, couvrent les points de débarquement et de mouillage ; les deux premiers protègent, de plus, le passage au continent, et le dernier occupe l'isthme très étroit entre la mer et la fosse de Loir, petit golfe qui, pendant la haute Niiort (i Château de). . L’utilité dont pourrait être ce poste pour arrêter quelques partis débarqués sur la côte et qui passeraient difficilement la Nièvre, ne serait pas suffisante pour le ranger en seconde classe, s’il n’avait pas des propriétés plus essentielles. Il sert à contenir les prisonniers faits sur mer, et qu’il convient d’éloigner de Rochefort et de La Rochelle; et son entretien est d’autant plus avantageux sous ce rapport, qu’il est en bon état, facile à garder, et [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.] 429 PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. mer, devient un canal, et sépare l’île en deux parties. Malgré l’ingratitude de son sol, l’île de Ré, très intéressante par sa nombreuse population, par ses sels, son commerce, sa position sur la côte près de La Rochelle, et par plusieurs ports utiles à la navigation, justifie très bien les soins que l’on a pris de la pourvoir de bons moyens de défense. Bellc-Isle et dépendances. Les événements ont assez prouvé l’importance de cette île, qui réunit plusieurs ports, une bopne rade, et qui, d’ailleurs, est une vedette très bien placée, en avant de la Loire et de Lorient, pour protéger les retours du commerce. Les fortifications du chef-lieu et les retranchements, sur les divers points de la côte, doivent être restaurés et maintenus dans le degré de force convenable à cet établissement. Port-Louis et dépendances. Cette place, avec sa citadelle, ferme l’entrée de la rade et l’avenue du port de Loriént. Ses feux croisent avec ceux des batteries situées sur la côte opposée, et réunis à ceux de l’intérieur de la rade, assurent les riches cargaisons qu'y apportent les vaisseaux. C’est du moins l’objet qu’on a dû se proposer, c’est celui auquel il faudrait s’attacher, si, après un mûr examen, on trouvait que les moyens défensifs actuels du fort Louis et de sa rade ne sont pas assez considérables pour remplir complètement leur destination. Brest et dépendances. On ne peut employer des moyens trop puissants pour écarter toute possibilité d’attaques sur la rade et sur le port de Brest ; mais plus l’importance de cet établissement exige de perfection dans ses dispositions défensives , plus elles doivent être dégagées de l’esprit de parti, plus elles doivent être indépendantes de l’arbitraire, du crédit, des caprices de l’autorité, et plus enfin il est utile et convenable de consulter sur ces sortes de matières les hommes de l’art qui en font spécialement leur qu’il n’entraîne qu’une très médiocre dépense. Nantes (Château de). Ce poste contient des établissements et des approvisionnements militaires. On peut, en temps de guerre, y former un dépôt, et, sous ces différents rapports, il est aussi utile que peu coûteux de l’entretenir. d’Hédic et d’Ouhat (Les îles). Ces deux postes, utiles à la protection du cabotage, servent à éclairer les approches des côtes entre Belle-Isle et la terre. Les parties accessibles de ces côtes, principalement à l’embouchure de la Loire, à celle de la Vilaine à l’entrée du Morbihan, et à la presqu’île de Quiberon, sont garnies de batteries et de retranchements qui, au moment de la guerre, suffiront à leur destination s’ils sont convenablement rétablis et approvisionnés. Ile de Ciroix. Elle occupe une bonne position en avant de la rade du Port-Louis. Toutes ses parties accessibles sont défendues par des redoutes et des batteries qui la mettent à l’abri d’une insulte. Lorient. C’est au Port-Louis qu’est la principale défense du port de Lorient. Les eaux de la haute mer et les vases qui l’entourent en grande partie faciliteraient la défense contre des forces débarquées à la côte de l’Ouest et, lout ce que demande cette place , c’est d’être maintenue en assez bon état pour pouvoir attendre des secours. Concarneau . Ce poste est très utile pour la protection du cabotage et de la pêche. Situé au fond d’un petit golfe, dont l’entrée est fort étroite, entouré des eaux de la mer, malgré son peu d’étendue, c’est une excellente position. En avant sont les îles de Glénans qui présentent, ainsi que plusieurs autres points de la côte, jusqu’à Brest, des refuges fortifiés. 430 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[24 mai 1791.] [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.] 431 PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. monter encore la difficulté des chemins et les autres obstacles du pays, qui le rendent susceptible d’ètre bien défendu avec peu de troupes; soit parce qu’il craindrait de voir couper sa communication avec ses vaisseaux ; soit enfin parce que les dangers de la côte pourraient ne pas permettre à son escadre la fin d’une expédition aussi longue qu’elle serait périlleuse ou incertaine. D’après cet exposé , on voit qu’avec des moyens surabondants il reste encore quelque chose à faire pour ne rien laisser à désirer sur la défense de Brest ; mais lorsque le gouvernement s’occupera de cet objet essentiel, il faut espérer qu’il ne permettra plus que les artistes militaires, destinés par état à s’occuper de ces soins, se voient, encore une fois, livrés à la persécution des novateurs et de l’esprit de système. Cet article excède les bornes que nous nous étions prescrites ; on nous excusera, en faveur du motif, et de la nécessité de faire connaître enfin des vérités trop longtemps étouffées. Saint-Malo et dépendances. Cette place est très forte par sa position sur un rocher, qui se trouve presque isolé à la marée haute. Plusieurs fortins et batteries situés sur des îlots et sur différents points de la côte défendent les approches du port, de la rade et des plages propres au débarquement. La protection due à un grand commerce et la sûreté de la côte exigent que cette place et ses dépendances soient maintenues sur le pied le plus respectable. Du Taureau [Le château). Ce château défend très bien la rade et la rivière de Morlaix, à l’entrée de laquelle il occupe un rocher. Il concourt aussi à la protection de la côte, avec quantité de redoutes et batteries, situées entre Brest et Saint-Malo , aux embouchures des principales rivières, aux plages accessibles, à l’île de Batz et aux Sept-Iles. Chateauneuf (Le fort de). Ce nouvel établissement est encore un exemple de l’avantage qu’avaient les hommes en crédit sur les militaires spécialement chargés de la défense de l’Etat, par le moyen des fortifications. Rien de plus problématique que l’utilité de ce poste; il est même très vraisemblable qu’un examen ultérieur démontrera qu’il est plutôt nuisible qu’avantageux à la défense de Saint-Malo et du pays environnant. En attendant, on ne peut le placer tout au plus que parmi les postes de seconde classe. Granville et dépendances. Il existe de grands projets sur cette place; mais il reste à examiner s’ils sont proportionnés à son importance. Quoi qu’il en puisse être, l’utilité de ce port mérite qu’il soit mis en sûreté et qu’il soit pourvu des moyens nécessaires pour protéger les autres petits établissements qui, dans les environs, ont pour objet la défense des côtes. 432 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [24 mai 1791.] PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE. Cherbourg et dépendances. Depuis quelques années, le public s’est occupé des travaux de Cherbourg avec un intérêt proportionné aux soins, à l’attention, aux dépenses que le gouvernement y portait. Il est arrivé ici ce dont on n’a vu que trop fréquemment l’exemple ; c’est que l’enthousiasme qu’excitait ce projet a nui à sa maturité et qu’il a empêché d’eu combiner à la fois toutes leÿ parties. Moins de précipitation, un examen plus réfléchi eussent épargné les sommes considérables perdues pour l’établissement de ces cônes dont on a eu tant de peine à reconnaître l’inutilité. Si, avant tout, l’on eût pris les sondes qu’on vient d’exécuter dernièrement, on eût vu qu’en dirigeant de l’île Pelée à la pointe du Homet, la digue qui devait fermer la rade, celle-ci aurait trop peu de capacité. Cette réflexion eût influé sur la disposition du fort Royal et du fort d’Artois ; ce dernier eût probablement été supprimé, vu l’inutilité dont il est, depuis que l’on a changé la direction de la digue, à l’effet de donner à la rade une étendue suffisante, et parce que l’établissement du fort de Querque-ville supplée du reste à l’objet du fort d’Artois. On a lieu de s’étonner que la partie du projet de Cherbourg, relative au système défensif de cet établissement, n’ait pas. été discutée dans un comité des fortifications, tel, à peu près, que celui que nous indiquons dans le projet de décret ci-joint. Non que, selon toute apparence, l’exécution des détails y eût rien gagné, vu le degré de perfection auquel ils ont été portés; mais il est impossible que l’examen des dispositions défensives n’eût pas ramené à l’examen de l’ensemble du projet, ce qui en eût fait éviter les fautes. Nous ne saurions trop insister sur les avantages de ces comités; ils obvieront à de grandes erreurs, à beaucoup de fausses dépenses, et l’on ne doit pas perdre de vue que, toutes les fois qu’il s’agit de fortifications, il y va de la sécurité de l’Etat et de l’économie de ses finances. Quoi qu’il en soit de ces réflexions, relativement à Cherbourg, on ne peut trop recommander à la sollicitude et à la surveillance du gouvernement un point qui embrasse la sûreté, la défense d’une bonne rade, et l’établissement d’un grand port dans la Manche. La Hougue et dépendances. Le gouvernement a longuement hésité entre la Hougue et Cher- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. PREMIÈRE CLASSE. DEUXIÈME CLASSE. bourg, avant de décider lequel de ces deux points obtiendrait la préférence pour un grand établissement de marine militaire. Quoi-u’il se soit déterminé en faveur e Cherbourg, la Hougue n’en est pas moins un point essentiel et qui mérite beaucoup d’attention. Son fort qui occupe l’isthme étroit d’une petite presqu’île défend, conjointement avec le tour de l’ile de Ta-thiou, le port et 2 bonnes rades. Plusieurs autres batteries et retranchements qui en dépendent servent à la défense de la côte. L.o Havre. Le commerce de cette ville, ses rapports essentiels avec celui de Paris, les ressources que son port peut offrir à la marine militaire, la mettent au premier rang de nos places maritimes. Les nouveaux travaux qu’on y exécute ont été partagés entre les administrations civiles et militaires, ce qui a occasionné nécessairement de l’incohérence dans leurs résultats. La Partie des travaux militaires dont objet est de garantir la place d’un bombardement du côté de terre, entraîne l’exécution d’un très vaste projet. Peut-être il est encore temps de le réduire ; peut-être qu’en le soumettant à la révision d’un comité des fortifications, on pensera qu’au lieu de cerner la place par une quantité de forts très dispendieux toujours gênants pour une ville de commerce, il serait préférable, plus économique, plus simple de rendre les débarquements impossibles, en occupant les points très peu nombreux où ils sont praticables. En effet, la partie des côtes au nord de la ville est inabordable par l'escarpement de ses hautes falaises, à l’exception de quelques plages favorables à une descente, mais qui sont assez éloignées du port, pour rendre une pareille entreprise très dangereuse. Caen ( Château de), C’est un arsenal, un dépôt nécessaire pour toutes les parties de la côte, entre Bayeux et l’embouchure de la Seine. S’il ne peut servir directement à la défense de la ville, du moins il lui présente un asile pour des effets précieux, un réduit de sûreté à l’abri d’une surprise. Dieppe (i Château de). Ce poste, avec les batteries du port et de la côte, est très nécessaire comme servant de point d’appui à la défense de la ville et à celle de la côte, et pour mettre en sûreté les approvisionnements militaires. Les défenses delà ville sont à peu près nulles, et sans [24 mai 1791.] 433 TROISIÈME CLASSE. Care nt an. Place mal fortifiée, mal située, dégradée, dans un pays insalubre, et dont les rapports maritimes sont devenus presque nuis; que, faute de mieux, l’on conserve en masse, pour le besoin; mais qui pourrait être avantageusement remplacée par un appui de position sur la hauteur de Saint-Cosme, d’où l’on serait à portée de surveiller la côte et de protéger un pays très fertile. Saint-Lo. Ce poste à la tète des Vès, pourrait devenir très important dans l’hypothèse d’une invasion dans la presqu’île du Cotentin. Il serait le seul point convenable pour les dépôts de tout genre qu’exigeraient les troupes que l’on porterait au secours de ce pays. Rouen {Château de). C’est un bon entrepôt sur la Seine pour l’approvisionnement et l’armement des côtes et qui se trouve trop bien placé au centre de toutes les communications, pour ne pas mériter d’être conservé. lrc Série. T. XXVI. 434 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791. J PREMIÈRE CLASSE. Bastia et dépendances. Cette ville n’a qu’un port de peu de capacité et qui n’est susceptible de recevoir que de petits bâtiments. Sa citadelle, quelques fortins et tours pour la défense des côtes, ne présentent rien d'imposant. Ce n’est donc ni comme port, ni comme ville de guerre que Bastia Seut être fort recommandable. lais cette place est le centre de l’administration de Vile, le dépôt le plus considérable des forces et des approvisionnements militaires et c’est sous ces rapports qu’elle mérite de fixer l’attention, et qu’il est convenable de lui procurer plus de moyens de se faire respecter. Ajaccio et dépendances. Cette ville, située au fond d’une grande baie, est plus susceptible de commerce que Bastia ; c’est un dépôt principal des forces militaires destinées à la protection de la Corse. Son enceinte est si faible qu’elle est presque nulle; mais sa citadelle, qui occupe un rocher avancé, est capable d’une certaine résistance, et défend très bien les approches d’un bon mouillage pour les plus gros vaisseaux. DEUXIÈME CLASSE. doute il conviendrait qu’une place maritime aussi importante par ses pêches, par son commerce, qui couvre l’entrée d’un pays des plus fertiles, réunît des moyens de force plus puissants. On désirerait aussi de voir établir quelques bons postes à Fécamp à Saint-Valery-en-Caux, à la ville d’Eu, à Saint-Va-lery-sur-Somme. Pour la sûreté de ces petits ports, Dieppe formant alors le centre de cette disposition serait en état d’en secourir les points divers, et l’on serait au moins parfaitement tranquille sur la partie de nos côtes la plus rapprochée de la capitale. ILE DE CORSE. Bonlfacio et ses dépendances. Cette place, à l’extrémité de la Corse, vers la Sardaigne, occupe une presqu’île allongée, qui renferme entre elle et la côte un excellent port pour les plus gros vaisseaux ; mais son entrée fort étroite ne permettant pas aux bâtiments de louvoyer, les oblige d’y entrer et d’en sortir avec le vent en poupe. La presqu’île n’est accessible que par son isthme, défendu par un front de fortification. A 4 lieues de Bonifacio se trouve le port de Porto-Vechio, un des S lus beaux et des plus sûrs de la Méditerranée, e.l au fond duquel on voit un petit fort dégradé. Les mauvaises qualités de l’air et de l’eau rendent le séjour de ce lieu si malsain, que le petit nombre d’habitants de ce canton est obligé de l’abandonner pendant l’été. Calvi et dépendances. La ville occupe une langue de terre, en avant de laquelle est un château assez fort qui défend le mouillage. De ce point, on fournit à quelques postes de la côte, principalement à la baie de Giralata et à la pointe de Gargano. L,’Ile Rousse. On avait commencé à ce poste un établissement qui n’est pas encore bien important. Ce qui est exécuté consiste en un mur de clôture et une batterie pour la défense du port. TROISIÈME CLASSE. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.] 433 Tels sont sommairement les rapports sous lesquels nous avons considéré l’importance de nos forteresses et les motifs qui ont déterminé leur classement dans l’ordre que nous venons de proposer. L’on sent, au surplus, qu’il n’y a nul danger dans l’erreur qu’on aurait pu commettre en rangeant, par exemple, dans la première classe des places qui, par leurs propriétés, ne doivent être rangées que dans la seconde; puisque, en adoptant pour principe de ne rien détruire, on sera toujours à temps de rendre à une forteresse quelconque le rang qu’elle doit occuper, si d’abord on s’était mépris en lui en assignant un autre. L’on sent également que la division proposée est encore susceptible de quelques nuances dans chaque classe particulière; que Neufbrisacb, par exemple, n’exige pas le même appareil de forces que Lille; que l’entretien d’Aire doit être mieux soigné que celui de Veis-sembourg, et que, dans les places les moins importantes, Bapeaume mérite plus de considération que Valence. Plusieurs places de seconde et troisième classe ne présentent même quelque intérêt que par les dépôts qu’elles renferment, ou par la faiblesse de la frontière à laquelle elles sont liées; et ces motifs venant à changer, on pourrait les abandonner totalement. Enfin il est un certain nombre de places ou postes qui sont si évidemment inutiles à la défense de l’Etat, que l’on n’hésite pas de proposer de les abandonner dès ce moment, et de les compter au nombre des propriétés nationales aliénables, à l’exception des bâtiments et établissements à l’usage des troupes dans les villes qui doivent former des garnisons ou des quartiers habituels. Etat des places et postes de l’intérieur dont les parties fortifiées étant reconnues inutiles à la sûreté des frontières peuvent être supprimées dès ce moment même. Lens. Mouzon. Moyenvic. Sarrebourg. Oberenheim. Colmar (Haut-Rhin). Château de Dijon. Montélimart. Tour du Crest. Château de Saint-Àndré-de-Villeneuve. Tour du Pont d’Avignon. Fort de Saint-Hippolyte. Château de Beauregard. Château de Ferrières. Château de Sommières. Citadelle de Nîmes. Fort de Sainte-Croix ) Rn-joai,v Château du Hâ j Bordeaux-Château d’Angoulême. Château de Loches. Château de Saumur. Château d’Angers. Signé : J.-X. Bureaux de Pusy, rapporteur du comité militaire.