182 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1789.] ville; Cauneille, curé de Belvis ont remis sur le Bureau des déclarations relatives à la teneur de leur mandat, de ne pouvoir opiner par tête, les trois ordres réunis, avant qu’ils aient reçu de nouveaux pouvoirs de leurs commettants. M. le cardinal de la Rochefoucauld fait lecture d’un acte de lui signé, contenant des réserves faites par les membres du clergé nouvel-lement réunis. Il remet ensuite sur le bureau cet acte conçu en ces termes : « Messieurs, il est de mon devoir de vous déclarer que lorsque les membres du clergé, qui étaient restés dans la Chambre de leur ordre, sont venus avec moi dans la salle commune aux trois ordres, nous avons fait préalablement des réserves, portant que : « Vu la déclaration du Roi du 23 juin, la lettre de Sa Majesté à moi adressée le 27 juin, les membres du clergé, toujours empressés de donnera Sa Majesté des témoignages de respect, d’amour et de confiance, justement impatients de pouvoir se livrer enfin à la discussion des grands intérêts d’où dépend la félicité nationale, ont délibéré de se réunir dès aujourd’hui aux deux ordres de la noblesse et du tiers-état dans la salle commune, pour y traiter des affaires d’une utilité générale, conformément à la déclaration du Roi, sans préjudice du droit qui appartient au clergé, suivant les lois constitutives de la monarchie, de s’assembler et de voter séparément ; droit qu’ils ne veulent ni ne peuvent abandonner dans la présente session des Etats généraux, et qui leur est expressément réservé par les articles VIII et IX de la même déclaration. * « Je vous prie, Messieurs, de trouver bon que je mette sur le bureau la présente déclaration, et que je vous en demande acte. » M. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne , se lève le premier et dit : Je ne puis me dispenser d’observer que, lorsque la délibération dont M. le cardinal vient de faire part a été prise , la majorité du clergé était présente et réunie dans cette salle commune. M. de Boisgelin, archevêque d’Aix. Quels reproches pourrait-on nous faire des réserves que nous faisons moins pour nous que pour nos représentants ? J’ajouterai que nous ne nous réunissons quepour travailler au bien public. Aussi déclarons-nous que nous voulons procéder aux affaires de l’utilité commune avec le même courage que pour toute affaire particulière. Tel est le premier et le plus grand intérêt de la nation. Et qu’importent maintenant les petits intérêts dont nous nous occupons? Si je pouvais dire à chacun de nos concitoyens : Nous allons commencer les opérations importantes auxquelles nous sommes appelés, nous allons nous occuper des choses qui concernent Futilité commune, ils diraient tous • nous avons été trompés, cessons de nous alarmer, ils veulent le bien de la patrie. 11 ne s’agit que des formes ; et qu’importe de quelle manière ils s’assembleront ? Retirons-nous des places publiques ; cessons de nous rassembler, de porter l’alarme dans le cœur du Roi et de nos frères ; laissons nos représentants s’occuper en silence du bonheur public. Et en effet, Messieurs, pourvu que nous nous livrions à ces grands objets, qu’importent nos protestations et nos réserves? Mais pouvons-nous exiger de notre conscience l’abandon des mandats qui nous ont été remis? Avons-nous bien approfondi les lois constitutives de la monarchie ? Avons-nous bien saisi la différence des propriétés ? Avons-nous réfléchi sur la distinction des ordres? Croyez-vous que ce soit l’effet de la volonté impérieuse du législateur ; que ce soit là une loi factice ? Non, Messieurs, ces distinctions sont dans la nature de notre constitution, et ellep ont existé de tout temps. M. l’archevêque d’Aix avait parlé et était retourné à sa place, lorsqu’un député des communes lui a demandé quelle était la conséquence de son discours. M. Bouche. Veut-il rester avec la majorité ou la minorité ? M. Fe Franc de Pompignan, archevêque de Vienne. J’observe qu’il n’y a plus de majorité ni de minorité. M. de Boisgelin, archevêque d'Aix. Nouls n’avons pas protesté ; nous ne faisons que dejs réserves; nous en demandons acte, et nous ne demandons que ce qu’il est impossible de nous refuser. M. ***. Je prie M. l’archevêque d’Aix de déclarer s’il entend ou s’il n’entend pas rester ici avec la majorité du clergé. M. l’archevêque de "Vienne. Ne parlons plus de majorité ni de minorité puisqu’elles n’existent plus. M. *** : M. d’Aix ne répond pas. Je demande acte de la scission qu'il veut introduire dans l’ordre du clergé. M. l’archevêque d’Aix. Je déclare que je ne veux pas me retirer. M. Bailly. Pour apaiser ces contestations particulières, qui quelquefois font naître l’aigreur, j’observe que, dans toute Assemblée bien réglée, personne ne doit se permettre aucune interpellation. M. l’archevêque d’Aix. Ces interpellations ne m’ont pas offensé. Puisque l’on m’a interpellé, je réponds que j’ai déposé dans l’âme de mes auditeurs mes véritables sentiments : je m’en rapporte à eux. (On applaudit.) M. Pétion de Villeneuve. Je vous avoule que ce n’est pas sans surprise que j’ai entendu appuyer les réserves dont on vous a donné lecture sur les déclarations que l’on a lues dans une espèce de lit de justice, tenu par le Roi dans lfe sein même des Etats-Généraux ; déclarations qu aucun membre n’a sans doute, approuvée�, parce que, quand la nation est assemblée, il n’y a aucune puissance qui puisse la soumettre à des lois qui n'ont pas été délibérées, discutées et consenties. J’ai donc vu avec étonnement que le clergé ne venait ici que pour se conformer auk ordres du Roi, et pour exécuter les déclarations. Et quel langage la minorité du clergé vient-elle tenir parmi nous ? 11 est contraire à nos arrêtés, aux principes constitutifs de la monarchie. 11 est impossible de donner acte des réserves dont on vient de donner lecture, parce qu’elles ont pour base une loi que nous ne pouvons reconnaître, parce que nous avons persisté dans nos précédents arrêtés, parce que enfin ces ré-