[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [10 novembre 1790.] 367 Lois. DÉNONCIATION du sieur Champion par la Commune de Violations des lois. N° 1. Neuf articles de Constitution ont été décrétés par l’Assemblée nationale, les 7, 8 et 10 octobre, et 5 novembre 1789. Le sieur Champion a annoncé à l’Assemblce nationale, dans la séance du 8 novembre 1789, que ces neuf articles ont été acceptés par le roi. Le cinquième de ces articles dit : « Le décret, étant sanctionné, le garde des sceaux en enverra à l’Assemblée nationale une expédition signée et scellée pour être déposée dans ses archives. » Le septième, en 'prescrivant la forme de la promulgation, suppose que cette promulgation doit être faite sans délai. Le huitième article dit : a Les lois seront scellées et expédiées aussitôt après que le consentement du roi aura été apposé au décret. N» 2. Le quatrième de ces articles constitutionnels dit : « Le consentement royal sera exprimé sur chaque décret par cette formule signée et scellée du roi : Le roi consent et fera exécuter. * N“ 3. Le cinquième article dit : « La signature, contre-seing et sceau seront uniformes. » N° 4. Le septième de ces articles dit : « La promulgation sera ainsi conçue : Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l’Etat, roi des Français, à tous présents et à venir salut. L’Assemblée nationale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit, etc. Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume. En foi de quoi nous avons signé et fait contresigner les présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l’Etat. A . ..... ...» le... ....... etc. » Nous sommes au mois de novembre 1796, et ces neuf articles ne sont pas encore promulgués. Le garde des sceaux s’arroge donc, par son propre fait, le veto suspensif sur les lois constitutionnelles décrétées par l’Assemblée nationale et acceptées par le roi. Ces lois constitutionnelles dont il a suspendu l’expédition et la promulgation, on va voir qu’il les a presque toutes violées. On ne connaît aucun décret sur lequel la sanction du roi soit apposée dans la forme prescrite par l’article ci-contre. L’Assemblée nationale n’est informée de la sanction du roi sur chaque décret que par un billet du garde des sceaux. Le garde des sceaux met donc sa déclaration personnelle à la place de celle du roi, et la forme qu’il a imaginée à la place de celle qui est prescrite par la loi constitutionnelle. Les signatures du roi, apposées au bas des décrets sanctionnés, ne sont pas les mêmes; les sceaux que l’on annexe aux expéditions sont de différentes formes : les uns sont sur cire jaune, attachés par une double queue de parchemin et enfermés dans une petite boîte de fer blanc; les autres sont en cire verte, avec des lacs de soie verte et rouge. Pourquoi cette divariété, lorsque la loi constitutionnelle commande l’uniformité ? Le garde des sceaux a violé cette loi, en substituant pour plusieurs décrets à la forme constitutionnelle de la promulgation, celle d’une simple proclamation ; d’où il s’en est suivi que ces décrets ont été méconnus par un grand nombre de tribunaux et corps administratifs, et sont restés sans exécution. Paris. Preuves. Procès-verbal de l’Assemblée nationale du samedi 7 novembre 1789. Décret du 10 octobre 1789. Décret du 10 octobre 1789. Décret du 5 novembre 1789. Décret du 8 octobre 1789. Procès-verbaux de l’Assemblée nationale. Décret du 8 octobre 1789. Voyez aux archives de l’Assemblée nationale, pour la diversité des sceaux et des signatures. Décret du 5 novembre 1789. 36§ [Assemblée nationale.] Lois. N* 5. Ce même article dit : « La copie littérale du décret sera insérée sans additions ni observations. » N° 6. Le huitième des articles dit : « Les décrets sanctionnés par le roi porteront le nom et l’intitulé des lois. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Violations des lois. Le garde des sceaux, dans la promulgation 'des lois, a tronqué un grand nombre de décrets, en a altéré le texte. Au lieu de donner la liste qui serait beaucoup trop longue, de toutes les lois tronquées ou altérées, la commune de Paris ne citera qu’un exemple. Les seize articles du décret portant abolition des lettres de cachet et des ordres arbitraires, sont précédés d’un préambule qui développe les motifs de la loi. Le garde des sceaux a supprimé ce préambule tout entier dans les lettres patentes portant promulgation du décret. La falsification des lois est sans doute le crime le plus grave que puisse commettre un garde des sceaux. [10 novembre 1790. Preuves. Décrets des 13 et 16 mars 1790. Lettres patentes du 26 mars 1790. La garde des sceaux a constamment violé ce décret constitutionnel en affectant de ne désigner les décrets sanctionnés par le roi que par la dénomination de lettres-patentes du roi ou de proclamation. Ce n’est pas sans dessein qu’il a choisi la dénomination de lettres patentes. Dans l’ancien régime, les lettres patentes n’étaient pas considérées comme de véritables lois ; on n’en employait la forme et la dénomination que pour des affaires particulières, ou tout au plus pour les affaires de communautés ou de corporations. De tous les actes publics qui émanaient de l’autorité royale, c’était celui qu’on réputait le moins réfléchi et le plus muable. Telle est l’idée que le garde des sceaux a voulu donner des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. Procès-verbal de l'Assemblée na tionale du 5 novembre 1789. Pour répondre à l’impatience que témoigne le garde des sceaux d’avoir la communication des griefs qu’on allègue contre lui, la commune de Paris borne dans ce moment sa dénonciation aux faits dont la preuve est acquise. Il en est d’autres qu’elle se réserve de dénoncer, mais sur lesquels elle n’a pas cru que la notoriété publique dût lui suffire. Elle en fera une dénonciation précise quand ses commissaires en auront recueilli les preuves. Elle se bornera, quant à présent, à les indiquer en masse : 1° On se plaint de toutes parts du retard de l’envoi des décrets sanctionnés dans les divers départements du royaume, surtout de ceux qui pouvaient le plus contribuer au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique. Le garde des sceaux ne pourra se disculper sur ces faits qu’en ejetant la faute sur les secrétaires d’Etat, en prouvant qu’il leur a remis exactement les expéditions des lois aussitôt après que le consentement du roi a été apposé aux décrets; 2° On l’accuse publiquement d’avoir affecté de choisir, pour commissaires du roi dans les tribunaux, les hommes qui se sont le plus constamment opposés aux progrès de la Révolution et à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi; ceux qui lui étaient dénoncés comme les plus suspects et les plus odieux au peuple; 3° Il a fait imprimer secrètement à l’imprimerie royale une instruction pour les commissaires du roi, cm’il n’a distribuée qu a eux, et dont il n’a pas laissé un seul exemplaire à l’imprimerie royal e (1). Cette instruction vient néanmoins d’être publiée dans le supplément du Moniteur du lundi 15 de ce mois. La commune de Paris croit devoir attendre, pour dénoncer cet ouvrage anti-constitutionnel, que le garde des sceaux ait avoué l’identité de l’instruction publiée dans le Moniteur, avec celle qu’il a distribuée aux commissaires du roi. Mais indépendamment du développement et des preuves de ces nouvelles inculpations, la commune de Paris croit que les six faits ci-dessus articulés, et dont les preuves littérales sont sous les yeux de l’Assemblée nationale, suffiront pour constituer le garde des sceaux coupable du crime de lèse-nation. Le droit d’accuser ou de déclarer qu’il y a lieu à accusation, pour crime de lèse-nation, n’appartient qu’au Corps législatif. L’Assemblée nationale est donc suppliée de déclarer qu’il y a lieu à accusation du crime de lèse-nation contre le sieur (1) Voyez aux pièces justificatives. 369 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (11 novembre 1790.] Champion, sur les six faits ci-dessous dénoncés, et d’ordonner que l’accusation sera instruite et jugée dans les formes prescrites par les lois constitutionnelles, par le tribunal qui sera incessamment organisé pour connaître des crimes delèse-nation et des cas de responsabilité des agents du pouvoir exécutif. Cette accusation légale contre un ministre, ou contre tout autre agent du pouvoir exécutif, doit avoir deux effets : 1° Le ministre ou l’agent inculpé doit, dès l’instant de l’accusation, être contraint de s’abstenir provisoirement de toute espèce de fonction publique; car il est impossible de confier provisoirement l’emploi et la direction de la force publique à des hommes que la nation accuse d’en abuser contre elle; 2° Dès l’instant de l’accusation, il faut s’assurer de la personne du ministre ou de l’agent inculpé ; car la toi de la responsabilité sera illusoire si l’on laisse aux coupables les moyens de s’évader. La commune de Paris supplie donc l’Assemblée nationale : 1° D’ordonner, par un décret constitutionnel, que tout ministre et tout agent du pouvoir exécutif, contre lequel il sera intervenu un décret du Corps législatif, portant qu’il y a lieu à l’accuser du crime de lèse-nation, sera par ce seul fait suspendu provisoirement dans l’exercice de toutes fonctions publiques; 2° De prendre les mesures que sa sagesse lui suggérera, pour qu’aucun ministre ou agent du pouvoir exécutif, accusé du crime de lèse-nation, ne puisse s’évader. Il serait même bon d’étendre cette mesure à tous les ministres et agents du pouvoir exécutif qui se retirent ou qui sont renvoyés, quoiqu’il n’y ait contre eux aucune accusation, jusqu’à ce qu’ils aient rendu compte de leur administration, et qu’ils en aient été légalement déchargés. L’Assemblée nationale est surtout priée de considérer que jamais violations plus manifestes des lois constitutionnelles ne lui ont été dénoncées plus solennellement, que celle que lui présente aujourd’hui la commune de Paris contre le garde des sceaux. Si celles-là restent impunies, c’en est fait de la Constitution. PIÈCE JUSTIFICATIVE. Copie de la réponse faite par le directeur de Vim-primerie royale , à la demande du comité. Je viens de faire des recherches vaines pour trouver un exemplaire des instructions que désire M. Voidel ; je les connais parfaitement ; mais comme ces instructions n’ont été faites que sur la demande particulière et pour le service de M. le garde des sceaux, il n’en reste pas à l’imprimerie royale un seul exemplaire. Je supplie M. Yoidel d’être persuadé de tout le regret de ne pouvoir le satisfaire. Signé : AnISSON-DüPERRON. Paris, le 15 novembre 1790. Gertifié conforme à l’original, déposé au comité des recherches de l’Assemblée nationale. Signé : Richard, secrétaire-commis. Paris, le 15 novembre 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du jeudi 11 novembre 1790, au matin. La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Coroller, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. d’Fstourmel. L’Assemblée n’a rien statué hier sur la pétition de la commune de'Paris. Il est cependant indispensable de prononcer d’une manière ou d’autre. L’orateur de la députation nous a annoncé qu’il avait des preuves des crimes des ministres. Il n’y a rien de plus impolitique que de laisser ainsi des hommes sous les coups de l’accusation sans les juger : je demande donc le renvoi de cette pétition au comité des rapports. M. Merlin. Si on renvoyait cette pétition au comité, les ministres resteraient en place, par entêtement, jusqu’à ce que l’Assemblée ait prononcé : je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. M. d’Fstourmel. Je demande si le ministre de la guerre, qui vient de donner sa démission, n’est pas cependant sous le coup de la dénonciation? (L’Assemblée passe à l’ordre du jour et adopte le procès-verbal.) M-JFricawd, député de Charolles. Vous avez décrété que les Français catholiques n’iraient plus chercher à Rome des dispenses pour leurs mariages, et qu’il serait ordonné aux évêques d’y pourvoir : ce décret n’est pas exécuté. Un perruquier du diocèse de M. l’évêque d’Autun a longtemps sollicité de lui une dispense pour épouser une de ses parentes, et cet évêque s’est obstiDé à la lui refuser. M. Lanjulnais. Le comité s’occupe de ces objets et vous fera bientôt son rapport. Je demande donc l’ajournement à quinzaine de la proposition du préopinaut. M. Fricaud. Eh mais ! Messieurs, c’est que ce mariage presse ! M. Martineau. Je ne vois pas qu’il y ait rien de si pressant; il existe des lois qui défendent les alliances des proches parents, et malgré cela on ne manque pas d’occasion de se marier. M. Fricaud. Je répète que ce mariage presse parce que la femme qui sollicite des dispenses est déjà enceinte. M. Bouche. En ce cas, vous n’avez pas besoin d’un décret provisoire. La question se trouve elle-même décidée par provision. (L’ajournement à quinzaine, proposé par M. Lan-juinais, est prononcé.) M. Mévolhon, député de Forcalquier , demande et obtient un congé pour un mois. M. Rousselet, député de Provins , prie l’As-24 lr0 Série. T. XX.