77 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1790.] raît fondée et c’est pour ce motif que je vous propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale met de nouveau les juifs d’Alsace el des autres provinces du royaume sous la sauvegarde de la loi; défend à toute personne d’attenter à leur sûreté, ordonne aux municipalités et aux gardes nationales de protéger de tout leur pouvoir leurs personnes et leurs propriétés. » Ce projet de décret est mis aux voix et adopté. M. Millet de Murean, député de Toulon, dont les pouvoirs ont été validés dans la séance d’hier, est admis à prêter le serment civique. M. le Président demande l’autorisation de mettre irrévocablement à l’ordre du soir de la séance du lendemain, l’affaire relative à M. de La Borde, et celle qui concerne M. Riston, ces deux objets étant extraordinairement urgents; l’Assemblée, consultée, décide que ces deux affaires seront mises à l’ordre du jour du lendemain. M. Vernier, membre du comité des finances, propose, au nom de ce comité, divers décrets qui sont adoptés ainsi qu’il suit : l*r DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération des officiers municipaux et notables de la ville de Ver-feil, diocèse de Toulouse, en date du 29 mars, énonciative de celle du 14 du même mois, et l’adresse jointe auxdites délibérations, autorise les officiers municipaux de ladite ville à un emprunt de 2,000 livres avec intérêts, pour ladite somme être employée en ateliers de charité, le tout à charge de rendre compte de l’emploi. » 2° DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération du conseil général de la communauté de Poulangy, ressort de Nogent, mémoires et pièces y joints, autorise la municipalité dudit lieu à un emprunt de 7,000 livres, pour être ladite somme remboursée, dans le plus bref délai possible, sur le prix à provenir de la vente de portion du quart de réserve, lorsque ladite municipalité aura obtenu la permission d’en faire la coupe, et l’emploi en être fait : savoir, une moitié tant au soulagement des pauvres, qu’à terminer le procès suscité à ladite communauté, en dommages et intérêts de bris de clôture, et l’autre moitié répartie, soit dans la même proportion où la distribution du bois aurait dû être faite, soit également entre tous les habitants, s’ils y consentent; et ladite moitié, ainsi répartie, être remise aux collecteurs, à l’acquit de la cote de chaque contribuable, le tout à charge 4e rendre compte en la forme ordinaire. » 3“ DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu l’arrêt du conseil du 26 novembre, l’ordre du maître particulier, du 1er fé-vier 1781 ; les enregistrements des 16 février et 30 juin de ladite année ; comme encore, vu la délibération prise par la nouvelle municipalité, et le conseil général de la ville de Saint-Dié en Lorraine, du 5 avril 1790, énonciative des précédentes du 1er novembre 1789 et 18 février, autorise les officiers municipaux de ladite ville à percevoir par provision une somme de 15,500 livres sur le prix de la vente de ses bois communaux, ordonnée par l’arrêt ci-dessus, enjoint aux receveurs généraux des domaines et bois, et tous autres à qui il appartiendra, de verser provisoirement ladite somme dans la caisse de la recette de Saint-Dié, sans préjudice du surplus, à charge par les officiers municipaux de rendre compte de l’emploi. » M. l’abbé Gibert, député de Noyon , membre du comité des finances, propose un décret tendant à distribuer une partie des dons patriotiques au soulagement des citoyensde Noyon qui ont perdu leur habitation et leur mobilier dans un incendie qui a désolé cette ville. Un membre observe que l’administration a déjà donné pour cet objet un secours de 8,000 livres et que cette affaire regarde le pouvoir exécutif et noD l’Assemblée nationale. La motion de M. l’abbé Gibert n’a pas de suite. M. le Président informe l’Assemblée qu’il a reçu une requête par laquelle la ville de Nevers demande que son octroi, qui finit au mois d’octobre prochain, soit continué pour deux ans. Cette demande est renvoyée au comité des finances qui en rendra compte à l’Assemblée. M. Gillon, député de Verdun. Je vous demande un moment d’attention avant de passer à l’ordre du jour. Il s’agit de soustraire au pouvoir arbitraire un bon citoyen, un ami des principes que l’Assemblée nationale professe, prêt à payer de sa tête une conduite qui, peut-être, est digne de la couronne civique. Les officiers et les soldats du régiment de Vivarais, en garnison à Verdun, diffèrent d’opinion sur la Révolution : M. Arnould Muscard, fourrier des grenadiers, qui avait plusieurs fois manifesté ses sentiments avec énergie, a été arrêté dans les premiers jours de février. 11 était prêt à se voir juger par un conseille guerre, lorsque ses camarades tirent une députation au commandant pour demander l’exécution de vos décrets. Une copie de leur délibération a été adressée au comité des rapports: M.de Lapparent devait vous en rendre compte ; il s'en occupait, lorsque M. de La Tour-du-Pin l’a prié de ne pas rendre publics les motifs des divisions qui existent entre les soldats et les officiers du régiment de Vivarais. Le ministère a donné sa parole qu’il serait sursis à tout jugement et à toute exécution à cet égard; cependant il y a peu de jours que M. Muscard a été enlevé clandestinement des prisons par la maréchaussée, sans exhibition d’ordres, et sans que le lieu où on le conduisait fût connu. Cet abus de pouvoir arbitraire a excité une très grande fermentation: le corps municipal a ordonné au procureur de la commune de dénoncer cette infraction aux lois. Il a mandé le brigadier de la maréchaussée, qui, interrogé sur l’enlève-inent de M. Muscard, a dit que, le 12 avril, M. de Bouille lui avait envoyé un ordre signé du roi, et contresigné du ministre de la guerre, pour enlever avec le plus grand secret et transférer à Mont-médy M. Muscard. — L’Assemblée examinera sans doute cette affaire avec beaucoup d’intérêt. Je demande qu’elle soit renvoyée au comité des rapports, et que cependant le président soit autorisé à écrire sur-le-champ au ministre de la guerre 78 [Assemblée nationale.] pour l’informer que l’Assemblée s’occupera de cette affaire, et lui demander qu’il soit sursis à toute espèce de procédure. M. Achtard de Bonvouloir. M. Müscard est un de ces hommes qu’on employait à désorganiser notre armée. Sou sort est assuré, puisqu'il a été transféré à Montmédy. M. d’André. Quand il serait vrai que la conduite de M. Muscard eût mérité des reproches, il n’en serait pas moins certain que son procès devrait être fait dans les formes ; que M. de La Tour-du-Pin aurait dû ne pas manquer à sa parole, et que rien ne peut l’excuser d’avoir fait enlever clandestinement un citoyen, et d’avoir ainsi donné lieu à des inquiétudes et à des mouvements qui pouvaient avoir des suites fâcheuses. 11 faut déclarer que le ministre est personnellement responsable de tout ce qui peut arriver. M. Gourdan. Quels que soient les délits commis par M. Muscard, il doit être jugé ; pour qu’il le soit, il faut le réintégrer dans les prisons d’où il a été enlevé. Je demande que M. le président soit chargé de prier le roi de donner des ordres à son ministre. M. Voîdel. Il s’agit de la liberté d’un citoyen, le plus léger retard nous rendrait coupables. Je demande que, pour une plus prompte exécution, le ministre soit mandé à la barre. M. Goupil de Préfelu. L’affaire qui nous occupe doit être considérée sous trois rapports différents ; liberté civile, justice militaire, responsabilité des ministres. Vous ne pouvez prononcer sans être éclairés et je propose de charger M. le président d’écrire à M. le ministre de la guerre pour qu’il nous fournisse des explications. M. Martineau. Si vous adoptiez les mesures qu’on vous propose, ce serait suspendre lesjuge-ments militaires qui maintiennent seuls la discipline parmi les troupes. Voici le projet de décret que j’ai l’honneur de vous soumettre: « L’Assemblée nationale renvoie à son comité des rapports l’affaire relative au nomméMuscard, et cependant décrète que son président écrira au ministre de la guerre, à l’effet de lui demander tous les éclaircissements convenables sur cette affaire, et pour le prévenir que l’intention de l’Assemblée nationale est qu’il soit sursis à toute procédure contre l’accusé. » Ce projet de décret est adopté. M. le Président rend compte à l’Assemblée qu’il a porté, la veille, à la sanction du roi : Ie Le décret du 11 avril, portant que, dans toutes les églises paroissiales où il y a deux ou plusieurs titres de bénélices-cures, il sera, par provision, en cas de vacance par mort, démission, ou autrement, d’un des titres, sursis à toute nomination, collation et provision ; 2° Le décret du 15 avril, par lequel l’Assemblée déclare que sou décret du 6 mars, concernant les juridictions prévôtales, ne s'étend point aux prévôts de la marine, dont la juridiction et les fonctions sont continuées jusqu’à nouvel ordre. M. le Président prend ensuite le vœu de l’Assemblée, pour savoir s’il doit porter à la sanction et à l’acceptation dii roi les quatre articles dû rapport du Comité des dîmes décrétés dans la séance du 13 avril. que : « les quatre articles décrétés seront portés dans le jour à l’acceptation et à la sanction du roi. » M. le Président ayant la voix trop fatiguée, pour pouvoir se faire entendre, cède sa place à M. le baron de Menou, ex-président. U Assemblée passe à son ordre du jour qui est la discussion relative aux assignats . M. Bailly fait lecture d’une lettre qui lui a été adressée parle commerce de la ville de Paris, d’après le vœu des six premières places du royaume : cette lettre a pour objet de demander la prompte émission d’assignats-monnaie forcés, dont l’intérêt n’excéderait pas 2 à 3 0/0. M. Bailly. Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit sur dette importante matière. La ville de Paris est très intéressée à votre décision. Tous ses approvisionnements, qui s’élèvent par an à plus de 300 millions, ne peuvent être soldés qu’en argent : ce numéraire rentre ordinairement par la voie des impôts ; mais à présent que la perception est suspendue, les rentrées sont extrêmement diminuées. Les assignats répandus dans tout le royaume pourront remédier à cet état de détresse. Le retard du paiement des rentes a produit une grande gêne dans les fortunes, et une grande diminution dans les consommations. Le peuple, qui vit du travail de ses mains, est réduit à la dernière extrémité. Les assignats, en rendant l’aisance, donneront du travail au peuple, et Paris aura enfin sa part dans la prospérité publique. — J’ai entre les mains la soumission de la somme de 70 millions, que vous avez voulu que la municipalité se procurât. Conformément à vos ordres, je la soumettrai au comité chargé de prescrire les conditions du traité. M. d© Follcville. Je demande l’impression de la lettre que M. Bailly vient de lire, afin que les provinces sachent qu’on a employé ce grand mobile pour déterminer l’Assemblée, incertaine dans une délibération de cette importance. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette demande.) M. Aubry. Je n’ajouterai aux raisons qui ont été présentées parM. l’abbé Maury et M. Martineau qu’une seule considération. Vous voulez faciliter les ventes que vous avez ordonnées ; eh bien î les capitalistes garderont les assignats s’ils portent intérêt. M. Moulins de Boquefort. fin confondant les dettes du clergé avec celles de l’Btat, vous les faites changer de nature... Je propose deux amendements : le premier a pour objet d’assurer aux créanciers du clergé une hypothèque spéciale et privilégiée sur les biens ecclésiastiques ; le second, de donner aux créanciers la préférence dans les ventes sur tout autre acquéreur. M. l’abbé Gouttes. Après les discussions savantes que vous avez entendues, je ne m’en permettrai aucune ; j’examinerai seulement quelques objections. Le numéraire est caché; il faut le faire sortir : nous avons de grands besoins ; lés assignats sont notre seule ressource. Serdüt-ilS I établis avec intérêt ou sans intérêt ? Voilà la prin-I cipale question. Si nous donnons aux assignats ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 avril 1790.] L’Assemblée décrète