438 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fnovembrem" VI. Jean-Baptiste Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, au comité de Salut public (1). « Carentan, le 3e jour du second mois • de l’an II de la République. « Citoyens collègues, « Je viens d’écrire à la Convention nationale. Garnier et moi nous avons concerté toutes nos mesures à Coutances, d’où j’arrive; il a adopté chacune des dispositions de mon arrêté. Il se rend à Granville, pour organiser sur ce point ,ou à Avranches, les troupes que nous envoyons au secours de l’Ille-et-Vilaine, et moi je vais à Cherbourg pour surveiller l’Anglais. Nous fai¬ sons face à tout. Garnier vous donnera des nou¬ velles de Rennes. J’espère n’avoir rien de nou¬ veau à vous annoncer sur Cherbourg. Le batail¬ lon du contingent du district de Coutances va encore venir augmenter la garnison de ce fort. « Soyons également hors d’une trop grande sécurité et des terreurs paniques, et nous serons dans la mesure du courage et de la prudence. Telle est ici la disposition des esprits. « Le département de la Manche prouvera à la République qu’il est capable d’exterminer d’un bras l’ennemi intérieur et d’anéantir de l’autre l’ennemi étranger. Comptez sur lui. L’Anglais n’approchera pas, ou il disparaîtra ici du sol de la liberté. Le premier homme qu’il aurait à frapper -ce serait moi; et les anciens vainqueurs de ce vil insulaire n’oublieront pas, sous les drapeaux de la liberté, ce qu’ils firent sous l’étendard du despotisme. « Le Carpentier. » VII. Garnier de Sadntes, représentant du peuple près Varmée des Côtes de Cherbourg, au comité de Salut public (2), « Coutances, le 3 du 2e mois de l’an II de la République. « Je vous dois l’hommage des réflexions que la prise de Noirmoutier m’a mis dans le cas de faire avec les citoyens Peyre et Dobenheim, in¬ génieur; vous ne les trouverez pas, je pense, dénuées de fondement. « Vous vous souvenez que l’hiver dernier, les brigands s’étaient emparés de l’île de Noirmou¬ tier et qu’ils ne l’avaient pas fait sans dessein; c’est de ce point qu’ils ont tiré les différents approvisionnements qui ont alimenté leur guerre. Pressés par notre armée victorieuse à Çholet et à Mortagne, ils ont senti la nécessité de reprendre cette île encore pour s’alimenter par le secours des Anglais, car, ne vous y trom¬ pez pas, cette guerre est celle de l’ Angleterre contre nous. Cette attaque est donc combinée (1) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17, liasse 2. (2) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Cherbourg, carton 5/17. avec l’escadre anglaise ; les mouvements des ré¬ voltés nous le font conjecturer. En effet, divisés en trois colonnes principales,, l’une toujours dans la Vendée, l’autre qui s’est portée à Noir¬ moutier et la troisième qui s’étend actuellement dans la Mayenne, ils ont nécessairement l’inten¬ tion, ou du moins les Anglais par eux, de tenter une descente soit sur les côtes de Cherbourg, soit sur celles de Brest, et voici ce qui nous le fait conjecturer. « L’escadre anglaise croise depuis longtemps sur l’Océan; la nôtre, très inférieure, est ren¬ fermée dans la rade de Brest; la presqu’île de Quelern qui la protège n’est pas dans un état de défense suffisant, de manière que l’ennemi tentant un débarquement de 15 à 18,000 hom¬ mes dans la baie de Douarnenez, pourrait s’em¬ parer de cette presqu’île et réduire notre flotte à l’impossiblité de sortir; il ne serait question que de sacrifier des hommes et ils leur coûte¬ raient très peu, puisqu’ils les prendraient dans l’île de Noirmoutier, occupée aujourd’hui par les rebelles ; car on ne peut croire qu’ils se soient divisés dans deux points si opposés sans un pro¬ jet bien concerté. « Si cette attaque paraît trop difficile, il leur reste une autre tentative qu’ils pourront essayer, peut-être avec plus de succès. En effet, la co¬ lonne qui se porte dans la Mayenne et qui peut venir presser de plus près les premières lignes du département de la Manche, va attirer néces¬ sairement vers eux une partie des forces de ce département et de celui de l’Ille-et-Vilaine, dès lors, les ennemis connaissant cet affaiblissement de forces, peuvent venir avec les troupes qu’ils auront tirées de Noirmoutier pour tenter leur descente, soit à la Hougue, soit aux environs de Cherbourg, et nos forces ainsi pressées par celles du débarquement et par la colonne à laquelle nous serons venus faire face, elles se trouveront entre deux feux, et d’autant moins dans le cas de résister, qu’avec de tels avantages de la part de l’ennemi, nous ne pouvons guère compter sur les secours des départements qui nous environ¬ nent, et dont vous connaissez les principes� comme moi. Pour se former une idée plus natu¬ relle de la vraisemblance de ces conjectures, songez que l’Angleterre s’occupe depuis long¬ temps à la construction de beaucoup de bateaux plats; qu’elle a toujours ménagé des intelligences soit avec des révoltés, soit avec les côtes de la Manche; qu’on a vu devant Honfleur plusieurs voiles anglaises, comme je vous l’ai marqué il y a peu de jours, et qu’on a remarqué qu’elles faisaient route vers l’ouest. « C’est d’ailleurs à cette époque que la Béu-nion a été prise; il paraît même, d’après les forces que les ennemis avaient dans la Manche, qu’ils auraient pu la prendre beaucoup plus tôt s’ils avaient voulu, puisqu’on avait aperçu plu¬ sieurs autres voiles, et qu’ils ne s’en sont défi¬ nitivement emparés, que quand, résolus d’exé¬ cuter leur projet, ils n’ont plus voulu avoir d’observateurs dans la Manche. « Si ces réflexions vous frappent, vous sentirez dès lors la nécessité de faire marcher (contre la colonne des révoltés de la Mayenne qui peuvent grossir en roulant) des forces tirées des dépar¬ tements de la Sarthe, d’Eure et d’Eure-et-Loir, afin que le département de la Manche ne soit pas au dépourvu, car dans ce moment nous n’avons que deux bataillons disciplinés, qui sont les 31e, ci-devant Aunis, et un de la Somme. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { Novembre 1793 1 439 « Le succès que nous avons eu à Maubeuge et qui ne rend plus nos dangers aussi imminents dans la partie du Nord, peut influer à vous décider dans l’exécution de cette mesure. Ne perdez pas d’ailleurs de vue, pour vous fixer sur la certitude de quelque grand projet des Anglais, que l’envoi par eux fait de 4 vaisseaux de Toulon à la flotte de Brest tient à quelque profonde machination, telle que le scélérat Pitt est capable de la concevoir. « Yoilà ce que j’ai à vous communiquer après des réflexions mûries, la carte sous les yeux, et je pense qu’elles fixeront votre attention et que vous les discuterez avec le pouvoir exécutif. « Salut et fraternité. « Je reçois dans ce moment une lettre du général Vergnes qui m’annonce que l’ennemi s’avançant toujours s’est emparé de Laval et n’a pas dû y trouver une grande résistance, car le patriotisme n’est pas chaud dans le pays. Hâtez-vous donc de nous envoyer de grands secours si vous voulez que nous les enveloppions de manière à ce qu’il n’en échappe aucun. Mais pour que les révoltés qui sont maîtres de Nor-moutier ne puissent pas plus échapper que ceux de la Mayenne, faites venir des forces mari¬ times du côté de l’ouest, pendant que nos forces victorieuses de la Vendée marcheront vers cette île; et dès lors il leur sera impossible de se réunir aux Anglais. « Garnier de Saintes. » « P. -8. Les fusils de Caen n’arrivent point, j’envoie un nouveau courrier extraordinaire. » VIII. Le Tourneur, représentant du peuple, dans le dé¬ partement de VOrne et dreonvoisins, à V effet de prendre toutes les mesures de salut publie, à ses collègues membres du comité de Salut pu¬ blic de la Convention nationale (1). « Alençon, le 3e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République une et indivisible. « Citoyens collègues, « Je vous ai marqué ce matin que 400 hommes étaient partis d’avant-hier pour se rendre à La¬ val, 100 autres étaient partis hier, venus de Mortagne; 400 autres venant d’ Argentan, arri¬ vés de ce jour, allaient les suivre. Quelle est et quelle sera votre surprise, citoyens collègues, lorsque vous apprendrez que (le directoire du district de) Mayenne, par un arrêté de ce jour, dont je vous envoie la minute (2), fait évacuer Mayenne et ordonne à nos troupes de se replier sur Alençon. J’ai envoyé à Mamers pour avoir des subsistances, on ne peut m’en procurer. Fres-ney m’abandonne par grâce 60 boisseaux, me¬ sure d’Alençon de 30 livres. Je mets tout en réquisition. J’envoie à Pré-en-Pail pour y faire Tester et servir d’avant-garde le détachement qui y est. Le procureur (général) syndic du dé¬ partement m’est annoncé devoir arriver ce soir. ( 1 ) Archives du ministère de la guerre, armée des Côtes de Brest, carton 5/13, liasse 2. (2) Cette pièce n’était pas jointe à la lettre. Je vous rendrai compte de ee qu’il m’aura dit. Le comité de surveillance m’envoie ehercher pour être témoin de la déposition d’un parti¬ culier, aide de camp de l’armée des rebelles. Je vous envoie le procès-verbal (T). Cet homme a la langue bien effilée, il a la figure bien ouverte et il paraît qu’il met de la bonne foi dans ses dépositions par l’espoir qu’il a d’avoir sa grâce. J’envoie au Havre et à Rouen pour faire arrêter les individus désignés. « Vous verrez par le procès-verbal du bataillon que nous avons fait partir que le district de Mayenne a dû prendre deux arrêtés et je n’en ai reçu qu’un, la signature du secrétaire moitié effacée. « Je renvoie à Mayenne pour avoir des ren¬ seignements plus positifs. J’envoie ehercher à Rouen un millier de poudre. Je désire bien que le ministre nous envoie quelques armes. « Thirion est parti du Mans avec 200 hommes et se porte sur Laval par Brulon. « Le district d’Évron et celui de Sillé-le-Guil-laume se retirent sur Fresnay et tout ce pays souffre pour les subsistances. « J’ai écrit à Chartres pour les prévenir que je leur envoie les détenus qui nous viennent de Laval, ceux de Mayenne, et ceux de cette ville. Les prêtres, au nombre de 60, devaient arriver ce soir ici, je ne sais qui les a arrêtés en route, seulement je sais qu’üs vont à Lassay. Je les envoie chercher parce que je ne veux pas qa’ils tombent au pouvoir des rebelles. La Mayenne en général est très fanatique, et le département de l’Orne en renferme un grand nombre. « Je n’ai pu me procurer de secrétaire qu’ au¬ jourd’hui, je vais faire copier tous les arrêtés que j’ai pris depuis mon départ et les ferai passer à tous les comités qu’ils concernent. « Si vous le jugez nécessaire, vous m’obligerez en m’envoyant un collègue, car avec la meil¬ leure volonté, je ne me crois pas les talents et les forces nécessaires pour opérer tout le bien que je désire. Depuis 3 jours, je ne (me) eouehe pas, je ne suis pas secondé parce que toutes les admi¬ nistrations craignent de se compromettre et elles ne feraient pas une pause d’a (sic), qu’elles ne m’eussent prévenu ou consulté. Toutes les mu¬ nicipalités de campagne m’accablent pour les subsistances et les détenus. « Je vous envoie un malheureux jeune homme qui a perdu la vue au service de la patrie, une balle lui est-entrée par une tempe et sortie par l’autre. Il a besoin de secours et je ne doute pas que la Convention ne le reçoive avec intérêt. « J’ai fait arrêter plusieurs distributeurs de faux assignats, ce sont des marchands de che¬ vaux pour le compte de la République : ils sont actuellement devant leurs juges. J’ai déjà saisi 4 assignats faux de 400 livres chacun, tous si¬ gnés Abraham. Il y en a deux émissions, les uns sont bien mieux faits que les autres. « Je vous fais passer aussi deux canons de fusils achetés par la commune de Mortagne qui, lorsqu’on les a essayés, se sont brisés, comme vous le verrez. J’ai fait arrêter le marchand et rendre le montant ; il y en a 72, je les ai saisis J’ai su quel était le premier vendeur, je l’ai fait prendre cette nuit à Argentan; celui-ci me dé¬ clare les avoir achetés au Havre, je vais le faire arrêter également. « Les prêtres constitutionnels dans les dis*. (1) Cette pièce n’était pas jointe à la lettre.